Jeudi 27 mars 2025, retrouvez Marwan Lahoud (Partner, Messier et Associés) dans INTROSPECTION, une émission présentée par Lucille Desjonquères.
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00:00Bonjour, bienvenue à l'émission Introspection.
00:11Dans quelques instants, je vais recevoir Marouane Laoud, brillant polytechnicien qui a officié
00:18à la DGA aux plus hautes fonctions du groupe Airbus et qui désormais est banquier d'affaires.
00:24Nous nous apprêtons à avoir une entrevue extrêmement riche et passionnante.
00:29A tout de suite.
00:30Marouane Laoud, bonjour, très heureuse de vous accueillir aujourd'hui, vous avez une
00:40carrière absolument sensationnelle, on va en parler, on va surtout insister aussi sur
00:45l'homme que vous êtes, le père, l'époux, ce qui vous a conduit à prendre cette directive
00:52professionnelle.
00:53Donc commençons par Marouane, le petit garçon.
00:56D'abord, je suis très très heureux d'être avec vous pour évoquer finalement toutes
01:06les facettes de ma vie professionnelle et puis un peu ma vie personnelle.
01:11Le petit garçon, je suis né il y a 58 ans à Beyrouth, donc très loin de là où je
01:20suis aujourd'hui.
01:21Dans une famille, je suis l'aîné de mes frères et soeurs, nous sommes 5 et mes parents
01:31étaient tout jeunes mariés, ma maman est toute jeune, on a 20 ans d'écart, donc c'est
01:36une bonne copine aujourd'hui.
01:38J'ai grandi dans cette famille balottée par les affectations successives de mon père
01:47qui était militaire, militaire libanais, donc officier dans l'armée libanaise, entre
01:53l'est du pays, une première affectation en France qui a eu toute son importance dans
02:01la fabrication de l'homme, le petit garçon de 8 ans qui arrive à Bourges, à 8 ans, découverte
02:14de la France, découverte non pas de la culture française, parce qu'au Liban, vous le savez
02:20sans doute, la culture française est présente dès l'enfance, à l'école maternelle,
02:27on fait les cours en français le matin et en arabe l'après-midi.
02:32Donc il y avait, il y a toujours un peu moins, mais il y avait une empreinte française très
02:40forte.
02:42Et le premier moment de l'enfance, ou plus exactement la sortie de l'enfance, c'est
02:51quand à l'âge de 12 ans, les parachutistes français qui sont dans la FINUL, la force
02:58d'intervention des Nations Unies au Liban, le colonel Canne, François Canne, à qui
03:06je pense qu'il est un deuxième papa pour moi, passe voir mes parents, dit pourquoi
03:12il n'est pas à l'école, parce qu'il n'y a pas d'école, je l'emmène.
03:17Et mes parents en bon libanais, un Libanais ne sait pas dire non, disent, et donc deux
03:25jours après il y avait une voiture qui m'embarquait, et je suis parti de chez mes parents, j'étais
03:31interne à Castres, et j'allais retrouver non pas la famille Canne, puisque le colonel
03:40à l'époque Canne était toujours au Liban, mais j'allais retrouver son épouse, dont
03:46les trois filles étaient internes à la Légion d'honneur, donc qui ne rentraient pas le week-end,
03:51et encore aujourd'hui mes soeurs Canne me disent, tu ne mesures pas ta chance, toi tu
03:58voyais maman tous les week-ends et pas nous.
04:00C'est incroyable cette destinée.
04:02Et ça m'a sorti, c'est le moment où je quitte l'enfance.
04:07Oui, parce que vous êtes arraché à vos parents et puis vous vous retrouvez…
04:11Je quitte le nid, cette expérience a été fondatrice pour moi.
04:15J'imagine.
04:16Et quelques mots encore sur l'enfance, dès tout petit, un papa très, bien que militaire,
04:30mais très ingénieur, donc les premières devinettes, c'est des devinettes de baignoire,
04:36on ouvre le robinet, on ferme le robinet, il y a deux robinets, il y a un grand-père
04:44maternel qui lui, très historien.
04:47Il avait perdu la vue, il adorait, quand je passais, quand j'étais chez mes grands-parents,
04:54il me disait, viens, prends tel bouquin, ouvre le page 212 et fais-moi la lecture.
