• il y a 2 mois
Mercredi 2 octobre 2024, SMART BOURSE reçoit Etienne Gorgeon (Responsable de l’activité obligataire, Sanso Longchamp AM) , Julien Moutier (Directeur des Gestions Obligataires, Groupama AM) et Stephane Déo (Senior Portfolio Manager, Eleva Capital)

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00:003 invités avec nous chaque soir pour décrypter les mouvements de la planète marché.
00:13Etienne Gorjon est avec nous, le responsable de l'activité obligataire de Sanso Longchamp
00:17Asset Management.
00:18Bonsoir Etienne.
00:19Bonsoir Grégoire.
00:20Julien Moutier à nos côtés, également gérant obligataire, directeur des gestions
00:23obligataires de Groupama Asset Management.
00:24Bonsoir Julien.
00:25Bonsoir Grégoire.
00:26Stéphane Déo qui est gérant global, senior chez Eleva Capital qui nous accompagne également.
00:31Bonsoir Stéphane.
00:32Bonsoir Grégoire.
00:33Je rappelle que vous êtes également membre de l'association L'EcoAvenir qui promeut
00:38la pédagogie économique au plus grand nombre, c'est ça Stéphane ?
00:41Tout à fait.
00:42On a un site web avec pas mal de podcasts en particulier pour expliquer les mécanismes
00:45de base de l'économie.
00:46Ben tiens, parlons des mécanismes de base autour du pétrole par exemple Stéphane.
00:52Dans le contexte du moment, je vois évidemment, c'est pas une révolution mais il y a quand
00:58même trois sujets clés, l'histoire des baisses de taux avec la Fed, il y a la nouvelle histoire
01:03de la relance chinoise ou du plan de soutien chinois pour l'économie chinoise et puis
01:08il y a également ce qui était la baisse du pétrole jusqu'à présent qui effectivement
01:13connaît un petit renversement depuis hier avec l'escalade de tensions entre l'Iran
01:18et Israël.
01:19Qu'est-ce qu'on peut dire du pétrole comme actif aujourd'hui, le rôle de l'actif pétrole
01:25dans la dynamique conjoncturelle, les fondamentaux de ce marché face à cette escalade ou ce
01:32risque géopolitique qui revient, l'Iran étant évidemment un pays producteur avec
01:38des stocks et avec une route maritime d'importance qui passe par le Détroit d'Ormuz et par
01:43laquelle passe une bonne partie du trafic maritime notamment pour le pétrole.
01:48Sur le pétrole si on regarde avec un microscope, c'est-à-dire sur les 2-3 jours qui viennent
01:53de passer c'est assez impressionnant, on a fait à peu près 5% d'augmentation des
01:57cours en deux jours, ce qui est beaucoup.
02:00Par contre si vous regardez depuis deux ans le Brent, c'est-à-dire le pétrole de mer
02:06du Nord qui est un peu la référence pour l'Europe, on yoyote entre 70$ et 90$ depuis
02:11deux ans et on n'arrive pas à casser cette fourchette.
02:13Vous l'avez dit, on était plutôt en bas de la fourchette, on était à 70$ à un moment
02:17donné à l'intraday hier, on est à 75$, ça reste un niveau qui est bas, en moyenne
02:23depuis le début de l'année on est plus élevé.
02:25Donc la réaction du marché pour l'instant est relativement limitée malgré le risque
02:31géopolitique.
02:32Je pense qu'il y a une raison pour ça, ma théorie c'est que le pétrole est une variable
02:38beaucoup moins géopolitique qu'il ne l'a été.
02:40Je vais vous donner un exemple, si vous regardez la production de pétrole en 2010, l'Arabie
02:47Saoudite produisait à peu près 8 millions de barils le jour, les Etats-Unis 5 millions,
02:53donc les deux tiers.
02:54L'Arabie Saoudite est à 9 millions, maintenant les Etats-Unis à 13 millions, donc 40% de
02:59plus.
03:00Donc les Etats-Unis produisent plus de pétrole qu'ils n'en consomment, ils sont exportateurs,
03:04ça change complètement la donne parce que vous n'êtes pas dépendant des importations
03:09du Moyen-Orient, etc.
03:12En Europe c'est la même chose, on n'est évidemment pas allé aussi loin que ça, mais entre les
03:18nouvelles énergies, les économies, etc. les sources en mer du Nord, etc. on est beaucoup
03:24moins sensible, alors on n'est pas insensible, entendons-nous bien, mais on est beaucoup moins
03:28sensible qu'on était il y a 10 ans, il y a 20 ans ou pendant la crise pétrolière
03:32des années 70.
03:33Donc je pense que c'est un élément qu'il faut garder à l'esprit, je vois beaucoup
03:37de gens qui font du copier-coller des crises précédentes, une fois de plus, si le pétrole
03:44augmente énormément, ça aura un impact indubitable sur des économies, vous l'avez dit, qui sont
03:49plutôt en ralentissement, c'est évidemment un choc négatif, mais le pétrole de moins
03:55en moins devient une variable, le clime géopolitique comme il l'a été dans le passé.
04:02On voit d'ailleurs dans le contexte que vous décrivez Stéphane, alors ça nous ramène
04:06juste une semaine en arrière, l'idée que l'Arabie Saoudite, pays leader évidemment
04:11du cartel pétrolier OPEP, alors aujourd'hui plus avec notamment la Russie, semble en avoir
04:18marre de se faire, alors j'allais dire marcher dessus, non, mais en tout cas de se faire
04:23prendre des parts de marché, soit par des membres du cartel qui ne respectent pas les
04:27quotas, soit par des producteurs non OPEP, Etats-Unis en tête, qui sont aujourd'hui
04:33les premiers exportateurs peut-être de produits pétroliers dans le monde, tant et si bien
04:37que le Graal, qui a été pendant des années l'objectif d'un baril à 80 ou 100 dollars,
04:43ça dépend quel baril on regarde, nous disait l'EFT il y a une semaine, ne semble plus
04:47du tout être l'objectif stratégique poursuivi aujourd'hui par l'Arabie Saoudite.
04:51Non, l'Arabie Saoudite, alors je l'ai dit, c'est à peu près 9 millions de barils
04:54au jour, ils disent qu'ils peuvent aller à 12 millions.
04:57Ouais, assez facilement.
04:58Alors, ils l'ont fait, je ne veux pas trop rentrer dans les détails techniques, 11 millions
05:05très facilement, ils ont fait du 12 millions à plusieurs reprises, mais on a la suspicion
05:10forte qu'ils ont un petit peu écoulé des stocks en même temps, etc.
05:13Mais ils ont de la marge, enfin entre 9 et 12 millions, il y a 3 millions de différence,
05:18l'Iran c'est 3,3 millions, donc ils pourraient tout seuls quasiment remplacer la production
05:26de l'Iran.
05:27Donc oui, effectivement, ils réduisent énormément par rapport à ce qu'ils peuvent faire et
05:30donc ils perdent des parts de marché petit à petit.
