Mardi 24 octobre 2023, SMART BOURSE reçoit Stephane Déo (Senior Portfolio Manager, Eleva Capital) , Nicolas Forest (Directeur des investissements, Candriam) et Olivier Raingeard (Directeur des investissements, Neuflize OBC)
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00:00 (Générique)
00:10 Trois invités avec nous chaque soir pour décrypter les mouvements de la planète marché.
00:13 Nicolas Forest est avec nous en plateau, directeur des investissements de Candriam.
00:16 Bonsoir Nicolas.
00:17 Bonsoir Nicolas.
00:18 Merci d'être là, merci à Stéphane Déo d'être à nos côtés également.
00:20 Bonsoir Stéphane.
00:21 Bonsoir.
00:22 Ravi de vous retrouver comme gérant senior chez Eleva Capital désormais.
00:25 Et Olivier Ringard nous accompagne également ce soir.
00:27 Bonsoir Olivier.
00:28 Bonsoir Édouard.
00:29 Directeur des investissements de Neuflies, OBC.
00:32 Le monde des taux à 10 ans américains à 5%, donc ça c'était hier.
00:36 C'était un monde éphémère d'ailleurs.
00:39 Au passage ça n'a pas tenu très très longtemps,
00:41 puisqu'on a vu tout de suite après le franchissement de ce seuil symbolique des 5%,
00:45 espèce de soulagement, de mini rally, des couvertures de position vendeuse,
00:50 de ce qu'on a compris de la part de gourou du marché obligataire américain.
00:55 On se pose la question de la tendance et du niveau.
00:58 Qu'est-ce qu'on peut dire du niveau des 5% ?
01:00 Et qu'est-ce qu'on peut dire de la tendance du bear market obligataire peut-être le plus intense de l'histoire ?
01:07 Puisque je rappelle que par rapport à 2020,
01:09 qui étaient les points hauts des papiers obligataires 10 ans, 30 ans américains,
01:13 on a vu ces papiers perdre 40 voire 50% sur du 10 ans ou du 30 ans américain.
01:19 Est-ce qu'on a assisté à une forme de capitulation qui permet de se dire
01:23 qu'à 5% de rendement sur ces parties longues de courbe,
01:26 l'investisseur peut revenir de manière confortable ?
01:29 Olivier.
01:30 Je vais donner quelques éléments de réflexion par rapport à ces observations.
01:34 La première réflexion, c'est le fait que les mouvements d'ajustement sur les taux longs
01:40 se font généralement dans le temps.
01:42 Ils ne se font pas pendant quelques mois ou pendant quelques trimestres.
01:46 C'est plutôt des ajustements qui sont longs.
01:49 On est aujourd'hui dans cette phase d'ajustement qui a commencé fin 2021, début 2022.
01:54 Deuxième élément, il faut essayer de comprendre pourquoi cette phase d'ajustement
01:59 est en train de se poursuivre.
02:01 À cette question, on répond de la manière suivante.
02:05 Il y a probablement plusieurs facteurs qui participent à cette poursuite
02:09 de la correction des taux longs américains.
02:11 Le premier, c'est cette histoire que le taux directeur américain
02:15 est plus haut pour plus longtemps.
02:17 Il paraît que ce ne sera pas pour toujours, mais au moins pour plus longtemps.
02:22 Ça participe à relever, si on fait une moyenne des taux courts instantanés
02:28 plus une moyenne des taux courts anticipés, ça participe à pousser les taux longs à la hausse.
02:34 Et puis, il y a d'autres composantes qui sont plus difficiles à apprécier,
02:38 que sont la volatilité sur les marchés obligataires,
02:41 qui justifie que les investisseurs exigent une prime supplémentaire.
02:46 On a des incertitudes sur le régime d'inflation à moyen et long terme,
02:51 des incertitudes sur le taux d'intérêt réel d'équilibre.
02:55 Donc, ça fait pas mal d'incertitudes, ce qui participe à cette poursuite
02:59 du redressement des taux longs.
03:01 Après, dernier élément, si on regarde ce qui s'est passé, par exemple,
03:04 en 2007-2008, on avait eu un phénomène à peu près similaire,
03:08 à savoir des taux courts de la part de la Banque centrale américaine
03:12 qui se stabilisent, une courbe qui était inversée, très inversée.
03:18 Et quelques mois après cette pause de la part de la Banque centrale américaine,
03:22 des tensions sur les taux longs américains, qui étaient montées,
03:26 si je me concentre sur le disant, au niveau du taux directeur américain.
03:30 Donc, on a un sentiment qu'on est un peu dans ce mouvement aujourd'hui.
03:34 Alors, si on essaye de se projeter, on fait le point haut à 5,02,
03:39 allez, osons, disons que oui d'ici à la fin de l'année,
03:44 dans le cycle, on verra, mais disons que oui d'ici à la fin de l'année.
03:48 Pour notre part, on est dans la projection qui est la suivante,
03:51 une inflation qui va continuer de décélérer assez sensiblement,
03:54 une croissance économique américaine qui, à partir du quatrième trimestre,
03:58 alors pour l'instant, on ne le voit pas quand on regarde les chiffres du troisième trimestre,
04:01 mais à partir du quatrième trimestre, va décélérer fortement,
04:05 et une banque centrale américaine qui, progressivement, est en train d'affléchir son discours
04:10 en nous indiquant que les risques aujourd'hui sont un peu plus équilibrés
04:13 et qu'il faut être prudent.
04:15 Et donc, dans ce cadre-là, on imagine que les taux longs refluent
04:19 tout au long de l'année 2024, raison pour laquelle on est à sa confiance
04:22 sur le point haut sur cette année 2023.
04:25 Nicolas, votre appréciation de gérer obligataire, toujours,
04:29 directeur de l'investissement de Candriam,
04:31 on ne quitte jamais le monde obligataire quand on est né dans le monde obligataire.
04:35 Nicolas, 5% sur le dividende américain, on regarde des facteurs
04:38 qui déterminent les prix sur les marchés...
04:40 Est-ce que c'est un point d'entrée, peut-être même historique ?
04:43 Alors, tout ce qui a été dit, et j'adhère à une grande partie de ce qui a été dit,
04:49 et c'est vrai, 5%, c'est tentant.
04:51 Si on fait un exercice de prévision de rendement à venir pour l'année qui vient,
04:58 petit exercice qu'on fait en interne pour avoir une vision des expected returns,
05:03 des rendements attendus, on n'a jamais eu des rendements attendus,
05:06 des obligations d'Etat américaine aussi élevées,
05:08 surtout en relatif vis-à-vis des autres classes d'actifs.
05:11 Donc oui, c'est intéressant, et c'est même intéressant pour un investisseur européen,
05:15 parce qu'il y a quand même un spread qui est assez large,
05:17 et même si on le hedge, c'est intéressant.
