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INTROSPECTION du 13 mars 2025

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Transcription
00:00Donc vous voilà Laurent, diplômé, vous avez intégré la DGA, il se passe quoi ?
00:09Eh bien je rejoins Bordeaux, l'atelier industriel de l'aéronautique qui fait de la réparation de moteurs d'avion.
00:15Je rejoins Bordeaux en grande partie parce que je voulais jouer à beigle.
00:19Ah oui, toujours le rugby qui vient s'interposer dans votre vie professionnelle.
00:24J'ai joué à beigle du coup, un petit peu, à un niveau qui était vraiment à l'extrême limite de ce que je pouvais atteindre.
00:33Et puis cette affectation a permis de découvrir la vie industrielle, la CGT, les syndicats,
00:40le monde ouvrier qui est quand même assez lointain des études supérieures et des écoles d'ingénieurs.
00:47Et donc ça a été extrêmement enrichissant de ce point de vue-là.
00:49J'y suis resté deux ans et demi.
00:51Je rejoins après des services techniques parisiens pour m'occuper de télécommunications,
00:55de systèmes d'information divers, de sécurité de l'information,
00:59donc des choses qui sont encore d'actualité aujourd'hui quelque part,
01:04avec des supérieurs qui sont de très grande qualité.
01:10Donc des bons mentors.
01:12Je rencontre à cette occasion-là quelqu'un qui aura une grande influence sur ma vie professionnelle,
01:17qui s'appelle Jacques Bousquet, qui était directeur adjoint du service,
01:22et qui est un homme avec des qualités remarquables de vision, de bon sens, qui m'a inculqué.
01:32J'avais un chef direct, qui s'appelait Michel Scheller, qui était très très bien aussi,
01:36d'un autre modèle, avec un entregen politique certain, lui.
01:41Et donc je découvre la vie de directeur de programme également,
01:46on conduit des projets, on est prié de les faire aboutir,
01:50on est responsable du financement, du calendrier,
01:53du respect des spécifications techniques de ce qu'il faut réaliser,
01:58donc on apprend les responsabilités quelque part.
02:02– Mais étiez stressant quand même ?
02:04– Pas du tout.
02:05– Pas du tout parce que vous n'êtes pas stressé, si je comprends bien.
02:09Mais c'est stressant, le costume est lourd à porter,
02:11vous avez une responsabilité au niveau des résultats.
02:15– Le costume est parfois un peu encombrant,
02:17mais moi je n'ai jamais ressenti d'un stress tout à fait particulier,
02:22à titre personnel, j'aimais bien faire porter le stress sur les autres.
02:26Donc ça c'est ma caractéristique probablement, mais c'est dans ce sens-là que je le vois.
02:31Et au fond, si on vous donne des responsabilités, c'est que vous les méritez probablement.
02:36J'ai encore confiance dans le système et sa capacité à choisir les individus
02:40de la manière correcte pour que les choses se passent correctement,
02:44donc pour que ça se passe correctement, il faut que la personne soit compétente,
02:48tienne son rôle et qu'elle mérite votre confiance.
02:51La confiance c'est quelque chose qui est extrêmement important et qui se partage,
02:54quelque part entre, on peut dire le manager, le managé en français moderne,
02:59ou les personnes tout simplement, je crois.
03:02– Et donc on avance dans votre carrière,
03:04et là vous continuez à gravir les échelons de la DGA.
03:08– Oui, je fais un détour par le cabinet d'un ministre qui s'appelait André Giraud,
03:13c'est la première cohabitation, je vois assez vite ce qu'est la cohabitation politique,
03:19les prémices de ce qu'on vit aujourd'hui à l'Assemblée nationale par exemple.
03:26– C'est une expérience qui vous a plu ?
03:29– Ce qui m'a beaucoup plu, c'est la fréquentation du personnage d'André Giraud,
03:33qui était un type assez imbuvable d'un certain point de vue,
03:38mais d'une force de caractère absolument incroyable.
03:41– Que vous avez réussi à canaliser, malgré sa personnalité difficile.
03:47– Oui, il m'avait à la bonne, je crois.
03:49– Si vous avez à la bonne, il vous respectait, il avait confiance en vous, j'imagine.
03:52– Voilà, je rejoins ensuite les services habituels de la DGA,
03:57où je m'occupe d'un programme d'armement nucléaire,
04:00ce qui est un truc tout à fait sérieux, là aussi en la matière,
04:03c'est les programmes d'armement nucléaire à aéroportés,
04:07ça inclut l'adaptation des avions Mirage 2000, Mirage 4 et autres,
04:13à l'emport de l'arme nucléaire, qui est un missile de courte portée,
04:19d'une centaine de kilomètres,
04:21et qui est un armement réputé très stratégique,
04:25mais qui est quelque chose de tout à fait sérieux
04:27du point de vue de l'emploi potentiel qu'on peut en faire,
04:31puisqu'il n'y a pas d'emploi réel en principe dans les armes nucléaires.
04:36Là aussi, c'est une notion de responsabilité qui est très très forte,
04:41la caractéristique du nucléaire, c'est qu'on a toujours été à l'heure
04:45dans la mise en service des programmes,
04:47on a toujours respecté les spécifications,
04:50et depuis 1964, il n'y a jamais eu de défaillance à aucun titre
04:56dans le système global de dissuasion nucléaire français.