05:33Aller à 80 dollars, je pense que, enfin impossible, ce n'est pas le terme, mais c'est très peu
05:40probable parce que si vous regardez le coût de production dans le bassin permien aux Etats-Unis,
05:46c'est 60-70 dollars.
05:47Donc si vous mettez le prix à 80 dollars, les Américains vont faire des trous partout
05:51et puis il va inonder le marché de pétrole et donc les prix vont rebaisser.
05:56D'ailleurs, il y a un sujet qui est très intéressant, on l'a dit, le prix du pétrole
06:00a beaucoup beaucoup bougé, mais vous savez, vous avez des futurs, c'est-à-dire que vous
06:03pouvez parier sur le prix du pétrole à un mois, six mois.
06:06Et que dit le marché de ce point de vue-là ?
06:07Alors le plus long, c'est 60 mois, donc 5 ans, ça n'a pas bougé, on est à 70, on
06:12yoyote entre 70 et 75.
06:14Donc le marché vous dit, oui, à court terme, ça peut bouger, parce qu'une fois de plus,
06:18sur les tensions géopolitiques.
06:19Mais à long terme, c'est 60 ?
06:20Mais à long terme, c'est 70 et puis on ne bouge pas, on est scotché à 70 et c'est
06:26le prix d'équilibre, parce qu'à l'inverse, si vous allez à 50 dollars, c'est trop bas,
06:32il y a beaucoup de puits qui deviennent non-profitables et donc ils vont fermer, donc vous avez pénurie
06:36et pof, ça remonte.
06:37Donc vous avez une très grande force de rappel dans ce niveau-là.
06:40Bon, alors il y a l'épisode géopolitique et puis quand même cette baisse continue
06:45du pétrole qu'on a observée depuis quelques mois, qu'est-ce que ça vous inspire, Etienne ?
06:48Il y a parfois un lien plus ou moins direct quand même entre les cours du pétrole, est-ce
06:53qu'on peut observer sur des marchés de taux, des marchés obligataires et le sens notamment
06:58et la direction des taux ?
06:59Je pense que déjà il y a plusieurs aspects.
07:03La géopolitique, ce qui est assez fascinant, c'est que vous avez des missiles, vous avez
07:07une armée qui envahit un pays, vous avez...
07:10Dans d'autres circonstances, ça aurait pu vraiment bouger.
07:12Or là, franchement, on peut regarder le problème dans tous les sens, c'est très faible la
07:15volatilité générée par ce risque géopolitique.
07:19Alors après, il y a plein de facteurs qui peuvent l'expliquer, la Libye qui revient
07:22sur le marché, la faiblesse de l'économie mondiale, en particulier chinoise, le fait
07:27que l'OPEP, moi c'est une de mes surprises, ce que je découvre, c'est que l'OPEP a beaucoup
07:30moins de poids en réalité qu'auparavant pour plein de raisons qui auraient pu avancer.
07:35Tout ça fait que, effectivement, et ce qui devient assez intéressant, c'est que j'écoutais
07:41hier, ou je lisais plutôt hier dans l'EFT, le patron des syndicats du gaz de schiste
07:45aux Etats-Unis qui, il n'y a pas d'autre mot, hurlait après Biden parce que les réserves
07:49sont au plus bas.
07:50Il se disait qu'on est en risque de pénurie s'il devait y avoir un problème.
07:54Je me suis dit ça parce qu'en fait, lui, il aimerait bien en vendre un peu plus à
07:57un autre prix.
07:58On est quand même dans une situation assez rocambolesque où les intérêts privés dominent
08:06aussi pas mal de choses par rapport à ces grands intérêts, je dirais, géopolitiques.
08:12Ça, c'est la première chose.
08:14Ensuite, basculement sur les taux, pour moi, les taux sont drivés par d'autres facteurs.
08:18Moi, je suis extrêmement intéressé par ce que la Réserve fédérale a fait il y a quelques
08:24semaines et je pense que c'est le principal facteur sur les taux.
08:27Je ne sais pas si c'est la transition à laquelle vous vouliez aller tout de suite,
08:29mais…
08:30Petrole, Fed et Chine, voilà, c'est les trois sujets.
08:33Si je me lance sur la Fed, qui est probablement mon sujet de prédilection, vu mon amour immodéré
08:38pour l'économie américaine, ce que je trouve fascinant, c'est qu'il y a deux sujets
08:43dans le marché des taux qui coexistent.
08:45Il y en a un, c'est le potentiel risque de récession.
08:50Alors qu'on peut regarder le problème dans tous les sens, on ne le voit pas.
08:54Donc, je pense que ça vaut le coup de l'expliquer, j'y reviendrai dans une seconde.
08:56En attendant, ce qu'on peut voir, c'est qu'on a une économie qui est autour de 3%
09:00qui va probablement faire du 2% au trimestre qui est en train de débuter.
09:04On est en train de faire un stimulus monétaire à un moment où la consommation des ménages
09:09est au plus haut, la consommation des entreprises à reprise est au plus haut.
09:13Donc, en fait, la réserve fédérale stimule une économie déjà plutôt stimulée.
09:19Et après, ce qu'on entend, c'est qu'il y a un risque sur le marché de l'emploi.
09:22Le risque, je vais y revenir sur la partie récession, mais il me paraît à peu près
09:28encore équilibré quand je regarde le JOLT hier.
09:31OK, il n'y a pas d'embauche, mais il n'y a pas réellement de licenciement non plus.
09:35Donc, on arrive à une forme d'équilibre, c'est à peu près ce qu'on voit.
09:39Et donc, ce que je me dis, c'est OK, la réserve fédérale a décidé que c'était maintenant
09:44le tour des ménages les moins favorisés et qu'enfin, ces gens pouvaient avoir peut-être
09:50une vie un peu moins difficile, on allait alléger le coût de l'argent parce qu'eux
09:54vivent grâce à la dette, ils vivent à crédit et l'inflation plus le coût du crédit,
10:00c'est un enfer pour eux.
10:01Gardons en tête que 60% des ménages les plus aisés représentent plus de 50% de la consommation.
10:09Et donc, vous avez une économie qui est déjà stimulée, vous avez un acheteur marginal
10:14consommateur qui n'était pas là pour les raisons que je viens de donner et donc la
10:17réserve fédérale va le stimuler également.
10:19Et donc, en fait, moi, ce que je me dis, c'est que le stimuler, on va enlever, j'écoute
10:25Jean Poel, on va enlever de la restriction monétaire.
10:29Oui, c'est moins de restrictions, mais ce n'est pas encore un stimulus ou une accommodation.
10:37Oui, mais simplement, vous avez dans les anticipations de baisse de taux, dans la réalité, vous
10:41avez quand même beaucoup de baisse de taux et moi, ce que j'observe…
10:44L'idée du marché, c'est qu'on arrivera à un moment en zone de stimulation monétaire,
10:48en zone d'accommodation monétaire.
10:49Si vous regardez froidement ce que dit le marché action, c'est inflation des actifs
10:53risqués, ce que fait la Fed.
10:55Il y a une étude qui a été faite, qui est sortie, qui est assez simple, qui dit sur
10:58les 13 normalisations depuis 1957, on a évité trois récessions.