05:19 Donc oui, la valorisation, elle est intéressante, c'est indiscutable.
05:22 C'est intéressant d'un point de vue valorisation.
05:24 Et c'est indiscutable aussi que si à un moment donné la Fed et l'inflation se calment,
05:29 les taux vont baisser.
05:30 Mais ça fait des si, si vous voulez.
05:32 Pour moi, la valorisation n'est pas un argument en soi pour acheter.
05:39 C'est-à-dire que ça peut être pas cher, mais ça suffit pas.
05:43 Pour moi, pour vraiment penser qu'on est sur un point haut,
05:47 il faut que la volatilité se stabilise.
05:50 Et vous l'avez très bien dit, il y a beaucoup de volatilité.
05:53 Quand on a un mouvement, on touche 5,05, on va à 4,80,
05:57 on a 25 points de mouvement en quelques heures, c'est assez violent.
06:02 Il y a 15 jours, c'était 20 BP intraday sur 30 ans.
06:05 Donc cette volatilité pour moi montre qu'il n'y a pas encore une confiance,
06:09 vraiment des investisseurs long terme, pour dire
06:11 "je reviens de façon confiante sur les obligations d'Etat".
06:15 De plus, toute une série d'acteurs ont des moins-values gigantesques.
06:19 Gigantesques.
06:21 Et ont les poches rincées avant de revenir sur les obligations.
06:24 J'ai pris l'exemple, on en parlait juste avant,
06:26 de l'obligation 100 ans autrichienne, émise en 2020,
06:30 qui passe de 140 à 36.
06:32 Alors l'investisseur qui en a acheté, avant d'en remettre une couche à 36,
06:36 je pense qu'il va...
06:38 - C'est peut-être pas le papier qui est le plus présent dans tous les portefeuilles,
06:41 ils avaient levé quelques milliards.
06:43 - Bien sûr, bien sûr.
06:44 Mais ce que je veux dire par là, c'est qu'il y a une forme d'attente.
06:46 Et il ne faut pas oublier, en effet, c'est ce que vous avez dit,
06:49 aujourd'hui, investir sur du 4,80.
06:51 Si la Fed reste à 5, 25, 50, vous perdez de l'argent tous les jours.
06:56 Sauf si vraiment, ils baissaient leur taux.
06:59 Donc pour moi, par rapport à ça, je suis bien d'accord que stratégiquement,
07:02 c'est intéressant, qu'il faut commencer à regarder.
07:04 Oui, les obligations d'Etat américaine, pour moi,
07:07 en tant qu'avec mon expérience de gérant obligataire pendant une vingtaine d'années,
07:12 oui, c'est sûr que c'est attractif, plus pour moi-même que les obligations d'Etat européenne.
07:17 Parce que s'il y a un problème, ça va être intéressant.
07:21 S'il y a vraiment un embrasement géopolitique, c'est la valeur refuge.
07:25 Par contre, moi, je ne dirais pas qu'on a forcément atteint le point haut.
07:28 Je ne serais pas du tout étonné qu'on touche 5,50.
07:31 Ça ne me choquerait pas.
07:33 - C'est-à-dire se mettre au niveau du taux directeur, quoi.
07:36 C'est un peu l'histoire que racontait Olivier, 2007-2008.
07:39 - Voilà.
07:40 - On est dans un nouveau paradigme.
07:41 - On a un réaplatissement de la courbe venant d'une courbe extrêmement inverse.
07:44 On était à plus de 100 points de base d'inversion.
07:46 - On est dans un nouveau paradigme.
07:47 Le paradigme qu'on a connu pendant 10 ans, où les taux étaient négatifs, étaient très bas, c'est un paradigme.
07:52 Il est fini.
07:53 Il est fini.
07:54 Donc, en Europe, aux États-Unis, on est dans cet autre paradigme où les taux évoluent.
07:57 Ça a été plus élevé.
07:59 Pour vraiment qu'on ait une baisse de taux, il faut une inflexion d'un point de vue croissance.
08:03 Il faut une inflexion de la politique monétaire.
08:06 Et pour l'instant, il est trop tôt pour moi pour le dire.
08:09 Et donc, je pense aussi que ce qui est important, c'est de se poser la question.
08:13 Oui, je vois les baisses.
08:14 On dit oui, j'aimerais bien que les taux baissent.
08:16 En fait, on voit les taux baisser, mais on aimerait bien en fait.
08:18 Mais jusqu'à où en fait ?
08:20 Et la question, c'est est-ce que les taux d'intérêt long terme peuvent baisser beaucoup si la Fed ne baisse pas ?
08:27 Moi, je ne crois pas.
08:28 Je ne crois pas.
08:30 Donc, oui, tactiquement, aujourd'hui, consolidation certainement.
08:34 Sur le long terme, oui, c'est intéressant.
08:36 Mais quand même, moi, j'attends de suivre d'un côté la volatilité et puis le déficit.
08:40 Le déficit américain qui est quand même assez large.
08:43 6,3 pour l'exercice 2023.
08:46 Et je terminerai juste, et on en est très loin, dans un an, il y a les élections américaines.
08:51 D'ici là, on verra peut-être des points bas.
08:53 Mais quelle est la valeur des obligations d'État américaine si on a un deuxième mandat de Donald Trump ?
08:59 Je laisse planer un petit silence.
09:03 Je ne sais pas, mais oui.
09:04 Je ne vais pas rester pas de réponse.
09:05 Ça nous ramènera, on va faire un espèce de retour vers le futur en 2016.
09:11 Oui, mais quid du déficit ? Quid des agences de notation qui, pour l'instant, on l'a vu vendredi,
09:17 elles étaient très sympas avec la dette européenne.
09:20 Mais voilà, je pense que...
09:23 Il y a encore une forme de brouillard, quand même, encore,
09:26 qui entoure la question du point d'entrée sur ce marché obligataire américain.
09:32 Pour moi, long terme, oui, c'est intéressant.
09:34 Je préfère les obligations d'État américaine aux européennes.
09:36 D'accord.
09:37 À trois, six mois, c'est...
09:38 Mais je pense que moi, je serai encore prudent, vu la volatilité qu'il y a.
09:42 Stéphane, cinq ans, 5%, pardon.
09:46 Moi, je suis un peu dubitatif sur l'idée qu'on a touché le plus haut.
09:51 Et alors, je ne vais pas répéter tout ce qui a été dit.
09:54 Pour moi, il y a un argument de long terme et un argument de court terme.
09:57 L'argument de long terme, c'est...
10:00 Il y a une vieille théorie qui marche très, très bien, qui s'appelle la règle d'or,
10:03 qui vous dit qu'un taux d'intérêt, ça doit être grosso modo la croissance nominale.
