Mardi 1 octobre 2024, SMART BOURSE reçoit Roland Kaloyan (Responsable de la stratégie actions européennes, Société Générale CIB)
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00:00Le dernier quart d'heure de Smartbourg, chaque soir, c'est le quart d'heure thématique.
00:13Le thème ce soir, c'est celui des actions européennes entre sentiments et fondamentaux.
00:18Où en est-on pour les actions européennes et quelles sont les perspectives devant nous ?
00:22Nous en parlons avec Roland Caloyan, responsable de la stratégie Action Europe chez Société Générale CIB.
00:27Bonsoir Roland.
00:28Bonsoir.
00:29Pour un peu de recul, je voulais bien que vous nous refassiez un peu la séquence de l'été, Roland.
00:32Pour les actions européennes, effectivement, on a tous pu observer que le marché avait changé un peu de schéma ou de logiciel.
00:40C'est-à-dire que les gagnants de l'été sur le troisième trimestre, juillet-août-septembre,
00:44n'ont pas forcément été les gagnants des trimestres précédents.
00:48Est-ce que c'est ce que vous avez constaté aussi et quelle analyse vous en faites ?
00:51Alors effectivement, il y a eu un changement de disquette déjà, ça c'est le premier point,
00:55mais surtout qui a commencé à partir du mois d'août avec les chiffres de l'emploi.
00:58Donc la première partie de l'année, j'ai envie de dire, le marché était extrêmement stressé par les chiffres d'inflation
01:04et on avait vu effectivement qu'à chaque fois qu'on avait un chiffre d'emploi qui était un petit peu moins bon,
01:10finalement on se disait que l'économie n'est pas en surchauffe, ça va donner un peu d'ébit à la banque centrale pour intervenir.
01:16Donc quelque part, bad news, good news.
01:20Et puis on a vu un petit peu un changement durant l'été avec évidemment les chiffres de l'emploi,
01:25mais ça a continué avec l'ISM manufacturier américain, on l'a vu y compris avec des chiffres plutôt positifs sur la consommation.
01:33On a vu le marché se remettre la tête à l'endroit, si tu peux me permettre dans ce sens-là,
01:37c'est-à-dire les mauvais chiffres sont des mauvais chiffres et les bons chiffres sont des bons chiffres.
01:41Donc le marché a effectivement moins de crainte sur l'inflation, mais commence à se poser des questions sur le cycle.
01:48En termes de performances boursières, on a effectivement vu une rotation,
01:52alors une rotation qui a pour le coup même commencé en fin mars, c'est-à-dire à partir du deuxième trimestre,
01:58mais c'est vrai que le premier trimestre a été tellement fort pour les cycliques que même quand on regardait depuis le début de l'année,
02:04en avril, en mai, en juin, on continuait à voir...
02:07On ne voyait pas cette rotation encore.
02:09Et donc la rotation s'est accélérée durant l'été et c'est vrai qu'on a eu les cycliques qui ont marqué le pas et les défensives qui ont surperformé.
02:17Qu'est-ce que vous dites de ce mouvement de rotation qui a été bouleversé, j'allais dire, la semaine dernière par le plan de relance chinois ?
02:26C'est-à-dire comment est-ce que vous faites le tri entre l'effet chinois qui a, sur quelques séances, à nouveau repropulsé les cycliques,
02:35on l'a vu à travers le luxe, les ressources de base par exemple en Europe,
02:39et cette tendance accumulée sur plusieurs mois quand même, vous le dites vous-même, ça commence avant l'été,
02:44cette rotation vers des secteurs plus défensifs.
02:48Comment vous faites le tri désormais entre tout ça avec la nouvelle chinoise qui est arrivée depuis une semaine ?
02:53Alors moi je me méfie toujours des effets d'annonce.
02:55Il y a effectivement dans les effets d'annonce des mouvements qui sont très importants.
03:02On l'a vu sur certaines valeurs qui ont pris 8-9% sur une séance.
03:08Et quand on arrive dans ces ordres de grandeur sur une séance, on peut se dire que ça peut être aussi des phénomènes techniques.
03:13Donc est-ce qu'il n'y a pas effectivement des investisseurs qui étaient short et qui avaient une forte conviction sur certains titres,
03:19d'ailleurs qui n'étaient pas donnés, et qui se disent tiens, avec les annonces sur la Chine, je vais me méfier et donc je vais couper mes positionnements short.
03:28Et donc on a des moments assez importants comme ça dans la journée.
03:32Après il faut voir, une fois que l'euphorie est passée, moi je pense que c'est surtout le gouvernement chinois qui a surpris par le timing.
03:42Et par les mesures qui ont été annoncées. Les mesures parce que finalement ce n'est pas une mesure mais tout un tas de mesures.
03:49Et c'est vrai que le marché va avoir du mal à les digérer parce que ça fait beaucoup.
03:53Et en même temps, ce n'est pas non plus le bazooka, c'est des choses qu'il va falloir accumuler.
04:01C'est presque un micro-management au niveau chinois en tout cas, en l'occurrence, à la taille de la Chine.