11:04A chaque fois qu'on baisse les taux à un moment où l'économie n'est pas sur le
11:08point de rentrer en récession, vous avez un boule market phénoménal sur le S&P.
11:12Et c'est vrai que le mois de septembre est probablement, à cet égard, assez intéressant.
11:17On observe quand même un appétit pour le risque assez fort.
11:20Face à une saisonnalité négative.
11:21Face à une saisonnalité négative, tout était contre ce qui devait se passer au mois de
11:24septembre.
11:25Ce que j'observe également, c'est que l'acheteur marginal, le consommateur marginal qui était
11:31les ménages les moins favorisés, pourra revenir d'une manière ou d'une autre dans
11:34la course.
11:35Revenir dans la consommation.
11:36Et moi, ce qui m'intéresse, c'est de me dire, OK, la Réserve fédérale fait son
11:41huitième pivot.
11:42Elle remet une pièce dans la machine et elle va aller stimuler un acheteur marginal à
11:46un moment où tout est déjà au plus haut.
11:47Est-ce que le risque, en fait, pour nous, ce n'est pas un retour de l'inflation l'année
11:51prochaine ?
11:52Donc, une inflation, un retour de l'inflation et un retour de l'inflation des actifs risqués.
11:56Et c'est là où je me dis que la Réserve fédérale, avec son biais, mais incroyablement
12:00boule.
12:01J'ai rarement vu une banque centrale.
12:03Ça faisait longtemps quand même que je… Moi, j'adore la Réserve fédérale par ce
12:07biais boule.
12:08Ce biais boule, c'est un biais de doviche, c'est le mandat croissance maximale et stabilité
12:17des prix.
12:18C'est inhérent à la création de la Fed.
12:21Et là, on peut rentrer dans un débat qui me fascine en tant qu'obligataire, mais
12:24la réalité, c'est qu'en remettant une pièce dans la machine, vous inflatez les
12:29marchés à risque.
12:30Moi, j'aime bien regarder le… Alors, il peut y avoir des débats à Ad Vita-Eternam
12:33sur la valorisation des marchés.
12:34Moi, j'ai beau les retourner dans tous les sens, ils sont super.
12:36Donc, dans les scénarios alternatifs, avec les 50 points de base de démarrage de la
12:40Fed et peut-être, pourquoi pas encore, un pas de 50 le mois prochain, je veux dire,
12:44tout est ouvert aujourd'hui.
12:45Vous dites, le scénario alternatif de risque dominant, c'est celui d'une résilience
12:49de l'inflation plus que celui d'une récession ou d'un non-soft-lending, quoi.
12:53Nous, on a coupé nos expôts de taux.
12:54On pense que les taux sont plutôt orientés à la hausse aux Etats-Unis il y a 6 mois.
13:01D'accord.
13:02Julien, qu'est-ce que vous en dites chez Groupama ? Et vous l'avez raconté là aussi
13:08depuis un moment, chez Groupama, vous avez été toujours très, très prudent sur la
13:13quantité de baisse de taux qui allaient pouvoir délivrer par les banques centrales, sur
13:18la fin du risque inflationniste, etc.
13:20Vous avez été toujours très prudent dans cette affaire.
13:22Oui, tout à fait.
13:23Nous, on a toujours gardé, j'irais le même col, et je souscris tout à fait à ce qui
13:27vient d'être dit par mon confrère, c'est-à-dire que globalement, on a eu des revirements
13:30de situation assez fréquents et assez conséquents en termes d'amplitude sur les anticipations
13:35de baisse de taux de la part des investisseurs, mais pour cause.
13:38On a eu également un revirement de situation aussi du discours de la Réserve fédérale
13:42plusieurs fois.
13:43Donc, finalement, ce manque de visibilité, nous, on n'y a pas souscrit, on a gardé
13:46le cap et notre conviction, c'est qu'en effet, le taux neutre, ce R étoile dont
13:50on parle aujourd'hui, il est certainement plus élevé que ce que le marché anticipe
13:53parce que, sur votre point tout à l'heure de dire, finalement, les investisseurs anticipent
13:57qu'on va revenir en zone accommodante, non, l'investisseur, il anticipe qu'on va revenir
14:01au taux neutre et que le taux neutre pour les US, c'est 2,80 et c'est 1,80 pour la
14:05zone euro.
14:06Jérôme Poel s'interroge ouvertement lors du dernier meeting sur le taux neutre et intuitivement
14:12il dit, moi, je pense qu'il est un peu plus élevé.
14:14Voilà, et Christine Lagarde a dit exactement la même chose, juste avant de dire, de dire
14:20que finalement, il ne savait pas trop où était ce taux neutre et qu'on ne s'en apercevrait
14:23qu'une fois qu'on l'aurait dépassé.
14:24Parce que, finalement, un taux neutre aujourd'hui, si on se base et si on se fonde sur la théorie
14:29de la règle de Taylor, c'est un taux neutre qui va être une fonction quelque part de
14:32votre croissance potentielle, croissance par avenir versus croissance potentielle plus
14:37un facteur de votre inflation avenir versus l'inflation long terme et ça, quelque part,
14:43c'est censé vous donner le taux neutre.
14:44Donc, si comme nous, on pense qu'on va avoir une croissance avenir plus élevée que le
14:47consensus et une inflation un peu plus élevée que l'inflation qui nous est donnée aujourd'hui
14:51en zone euro comme aux US, nous, on voit un taux neutre à l'arrivée qui est un peu
14:55plus élevé que ce que les investisseurs attendent.
14:57Voilà, tout simplement.
14:58Et donc, en effet, je pense qu'aujourd'hui, les taux projetés que l'on a de la part
15:02des investisseurs à 1,80, 1,70, 1,80 aux US sur le taux neutre, enfin 10 neutres et un
15:07taux d'arrivée en banque centrale autour de 2,80, nous, on pense que c'est trop bas
15:13par rapport, ou même au 2,30, c'est trop bas par rapport à ce que finalement l'économie
15:18suggère puisqu'on a une économie américaine qui tourne plutôt bien, qui en effet profite
15:23de stimuli assez puissants, stimuli budgétaires qui n'ont pas été dépensés puisqu'on
15:27a finalement que peut-être 15, 20% des relances fiscales qui ont été aujourd'hui effectivement
15:32dépensées, une bonne partie allouées mais bien peu de dépensées réellement, donc
15:37un soutien à l'activité, à la croissance qui est très fort.
15:40Et donc, pourquoi il fait 50 points de base ?
15:43C'est quoi l'explication alors ?
15:45Parce qu'en fait il fait 50 points de base parce que je pense que globalement, la Fed
15:49regarde également cette fameuse règle de Taylor, se dit que compte tenu des niveaux
15:52de croissance et d'inflation sur la headline aujourd'hui, 50 points de base c'est acceptable.
15:57Mais attention, un point ne fait pas la tendance, ça ne veut pas dire qu'il va faire 50 points
16:00de base à chaque fois.
16:01Mais ce n'est pas une paniquette ?
