• il y a 11 mois
Comment financer la transition écologique et énergétique ? Pour en parler : Yves Perrier, président de l’Institut de la finance durable (IFD), entité qui coordonne l'action de la Place financière de Paris pour la transformation de l'économie vers un modèle bas-carbone. Il revient sur la mobilisation de l’épargne des Français, sur le problème de la rentabilité économique des projets de transition, ou encore sur le fait que le défi climatique implique une véritable révolution industrielle.

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Transcription
00:00 [Générique]
00:06 C'est le Zoom de ce Smart Impact. Il est consacré au financement de la transition écologique des entreprises.
00:12 Je reçois Yves Perrier. Bonjour, bienvenue.
00:14 Bonjour.
00:14 Vous êtes le président de l'Institut de la Finance Durable.
00:16 Vous avez remis il y a quelques mois, l'été dernier, au ministre de l'Économie votre rapport qui souligne,
00:21 entre autres, le rôle massif que l'épargne des Français peut jouer, pourrait jouer dans cette transition.
00:26 On y reviendra. Mais d'abord, les enjeux. Pour atteindre les objectifs de l'accord de Paris, combien d'argent faut-il mobiliser chaque année ?
00:33 Ça représente quoi ?
00:34 Alors le montant des investissements supplémentaires annuels, en fait, on l'estime entre 50 et 70 milliards d'euros par an.
00:47 Et en termes de répartition, c'est schématiquement un gros tiers tout le secteur énergétique, donc faire les centrales nucléaires, le Vlamble, etc.
01:01 Un gros tiers, les particuliers. C'est la question des rénovations thermiques, des bâtiments et de la mobilité électrique.
01:12 Et puis le dernier volet, ce sont les entreprises qui doivent transformer leurs outils de production.
01:22 Et là, à cet égard, il y a un point très important, en fait, qu'il faut avoir en tête.
01:27 Cette question de la transition écologique ou énergétique ou écologique a souvent été traitée, je dirais, d'une façon morale.
01:37 Et je dirais qu'il faut prendre cette affaire pour ce que c'est. C'est une révolution industrielle qui a réalisé,
01:43 révolution industrielle a réalisé à l'échelle planétaire dans un temps rapide, une trentaine d'années, et qui touche, en fait, tous les volets.
01:54 Le secteur énergétique pour réinventer l'énergie, c'est une affaire promettienne que de sortir du fossile.
02:00 Il faut changer les produits. C'est une voiture moteur électrique versus une voiture moteur thermique.
02:06 Il faut changer les modes de production. On fabriquera toujours du ciment, de l'acier, mais avec des procès différents.
02:12 Et enfin, c'est changer les usages. – On peut prendre... Il y a eu l'industrialisation.
02:18 On peut dire que c'est l'écologisation, pour comprendre que c'est un processus qui, forcément, prend du temps, même s'il y a une urgence.
02:24 – Bien sûr qu'il prend du temps. Et il faut bien comprendre la nature et les enjeux, notamment politiques.
02:32 Au début du 19e siècle, l'humanité vivait à peu près comme au temps des Romains.
02:37 Et en deux siècles, on a transformé les modes de vie pour avoir notre mode de vie actuelle,
02:43 qui est quand même excellent à beaucoup de points de vue, même si tout le monde pense que c'est pire maintenant qu'avant.
02:53 Mais y compris à l'échelle planétaire. – Bien sûr.
02:58 Comment on l'a fait ? On l'a fait à partir de révolutions énergétiques.
03:02 La première, c'est le charbon. La deuxième, c'était le pétrole et le gaz.
03:08 Et qui, enfin, ont été faits à partir des fossiles.
03:11 Et la particularité de ces révolutions industrielles, c'est qu'on les a faites en deux siècles,
03:16 mais aussi qu'elles ont créé énormément de valeurs d'usage.
03:20 On a eu des voitures, des modes de locomotion, on s'est chauffé différemment,
03:24 la santé a été complètement améliorée, etc.
03:28 Aujourd'hui, la révolution industrielle consiste à sortir du fossile,
03:31 pour le remplacer par des renouvelables.
03:34 Mais la différence, c'est qu'il faut la faire plus rapidement et qu'il n'y a pas de valeur d'usage.
03:38 Parce que grosso modo, on vivra comme avant, si vous voulez.
03:42 Et donc, la difficulté est plus grande et la gestion politique, au sens noble du terme, est clé dans cette affaire.