04:05Et on essaie de cibler la problématique du marché immobilier, ça c'est vraiment le point numéro 1.
04:10Et par le timing, tout le monde disait, tous les investisseurs que j'ai rencontrés, ils ne feront rien avant l'élection américaine.
04:17Ils veulent se garder les cartouches.
04:19Alors comment on l'interprète du coup ? Est-ce que ça veut dire qu'ils veulent garder la main sur la croissance ?
04:25Ils veulent absolument atteindre ces 5% d'objectifs ? Ils veulent montrer que c'est eux qui contrôlent les choses ?
04:30Ou bien, on peut aussi se dire, la situation est vraiment vraiment pas bonne et donc ils sont dans l'obligation d'y aller.
04:38En tout cas, ça a pris tout le monde par contre-pied.
04:40Et donc effectivement, je ne suis pas surpris de voir sur la séance, sur la semaine, des mouvements assez importants.
04:45Donc il va falloir voir effectivement après ce qu'il va se passer.
04:48Moi je pense que déjà, il va falloir voir si ces mesures sont suffisantes.
04:52Il va falloir, on parle des élections américaines, voir le successeur de Biden, quelle sera sa posture par rapport à la Chine.
04:59Sachant que quand on écoute et Trump et Harris, ils sont quand même assez durs vis-à-vis de la Chine.
05:04En ce qui nous concerne sur les actions européennes, voir aussi l'Europe, c'était facile de resserrer la vis par rapport à la Chine quand ça décélérait.
05:13Mais maintenant effectivement, si ça stabilise ou ça repart, il va falloir voir qu'est-ce qu'on fait des voitures électriques,
05:18qu'est-ce qu'on fait des panneaux solaires où l'Europe a commencé effectivement à monter le ton.
05:23Parce que si effectivement ça repart, l'Europe sera bien contente aussi d'en bénéficier.
05:29Donc tout ça effectivement, ça pose des questions.
05:31Et enfin, là on parlait de mouvements sur la semaine, historiquement quand on a des mouvements monétaires en Chine,
05:37ça prend entre 3 et 4 trimestres pour venir avoir un impact sur les actions européennes.
05:41Donc ça veut dire potentiellement que les prochains résultats de ces entreprises-là peuvent être encore un peu décevantes.
05:48Est-ce que les investisseurs vont accepter en disant on verra de toute façon la Chine annoncer quelque chose,
05:52ou est-ce qu'elle sanctionnera si les résultats ne sont pas à la hauteur ?
05:55Parlons justement des résultats. Alors on va rentrer dans la période de résultats,
05:58mais si on se projette même sur 2025, je disais sentiments et fondamentaux pour cette interview,
06:04c'est donc la partie fondamentale.
06:06Qu'est-ce que vous dites des attentes du marché par rapport aux perspectives bénéficiaires des entreprises européennes pour 2025 ?
06:13Comment vous vous situez par rapport au consensus aujourd'hui, Roland ?
06:17Puis après on peut rentrer un peu plus finement dans le détail du jeu effectivement des perspectives bénéficiaires en fonction des secteurs.
06:24Déjà, qu'est-ce que vous dites de l'image de fond qui est proposée aujourd'hui par le consensus ?
06:29Alors juste avant de parler de 2025, où est-ce qu'on en est sur les 10 derniers mois ?
06:34Moins 0,5%.
06:36D'accord.
06:37Donc quasiment pas de croissance.
06:40Et les secteurs qui ont eu les plus fortes contractions, c'est les secteurs liés aux matières premières, pétrole, métaux et mines.
06:49Et on va retrouver chimie, luxe, automobiles.
06:53C'est quoi le rapport entre ces deux secteurs ? C'est évidemment la Chine.
06:56Donc on voit évidemment que ce n'était pas très bon sur les 12 derniers mois.
07:01Attendu pour 2025 maintenant, 10% de croissance.
07:0510% de croissance dans un environnement où effectivement la croissance des prix baisse.
07:11On a encore vu aujourd'hui les chiffres d'inflation, c'est en train de ralentir.
07:15Ça veut dire que les entreprises montent moins vite leurs prix.
07:18On le voit aussi dans les chiffres d'affaires qui sont en train de décélérer.
07:23Et puis on voit ce qui tenait jusqu'à maintenant, c'était les marges, qui commencent effectivement à grignoter.
07:29Moi j'ai un point depuis le début de l'année sur les marges, c'est que quand c'était un peu l'inverse de 2022-2023, il y a un rattrapage des salaires.
07:38Il y a eu des négociations.
07:40On le voit, c'est un grand thème politique en France, mais pas qu'en France, partout un petit peu en Europe.
07:45Les entreprises n'ont pas pris encore à plein ce choc de salaire, ce rattrapage de salaire dans leur P&L.
07:52Et c'est pour ça que quand on parle pouvoir d'achat, quand on regarde les sondages, ça fait partie des préoccupations des Européens à court terme.
08:01Et donc effectivement, il y a des négociations avec des syndicats.
08:05Le SMIC est par exemple directement décidé par l'État en France.