10:08 Bon.
10:09 Si vous faites un 2% et des poussières de croissance aux États-Unis,
10:13 plus 2,5% d'inflation, vous êtes à 5%.
10:17 Donc, moi, je pense qu'on a été très mal éduqué.
10:20 On est habitué à des taux extrêmement bas.
10:22 Mais c'est les taux, il y a deux ans, il y a trois ans, il y a cinq ans, qui étaient aberrants.
10:26 Ce n'est pas le 5%.
10:27 Le 5%, il n'est pas aberrant, il est normal.
10:29 C'est là où on doit être, dans une économie normale.
10:32 Donc, il faut arrêter de dire les taux sont trop élevés, les taux sont aberrants.
10:36 Non, c'est faux.
10:37 Les taux sont là où ils doivent être, à 5%.
10:39 Grosso modo, ce genre de modèle n'est pas précis à 1% près.
10:44 Donc, si je me balade entre 4,5% et 5,5%, pour moi, c'est la zone grise où, je dirais, les taux sont normaux.
10:51 Donc, le 5,5% est normal.
10:53 Ça, c'est l'argument de long terme.
10:55 L'argument de court terme, c'est...
10:57 Vous avez parlé de la volatilité.
10:59 Moi, je suis un peu traumatisé par les 20 BP du...
11:02 Du 30 ans ? Il y a 15 jours ?
11:04 Non, d'hier.
11:05 Ah d'hier, oui, oui, bah oui, oui.
11:06 Alors, je me suis amusé à regarder.
11:08 On a 15 jours de trading sur le mois d'octobre.
11:12 Il y a eu 12 jours où on a eu plus de 10 BP de spread.
11:17 Donc, ça veut dire que le marché, ce n'est pas où il va.
11:19 C'est ce qu'on fait sur une semaine.
11:20 Normalement, 10 BP, c'est énormissime.
11:23 C'est rarissime d'avoir une instabilité aussi forte sur les taux d'intérêt.
11:29 Donc, il y a une nervosité qui est extrêmement forte.
11:31 Ça montre qu'il n'y a pas encore cette capitulation que certains pourraient attendre.
11:35 Il y a des émissions du Trésor.
11:37 On a le plan sur le trimestre qui a été publié.
11:40 On sait que ça augmente de manière très nette tous les mois.
11:44 Et on sait que derrière, il y a de toute façon 1 400 milliards, grosso modo, de déficit à absorber.
11:51 Alors, pour être tout à fait honnête, je ne sais pas où on va mettre ces 1 400 milliards.
11:54 Parce que quand je regarde les étrangers, ils ne sont pas assez gros, tout simplement.
11:58 Je rappelle que le premier porteur de dette américaine, c'est le Japon.
12:03 C'est 1 100 milliards.
12:05 1 100 milliards, même si double du jour au lendemain, ça n'absorbe pas le déficit.
12:09 Les banques américaines ont énormément de trésorisme à leur actif.
12:14 Elles n'ont jamais eu autant.
12:16 Les fonds de pension ont déjà fait la rotation.
12:18 Donc, j'ai un peu du mal à savoir où est-ce qu'on va mettre tout ce papier qui, par définition, va être émis.
12:24 Alors, s'il y en a en plus du Donald Trump dessus...
12:27 Ça veut dire que le Trésor américain va de plus en plus se retrouver face à des acteurs de marché
12:32 qui sont très exigeants en termes de prix, en termes de rendement,
12:36 beaucoup plus qu'un fonds de pension japonais ou qu'une caisse de retraite de je ne sais où.
12:42 Ils sont déjà porteurs d'énormément de papiers.
12:45 Donc, pour forcer la main pour qu'ils en prennent, il va falloir un peu plus.
12:49 Et d'ailleurs, on a vu plusieurs adjudications.
12:51 Alors, c'est un peu technique, mais quand l'État emprunte, en fait, c'est sous une forme d'adjudication.
12:56 Et on a vu plusieurs adjudications dans les dernières semaines qui...
13:00 Vous parliez du 30 ans. Le 30 ans a beaucoup augmenté sur une journée il y a un mois.
13:07 Il y a eu un adju le soir. C'est mal passé.
13:09 On s'était tous dit, bon, maintenant, les taux sont tellement hauts, tout le monde doit emprunter.
13:12 Non, il a fallu que l'État américain fasse une concession en plus.
13:17 Il a fallu offrir 4 bips de plus que le rendement spot au moment de l'adjudication.
13:23 Non, mais on se dit que c'est rien, 4 bips, 4 points de base.
13:26 Sur du 30 ans, c'était jamais vu.
13:28 D'abord, et surtout après une journée où les taux avaient autant monté.
13:32 Donc, il y a quand même des signes de nervosité qui, moi, me font un petit peu peur, pour être honnête.
13:37 Qu'est-ce qu'on peut dire du point de vue des données ?
13:39 Puisque tout le monde est data dépendant, tu as commencé par la réserve fédérale américaine.
13:43 Vous le disiez tout à l'heure, on projette une poursuite de la baisse de l'inflation aux États-Unis
13:49 et un freinage de l'économie américaine.
13:52 Alors là, je voyais les consensus maintenant.
13:54 L'idée d'une récession américaine à 12 mois est devenue minoritaire.
13:57 Est-ce que c'est le moment de se réintéresser à cette idée ?
14:01 Et qu'est-ce qu'on peut dire du point de vue de la trajectoire de l'inflation
14:03 sur l'horizon de prévision le plus fiable qu'on puisse avoir aujourd'hui ?
14:09 Alors, quand on fait de la prévision macro, aujourd'hui, on commence par dire qu'il faut rester humble
14:14 vis-à-vis des projections, puisqu'on a une grande capacité à se tromper,
14:17 et on l'a vu au cours de ces deux dernières années.
14:19 Donc, on va quand même se livrer à cet exercice.
14:22 Et quand on se livre à cet exercice, ce que l'on dit, on rappelle d'abord qu'on s'est trompé.
14:27 Parce qu'en 2023, on était plutôt sur une hypothèse de récession de cette économie américaine.
14:33 Et on s'est trompé pour deux raisons principales.
14:37 La première, c'est qu'on a mal apprécié l'excès d'épargne que l'on avait sur cette économie
14:42 du côté du consommateur américain.
14:44 Et la seconde est potentiellement liée au fait que le délai de transmission du durcissement
14:48 de la politique monétaire soit plus long à se matérialiser dans une économie
14:52 où l'endettement à taux variable est moins important qu'il ne l'a été par le passé,
14:56 et en particulier sur la période 2005-2007.
15:00 Deuxième élément, on sait qu'on a d'autres facteurs qui ont soutenu cette économie américaine.