03:50 Après, bon, c'est un autre débat, mais est-ce qu'on vivra vraiment comme avant ?
03:54 Est-ce que c'est réaliste, sans changer aussi nos modes de vie ?
03:57 Bon, bref, je ne voudrais pas rentrer dans ce débat, parce que je voudrais revenir au chiffre que vous avez donné.
04:01 Vous dites entre 50 et 70 milliards par an. On en est très loin aujourd'hui, on est à combien ?
04:06 On est plutôt à la moitié, aujourd'hui.
04:09 Donc, il y a un gros effort à faire.
04:10 Il y a un gros effort à faire. Alors, un, c'est normal que ça prenne un peu de temps.
04:16 Parce que, au fond, faire ses investissements, investir dans les technologies, changer des modes de production,
04:25 ça ne se fait pas non plus du jour au lendemain.
04:29 Donc, il n'est pas normal qu'on ne soit pas encore au rythme de croisière.
04:33 Mais la deuxième raison, si vous voulez, c'est qu'au fond, je suis rentré dans l'examen de ce dossier
04:42 avec l'idée qu'on avait un vrai problème de financement.
04:45 Je pense qu'on n'a pas de problème de financement, on a un problème de projet.
04:48 Il n'y a pas assez de projet. Et pourquoi il n'y a pas assez de projet ?
04:52 C'est parce qu'on n'a pas créé les conditions de la rentabilité économique de ces projets.
05:00 Donc, ils ne sont pas assez attractifs.
05:01 Ils ne sont pas assez attractifs, si vous voulez.
05:03 Et prenons l'exemple des rénovations thermiques, des appartements.
05:10 Grosso modo, la valeur moyenne du logement pour un Français, c'est 230 000 euros.
05:15 Et on estime le coût moyen de la rénovation thermique à 30 000, 40 000 euros.
05:20 Sauf que si vous faites cette rénovation thermique, vous serez un peu mieux chauffé.
05:26 Mais vous ne rentabilisez pas l'investissement dans l'économie, du coût de l'électricité, d'énergie, etc.
05:33 Et donc, c'est un des points qui freine énormément.
05:37 Et on pourrait multiplier les exemples de ce type.
05:40 Donc, un des grands sujets, c'est non seulement de trouver les ressources,
05:44 mais de créer les conditions de la rentabilité économique de ces projets.
05:48 – Et donc, dans le rapport que vous avez remis au mois de juillet au ministre de l'Économie,
05:51 il y a la question de la mobilisation de l'épargne financière des ménages français.
05:56 Je crois que c'est 6 000 milliards d'euros au global.
05:59 Il y en a… Quelle part est mobilisée d'une certaine façon ?
06:02 – L'épargne financière, c'est 6 000 milliards.
06:06 Mais il y a deux tas. L'épargne à court terme, qui fait 3 000 milliards.
06:11 Et l'épargne à long terme, qui fait aussi à peu près 3 000 milliards.
06:15 Je considère que celle qui est mobilisable, c'est l'épargne de long terme.
06:19 Parce que l'autre, elle correspond à la précaution.
06:21 Et comme quand on fait des investissements de long terme, il faut…
06:25 – Et alors, comment on peut la mobiliser ?
06:27 Parce que finalement, si on a 3 000 milliards d'un côté,
06:29 et qu'il en faut 50 à 70 par an, ça devient d'un seul coup possible.
06:34 – Oui, évidemment. Mais comment on donne envie aux Français
06:37 de mobiliser leur épargne sur ces projets ?
06:40 – En effet, quand on rapporte les flux au stock, on dit finalement,
06:44 c'est pas tant d'argent que ça.
06:46 Et je dirais que même si on prend la production annuelle,
06:48 l'augmentation de l'épargne, c'est entre 100 et 130 milliards par an.
06:52 Donc c'est grosso modo deux fois le montant des investissements.
06:56 Donc la question clé, c'est comment flécher cette épargne,
07:01 je veux dire, en faveur de cet investissement.
07:05 Le premier point, je reviens, il faut d'abord déclencher les investissements.
07:11 Et déclencher les investissements, il faut leur donner une rentabilité économique.