08:08Et donc ça prend du temps, évidemment, et je pense qu'effectivement les entreprises vont avoir des marges moins fortes en 2025.
08:16Donc dans cet environnement où vous avez moins de hausses de prix d'un côté, ou en tout cas les prix qui montent moins vite,
08:22et de l'autre, des salaires, donc votre base de coût qui monte plus vite, je vois mal effectivement les marges continuer à monter.
08:28Et dans ce contexte-là, moi je suis plus sur un scénario autour de 5% de croissance l'année prochaine que 10.
08:33Donc ça veut dire qu'il y a quand même un gros mouvement d'ajustement encore à venir.
08:36Et dans ce contexte-là, oui, je vais dire que la BCE baisse ses taux le 17 octobre plutôt que décembre, ou qu'elle fasse et octobre et décembre, etc.
08:46Ce genre de petit pas, vous dites, ça ne change pas la face du monde, immédiatement en tout cas pour des entreprises européennes, face à ce que vous décrivez.
08:55Je demande aussi ce qui est déjà dans les prix, parce que quand je regarde effectivement dans les marchés,
08:59et je regarde sur la courbe des taux, il y a déjà 150 points de base attendus pour les prochains mois.
09:06Donc côté américain, à 25 points de base près.
09:11Mais ce que je veux dire par là, c'est qu'il y a déjà un grand mouvement de baisse qui est déjà attendu.
09:17C'est plus ce qui fait la différence.
09:18Exactement. Et on le voit bien dans la courbe des taux qui est très inversée, puisqu'on est à 2% sur les taux allemands.
09:23Donc effectivement, à partir de là, on peut se poser la question, à quel point la partie longue de la courbe qui est la plus importante ?
09:30Parce que quand vous vous endettez, quand une entreprise s'endette, elle ne prend pas le taux de la BCE.
09:35Elle prend des taux beaucoup plus longs.
09:38Donc c'est ça qu'il va falloir se poser comme question, c'est quel est le potentiel de ces taux longs de baisser.
09:43Et moi je dis que finalement, il y a déjà beaucoup d'attentes en termes de mouvement de baisse des taux courts.
09:49Et que si on doit avoir plus, malheureusement...
09:51Ce ne sera pas pour de bonnes raisons.
09:53Exactement. C'est peut-être que finalement, on sera proche de la récession.
09:56Donc voilà, pour moi, effectivement, c'est un peu compliqué.
09:59Et puis tout à l'heure, je disais, on n'a quasiment pas eu de croissance des bénéfices au niveau européen.
10:02Moins 0,5%. Le marché l'a pris 15% depuis un an.
10:06Donc qu'est-ce qui a fait que le marché l'a pris 15% ?
10:09Les attentes, les anticipations déjà de baisse des taux.
10:11Ce facteur taux, il a déjà été bien intégré.
10:14S'il faut être effectivement dans l'idée qu'on ne va pas faire 10% de bénéfices en 2025, mais plutôt 5,
10:20en termes de stratégie d'investissement, actions européennes,
10:23quelles sont les grandes guidelines que vous émettez aujourd'hui, Roland ?
10:27Moi je reste sur où il y a de la visibilité, où il y a de la résilience des bénéfices.
10:32Je suis plutôt sur une stratégie plutôt défensif encore.
10:36Des secteurs comme la pharma, comme les utilities.
10:39Voilà, c'est des secteurs qui ont des attentes de croissance.
10:42Les défensifs aussi ont des attentes de croissance.
10:44Globalement, quand je les mets tous ensemble, je suis à peu près à 10%.
10:47Alors que les cycliques, on est à 15%.
10:51D'accord, ça vous paraît plus réalisable quand on regarde l'univers défensif que l'univers cyclique ?
10:56Je me dis surtout que la baisse va être moins forte.
10:58Pour vous donner un ordre de grandeur, en 2024, alors l'année n'est pas finie,
11:01les défensifs font 5, les cycliques font 1.
11:04Donc si vous passez de 10 à 5, ça fera moins mal que si vous passez de 15 à 1.
11:10Donc c'est un peu ça mon...
11:12Et après, je regarde des secteurs, on en a parlé de la Chine tout à l'heure,
11:17le luxe par exemple, qui est sur une croissance qui ne fait rien,
11:21ni en 2023, ni en 2024, en termes de croissance bénéficiaire.
11:2515% attendu l'année prochaine, 15%.
11:28Il va falloir que le gouvernement chinois...
11:31Visiblement, le marché attend qu'il se passe quelque chose entre le 31 décembre 2024 et le 1er janvier 2025.
11:37On verra, il y a beaucoup d'étapes encore à franchir d'ici là.
11:39Et comme vous disiez, le facteur chinois reste pour ces boîtes-là un facteur prépondérant.
11:45Merci beaucoup Roland.
11:46Merci d'être venu parler action européenne et stratégie d'action européenne avec nous.
11:50Roland Calomir, responsable de la stratégie et de l'action européenne de Société Générale CIB,
11:54qui était l'invité de ce quart d'heure thématique de Smart Bourse ce soir.