16:02Non, je ne pense pas, c'est au contraire, d'ailleurs dans le wording associé, je pense
16:05que c'était assez clair, on est sur des baisses de taux qui vont être progressives, qui vont
16:09être ce qu'il appelle meeting by meeting, c'est-à-dire dépendants, data-dependant
16:13en fonction du marché de l'emploi et il a bien dit qu'il n'avait pas en leur possession
16:18actuellement toutes les datas qui donneraient lieu à la décision de la prochaine réunion
16:22de la Banque Centrale Américaine, donc ce qui veut dire qu'on pilote un peu à vue.
16:25Il y a une grosse donnée qui va lui manquer jusqu'au bout, c'est le résultat de l'élection
16:29présidentielle pour le 5 novembre prochain, si tant est qu'on ait le résultat le jour
16:34de l'élection.
16:36La Fed a réduit ou augmenté l'incertitude avec son entrée dans le jeu de manière un
16:41peu fracassante ?
16:42Je vois la Fed de manière un petit peu différente, c'est-à-dire que, pour être honnête, j'ai
16:46été très surpris par le discours de Jackson Hole, je sais, il y a une éternité, il y
16:51a un mois et des poussières, mais pour moi, ce que Powell a dit, c'est qu'on a une inflation
16:59qui est revenue à deux, pas exactement, mais on n'est pas loin et si on regarde les derniers
17:03chiffres, on est sur la bonne tendance, donc job is done, comme on dit à un Américain,
17:08c'est bon, on a gagné.
17:09Et puis on a un mandat duel, on regarde le taux de chômage, alors ils n'ont jamais communiqué
17:15sur le taux de chômage objectif, mais on comprend qu'entre 4 et 4,5, ils sont à peu
17:19près contents, donc on est là où on doit être, et si on est là où on doit être,
17:23le tout doit être neutre.
17:24Et donc il faut aller à 3.
17:26On veut préserver cette situation, la photo est tellement belle, mais on sait que la dynamique
17:31pointe plutôt vers une décélération.
17:33Et si vous rentrez dans cette logique-là, vous savez, tous les trimestres, la Fed publie,
17:38on appelle ça le dot chart, c'est-à-dire les prévisions des membres de la Fed, le
17:42taux d'équilibre de long terme, il est à 2,825.
17:44Ah bon ?
17:45Attention.
17:46D'accord, ok.
17:47Non, on va dire 3, parce que, comme vous l'avez dit, ça remontouille gentiment.
17:53C'est ça.
17:54Allez, je vous le fais à 3.
17:57Qu'est-ce que ça veut dire ?
17:59Si c'est la bonne logique, un, vous pouvez couper très vite.
18:03Ce n'est pas parce que l'économie se détériore, c'est juste que vous êtes à 5, il faut
18:07aller à 3.
18:08Donc au moins, le premier point pour aller jusqu'à 4, vous pouvez aller super vite.
18:12Ce n'est pas de la panique, c'est juste que vous n'êtes pas là où vous devez être.
18:15Moi j'entendais, j'entends tout à fait cet argument.
18:18Sauf qu'avant la baisse de 50, tout le monde me disait « oulala, mais s'ils vont trop
18:21vite, le marché va prendre peur, c'est qu'ils ont vu quelque chose qu'on n'a pas vu, etc.
18:24etc. ».
18:25Il fallait écouter Jackson Hole, pour moi.
18:28Donc le premier point, c'est que ça peut aller très vite, au moins le tout début.
18:32Le deuxième point, et là je vous rejoins, ça ne veut pas dire qu'on va à 0 ou qu'on
18:37va à 2.
18:38On va s'arrêter à 3, voire un petit peu au-dessus.
18:42Donc c'est là où le marché, quand il price, si vous regardez les futurs, on allait jusqu'à
18:462,5 à un moment donné, ça s'est calmé, on est remonté.
18:49Mais aller vite, ça ne veut pas dire aller très très loin.
18:54Aller vite, ça limite le risque de récession, est-ce que ça fait remonter le risque d'inflation ?
18:59Oui, bien sûr.
19:00Je pense qu'il y a un risque indubitable.
19:02Donc il y a un vrai arbitrage de ce point de vue-là dans la tactique de la Fed ?
19:06Oui, complètement.
19:07Alors ça c'est un autre sujet, mais vous savez, vous avez des obligations qui sont indexées
19:12sur l'inflation.
19:13Donc en regardant ces obligations, vous pouvez savoir quelles sont les anticipations d'inflation
19:19du marché.
19:20On est à 2%, ça n'a pas bougé depuis deux ans.
19:24Je pense que le marché a raison, mais il n'y a aucun risque de rebond d'après le marché.
19:30Moi, je suis un petit peu dubitatif.
19:33Je ne vous dis pas qu'on sera à 5% ou à 10% d'inflation l'année prochaine, mais le risque
19:37qu'on dépasse les deux, moi je pense qu'il faut le pricer et le marché dit non, non, non.
19:42Donc l'inflation n'est pas chère ? Acheter de l'inflation via des instruments financiers,
19:46c'est...
19:47Alors Julien, vas-y.
19:48Surtout qu'il est possible que la Fed, comme l'ABCE, s'accommode d'une inflation qui s'installe
19:53finalement un peu au-dessus de 2%.
19:54L'objectif de 2%, il est en moyenne à long terme, mais quand on a des Etats quand même
19:57qui sont fortement ré-endettés à la faveur des entreprises et des particuliers d'ailleurs,
20:03qui en profitent, je veux dire qui sont eux des endettés, on a des Etats qui se sont
20:06endettés assez massivement et notamment sous l'effet du Covid, et bien finalement avoir
20:10un peu d'inflation qui vient vous payer votre endettement, ce n'est pas si mal.
20:15Sans que ce soit explicite, ça peut être aussi un objectif secondaire ou la Fed ?
20:20Évidemment, les banques centrales ne reviendront pas sur leur objectif.
20:22Ou alors ils sauraient le faire d'une manière académique.
20:23Ils ne seront pas en crédibilité, ils ne joueront pas ce jeu-là.
20:26Mais finalement, s'accommoder d'une inflation qui atterrit, certes sur des niveaux supérieurs
20:33à 2%, mais autour de 2,5%, nous on pense qu'on aura certainement autour de 3% l'année
20:37prochaine aux Etats-Unis, sous l'effet notamment des services, un shelter, donc l'immobilier
20:40qui reste quand même très prégnant en termes de contribution à cette inflation.
20:45C'est quelque chose qui est envisageable finalement.
20:47Ce qui compte, c'est de casser cette boucle salaire-prix qui s'était installée et de
20:53faire en sorte qu'on ne rentre pas dans une spirale inflationniste ou hyper-inflationniste.
20:57On n'y est plus aujourd'hui.
20:58On voit qu'on converge doucement et si on s'installe un peu au-dessus des cibles banque
21:02centrale long terme, je pense que les banques centrales s'en accommoderont.
21:05Dans quelle mesure c'est la même histoire pour la zone euro, Etienne ?