04:59Donc quand vous participez à ça,
05:01vous êtes quand même investi d'une mission qui est prenante,
05:06pas stressante, parce que je vous ai dit que j'étais assez peu stressé,
05:09de ce point de vue-là, mais...
05:10Passionnante.
05:11Qui vous permet de mesurer le niveau de vos responsabilités, quand même.
05:14Tout à fait.
05:15Et ça vous plaisait ?
05:17Oui, oui, tout à fait.
05:18Cette carrière, elle serait à refaire, vous la referiez ?
05:20Moi, je n'ai aucun doute là-dessus.
05:22Aucun doute.
05:23J'ai fait le bon choix.
05:25Oui, vous avez fait le bon choix.
05:26J'ai fait le bon choix.
05:27C'est merveilleux de se retourner sur sa vie professionnelle
05:29et de se dire qu'on a fait les bons choix.
05:31Est-ce que vous avez eu des échecs pendant cette période-là,
05:35même si c'est un sujet...
05:37Les échecs sont venus un tout petit peu plus tard.
05:43Quand j'étais délégué général pour le moment,
05:45il y a eu un épisode assez douloureux,
05:46qui est un échec de missiles balistiques,
05:48le M-51.
05:49On a raté un tir d'essai.
05:52Et ça n'arrive pas tous les jours,
05:54un tir d'essai depuis un bateau.
05:56C'est-à-dire que le bateau,
05:58après un entretien...
06:00Le bateau, c'est le sous-marin nucléaire,
06:02un lanceur d'engin.
06:04Après un entretien majeur,
06:06pour son acceptation au service,
06:08fait le tir d'un missile balistique,
06:11qui va quelque part se jeter dans l'Atlantique,
06:14évidemment sans armes nucléaires.
06:16Et ce tir a raté.
06:18Donc, on a passé un certain temps
06:20à analyser ce qui s'était passé,
06:24essayer d'en tirer les leçons,
06:26mettre en place les mesures correctives.
06:28Et tout ça prend beaucoup de temps,
06:30et très difficile,
06:32parce que ce sont des choses qui sont compliquées,
06:34au plan technique.
06:35Vous avez été un petit peu stressé quand même ?
06:37Non, parce qu'il faut simplement dérouler
06:39son plan d'action,
06:41son plan d'analyse,
06:43avec la rigueur voulue, c'est tout.
06:45Je crois que vous avez compris,
06:47avec le temps, ce qui s'était passé.
06:49Vous avez pu réparer...
06:51On a pu réparer les choses.
06:53J'avais retrouvé, d'ailleurs, à cette occasion-là,
06:55en face de moi, un complice que j'ai nommé
06:57au début de notre entretien,
06:59qui était Marouane Lahoud,
07:01qui est toujours Marouane Lahoud, d'ailleurs,
07:03et qui m'a permis de mettre en œuvre,
07:05du côté industriel, cette fois,
07:07du côté d'Airbus, un certain nombre de mesures
07:09qui étaient nécessaires, également.
07:11Donc, on a abouti à une situation
07:13qui a été corrigée.
07:15Les tirs d'essai ont pu recommencer,
07:18avec une fiabilité de nouveau démontrée.
07:23Laurent, vous êtes un manager.
07:25Comment vous pourriez vous décrire ?
07:28Parce qu'on sent une exigence,
07:30mais au-delà de ça.
07:32L'exigence, elle est assez simple.
07:34Je vivais dans un monde
07:36où il y avait
07:38une proportion d'ingénieurs considérables,
07:40d'abord.
07:42Donc, ce sont des gens éduqués
07:44qui viennent dans le milieu de la DGA,
07:46je l'espère au moins,
07:48pour la qualité des projets qui leur sont confiés
07:50et le sens du service de l'État.
07:52À l'intérieur de cette population,
07:55il y a différentes strates,
07:57dont une strate qui est celle
07:59des ingénieurs de l'armement
08:01qui pensent être le noyau dur
08:03et le noyau d'élite de la DGA.
08:05Donc, je suis extrêmement exigeant
08:07avec ces gens-là.
08:09Vous pensez être les meilleurs ? Montrez-le.
08:11Ils sont des égaux, en plus.
08:13Oui, oui, ils sont des égaux.
08:15Et vous l'ont montré ?
08:17Ils vous l'ont montré ?
08:19Pour la plupart, oui.
08:21Mais vous savez,
08:23c'est une société.
08:25Donc, on retrouve dans la société
08:27la même proportion de cons qu'ailleurs.
08:29Grosso modo, il y en a certains
08:31dont vous ne pouvez pas tirer grand-chose.
08:33Moi, c'est ce que vous en pensez.
08:35Et donc, on a parfois
08:37des endroits
08:39qui sont des endroits un peu spécialisés
08:41dans le parkage d'individus
08:43dont l'utilité n'est pas totalement démontrée.
08:45Au moins dans le milieu
08:47professionnel qui est le leur
08:49à ce moment-là.
08:51Donc, Laurent, il y a une question qui me taraude.
08:53Je voudrais savoir si,
08:55dans votre carrière, vous avez travaillé
08:57en grande proximité avec des femmes
08:59au sein de l'armée.
09:01Et on va reprendre ça tout de suite
09:03à la séquence suivante.

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