INTROSPECTION du 27 mars 2025
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00:00Marwan, vous avez un parcours tellement riche et on a huit minutes pour en parler.
00:10Donc, on va aller à l'essentiel, l'ADGA, Airbus, aujourd'hui les fonds d'investissement.
00:16Comment tout ça est arrivé ?
00:18Toujours, non pas par hasard, mais en me laissant porter, sans plan.
00:26C'est une erreur de penser qu'il y a un plan.
00:28Déjà, l'école polytechnique, je découvre l'existence de l'école polytechnique grâce à Isabelle Adjani.
00:35Ah, c'est pas banal.
00:37Je regarde un film avec Montand et Adjani qui s'appelle « Tout feu, tout flamme ».
00:42Oui, à Front Egypte, je me souviens.
00:44Et le film commence par Adjani défilant comme major de polytechnique, porte-drapeau.
00:50Je demande à mes parents, ça existe toujours ?
00:54Eh oui, ça existe.
00:55Qu'est-ce qu'il faut faire pour faire ça ?
00:57Matzup, matzpe.
00:59Je ne connaissais pas le système, je suis à Beyrouth à ce moment-là.
01:04Donc, matzup, matzpe, admis à polytechnique.
01:09La deuxième rencontre, c'est, je pars faire la fête à Aix-en-Provence avec mes camarades,
01:15et on voit voler le Rafale A pour la première fois.
01:20Donc, ce bel avion, ce bel oiseau bleu, blanc, rouge,
01:23pour la première fois qui fait des évolutions dans le ciel de Istres.
01:28Et là, je dis, je veux faire ça.
01:31Je veux faire ça, donc DGA.
01:34Je passe quelques détails, parce que ce n'était pas évident pour un élève libanais,
01:39donc un élève étranger à polytechnique.
01:42J'ai repassé des concours, donc je passe les détails.
01:46J'arrive à la DGA le 1er septembre 1989, au centre d'essai des Landes,
01:51pour essayer des missiles, et en particulier les missiles de la force de dissuasion.
01:58C'est là où je tombe dans ce qui est la pointe de diamant de la défense française,
02:04c'est-à-dire la dissuasion nucléaire.
02:06C'est là où je rencontre, vous m'avez parlé de Laurent Colébillon à l'instant,
02:10c'est là où, pour la première fois, un tout petit peu après, en 1990,
02:14je rencontre avec Laurent et d'autres.
02:16Est-ce qu'on pourrait imaginer qu'il faut déjà avoir eu un parcours pour entrer à la DGA ?
02:21Alors que là, c'est votre première fonction, vous êtes jeune encore,
02:24sur des sujets extrêmement...
02:26Je rentre comme jeune ingénieur à la DGA.
02:29Oui, mais bon...
02:31C'est la beauté, c'est la force du système français, du système de la fonction publique,
02:38la haute fonction publique française, c'est de recruter à la fois des jeunes
02:42et des plus vieux, et de former.
02:44Il ne s'agit pas seulement de recruter, il faut toujours former, il faut toujours transmettre.
02:49Ça, c'est une des leçons que je retiens de cette époque-là.
02:53Pourquoi vous l'équitez, alors ?
02:55Alors, j'ai fait un parcours complet.
02:58C'est-à-dire, j'ai été à la DGA, d'abord en centre d'essai,
03:02toucher du doigt, apprendre vraiment comment ça fonctionne, un travail d'ingénieur.
03:08Ensuite, je bascule en administration centrale, comme on dit,
03:13où là, je fais plus du politico-militaire, je m'initie à la géopolitique.
03:17Je rejoins le cabinet du ministre de la Défense à un moment où,
03:21comme conseiller industriel, tout est en train de changer.
03:25C'est le passage à l'armée professionnelle, la réduction de format des armées,
03:30la privatisation de l'industrie de défense.
03:34Donc, toutes ces expériences uniques que j'ai la chance de…
03:40C'est très prétentieux de dire « être à la manœuvre ».