21:08Parce que là, j'ai vu le dernier rapport, on est à 1,8% d'inflation globale, bien sûr.
21:12Il y a des pays qui sont bien en dessous.
21:13Alors, il y a des effets de base qui seront peut-être moins favorables dans les prochains
21:17mois.
21:18On pourrait avoir une remontée de l'inflation.
21:19Mais si le risque, comme vous le dites tous les deux, est de voir la Fed en faire peut-être
21:23un peu trop vite, trop fort, parce que structurellement de viches, est-ce que le risque pour la BCE
21:28est toujours le même ?
21:29Celui d'avoir une BCE trop rigide, trop patentiste, trop timorée ?
21:33C'est vrai que la zone euro, quand je disais qu'on avait coupé nos positions de durations,
21:39c'était sur les Etats-Unis.
21:40Sur l'Europe, on les a coupés aussi, mais on cherche des points d'entrée.
21:43C'est-à-dire qu'on est moins à l'aise à ne pas avoir de durations sur...
21:46Alors, c'est vraiment sur les fonds tactiques, c'est des positions très tactiques.
21:50On n'est pas très à l'aise à ne pas avoir de durations parce qu'effectivement, ça ne
21:53marche pas.
21:54Ça ne marche pas très, très bien en Europe.
21:57Il y a plusieurs facteurs à cela.
21:58La diffusion du crédit ne se passe pas extrêmement bien.
22:00Donc, c'est ce qui a expliqué que la BCE a commencé à enclencher son cycle baissier.
22:09Après, si vous voulez, ce qui me gêne, c'est que l'Europe, il ne se passe pas
22:15grand-chose en termes de croissance depuis un petit bout de temps.
22:18On va baisser les taux.
22:19Est-ce que la baisse des taux va permettre, par la diffusion du crédit, un rebond de
22:25l'économie ?
22:26Malheureusement, je n'en suis pas totalement sûr.
22:27Je pense que les problèmes sont beaucoup plus structurels.
22:29J'entends.
22:30Est-ce que les maintenir à ces niveaux-là serait pour autant une bonne idée ?
22:33Oui, mais sauf que si vous regardez bien, dans plein de pays, dont la France en réalité
22:39aussi, on est au plein emploi.
22:40Vous avez plein de secteurs qui sont énormément sous tension.
22:46La grande majorité des pays européens.
22:50En fait, vous êtes toujours dans cette situation un peu paradoxale.
22:53Vous avez une économie pas florissante, mais vous avez quasiment plus d'offres d'emploi.
22:57On est en train de s'équilibrer.
22:58On est en train de recroiser, mais on avait quasiment plus d'offres d'emploi que de
23:02personnes prêtes à travailler, que ce soit des deux côtés de l'Atlantique.
23:06C'est pour ça que moi, quand je regarde ce que fait M. Powell aux États-Unis, je
23:09me dis, parce qu'on est juste en train de croiser les lignes.
23:12On est en train de rééquilibrer l'offre-demande.
23:15Mais on n'a pas vraiment corrigé.
23:19Donc, si vous baissez les taux, vous allez faire revenir du consommateur à la marge.
23:24Moi, je pense que malheureusement, sur la croissance, je ne suis pas totalement sûr,
23:28je vois bien l'inflation repartir.
23:29En zone euro également.
23:32Parce que simplement, vous avez des tensions.
23:34Malgré tous les sujets, la morosité ambiante, la croissance relativement à tonne, les
23:42chefs d'entreprise ont énormément de difficultés à embaucher.
23:47C'est une réalité qui est assez particulière.
23:50Et l'atonie de la demande à un moment ?
23:52Parce qu'il y a un phénomène de rétention parce que démographie, pénurie, etc.
23:56Et que le chef d'entreprise, effectivement, il va réfléchir à deux fois maintenant
24:00avant de dégraisser mon staff, etc.
24:03Mais bon, face à une atonie de la demande qui se prolongerait, il y a un moment où
24:10le rationnel de l'entreprise peut reprendre le dessus aussi.
24:14Oui, mais je pense qu'il peut reprendre et reprendra le dessus si les courbes se croisent
24:19franchement et que vous avez un ralentissement plus marqué.
24:22Et là, vous aurez probablement…
24:24Et d'ailleurs, c'est une des raisons pour lesquelles il y a toujours cette tentation
24:28d'une partie des investisseurs à penser que la récession est toujours probable.
24:32C'est-à-dire qu'à un moment, on fasse basculer l'économie de croissance à récession
24:38parce que vous avez ce surcroît de personnes qui perdent leur job et ça y est, la consommation cale.
24:43– Julien, je vois que vous appréciez sur l'idée d'une BCE qui pourrait quand même passer…
24:47Alors, on a déjà deux baisses de taux, mais c'est vrai que la Fed a tout de suite
24:49remis les choses à niveau avec une baisse de 50.
24:53Visiblement, en octobre, c'est « no deal » pour la BCE.
24:55A priori, il n'y a plus de débat sur l'idée qu'elle baissera les taux,
24:58peut-être à chaque meeting, désormais ?
25:00– C'est ce qui est pricé, en tout cas.
25:02Alors, sur octobre, la probabilité est assez forte.
25:05Nous, justement, le fait que ce pricing soit effectif sur quasiment chaque réunion de Banque Centrale
25:10jusqu'à juin, on n'y souscrit pas.
25:11– Vous mettez un doute là-dessus ?
25:12– On n'y souscrit pas, on pense plutôt sur une méthode de petit pas
25:14parce qu'encore une fois, il y a une incertitude très forte sur l'atterrissage sur ce fameux taux neutre.
25:19Je souscris en effet à ce qui vient d'être dit par mon confrère,
25:21c'est qu'en Europe, tout n'est pas noir non plus.
25:23On a les services qui tiennent plutôt bien,
25:25qui contribuent encore fortement d'ailleurs à l'inflation qu'on connaît en zone euro,
25:29même si elle a, notamment en France récemment, plutôt diminué.
25:32Mais on a un core service qui tient plutôt bien.
25:34Une partie, finalement, manufacturière qui a contribué très faiblement,
25:38quasiment nulle à la contribution à l'inflation.
25:42– C'est 4% de l'inflation dans les services.
25:44– Oui, mais parce qu'on a eu un déstockage qui a été massif,
25:45donc on a eu beaucoup moins de production de ce point de vue-là.
25:49Mais finalement, on a une demande en face, et notamment quand on rallonge l'horizon,
25:51on a une demande en faveur de l'investissement qui est et qui va rester très forte
25:56parce que tous les facteurs de cet investissement sont là.
25:58On a du retard d'investissement globalement,
26:00on a un appareil productif qui est vieillissant,
26:02on a des conditions de financement de la part des entreprises qui restent bonnes.
26:06On le voit bien, nous, sur les marchés financiers,
26:08on a aujourd'hui sur le marché à yield,
26:10finalement la moitié de la dette l'année prochaine qui est déjà refinancée.
26:13On nous parlait du fameux mur de refinancement.