07:14 C'est pour ça que je propose notamment, si vous voulez,
07:18 qu'on ait un système de crédit d'impôt, si vous voulez,
07:23 pour l'investissement, par exemple, des particuliers,
07:27 par exemple sur une durée de 15 ans, et aussi des prêts à taux zéro,
07:33 de telle façon que la combinaison d'une bonification d'intérêt
07:39 plus le crédit d'impôt fait que ça sera grosso modo rentable
07:44 pour le particulier de faire.
07:46 Et ensuite, comment on le finance ?
07:48 Une fois qu'on a le projet, je dirais que là, en fait,
07:52 le système financier, si on prend tel qu'il est aujourd'hui,
07:56 l'épargne réglementée était créée dans le début des années 80.
08:01 C'était les plans d'épargne, logements, livrets à une partie,
08:07 et dans le bilan des banques, une autre partie,
08:09 et centralisé à la caisse des dépôts.
08:11 Ça, ça fait 1000 milliards.
08:13 Les 2000 milliards restants, c'est l'assurance vie.
08:17 Bon, principalement, les trois quarts, c'est l'assurance vie en euros.
08:22 Au début des années 80, on a su orienter l'épargne des Français
08:27 pour financer l'accession aux logements
08:29 parce que c'était un choix politique, etc.
08:31 Donc, ce n'est pas si compliqué d'orienter l'épargne des Français
08:33 vers l'investissement d'affranchissement écologique.
08:36 Si vous voulez, dont une partie, d'ailleurs, est gérée
08:38 dans le fonds d'épargne de la caisse des dépôts,
08:39 et ça dépend directement de Bercy.
08:42 Il n'y a même pas besoin de passer au parlement.
08:44 Alors, pourquoi ce n'est pas fait ?
08:45 Je pense qu'en fait, comme toujours,
08:47 quand on vit une époque de transformation, de mutation,
08:51 il y a toujours un peu de retard à l'âge humain.
08:53 Qu'est-ce qui s'est passé depuis le mois de juillet,
08:54 depuis que vous avez remis cet effort ?
08:56 Pour l'instant, il n'y a pas suffisamment, je stime,
09:00 de choses qui sont faites.
09:01 On a fait un livret à Vert, Jeunes...
09:05 J'ai tendance à dire que c'est un sujet marginaux.
09:09 Je pense qu'il faut leur donner, en fait, une autre impulsion.
09:14 Et la thématique de réindustrialisation verte,
09:17 qui est la thématique qui a été retenue
09:19 au niveau du ministère de l'Economie par Bruno Le Maire,
09:22 est la bonne thématique.
09:24 Parce qu'en fait, la France est finalement bien placée dans cette affaire.
09:32 Pourquoi ? Nous avons le système énergétique,
09:35 un des meilleurs au monde pour ce qui est de la question du CO2,
09:40 grâce au nucléaire.
09:41 Même si on a erré pendant une dizaine d'années,
09:44 je pense qu'on a pris le bon virage maintenant,
09:47 si on compare avec un atout considérable,
09:50 qui est notre système énergétique.
09:52 Quand vous faites 1 kWh d'énergie en France,
09:56 vous émettez près de 10 fois moins de CO2 qu'en Allemagne.
10:02 Deuxième point, un des grands problèmes français,
10:06 ça a été la désindustrialisation.
10:09 Aujourd'hui, l'industrie française, c'est 10 % du PIB,
10:12 comme la Grèce.
10:15 Quand on regarde les émissions,
10:17 nos émissions de CO2 en France diminuent,
10:20 mais on importe de plus en plus pour des produits chinois.
10:24 Donc on a la double peine.
10:26 Il faut plus massivement investir dans l'industrie.
10:31 Il faut faire les bons choix industriels,
10:34 il faut que ce soit fait en partenariat entre les industriels et les pouvoirs publics.
10:38 Il faut retrouver l'idée de la planification.
10:41 Et ensuite, il faut réfléchir cette épargne de cette façon-là.
10:46 Soit on peut le faire de manière très directe,
10:49 quand on est dans le fonds d'épargne de la Caisse des dépôts,
10:52 et quand on est dans l'assurance-vie,
10:54 on peut jouer par l'incitation fiscale favorable à ce type d'investissement.
10:59 - Mobilisons l'épargne des Français pour la transition écologique.
11:02 Merci beaucoup Yves Perrier, à bientôt sur Bsmart.
11:05 C'est l'heure de notre rubrique Start-up avec une solution simple
11:09 simple pour analyser le cycle de vie des produits.

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