15:06 On a évidemment le crédit, on a le soutien budgétaire et le marché de l'emploi.
15:14 Quand on regarde l'ensemble de ces facteurs de soutien, on s'aperçoit qu'aujourd'hui,
15:19 l'excès d'épargne est bien entamé, même si on a toujours des incertitudes
15:24 sur sa réalité et où est-ce que les consommateurs américains en sont sur cet excès d'épargne.
15:33 On a le sentiment que cet excès d'épargne est mal distribué au sein de la population américaine.
15:38 Deuxième élément, le crédit est en train d'alentir fortement,
15:40 aussi bien du côté du consommateur que des entreprises.
15:44 Troisième élément, le soutien budgétaire est là, mais on est plutôt dans une trajectoire
15:48 de moindre soutien budgétaire au cours des prochains mois.
15:53 On voit d'ailleurs l'opposition assez forte entre les républicains et les démocrates
15:57 qui reviennent sur le devant, qui reviennent à un point de blocage.
16:06 Le marché de l'emploi reste résilient, mais on a quand même en tendance
16:10 un ralentissement assez sensible de ce marché de l'emploi américain.
16:13 En moyenne, on a le sentiment que notre économie américaine est en train de ralentir
16:19 et va continuer de ralentir.
16:21 Sur le front de l'inflation, on considère que cette inflation réagit en retard
16:29 par rapport à la dynamique de croissance, il faut avoir ça à l'esprit.
16:33 Deuxième élément, on voit qu'on a des composantes de prix qui sont en train de corriger
16:38 de manière assez sensible et qui matérialisent un meilleur équilibre entre l'offre et la demande.
16:44 Ce que l'on projette, ce que l'on attend par exemple pour l'année prochaine aux Etats-Unis,
16:48 c'est une inflation qui sera autour de 2,2%.
16:52 2,2% c'est nettement moins que ce que l'on aura cette année.
16:57 Et donc ça doit participer à ce scénario des taux que je défends,
17:02 que je suis le seul à défendre.
17:04 Je vois ça, vous n'êtes pas le seul.
17:06 Bill Ackman il a dit qu'il fallait acheter des taux,
17:08 Bill Gross il dit qu'il faut acheter des taux aussi.
17:10 C'est intéressant cette histoire d'inflation,
17:13 parce qu'on comprend que la Fed pilote quand même le taux réel aujourd'hui.
17:17 Que le taux réel est à 2,5%.
17:19 Si l'inflation continue de baisser, on est, je regardais la 3,7% sur le dernier CPI.
17:24 Si on est à un moment à 2,5% ou proche de 2%,
17:27 si la Fed ne bouge pas ses taux directeurs,
17:30 on va avoir des taux réels qui vont continuer d'exploser aux Etats-Unis Stéphane.
17:34 Ça à un moment, ça va être une morsure qui va être trop douloureuse.
17:38 La Fed va devoir quand même, j'imagine, s'ajuster à ce phénomène.
17:42 Oui, on pourrait avoir une situation assez paradoxale,
17:45 moi je ne crois pas à une récession aux Etats-Unis,
17:47 sauf choc extérieur important,
17:49 mais je trouve que la dynamique reste relativement forte.
17:51 Enfin, on peut revenir sur ça.
17:53 Pas de récession, caractérisé, si, il faut le caractériser.
17:56 C'est-à-dire quoi ? Pas de récession auto-alimentée,
17:59 pas de phénomène endogène de baisse de la croissance.
18:03 Oui, c'est ça.
18:04 D'accord.
18:05 Mais on pourrait paradoxalement, effectivement,
18:07 se retrouver avec des baisses de taux de la Fed,
18:10 parce que si l'inflation baisse et que la Fed maintient ses taux
18:14 à un niveau constant,
18:15 ça veut dire que les taux réels, par défaut, montent petit à petit.
18:19 Et donc, on pourrait très bien se retrouver, effectivement,
18:21 quelque part au milieu de l'année, avec une Fed qui dit
18:23 "je reste prudente, mais mon niveau de resserrement monétaire
18:28 est trop élevé maintenant, pour l'inflation à converger,
18:31 et donc je commence à baisser petit à petit,
18:33 de manière très précautionneuse".
18:35 Donc oui, ça c'est un scénario qui est tout à fait crédible.
18:37 Et effectivement, les chiffres d'inflation montrent
18:40 qu'on a un gros tassement.
18:41 Juste pour l'anecdote, la Fed d'Atlanta fait un "sticky CPI".
18:45 "Sticky", ça veut dire "collant".
18:47 Donc c'est les composantes les plus gluantes, quoi.
18:50 Voilà, c'est les composantes qui ne montent pas vite
18:52 et qui baissent pas vite.
18:53 Et donc, cette composante était très élevée.
18:55 C'est l'inflation la plus macro, on va dire.
18:57 Voilà.
18:58 C'est ça qui était inquiétant, c'est que si vous avez un "sticky CPI"
19:01 qui est très élevé, c'est que vous y êtes pour longtemps.
19:04 On a eu, sur les six derniers mois, la plus forte baisse depuis 40 ans.
19:07 D'accord.
19:08 Donc le "sticky", il n'est pas si "sticky" que ça, finalement.
19:10 Et donc oui, on a tendance à reconverger vers une inflation
19:14 qui est plus raisonnable et acceptable.
19:17 Et ça peut se passer sans récession ?
19:19 Oui, je pense, oui.
19:20 Oui, tout à fait.
19:21 Si vous voulez, pour moi, sur les États-Unis,
19:24 alors je ne vais pas répéter tout ce qui a été dit,
19:26 mais un, très clairement, l'économie américaine
19:30 est beaucoup moins sensible aux taux d'intérêt
19:32 qu'elle ne l'était sur les cycles précédents.
19:34 Donc la politique monétaire,
19:36 alors je ne dis pas qu'elle est neutre,
19:38 mais elle fait beaucoup moins mal
19:40 qu'elle n'aurait fait il y a 10 ans, il y a 20 ans, ou il y a 30 ans.
19:43 On a la relance budgétaire qui est énorme,
19:45 bon, ça je ne vais pas y revenir.
19:46 Il y a un élément aussi que je voudrais souligner,
19:48 peu de gens en parlent,
19:50 mais si vous regardez l'immigration aux États-Unis,
19:52 sur la dernière décennie,
19:54 vous aviez 400 000 personnes par an.
19:59 Là, on est sur un rythme de 1,4 million.
20:02 Donc vous avez un choc sur le marché de l'emploi
20:07 qui est absolument monstrueux.
20:09 1,4 million, ça veut dire que si vous faites 200...
20:11 Je crois qu'on est presque à 2 millions,
20:13 depuis le début de l'année.