26:14Et sur 2026, on est déjà sur un quart de la dette qui est refinancée,
26:18un quart des besoins en refinancement qui ont déjà été refinancés
26:21parce qu'on avance les calls et les remboursements sur ces échéances-là.
26:26Donc finalement, les entreprises sont en bonne santé,
26:28en termes de profits, ça se passe plutôt pas mal,
26:29ont des capacités de refinancement favorables
26:32puisqu'on a eu des baisses de taux et des resserrements de spread.
26:34Donc sur le marché, ça se refinance bien,
26:35on en parlera peut-être tout à l'heure,
26:36mais sur le marché primaire, ça se place encore extrêmement bien.
26:39On a des rythmes d'émissions primaires qui sont très favorables,
26:42avec des bids to cover,
26:43donc des niveaux de souscription sur les émissions qui sont très forts.
26:45Donc voilà encore une fois un facteur de soutien à cet investissement.
26:48Donc nous, on est plutôt assez favorable.
26:51Et puis la relance fiscale, comme je le disais aux Etats-Unis,
26:54mais c'est également le cas en Europe,
26:55qui se confirme, qui va nourrir les secteurs en transition,
26:58qui n'a pas totalement été dépensée.
27:00Et donc finalement, une demande de la part de cette relance budgétaire
27:05qui reste forte, qui encore une fois n'a pas été dépensée,
27:08des conditions de financement favorables,
27:10un retard d'investissement,
27:11l'appareil productif qui est plutôt vieillissant,
27:13et donc des besoins d'investissement qui vont être très forts,
27:15que ce soit pour du remplacement de l'appareil productif
27:17ou pour nourrir une transition énergétique ou digitale.
27:21Donc on a tous les sous-jacents à moyen long terme
27:23d'une bonne tenue de l'investissement qui doit nourrir cette demande.
27:26On ne souscrit pas à la morosité ambiante.
27:28Donc il n'y a pas une si grande nécessité
27:31pour la Banque Centrale Européenne d'aller vite aujourd'hui.
27:35Ou alors il y a une incohérence.
27:39Non mais l'ABCE peut aider à combler ce retard d'investissement par exemple,
27:42et aider à combler le retard d'investissement,
27:44bah oui, ça veut dire en allant assez vite au taux neutre,
27:47ou en s'en approchant assez vite.
27:49Si on en a besoin aujourd'hui, on n'est pas persuadé.
27:51Et surtout, ou alors, si on...
27:53J'entends bien, parce que l'ABCE eux-mêmes n'en sont pas persuadés.
27:57Tel dérapage sur les taux courts pourrait expliquer
27:59les attentes d'une récession.
28:01Clairement, aux US, on ne la voit pas.
28:03Il n'y a aujourd'hui aucun facteur qui expliquerait cette récession.
28:05Je vous crierais ce qui a été dit.
28:06En zone euro, a priori, non plus, pas à court terme en tout cas.
28:08Sur l'ABCE, tu veux bien qu'on dise un petit mot de la France ?
28:11Je ne sais pas.
28:12Euh...
28:14Euh...
28:15Non mais...
28:16C'est pas gentil de me passer cette question-là à moi.
28:18Non mais je vous formulerai une question
28:20qui est une question de marché sur la France.
28:23Non mais c'est...
28:25Sur l'ABCE déjà.
28:26Alors, sur l'ABCE, moi je suis beaucoup, beaucoup plus prudent
28:30sur l'économie européenne de manière générale.
28:34Pour une raison simple, c'est que si vous regardez
28:36toutes les décisions qui engagent le futur,
28:38elles ne sont pas prises.
28:39C'est-à-dire que la décision dans une entreprise
28:42qui engage le futur, c'est de créer un emploi.
28:44Parce qu'on crée un emploi, forcément,
28:45c'est pas pour virer la personne le lendemain.
28:49Dans le PMI allemand, on est au plus bas depuis 15 ans.
28:52Sur l'emploi ?
28:53Sur l'emploi.
28:53La composante d'emploi ?
28:54Si vous regardez en France...
28:56Alors, je ne sais pas pourquoi tout le monde
28:57regarde l'enquête dans l'industrie.
28:59C'est 15% du PIB.
29:01Personne ne regarde jamais l'enquête dans les services.
29:03Regarder la composante emploi dans les services,
29:06c'est une catastrophe en France.
29:07C'est en train de tomber comme une pierre.
29:09Donc, la décision qui implique le futur est repoussée.
29:13Sur les CAPEX, sur les investissements,
29:16oui, il y a des conditions favorables,
29:18mais il n'y a pas d'investissement.
29:20Vous avez une enquête de l'Union européenne
29:23qui demande aux entreprises
29:24quelles sont vos prévisions d'investissement.
29:27C'est très mauvais.
29:28Quand je dis très mauvais, c'est une ditote.
29:30Et puis l'autre décision qui engage le futur,
29:34quand on est consommateur, c'est de consommer, évidemment.
29:38On a un taux d'épargne qui est anormalement élevé.
29:40Pour être honnête, je pense que personne
29:43n'a une explication vraiment claire.
29:45Enfin, moi, je peux passer une demi-heure à l'expliquer,
29:47mais on a un taux d'épargne des ménages qui est assez élevé.
29:50On s'attendait à ce qu'il baisse
29:51et donc à avoir une conso qui rebondisse.
29:55Et en fait, le taux d'épargne continue de progresser.
29:57Donc, ça veut dire qu'il y a une espèce de stress chez le consommateur.
30:00Donc, moi, j'ai quand même l'impression,
30:02alors ça ne veut pas dire qu'on va avoir une récession catastrophique.
30:05Mais ça, la BCE peut participer à régler ce problème en baissant les taux.
30:08Oui, je pense que ça peut aider, mais à la marge.
30:12Pour moi, il y a un vrai sujet de confiance
30:14dans l'industrie, dans les services, dans les ménages.
30:18Et vous voyez, si tout le monde attend pour consommer,
30:20pour investir, pour créer des emplois, vous allez avoir un ralentissement.
30:24Et puis, les agents vont vous dire « Ah, mais j'avais raison ».
30:26Oui, alors c'est du self-fulfilling, ça s'appelle, du auto-généré.
30:31Mais donc, moi, je suis un petit peu dubitatif
30:33sur la trajectoire européenne à court terme,
30:36parce qu'il y a vraiment un sujet de confiance important.
30:38Si on se parle franchement sur l'Europe,
30:42la Commission européenne est une machine à réglementer.
30:45On n'a pas de Google, on n'a pas de Meta.
30:47Si vous regardez les entreprises, il y avait une étude qui était intéressante.
30:50Les entreprises à plus de 1 000 milliards qui ont été créées aux Etats-Unis
30:55ont une vingtaine d'années.
30:57Mais c'est le rapport Draghi, ça.
30:58Et nous, on n'en a pas.
30:59Et on a quelques boîtes qui font plus de 100 milliards
31:01et qui ont un demi-siècle d'existence.
31:04Je pense que la réalité, c'est qu'on peut stimuler une économie
31:08autant qu'on veut monétairement,
31:10ça va pas relancer la machine, on a un problème structurel.