05:01Et c'était de l'histoire et principalement de l'histoire de France, le mythe napoléonien.
05:07Donc j'ai été façonné par ça depuis ma plus tendre enfance.
05:13Alors une facilité pour les maths ?
05:15Je suis convaincu que nous avons tous une facilité pour les maths.
05:22Ce qui nous manque, c'est une rencontre, c'est rencontrer quelqu'un qui nous fait
05:26aimer les maths.
05:27Un professeur par exemple ?
05:28Un professeur, un parent, un voisin, un frère, une cousine, et j'ai eu la chance, à commencer
05:36par mon père, rencontrer plus tard un professeur au lycée qui m'a fait aimer les maths, autour
05:42de moi des cousins, des cousines qui étaient assez matheux, sans être exceptionnel, juste
05:49faire aimer.
05:50Je crois qu'on ne réussit pas si on n'aime pas.
05:53Ah c'est clair.
05:54Et vous aviez une vocation ? Vous saviez que vous vouliez, dans vos rêves les plus
05:58fous, être…
05:59Pas du tout.
06:00Pas du tout.
06:01Vous saviez que vous aviez cette ambition en vous ?
06:03Pas du tout.
06:04Pas du tout.
06:05Cette capacité A, diriger un grand groupe…
06:11J'avais toujours été poussé par l'esprit de compétition.
06:17Que ce soit…
06:18D'acquérir cet esprit.
06:19Être premier.
06:20Être premier.
06:21Premier de la classe.
06:22J'étais physiquement assez faible quand j'étais petit.
06:28Je suis né grand prématuré, donc je suis resté longtemps entre la vie et la mort.
06:38Trois semaines de couveuse, à l'époque, c'était très…
06:44On dit que les prématurés, lorsqu'ils s'en sortent après, sont invincibles.
06:49Je n'en sais rien.
06:50Toujours est-il que j'étais bon en classe, très bon en classe même, mais physiquement
06:56faible.
06:57Et donc, mes parents m'ont dit non, il faut corriger aussi cet aspect-là.
07:01Et en fait, c'est à Castres que j'ai découvert le rugby.
07:06Ah, passion.
07:07Et le rugby m'a transfiguré sur le plan physique.
07:11À la maison, avec les parents, je montais déjà à cheval.
07:16C'est mes deux passions, le rugby et l'équitation.
07:20J'ai eu la chance de faire du rugby à assez bon niveau et je continue de faire de l'équitation
07:26à plutôt très bon niveau.
07:27Donc, nous avions Laurent Colébillon comme invité il n'y a pas si longtemps.
07:33Et comme vous, il est dans la défense, comme vous le savez, c'est votre ami.
07:37Comme vous, c'est un rugbyman.
07:39Et dans ces carrières finalement stressantes, même si vous êtes assez fort par rapport
07:45au stress, on va en parler tout à l'heure, le sport a une part prépondérante.
07:49Le sport a une part essentielle dans deux directions opposées.
08:03Le sport comme évacuateur de stress, comme apprentissage de la gestion de la pression.
08:18Et puis d'un autre côté, le sport comme moteur de dépassement de soi.
08:26Comment on fait pour aller au-delà de ce qu'on sait faire, de ce dont on est convaincu
08:32qu'on est capable de produire.
08:34Alors, ça fait une formidable passerelle pour le sujet suivant puisqu'on va parler
08:39cette fois de votre carrière et quelle carrière.
08:42A tout de suite.
08:43Marouane, vous avez un parcours tellement riche et on a huit minutes pour en parler.
08:53Donc, on va aller à l'essentiel, l'ADGA, Airbus, aujourd'hui les fonds d'investissement.
08:59Comment tout ça est arrivé ?
09:00Toujours, non pas par hasard, mais en me laissant porter, sans plan.
09:08C'est une erreur de penser qu'il y a un plan.
09:11Déjà, l'école polytechnique, je découvre l'existence de l'école polytechnique grâce
09:17à Isabelle Adjani.
09:18Ah, c'est pas banal.
09:20Je regarde un film avec Montand et Adjani qui s'appelle « Tout feu, tout flamme ».
09:25Oui, à fond égypte, je me souviens.
09:27Le film commence par Adjani défilant comme major de polytechnique, porte drapeau.