20:15 Alors moi je regarde en tendanciel,
20:17 parce qu'il y a des variations saisonnières,
20:19 enfin bon c'est un peu compliqué,
20:21 mais depuis 1 an et demi, 2 ans,
20:23 on est à une très accélération de l'immigration.
20:25 Donc ça veut dire que si vous créez 200 000 jobs par mois,
20:29 ça suffit à peine à absorber les nouveaux venus,
20:33 les migrants, plus la demande domestique.
20:36 Donc vous êtes sur une tendance qui est très très forte.
20:39 Et ça c'est un effet boule de neige auto-entretenue
20:42 qui est non négligeable.
20:44 - Il faut qu'on parle de l'Europe.
20:47 Alors si vous aviez des commentaires, Nicolas,
20:49 sur ce qui a été dit, et puis qu'on arrive sur l'Europe
20:51 et la BCE, puisque ce sera l'événement quand même cette semaine.
20:53 - Non mais je rejoins ce qui a été dit par mon voisin ici.
20:57 Nous on ne prévoyait pas de chicandrium,
21:00 de récession aux États-Unis.
21:02 C'est pas du tout ce qu'on croyait.
21:04 On pouvait plutôt croire à une croissance pas énorme mais positive.
21:09 Ce qui nous a le plus étonné, et c'est là où je fais la transition,
21:13 c'est pas tant la croissance, c'est le potentiel de croissance
21:16 qui finalement est surprenant.
21:19 Et pour ça, comment on l'explique ?
21:21 C'est ce que vous avez dit.
21:22 1) l'immigration.
21:23 Moi j'ai regardé, alors c'est peut-être pas un miocard,
21:25 j'avais presque 2 millions de migrants qui sont arrivés.
21:27 Bryden a ouvert les vannes.
21:29 C'est des millions de gens qui sont arrivés sur le territoire américain
21:32 avec des papiers pour travailler.
21:34 Donc ça va créer quand même du chômage.
21:36 Non, pas du tout.
21:37 Parce qu'en fait ça augmente le potentiel de croissance.
21:40 Dans les logiques classiques, à ce niveau du cycle,
21:43 on doit avoir un ralentissement de la création des emplois.
21:46 Et pas du tout.
21:47 On continue à créer plein d'emplois.
21:48 Pourquoi ? Parce qu'il y a cette réalité là.
21:50 Et 2) une productivité qui tient bien, voire qui en grosse.
21:54 Alors il y a toute la problématique, l'intelligence artificielle, tout ça.
21:57 Ces deux facteurs-là ensemble,
21:59 ça a été pour moi la vraie surprise de 2023.
22:01 Donc nous on s'attendait à une croissance qui soit positive.
22:04 Mais par contre que cette croissance-là soit aussi élevée,
22:06 qu'on ait une potentielle de croissance aussi élevée,
22:08 sans générer tellement d'inflation avec des marchés de l'emploi qui tiennent bien,
22:11 ce truc-là nous a étonnés.
22:14 Et alors quand je viens sur l'Europe, pour faire la transition...
22:17 C'est l'inverse.
22:18 Oui.
22:19 Et là je suis désolé d'être méchant ou d'être réaliste.
22:22 Mais quand je fais un petit exercice,
22:23 il y a eu des articles, je crois encore en France,
22:25 des analyses qui sont sorties sur la productivité en France.
22:30 Quelle est la productivité, notamment par travailleurs ?
22:33 Il y a une rupture.
22:34 2019, il y a un avant-après.
22:36 Plus le thème de l'immigration,
22:39 on n'est pas prêts, j'ai l'impression,
22:42 à accueillir 2 millions de personnes.
22:45 Donc si vous mettez tout ça combiné,
22:47 c'est dur d'avoir un potentiel de croissance positif.
22:50 Peut-être que le potentiel de croissance en Europe, il est de zéro.
22:53 Et du coup, nous, par exemple, sur les prévisions de croissance...
22:56 En tout cas, s'il a monté aux Etats-Unis,
22:57 c'est sûr qu'en Europe, il n'a pas augmenté.
22:59 Exactement.
23:00 Et donc on est ici dans une situation
23:02 où le potentiel est très faible.
23:05 Même si on a 0,4-0,5% de croissance,
23:08 ça suffit.
23:10 Ça suffit pour que...
23:12 - Faire baisser le chômage, etc.
23:14 - Et du coup, la BCE, son mandat premier, c'est l'inflation.
23:19 Donc effectivement, on l'a dit, l'inflation baisse.
23:21 On pense qu'elle va continuer à baisser.
23:23 Mais une inflation cœur reste quand même un peu élevée.
23:28 Il y a la dernière réunion de la BCE.
23:30 Christine Lagarde nous a quand même un peu surpris le marché
23:33 par du courage, 25 points de hausse,
23:35 alors que les gens étaient un peu hésitants.
23:37 C'était un peu 50-50.
23:38 Donc là, elle va arrêter.
23:40 Ça serait un petit peu dangereux.
23:42 La grande question et la grande affaire des prochains mois,
23:45 ce sont les réinvestissements ou pas
23:48 du programme d'achat lié à la pandémie, le PEPP.
23:51 Je crois que c'est 1,7 trilliard qu'il y a aujourd'hui
23:54 qui sont réinvestis.
23:56 Et normalement, il va falloir qu'elle arrête ça.
23:58 Parce que sinon, on ne peut pas continuer à avoir un bilan qui progresse.
24:02 Donc c'est ça la grande discussion.
24:04 C'est plus les taux aujourd'hui.
24:05 C'est le bilan qui compte.
24:06 C'est plus les taux, c'est le bilan.
24:08 Évidemment, cette gestion du bilan, elle va être regardée à la loupe.
24:11 Parce que sur l'esprit des obligations d'État italienne et compagnie,
24:17 ça va. Jusqu'ici, tout va bien.
24:19 Mais c'est quand même un instrument qui est important.
24:22 Et du coup, est-ce qu'on peut se dire que...
24:25 Je ne sais pas, on a vu le bunt à 3% quand même à un moment.
24:28 Est-ce que c'est des niveaux comme le 5% sur le 10% américain qui...
24:32 Non, on n'y est pas.
24:34 Alors moi, je préfère, si vous voulez,
24:36 si je dois acheter des obligations d'État pour l'instant,
24:38 je préfère quand même un peu regarder du côté des États-Unis
24:41 pour toutes les raisons qu'on a citées.
24:43 Et du côté de l'Europe, oui, je rejoins.
24:46 C'est ce qu'on disait.
24:47 Les taux qui étaient négatifs, c'était une anomalie.
24:51 C'est là où je parle de changement de paradigme.
24:53 Les taux allemands à 3%, ce n'est pas illogique.