31:12Et c'est vrai que...
31:14C'est le sens du rapport de Mario Draghi.
31:15Et donc, oui, on peut baisser les taux,
31:17mais est-ce que c'est ça qui va faire que demain,
31:18on a Microsoft chez nous ?
31:21Je pense pas.
31:21Il faut qu'on change un peu structurellement les règles.
31:24C'est plus du politique que du monétaire, à mon avis.
31:27Non, la question sur la France, c'est...
31:31Si on se place du point de vue des créanciers de la France,
31:34quel est le message qu'on attend ?
31:37Là, on a eu un premier message.
31:39C'est objectif 5 % de déficit sur PIB 2025.
31:42Les 3 %, on verra en 2019, en 2029.
31:46Mais en tout cas, sur l'effort,
31:47c'est ce que recommandait la Banque de France,
31:502 tiers d'économies de dépense, 40 milliards.
31:53Un tiers de hausse de fiscalité, 20 milliards.
31:56Ça, c'est le package pour 2025.
31:59Est-ce que c'est le genre de package qui rassure des créanciers ?
32:03Même si ça a un coût, peut-être,
32:05sur la croissance française pour 2025, j'en sais rien.
32:08Mais est-ce que c'est ce genre de message
32:09que les créanciers de la France veulent entendre aujourd'hui ?
32:11Oui, je pense...
32:14Sans faire de politique et sans rentrer trop dans les détails,
32:16je pense que le message est le bon.
32:23Pour moi, il y a deux sujets.
32:24Le premier sujet, c'est est-ce que ce sera vraiment mis en place ?
32:27C'est le sujet habituel.
32:28Mais bon, ça, il faut donner le bénéfice du doute à un moment donné.
32:32Et vous savez que la politique en France est un petit peu complexe,
32:36en particulier en ce moment.
32:38Donc ça, c'est la première question.
32:39C'est est-ce que le gouvernement aura vraiment la capacité d'eux ?
32:43Et puis, il y a un autre sujet.
32:44Alors ça, c'est purement un sujet de marché.
32:47C'est que j'ai calculé sur la dette allemande,
32:52vous devez probablement avoir 80% de la dette allemande
32:55qui est détenue par des banques centrales,
32:58des gens qui achètent de la dette,
33:00non pas pour investir, mais qui la gardent et quel que soit le prix.
33:04Donc en fait, quand vous êtes investisseur,
33:05vous ne pouvez pas vraiment investir sur la dette allemande
33:08parce qu'il n'y en a pas assez.
33:09Donc vous allez chercher le truc qui ressemble le plus,
33:13et qui est liquide, c'est la dette française.
33:15Sauf que ça, c'était la logique il y a quelques mois,
33:17il y a quelques années.
33:18La dette française, maintenant,
33:19elle est au niveau de la dette espagnole et de la dette portugaise.
33:23Ce n'est pas la même profondeur de marché non plus.
33:26Exactement, mais on commence à avoir une alternative.
33:31Je rappelle que la différence de rentabilité
33:33entre la dette française et italienne,
33:35c'était 113 points de base,
33:37c'est-à-dire 1,10% au début de l'année.
33:41On est en dessous des 50 BP, c'est-à-dire 2,05%.
33:44Donc on se rapproche beaucoup de l'Italie.
33:45Si à un moment donné...
33:46Vous voyez, il y avait quelque chose,
33:48je pense que la dette française était basse
33:51par rapport aux fondamentaux
33:53parce qu'on était la seule alternative à l'Allemagne.
33:56Si à un moment donné, le marché dit
33:57« Ah ben non, finalement, l'Italie, l'Espagne... »
34:00Ça bouleverse la hiérarchie.
34:02La prime sur la France disparaît très très vite.
34:06Et là, ça peut glisser beaucoup plus vite, je pense.
34:09D'accord, avec cette analyse, ces observations,
34:11il y a aujourd'hui des alternatives
34:13pour des investisseurs un peu contraints
34:14vis-à-vis de l'actif souverain,
34:17de se dire « Avant, je n'avais pas tellement d'autres choix que la France.
34:19Maintenant, je peux avoir d'autres alternatives. »
34:21Ça se voit dans des flux, ça se mesure ?
34:24Oui, ce qui fait l'attrait, je pense, d'une dette aussi
34:26pour un investisseur notamment étranger,
34:28c'est finalement la stabilité aussi fiscale,
34:30la capacité de l'État à lever l'impôt
34:32et à tirer les capitaux et notamment les investissements.
34:36J'ai écouté il y a deux jours une interview de Xavier Niel
34:38sur ce sujet-là et finalement, lui, il dit un peu la même chose.
34:41Il dit que depuis quelques années...
34:42Un paradis, la France est un paradis.
34:44Oui, ou en tout cas, il y avait une certaine forme de stabilité fiscale
34:48qui donnait de la visibilité aux entreprises.
34:50C'est ce qui a permis notamment parfois à certaines entreprises,
34:52notamment dans le secteur de la finance d'ailleurs,
34:53de rejoindre la place parisienne.
34:55Et donc, au-delà du secteur financier,
34:58on a beaucoup d'entreprises, d'industries,
35:01sous l'effet d'un ministre d'ailleurs dédié à cette tâche,
35:04ont réintégré, ont investi en France.
35:06Et je pense qu'à la fois la capacité à capter des recettes
35:09par un business accru, par des investissements accrus
35:12et une capacité à lever l'impôt,
35:13c'est ce qui rassurera les investisseurs.
35:15Après, d'un point de vue purement technique,
35:16la dette française, c'est une dette qui est profonde,
35:18qui est liquide, qui dispose de marchés dérivés,
35:21donc qui donne la possibilité aux investisseurs de couvrir,
35:24ce qui n'est pas le cas de toutes les dettes,
35:25en tout cas pas avec la même liquidité.
35:27Ça, je pense qu'il faut l'avoir en tête également,
35:29parce que ça joue également sur l'attrait
35:31que peuvent avoir les investisseurs étrangers d'une courbe pays.
35:34Le fait d'avoir des futurs sur OAT,
35:36ça a été créé il y a quelques années,
35:37ce n'est pas si lointain que ça,
35:40ça joue en la faveur de la dette française.
35:43Qu'est-ce qu'on peut ajouter sur la situation ?
35:45L'effort demandé, là,
35:48ça aura un impact forcément sur la conjoncture française,
35:52ça va nous faire décrocher encore un peu plus ou pas ?
35:56Etienne.
35:56Ce que je trouve intéressant dans le discours de politique générale,
35:59c'est que je ne sais pas si on a gagné une semaine,
36:01quelques mois ou quelques trimestres.
36:03C'est-à-dire que le message que je retiens,
36:06c'est qu'on ne sait pas couper les dépenses,
36:09puisqu'on n'a aucune info sur la façon dont on va le faire,
36:11et probablement parce que c'est super compliqué.
36:14Et finalement, on va recourir à l'impôt,
36:17parce que ça, c'est ce qu'il y a de plus simple.
36:19Le deuxième message qu'on passe...
36:20Quand même, deux tiers d'économie, un tiers de hausse de fiscalité.