09:33Je demande à mes parents, ça existe toujours ? Et oui, ça existe.
09:38Qu'est-ce qu'il faut faire pour faire ça ? Matzup, matzpé.
09:42Je ne connaissais pas le système, je suis à Beyrouth à ce moment-là.
09:47Donc, matzup, matzpé, admis à polytechnique.
09:52La deuxième rencontre, c'est, je pars faire la fête à Aix-en-Provence avec mes camarades
09:59et on voit voler le Rafale A pour la première fois.
10:03Donc, ce bel avion, ce bel oiseau bleu, blanc, rouge pour la première fois qui fait des
10:08évolutions dans le ciel de Istres.
10:10Et là, je dis, je veux faire ça.
10:12Je veux faire ça, donc, DGA, je passe quelques détails parce que ce n'était pas évident
10:19pour un élève libanais, donc un élève étranger à polytechnique.
10:25J'ai repassé des concours, donc je passe les détails.
10:28J'arrive à la DGA le 1er septembre 89 au centre d'essai des Landes pour essayer des
10:36missiles et en particulier les missiles de la force de dissuasion.
10:41C'est là où je tombe dans ce qui est la pointe de diamant de la défense française,
10:47c'est-à-dire la dissuasion nucléaire.
10:49C'est là où je rencontre, vous m'avez parlé de Laurent Collet-Billon à l'instant,
10:53c'est là où pour la première fois, un tout petit peu après, en 90, la rencontre
10:57avec Laurent et d'autres.
10:58Est-ce qu'on pourrait imaginer qu'il faut déjà avoir eu un parcours pour entrer à
11:03la DGA, alors que là, c'est votre première fonction ? Vous êtes jeune encore sur des
11:08sujets extrêmement…
11:09Je rentre comme jeune ingénieur à la DGA.
11:12Oui, mais bon…
11:14C'est la beauté, c'est la force du système français, du système de la haute fonction
11:21publique française, c'est de recruter à la fois des jeunes et des plus vieux et de
11:27former.
11:28Il ne s'agit pas seulement de recruter, il faut toujours former, il faut toujours transmettre.
11:32Ça, c'est une des leçons que je retiens de cette époque-là.
11:35Pourquoi vous l'équitez alors ?
11:38Alors, j'ai fait un parcours complet, c'est-à-dire j'ai été à la DGA, d'abord en centre
11:44d'essai, toucher du doigt, apprendre vraiment comment ça fonctionne, un travail d'ingénieur.
11:51Ensuite, je bascule en administration centrale, comme on dit, où là, je fais plus du politico-militaire,
11:58je m'initie à la géopolitique.
12:00Je rejoins le cabinet du ministre de la Défense, comme conseiller industriel, à un moment
12:06où tout est en train de changer.
12:08C'est le passage à l'armée professionnelle, la réduction de format des armées, la privatisation
12:14de l'industrie de défense.
12:17Donc, toutes ces expériences uniques que j'ai la chance de… c'est très prétentieux
12:26de dire être à la manœuvre, on n'est pas à la manœuvre, on participe, c'est un travail
12:30collectif.
12:32Et puis, une fois que j'ai fait ce parcours, très très vite, en réalité, entre 1989
12:36et 1997, le retour à la DGA est très difficile parce qu'il n'y a pas de possibilités,
12:46il n'y a pas de postes disponibles, il faut attendre.
12:50Et c'est à ce moment-là que François Rousseli, qui était le directeur du cabinet du ministre
13:00qui a succédé à mon patron au ministère de la Défense, moi j'ai travaillé avec
13:03Charles Millon et François Rousseli dirigeaient le cabinet d'Alain Richard, c'est François
13:09Rousseli qui me dit peut-être qu'il faut que tu regardes à l'extérieur, peut-être
13:13qu'il faut que tu te mettes en relation avec le patron de l'aérospatiale, donc la
13:18Société Nationale Industrielle Aérospatiale, entreprise publique à 100% qui faisait des
13:24très belles choses, mais qui avait besoin de modernisation.
13:28Et c'est comme ça que j'arrive à l'aérospatiale et là, une fois de plus, j'ai la chance
13:32de tomber sur une série de mouvements magnifiques.
13:37La chance et du talent peut-être ? Vous êtes modeste ?
13:40Les gens talentueux ont de la chance, c'est très important d'aller chercher sa chance.