24:56 Même si le potentiel de croissance est très bas, qu'il est à 0,5, 1,
24:59 mais on a quand même 2,5% d'inflation.
25:01 Alors oui, à un moment donné, ça va baisser.
25:03 Certainement, il faudra regarder.
25:05 Maintenant, il faut voir ce que va faire la BCE sur la gestion de son bilan.
25:11 Elle n'est pas prête encore de baisser les taux.
25:14 Et en plus, il faut quand même noter que la devise européenne,
25:17 elle n'est pas super forte.
25:19 Donc il ne faudrait pas que la devise européenne soit trop faible
25:22 à l'importation d'inflation, surtout dans un monde
25:25 où il faut encore acheter beaucoup d'hydrocarbures
25:27 et où la pression sur les prix...
25:29 Et oui, ça reste cher.
25:30 C'est cher.
25:31 Stéphane, qu'est-ce qui va guider la décision de la BCE,
25:36 notamment dans la perspective d'une poursuite,
25:38 d'une accélération de la réduction de son bilan ?
25:40 Quand on sait les trajectoires de finances publiques prévues pour l'an prochain,
25:45 quand on sait la masse de dépenses d'investissement nécessaires devant nous,
25:50 quand on sait qu'un nouveau cadre budgétaire doit à un moment quand même
25:55 être remis en place, alors peut-être qu'on gagnera du temps sur ce front-là.
25:58 Je veux bien l'entendre.
25:59 Mais qu'est-ce qui va guider la décision de la BCE sur cette partie du bilan,
26:03 avec effectivement un écart Italie-Allemagne qui est déjà autour de 200 BP ?
26:07 On a vu pire, comme le rappelait Nicolas,
26:09 mais c'est déjà des premiers niveaux que tout le monde regarde.
26:12 Il y a un problème qui est un peu technique, mais qui est loin d'être périphérique.
26:16 C'est le bilan de la BCE.
26:18 C'est-à-dire que quand la BCE a fait du QE, qu'est-ce qu'elle a fait ?
26:21 Elle a acheté des obligations, une OAT par exemple,
26:24 et elle a crédité le compte d'une banque en échange.
26:28 Donc en fait, c'est du cash que la banque a déposé à la BCE.
26:31 Donc quand les taux d'intérêt sont à zéro, c'est-à-dire que la BCE se finance à 0%,
26:36 et elle est assise sur une OAT qui va lui payer du 1, du 2%.
26:40 Sauf que quand les taux montent, elle a toujours son OAT qui lui paye du 1 ou 2%,
26:44 mais elle rémunère les dépôts des banques à 3, à 4, à 5.
26:48 Et donc c'est une perte énorme.
26:51 Alors on n'a pas les chiffres de manière régulière pour la BCE,
26:56 mais la Fed, avec cette plaisanterie, a déjà perdu plus de 100 milliards de dollars depuis le début de l'année.
27:01 Donc c'est énorme.
27:03 Et probablement l'ordre de grandeur n'est pas tellement dissimilaire pour la BCE.
27:07 Donc elle voudrait réduire son bilan.
27:09 C'est une des raisons de réduire le bilan,
27:11 parce que ce sont des pertes qui vont de toute façon passer dans le budget des États d'une manière ou d'une autre,
27:17 à un moment donné, puisque c'est l'État qui est l'actionnaire.
27:23 J'ai toujours compris qu'une banque centrale pouvait fonctionner en faisant des pertes,
27:27 en fonds prod négatifs...
27:29 Alors je vais vous donner des chiffres précis.
27:31 Si vous regardez la Banque de France, il y a deux ans,
27:35 sur les OAT dont elle disposait, elle a redonné aux trésors français 7,5 milliards de mémoire.
27:45 Donc de facto, vous avez annulé 15 à 20 % du service de la dette.
27:49 Ça, ça disparaît. C'est déjà une partie.
27:52 Après, oui, effectivement, le trou, on ne doit pas le combler de nouveau,
27:58 mais c'est au moins une perte à gagner spot.
28:02 Et après, le jour où les banques centrales se remettront à gagner de l'argent,
28:07 on va l'utiliser pour enfouir le trou.
28:10 Donc c'est quelque chose... Enfin, c'est reculer pour mieux sauter,
28:14 mais de toute façon, ce sera quelque chose qui viendra en négatif sur le budget des États.
28:18 Donc il y a cet aspect-là.
28:20 Donc vous dites, non mais c'est intéressant,
28:22 y compris pour la flexibilité financière des États, il faut que la BCE réduise son bilan.
28:28 Je pense qu'il y a un vrai sujet de profitabilité de la BCE.
28:32 On ne peut pas accumuler des pertes de manière... Enfin, pour les siècles à venir.
28:36 Je crois que la Riksbank est en train de voir s'il ne faut pas qu'elle se recapitalise, par exemple.
28:40 Oui, oui, mais si... Alors on parlait de pertes.
28:43 Les actifs de la BCE et de la Fed, d'ailleurs, sont valorisés au prix d'achat.
28:48 Si on les valorisait au prix de marché à l'heure actuelle,
28:51 les deux banques centrales auraient un capital très, très largement négatif.
28:55 On parle de milliers de milliards de pertes.
28:57 Et les gardent jusqu'à maturité.
28:59 Donc il ne faut pas...
29:01 Si les gardent jusqu'à maturité, il n'y a pas de pertes, de ce point de vue-là.
29:04 Oui, oui, donc c'est normal qu'il n'y ait pas de pertes.
29:06 Mais si on les garde jusqu'à maturité, du coup, on est assis sur un actif qui ne rapporte pas.
29:11 Et donc, en fait, on n'a pas de pertes sur le bilan, mais on a des pertes sur les résultats pendant la durée.
29:17 Donc en fait, là aussi, c'est reculer pour mieux sauter.
29:19 Au lieu de prendre la pomme tout de suite, je la lisse sur la durée de vie de l'obligation.
29:24 Donc je pense qu'il y a cet élément-là qui embête beaucoup les Allemands.
29:28 La Bundesbank en a parlé.
29:31 Elle a passé des provisions les deux dernières années.
29:34 C'est un sujet qui va monter, quoi.
29:36 Et je pense que c'est un sujet qui...
29:38 Dans un contexte politique, d'élections européennes, etc.
29:40 C'est un sujet qui peut trouver de l'attraction.
29:43 Et c'est ennuyeux parce que, du coup, effectivement, la BCE peut décider d'essayer de réduire son bilan plus rapidement.
29:50 Mais dans ce cas-là, ça veut dire rendre du papier au marché de facto au moment où les déficits se résorbent, mais pas forcément assez vite.
29:58 Et donc ça peut très vite mettre la pression sur les États les plus fragiles.
30:02 Évidemment, on pense à l'Italie, mais c'est pas le seul pays.