36:24Et dans les économies, oui, enfin bon,
36:26il y a des économies de dépenses fiscales aussi.
36:29On a le détail sur les impôts,
36:30on n'a aucun détail sur les coupes.
36:32Moi déjà, je retiens ça.
36:34La deuxième chose que je retiens,
36:35c'est que même s'ils arrivent à trouver des économies,
36:39on n'est pas totalement sûr dans quelle mesure
36:42ils vont réussir à les implémenter,
36:43parce qu'alors on va rentrer dans le dur de dur
36:45et il va falloir rassembler largement,
36:47ce qui n'est pas totalement évident
36:48vu la configuration de l'Assemblée nationale.
36:50Donc moi, je n'étais ni rassuré ni particulièrement inquiet.
36:56Je me dis qu'ils ont peut-être réussi à gagner
36:59un tout petit peu de temps, combien de temps.
37:01Pour moi, et c'est pour revenir à votre question,
37:03il y a une chose qui est sûre, et ça, c'est un peu terrible,
37:06je trouve, quand on est investisseur français
37:08et qu'on aime son pays,
37:09c'est que quand j'achète de la duration,
37:11c'est-à-dire quand j'achète de la politique monétaire,
37:13je n'achète pas la France.
37:15Quand j'achète la France, j'achète du crédit,
37:17comme l'Espagne, comme l'Italie.
37:19Les entreprises.
37:20Quand j'achète de la duration,
37:21je vais prendre un pays type Allemagne ou autre.
37:23C'est quand même, et je ne suis pas le seul à le faire.
37:26On a plus confiance dans les entreprises que dans le souverain,
37:29pour le dire un peu simplement.
37:30C'est ça, quand on joue la politique monétaire de la BCE,
37:32on va jouer autre chose.
37:33Un mot rapide, 30-40 secondes chacun,
37:35sur la logique d'investissement qui vous anime à ce stade
37:38chez Sanson, chez AM.
37:40Alors nous, quelques messages.
37:43Première chose, on trouve que le soft landing est ultra-pricé.
37:47Ce qui n'est pas pricé, c'est le risque de récession.
37:49Il n'y est pas.
37:49C'est-à-dire qu'on a un certain nombre de baisses de taux,
37:53encore 200 probablement à venir.
37:54S'il y a une récession, il y en aura probablement 200 de plus.
37:57Encore une fois, on n'a rien qui nous permet de voir
37:59qu'une récession puisse arriver,
38:00même si c'est extrêmement difficile à entrevoir.
38:03L'autre risque qui me paraît extrêmement sous-pricé,
38:05que ce soit sur les taux ou encore sur le marché actions,
38:08c'est ce fameux risque de melt-up.
38:10C'est-à-dire qu'à chaque fois que la Fed baisse les taux
38:12à un moment où l'économie a un momentum favorable,
38:14ce qui est le cas en ce moment,
38:15si vous regardez les moments de pas melt-up,
38:17là vous mettez un peu trop d'hydrogène.
38:20Le krach à la hausse.
38:21Et donc le krach à la hausse.
38:22Et celui-là me paraît être le risque des prochains jours.
38:26Je conserve ça.
38:28Dernière chose, pardon, personne n'en parle,
38:31mais ce qui se passe aux Etats-Unis avec la grève des dockers,
38:33c'est quand même 60% des importations.
38:35Je suis surpris que...
38:37On va voir, c'est le premier jour.
38:38On n'en a pas parlé, oui,
38:40mais si ça prend de l'ampleur, évidemment qu'on en parlera.
38:43Julien ?
38:45Nous, je dirais qu'on aurait deux gros calls.
38:47En effet, je souscris au fait aujourd'hui de vendre
38:49le marché américain souverain.
38:51Je pense qu'en effet, on a un risque de découplage aussi
38:54entre les US et la zone euro du point de vue fondamental
38:56et donc peut-être des politiques monétaires.
38:58En tout cas, du rythme de baisse des taux.
38:593,80 sur le 10 ans américain, ce n'est pas un screaming buy.
39:02Non, clairement.
39:03Non, pas du tout.
39:04Et puis quand on voit la tête des pentes aussi,
39:05que ce soit en zone euro d'ailleurs ou aux Etats-Unis,
39:07on a eu un peu de repentification à la faveur d'un bull steepening,
39:10donc plutôt par la baisse des taux.
39:11Là, il est probable qu'on ait plutôt un bear steepening
39:14avec une hausse des taux longs et une reconstitution des primes de termes.
39:16Donc, on n'a pas envie d'acheter beaucoup de durations.
39:18On n'est pas rémunéré pour acheter de la duration,
39:20rallonger la maturité.
39:20Par contre, on est encore relativement bien rémunéré
39:23pour acheter du crédit.
39:24Alors, ça s'est resserré.
39:25Certains vont dire que c'est cher.
39:27Nous, on pense que ça peut rester cher
39:28et que cette logique de portage de cari sur le crédit,
39:30dans un contexte où finalement,
39:32on ne voit pas de rupture de l'activité économique,
39:33ça peut continuer de payer.
39:34Voilà, donc on reste constructif sur le crédit.
39:37Profitons des points de vol quand ils arrivent
39:39pour réabonder le crédit dans les portefeuilles.
39:42Stéphane ?
39:43Alors, il y a un sujet dont on n'a pas parlé.
39:45Oui, la Chine.
39:46Non.
39:46Ah bon, pas de la Chine non plus.
39:48Non, sur les banques centrales, il y a des baisses de taux,
39:50il y a des expansions de bilans aussi,
39:53qui recommencent.
39:55Moi, j'ai un agrégat sur les cinq grandes banques centrales.
39:58On recommence à donner de l'équité.
40:00Il y en a qui réduisent moins leur bilan
40:01et d'autres qui réinjectent.
40:02Voilà.
40:03En Asie ?
40:04Oui, en Asie, essentiellement.
40:06Et donc, ça, c'est très clairement positif
40:08pour les actifs risqués.
40:09Alors, je dis différemment ce que vous avez dit.
40:12Donc oui, on a une incertitude qui est importante.
40:15Je crois qu'il y a des élections aux Etats-Unis bientôt.
40:17Vous êtes bien informé Stéphane.
40:20Je regarde Vismart.
40:20Vous suivez ça de près ?
40:21Oui, je vous en remercie.
40:24Mais donc là, il y a une incertitude.
40:26Une fois que l'incertitude sera levée,
40:28on est quand même dans une configuration
40:30avec une croissance qui est certes pas extraordinaire,
40:32mais qui tient.
40:34Une inflation qui n'est pas très élevée
40:36et des liquidités qui arrivent,
40:37qui est assez favorable pour les actifs risqués, je trouve.
40:40C'était Smartball ce soir.
40:42C'est quand même très bullish.
40:44Le discours ce soir autour de la table.
40:45Merci à vous trois, Stéphane Déo, élévat Capital,
40:48Julien Moutier, Groupama, Asset Management
40:49et Étienne Gorjon, Sandso Longchamp, Asset Management.

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