13:50Avec Yves Michaud qui était le PDG de l'aérospatiale, avec François Hauque qui en était le directeur
13:55financier, on cherche, on négocie, on discute et ce qui était totalement improbable puisque
14:03c'étaient les frères ennemis, on propose à Lagardère de fusionner Aérospatiale et
14:11Matras et là je rencontre des gens encore plus formidables, Philippe Camus qui est un
14:17mentor en business pour moi, Jean-Louis Gergorin, Jean-Paul Guth, Jean-Luc Lagardère évidemment
14:24grand monsieur et là c'est le toboggan, on fait la fusion Aérospatiale-Matras, dans
14:32la foulée on fait la fusion avec DASA en moins de deux ans, on rachète CASA en Espagne,
14:42on crée la société Airbus, on crée la société MBDA, on crée la société Astrium, c'est
14:48une période unique, c'est une période unique.
14:53Et alors sans modestie, à quoi vous attribuez votre ascension et vos succès ?
14:58Aux rencontres, j'ai toujours rencontré des gens qui ont cru en moi, qui m'ont montré
15:09la voie, qui ont déblayé et qui m'ont dit avance, c'est le rugby, c'est le rugby, au
15:17rugby vous êtes bon, vous êtes bon parce que vous avez des talents techniques individuels,
15:25vous avez les skills, je ne dis pas que je n'ai aucun talent, non, j'ai travaillé là-dessus,
15:30mais c'est collectif, quand vous avez un bon déblayage dans une mêlée, vous ramassez
15:38le ballon, quand vous faites une bonne passe, votre ailier marque, quand on vous fait une
15:43bonne passe, vous marquez.
15:44Vous avez fait la même chose pour la génération ?
15:47C'est la seule ambition qui me reste, c'est de transmettre aujourd'hui, c'est de faire
15:54en sorte que dans dix ans, j'ai quinze ans de moins que Philippe Camus, je parle beaucoup
16:00de Philippe Camus, j'ai quinze ans de moins que Philippe Camus, dans quinze ans, j'espère
16:04que quelqu'un dira, j'ai rencontré Marouane Lahoud, c'est ce qui a fait ma carrière.
16:08Merci de clore cette séquence sur cette belle phrase, à tout de suite.
16:13Marouane, vous avez donc quitté le secteur industriel de la défense pour vous retrouver
16:22dans les fonds d'investissement, vous êtes banquier d'affaires, comment s'est passé
16:26ce virage à 180 degrés ?
16:30J'ai toujours choisi de partir du jour au lendemain et sans regarder derrière.
16:38En 2017, voyant que j'avais fini le voyage Airbus, j'ai décidé de reprendre ma liberté
16:50et de me lancer dans le conseil et l'investissement.
16:52Le hasard des rencontres fait que j'ai rencontré Tikeo, Antoine Flammarion le fondateur, Mathieu
17:01Laurent, personnalité exceptionnelle, réussite formidable et j'ai fait un très beau bout
17:10de chemin avec eux puisqu'on a développé l'activité aéronautique chez eux, l'investissement
17:17dans l'aéronautique, l'investissement dans la cybersécurité.
17:19Vous voyez que l'aéronautique et la défense ne sont pas très loin, il y a un fil conducteur.
17:26Depuis le 1er janvier de cette année, j'ai pris un peu de recul par rapport à l'investissement,
17:32je continue de conseiller les équipes de Tikeo, mais je me suis associé à Jean-Marie Messier
17:38qui est un ami de longue date, du siècle dernier, pour faire du conseil.
17:43Cette envie de transmettre en réalité.
17:45Qui réapparaît.
17:46Voilà, cette envie de transmettre.
17:48C'est un chemin, un cheminement inverse de ce qu'on fait d'habitude.
17:54D'habitude, on fait banque d'affaires, investissement, industrie, moi j'ai fait industrie.
17:57Vous faites les choses un peu dans le désordre.
17:59Alors, il n'y a pas beaucoup de femmes dans le secteur de la défense, il n'y a pas assez
18:04de femmes ingénieurs comme on le sait, il n'y en a pas beaucoup non plus dans la finance.
18:09Comment vous analysez ça déjà et quels conseils pour être pratico-pratique vous
18:14pourriez donner aux femmes qui nous écoutent pour aller vers ces secteurs-là où elles
18:19sont attendues ?