03:44On n'est pas à la manœuvre, on participe, c'est un travail collectif.
03:48Et puis, une fois que j'ai fait ce parcours très, très vite,
03:52en réalité, entre 1989 et 1997, le retour à la DGA est très difficile
03:59parce qu'il n'y a pas de possibilité, il n'y a pas de poste disponible.
04:06Il faut attendre.
04:08Et c'est à ce moment-là que François Rousseli,
04:12qui était le directeur du cabinet du ministre,
04:16qui a succédé à mon patron au ministère de la Défense…
04:19Moi, j'ai travaillé avec Charles Millon et François Rousseli dirigeaient le cabinet d'Alain Richard.
04:24C'est François Rousseli qui me dit « peut-être qu'il faut que tu regardes
04:28à l'extérieur, peut-être qu'il faut que tu te mettes en relation
04:32avec le patron de l'aérospatiale, donc la Société Nationale Industrielle Aérospatiale,
04:37entreprise publique à 100%, qui faisait des très belles choses,
04:42mais qui avait besoin de modernisation.
04:45Et c'est comme ça que j'arrive à l'aérospatiale.
04:47Et là, une fois de plus, j'ai la chance de tomber sur une série de mouvements magnifiques.
04:54La chance et du talent, peut-être ?
04:57Les gens talentueux ont de la chance.
05:02C'est très important d'aller chercher sa chance.
05:07Avec Yves Michaud, qui était le PDG de l'aérospatiale,
05:11avec François Hoque, qui en était le directeur financier,
05:13on cherche, on négocie, on discute.
05:17Et ce qui était totalement improbable, puisque c'étaient les frères ennemis,
05:22on propose à Lagardère de fusionner Aérospatiale et Matras.
05:28Et là, je rencontre des gens encore plus formidables.
05:31Philippe Camus, qui est un mentor en business pour moi,
05:36Jean-Louis Gergorin, Jean-Paul Guth,
05:40Jean-Luc Lagardère, évidemment, grand monsieur.
05:43Et là, c'est le toboggan.
05:47On fait la fusion Aérospatiale-Matras dans la foulée,
05:50on fait la fusion avec DASA en moins de deux ans.
05:56On rachète CASA en Espagne, on crée la société Airbus,
06:00on crée la société MBDA, on crée la société Astrium.
06:04C'est une période unique.
06:10Sans modestie, à quoi vous attribuez votre ascension et votre succès ?
06:15Aux rencontres.
06:17Qui vous ont stimulé, qui vous ont donné votre sens ?
06:19J'ai toujours rencontré des gens qui ont cru en moi,
06:24qui m'ont montré la voie, qui ont déblayé et qui m'ont dit « avance ».
06:31C'est le rugby.
06:33C'est intéressant ce parallèle.
06:36Vous êtes bon parce que vous avez des talents techniques individuels,
06:41vous avez les skills.
06:43Je ne dis pas que je n'ai aucun talent.
06:45J'ai travaillé là-dessus.
06:47Mais c'est collectif.
06:50Quand vous avez un bon déblayage dans une mêlée, vous ramassez le ballon.
06:56Quand vous faites une bonne passe, votre allié marque.
07:00Quand on vous fait une bonne passe, vous marquez.
07:02Vous avez fait la même chose pour la génération ?
07:05La seule ambition qui me reste, c'est de transmettre aujourd'hui.
07:11De faire en sorte que dans dix ans, j'ai quinze ans de moins que Philippe Camus.
07:16Je parle beaucoup de Philippe Camus.
07:18J'ai quinze ans de moins que Philippe Camus.
07:20Dans quinze ans, j'espère que quelqu'un dira « j'ai rencontré Marouane Lahoud,
07:24c'est ce qui a fait ma carrière ».
07:26Merci de clore cette séquence sur cette belle phrase.
07:29A tout de suite.