30:06 – Je voulais bien qu'on dise un mot de la micro-économie aussi, Olivier.
30:12 Là, on commence la période de publication de résultats.
30:15 Alors, de manière un peu globale, chaque publication ou saison trimestrielle
30:21 a été l'occasion de redonner un peu de souffle au marché ces derniers trimestres,
30:25 et même cette paire d'années derrière nous, maintenant.
30:29 Est-ce que c'est encore potentiellement le cas aujourd'hui ?
30:32 Est-ce qu'on attend encore des bonnes choses en matière de dynamique, de profitabilité des entreprises ?
30:36 Ou est-ce que là, ça devient vraiment beaucoup plus compliqué ?
30:39 Et un facteur de soutien peut-être qui est en train de s'amenuiser, en tout cas, pour les marchés actions.
30:43 – Sur la dimension micro, ce que l'on pressent, c'est du côté des États-Unis,
30:49 il y a des résultats qui vont, comme à l'habitude, être en ligne avec le consensus,
30:55 ou meilleurs qu'attendus, en moyenne.
30:58 Par contre, sur l'Europe, on est un peu plus inquiet,
31:01 parce que la dynamique de croissance des deux zones a été très différente
31:04 au cours de ces derniers mois, et que les entreprises européennes
31:08 ont été exposées également au ralentissement de l'économie mondiale,
31:11 et en particulier de la Chine.
31:13 Ça, c'est la première observation.
31:15 Deuxième observation, c'est le fait que, ce que l'on a vu pour l'instant,
31:19 du côté des résultats, c'est la réaction un peu asymétrique de la part des investisseurs.
31:24 Donc, une bonne surprise est légèrement saluée,
31:27 une mauvaise surprise est très sympathiquement saluée.
31:30 – Lourdement, c'est ça, lourdement sanctionnée.
31:33 – Et donc, ça crée un profil un peu asymétrique,
31:37 qui montre que, selon nous, le sujet pour les mois à venir n'est plus le sujet…
31:44 enfin, la micro ne permettra plus de soutenir les marchés.
31:51 Et ce qui va vraiment être important, c'est la séquence,
31:57 point haut sur les taux, où est le point bas sur la croissance.
32:00 Et quand on élargit un peu la fenêtre d'analyse, on s'aperçoit,
32:04 et on a le sentiment que depuis fin d'année 2021,
32:08 on évolue dans un grand canal, sans tendance, sur les marchés d'action,
32:13 action américaine, action européenne.
32:16 Quand vous regardez dans le détail ce qui se passe cette année,
32:19 vous avez quand même des différences de performances qui sont extraordinaires.
32:22 Vous avez le Standard & Poor's 100 qui est à +17,
32:25 le Standard & Poor's 500 qui est à +12,
32:28 le Standard & Poor's équipondré qui est à, je crois, -2, -3.
32:33 Le Russell 2000 qui est à -4.
32:36 Quand vous regardez à l'intérieur des secteurs…
32:39 On parle d'indices américains.
32:40 À chaque fois ce sont des indices qui sont censés capturer quelque chose
32:44 de l'économie américaine, des entreprises américaines.
32:46 Vous avez le même phénomène en Europe.
32:47 C'est-à-dire que l'Eurostox ou le CAC 40 sont, on va dire, à +10,
32:52 le dividende réinvesti.
32:54 Vous regardez l'Eurostox, là, je vous rajoute,
32:56 et vous notez trois points de performance,
32:59 on est plutôt autour de +5, +6.
33:01 Vous regardez les smalls européennes, on est à -2.
33:05 Les smalls françaises, on est à -10.
33:07 Midi-small, on est à -10.
33:08 Donc on voit des différences de performance qui sont extraordinaires
33:11 et qui montrent quand même que même si on est toujours
33:15 dans un monde de croissance, on est quand même dans un environnement
33:19 de marché qui est extrêmement complexe et qui dénote que le sous-jacent macro,
33:24 quand même, il bouge énormément avec ces problématiques de croissance,
33:27 d'inflation et de taux d'intérêt.
33:29 - Stéphane, la Chine vous intéresse ?
33:32 Vous êtes le seul.
33:33 - Non mais...
33:34 - Bah alors, je vais essayer de...
33:36 - Il faut qu'on parle de...
33:37 Le pessimisme en Chine devient extrême, excessif,
33:41 je ne sais pas quelle est la formulation que vous avez employée,
33:43 mais ce qu'on pouvait dire il y a quelques semaines, quelques mois encore.
33:47 Alors j'ai vu que les actions chinoises, là, le CSAI 300 est revenu,
33:51 non mais sur les niveaux de 2019, quand même, pré-pandémie.
33:54 - Bon, je vais essayer de vous convaincre.
33:55 On va voir.
33:56 - Non mais pourquoi il faut regarder ce qui se passe en Chine, là ?
33:58 - Alors, la Chine, il y a...
34:00 - Ça a l'air de "Bad Money" pour tout le monde.
34:02 - Il y a un problème de croissance parce que la population diminue,
34:06 il y a un problème avec l'immobilier, je ne vous refais pas toute l'histoire,
34:09 il y a un problème de management...
34:12 - De gouvernance, oui !
34:14 - Du coup, les actifs chinois ont été pénalisés,
34:18 ça je n'ai pas de problème, c'est normal.
34:20 Moi je pense que le problème, il est de deux ordres.
34:23 Premier problème, c'est que, comme souvent le marché a pris le bon thème,
34:26 mais l'a poussé beaucoup, beaucoup trop loin.
34:28 Tout a un prix.
34:29 C'est-à-dire que oui, il y a un problème de gouvernance,
34:31 mais vous avez, à un moment donné, des valorisations qui deviennent ridicules.
34:35 Le deuxième problème, c'est qu'effectivement,
34:38 il y a un pessimisme qui est très, très généralisé,
34:42 donc tout a été vendu et sans discrimination.
34:45 Or, il y a certains secteurs, l'immobilier pour ne pas le nommer,
34:50 que je ne toucherai pas même de loin,
34:52 par contre, il y a d'autres secteurs qui ont des taux de croissance
34:55 extrêmement forts, la consommation des ménages,
34:58 il y a certaines valeurs qui sortent des taux de croissance à 20-25%,
35:02 la tech, etc.
35:04 Je vais juste vous donner un exemple.
35:06 Si vous prenez le high yield,
35:08 donc les emprunts chinois des entreprises de mauvaise qualité,
35:13 sur la dernière décennie, vous êtes payé 7 à 8%, c'est à peu près stable.
35:18 Là, j'ai vérifié tout à l'heure, on est autour de 17%.
35:21 Donc ça a complètement explosé.
35:23 Sauf que sur ce 17%, vous enlevez le real estate,
35:27 donc l'immobilier, vous redescendez à 7,6%.