18:21En ce qui me concerne, sachant que nous nous rencontrions aujourd'hui, j'ai fait mon
18:29introspection ou ma rétrospection pour voir combien j'ai eu de femmes dans mes collaborateurs
18:35directs.
18:36Et sans faire exprès, j'ai à peu près la parité.
18:41C'est 52-48.
18:43J'ai plutôt 52% d'hommes et 48% d'hommes de femmes.
18:47C'est pas mal, surtout dans les secteurs.
18:49Donc c'est possible.
18:50Bien sûr que c'est possible.
18:51Donc c'est possible.
18:52Il y a deux sujets.
18:54Il y a un stéréotype culturel occidental, un stéréotype des sociétés développées
19:02en général.
19:03Parce que vous retrouvez la même chose aux Etats-Unis, vous retrouvez la même chose
19:06en Europe de l'Ouest, vous retrouvez la même chose au Japon.
19:09Il y a des métiers, c'est pas pour les femmes, les métiers durs, les métiers rigoureux,
19:19les métiers stressants.
19:20C'est un stéréotype culturel.
19:24Il suffit d'aller dans d'autres géographies pour voir l'inverse.
19:28Vous parlez de la Turquie.
19:30La Turquie, le monde musulman, arabo-musulman.
19:33La première femme médaillée Fields au monde, médaillée Fields, c'est le prix Nobel de
19:38maths.
19:39C'est, elle a regretté parce qu'elle est morte d'un cancer très peu de temps après,
19:43Myriam Mirzakhani, qui est iranienne, formée à l'université de Téhéran.
19:50L'Iran n'est pas connu pour être un paradis pour les femmes.
19:54Une façon pour elles d'émerger.
19:56C'est une façon pour elles de s'émanciper.
19:58Donc il y a, c'est un stéréotype et quand il s'agit de stéréotypes, il faut le combattre,
20:05le dénoncer, en démontrer l'absurdité et c'est une mission qui n'est pas seulement
20:13une mission féminine.
20:15La cause féminine progressera quand il y aura plus d'hommes qui pousseront pour la parité
20:23que de femmes.
20:24Douce musique à mes oreilles parce que j'en suis convaincue, mais est-ce que les managers
20:27n'ont pas un rôle à jouer ?
20:28C'est évident que c'est là que ça se passe, mais moi je voudrais parler de ce que doivent
20:33faire les femmes.
20:34Dites-nous.
20:35Chaque fois que j'ai l'occasion d'évoquer le sujet, y compris dans des entretiens individuels
20:43avec des collaboratrices, ma première phrase pour elles c'est « Mesdames, il faut oser.
20:51»
20:52Bien sûr.
20:53J'ai constaté au cours de ma carrière que quand vous ouvrez un poste, une femme n'ose
21:01pas se porter candidate si elle n'a pas l'assurance d'avoir 120% de ce qui est requis.
21:08C'est tellement vrai.
21:10Un homme au-dessus de 50%, il pense que ça se tente.
21:14Mais il a raison.
21:15Et des fois, même c'est moins de 50%, mais il est convaincu qu'il n'a plus de 50%.
21:20Donc c'est avant tout, il y a tout le reste, ça ne remplace pas tout ce qu'on a dit à
21:26côté.
21:27Mais le travail que les femmes doivent faire sur elles-mêmes, c'est d'oser, c'est de
21:31dire « Ok, je peux le faire, je peux le faire, il me manque ça, il me manque ça, mais c'est
21:37pas grave, je peux le faire, parce que je peux acquérir les compétences.
21:40»
21:41C'est un conseil très important que vous êtes en train de donner là.
21:43Alors un dernier mot, parce qu'on arrive à la fin de cette émission.
21:46Le papa que vous êtes, l'époux que vous êtes.
21:50Alors, mon épouse, Alix, elle joue un rôle très important dans ma vie, ça va sans dire,
21:59mais bien plus important, y compris pour le professionnel.
22:05Je n'ai jamais fait un choix professionnel sans lui en parler, sans lui demander son
22:12avis.
22:13La plupart du temps, elle me dit « Si tu le sens comme ça, c'est bien ». Mais c'est
22:22mon encre, c'est là où je me sens bien, je me sens…
22:26Votre havre de paix le soir que vous vous trouvez.
22:28On a parlé de stress tout à l'heure, sous tension, sous pression, je suis très calme.
22:34Mais en fait, je ne suis vraiment reposé qu'avec elle.
22:37Nous avons un garçon qui a 33 ans, qui est marié, qui a une vie professionnelle à côté,
22:47Victor.
22:48Et Victor, c'est un pote, on est très proche.
22:55C'est la liberté de faire la carrière qu'il voulait.
22:58Tout ce que j'ai fait, c'était pour lui transmettre, mais surtout pour lui donner
23:06plus de choix.
23:07Vous êtes certainement mon père, ce héros, ce jeune homme qui a eu la chance de vous
23:12avoir pour papa, avec une exemplarité.
23:15On est très copains, très proches, on fait plein de choses ensemble, on s'envoie des
23:20blagues, on joue aux échecs.
23:21Quand il a des soucis, il sait qu'il peut me trouver et en même temps, je ne suis pas
23:27un papa intrusif, c'est lui, lui, c'est lui, et il est formidable.
23:34Un dernier conseil aux hommes cette fois, par rapport à la montée des femmes dans
23:44les instances de direction.
23:46C'est notre intérêt, c'est l'intérêt de l'humanité, c'est l'intérêt des
23:50hommes.
23:51Ce n'est pas une question de genre, d'égalité, de lutte.
23:56On ne peut pas se passer de la moitié de l'humanité pour faire avancer l'humanité.
24:02Les femmes, c'est la moitié de l'humanité.
24:04Les points de vue sont différents, on n'est pas pareil, mais justement, c'est là qu'est
24:09toute la richesse.
24:10Merci d'être aussi sincère sur votre rôle de papa.
24:16Je vois en vous un homme d'affaires, un papa attentionné, un époux merveilleux,
24:23un humaniste, on va dire.
24:24Quelle est la part de spiritualité qu'il y a en vous ?
24:29Je suis né et j'ai grandi dans une famille très chrétienne.
24:33Donc, je ne croyais pas vraiment en Dieu, par réaction, mais je suivais les rites.
24:46Et en arrivant en classe préparatoire, j'ai fait une rencontre, une de plus.
24:54J'ai rencontré un très vieux père jésuite, il devait avoir 90 ans, j'en avais 16, donc
25:00vous voyez la différence d'âge, qui était astronome à l'observatoire de Meudon.
25:10Et astronome à l'observatoire de Meudon, il m'a donné un cours de physique, un cours
25:16de physique très pointu pour l'époque, on est en 82, donc ce qu'on appelle le modèle
25:21standard en physique, qui modélise la nature, le cosmos.
25:30Et il arrive à un moment, il dit, à partir de là, je ne sais pas, à partir de là,
25:36je ne sais pas.
25:38Et c'est la part de divin dans ma connaissance du monde.
25:44Ça n'arrête pas ma connaissance du monde, il faut que j'en sache plus, mais il restera
25:48toujours une part d'inconnu.
25:51Et cette part de divin, c'est ce qui fait qu'on n'est pas des machines.
25:57C'est ce qui fait qu'on n'est pas des machines.
25:59Du coup, je suis devenu réellement profondément chrétien et peut-être un peu moins religieux.
26:06Oui, parce qu'il est, alors c'est de plus en plus courant, mais il est rare de voir
26:10des scientifiques purs et durs imaginer quelconque forme de spiritualité puisque tout doit s'expliquer
26:17et comme on ne l'explique pas, ce divin.
26:22On oppose souvent la part de divin et le rationnel scientifique.
26:27La réalité, c'est qu'ils se complètent, ils se complètent.
26:32Il y a un moment, ma capacité d'explication s'arrête.
26:36Et pourtant, ça existe.
26:38Il faut avoir l'humilité de reconnaître qu'on ne sait finalement pas grand-chose.
26:43Ça sera le mot de la fin.
26:44Merci beaucoup pour cet entretien très riche et très sincère.
26:49À bientôt, j'espère.
26:51Ainsi s'achève cette émission Introspection.
26:54J'aurai le plaisir de vous retrouver dans quelques semaines avec une invitée de marque
27:00dont je t'ai toujours le nom pour faire du Resuspense.
27:02À bientôt.