35:30 Donc il y a un problème, on est tous d'accord,
35:33 il n'y a pas photo, je ne vais surtout pas vous dire
35:36 d'aller acheter de l'immobilier en Chine.
35:39 Il y a un énorme problème, mais c'est un problème qui est limité à un secteur.
35:42 Il y a d'autres secteurs qui vont bien,
35:45 et il y a certains secteurs qui vont même très bien.
35:47 Et en termes de diversification, du coup, ça redevient intéressant,
35:49 de se réintéresser en étant sélectif, c'est ce que je comprends.
35:53 Mais chaque fois que je dis "on est investi en Chine",
35:55 les gens me disent "oh mon pauvre, il faut s'en rire".
35:57 Non, parce que si vous faites du stop-picking sur certaines valeurs,
36:02 une fois de plus, vous avez des PE qui sont ridiculement bas
36:05 sur certaines valeurs, et qui sortent des taux de 300 à 20-25% par an.
36:10 Mais ce n'est pas un call macro ?
36:14 Exactement, ce n'est surtout pas un call macro.
36:17 Je remets ma casquette économiste, je la mets à la poubelle,
36:20 et je passe sur un call de stock-picker,
36:23 et il y a certaines valeurs qui ont des valorisations qui sont aberrantes.
36:27 Gardez la parole, on va finir sur un tour de table logique d'investissement.
36:30 Au-delà de la valeur sur certains actifs chinois, en étant sélectif,
36:35 où est-ce que vous êtes confortable aujourd'hui dans l'univers large qui est le vôtre, Stéphane ?
36:40 Sur les taux, on est plutôt sur la partie très courte de la courbe,
36:43 c'est la discussion qu'on a eue.
36:45 C'est beaucoup trop risqué sur le long,
36:47 je n'ai pas une conviction extraordinaire sur le 10 ans américain qui dépasse les 5%,
36:53 mais c'est totalement plausible, et de toute façon, il y a une volatilité qui est tellement forte,
36:57 je n'ai pas envie de prendre cette volatilité à court terme.
37:00 Oui, tant que du cours en plus...
37:02 Avec un risque très fort de perdre.
37:06 Du coup, on est plutôt sur la partie courte, où on est très bien payé,
37:09 et où il y a beaucoup moins de volatilité, donc on est très content.
37:12 L'action risque de trop simplifier, on a une stratégie de barbel,
37:16 c'est-à-dire on prend les deux extrêmes.
37:18 D'un côté, on a ce qu'on appelle des compounders,
37:21 dans une économie où vous n'avez pas beaucoup de croissance, où l'inflation baisse,
37:27 des belles valeurs qui ont une croissance stable, forte, à moyen terme, doivent très bien performer.
37:34 Donc ça, c'est ce qu'on appelle les compounders.
37:37 Et à l'opposé, on a nos non-chinois, ou autres d'ailleurs,
37:41 on en trouve dans les small cap, on en trouve aux étages de l'ITF.
37:44 Du très value, quoi.
37:46 Des valeurs qui ont été entraînées avec la foule très très bas,
37:52 et qui ont été pénalisées de manière excessive, à notre avis,
37:56 et il faut attendre qu'elles rebondissent,
37:58 et que le marché devienne un petit peu plus raisonnable sur ces valeurs.
38:01 Donc, je pense qu'un portefeuille comme ça est relativement bien équilibré,
38:05 avec une stabilité et une croissance à moyen terme,
38:08 et puis des paris qui peuvent faire x2 sur certains.
38:12 Sur la philosophie d'investissement en général, pour vous, je crois que vous êtes d'accord.
38:17 On est plutôt d'accord sur l'aspect obligataire,
38:19 sur le marché action, je dirais que c'est un peu différent.
38:21 Donc en effet, il y a eu beaucoup de disparités, je rejoins ce que vous avez dit.
38:24 Ce que je trouve intéressant, en deux secondes, j'ai vu un graphe il n'y a pas longtemps,
38:28 de croissance value, le style croissance value, aux Etats-Unis et en Europe.
38:33 Donc en Europe, le style croissance a beaucoup souffert,
38:36 alors qu'aux Etats-Unis, c'est incroyable.
38:40 Nous, on pense quand même qu'il y a des secteurs qui offrent de la valeur,
38:42 le consumer staples, donc on en parlait, Coca-Cola, vous preniez l'exemple de...
38:47 - La BC, donc tant de seraient intéressés, vous dites, à ce secteur-là ?
38:50 - Je pense que ce secteur-là va offrir certainement des points d'entrée
38:54 sur toutes ces entreprises, ou Nestlé ou autre,
38:56 qui n'ont été pas particulièrement, je dirais, en difficulté,
39:00 qui pourraient bénéficier quand même d'une certaine normalisation.
39:03 De l'autre côté, un secteur aussi qui a été pas mal chahuté,
39:06 c'est le secteur de la santé, qui avait été fortement plébiscité
39:10 pendant le Covid, avec tout ce qui était vaccin,
39:13 et qui avait été vraiment super bien performé.
39:15 Ce secteur, qui est traditionnellement défensif, a souffert,
39:19 mais si on est dans une phase un peu plus de ralentissement,
39:22 c'est un secteur qui pourrait être plutôt porté par ça.
39:27 Donc il faut être aussi très très attentif dans le stock selection,
39:30 il y a eu énormément de volatilité.
39:32 Donc voilà, deux secteurs qu'on aime bien sur le marché equity.
39:35 Olivier, pour conclure avec vous, sur la philosophie d'investissement.
39:38 La philosophie, elle est assez simple.
39:40 Le jeu des scénarios est relativement ouvert pour les trimestres à venir,
39:44 donc on est neutre sur les actions, neutre sur les obligations.
39:47 On est en train de mettre un peu de durations,
39:50 mais progressivement, sur la partie obligataire,
39:53 on est en train de rallonger progressivement la duration,
39:55 mais on y va progressivement parce qu'on est très attentifs à ce que...
39:58 Oui, oui, oui, non, non, mais...
40:00 Vous n'êtes pas tout seul autour de cette table ce soir.
40:02 Vous n'êtes pas tout seul dans l'univers obligataire, ne vous inquiétez pas.
40:05 Mais oui, Neuf, c'est la meilleure décision à prendre aujourd'hui.
40:08 Je ne sais pas si c'est la meilleure décision, mais en tout cas, c'est une décision.
40:11 C'est une décision.
40:12 Merci beaucoup, messieurs.
40:13 Merci d'avoir été les invités de Planète Marché ce soir.
40:15 Olivier Ringard, Neuf, Lise Aubécé, Stéphane Déo,
40:18 Éléva Capitale et Nicolas Forest, Kandriam.