Mardi 24 septembre 2024, REBONDS ! reçoit Sébastien Gauthier (Associé, Alandia Industries)
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00:00Bonjour et bienvenue, c'est la toute première émission de Rebond. Nous sommes sur la chaîne
00:214Change. Cette émission a pour vocation de donner la parole aux dirigeants d'entreprises
00:26qui ont connu des difficultés, mais qui ont aussi réussi à les remettre sur pied,
00:32à restructurer leur entreprise. Les difficultés peuvent être conjoncturelles, surtout en ce
00:38moment avec les crises multiples qui s'accélèrent. On a l'immobilier, puis on a eu le Covid. Il y a
00:45eu énormément de choses qui ont challengé toutes les directions des entreprises françaises. Donc
00:50on va donner la parole à ces dirigeants qui vont nous raconter un peu comment traverser les
00:53difficultés, se rétablir et bien sûr le faire dans la durée. Pour lancer cette émission, je suis
01:00extrêmement bien entourée puisqu'on a décidé de faire une émission dédiée au Prix Ulysse. Le
01:05Prix Ulysse, qu'est-ce que c'est ? C'est tous les ans, l'ARE, c'est l'Association pour le
01:10retournement des entreprises. C'est une association qui regroupe l'ensemble des professionnels du
01:15retournement, du refinancement et de la restructuration. Tous les ans, ils organisent
01:20le Prix Ulysse. Le Prix Ulysse récompense le meilleur retournement d'entreprises de l'année
01:25écoulée. Donc c'est un prix d'excellence. Le lauréat 2023, par exemple, c'était les Transports
01:30Guyamais et le Prix Ulysse 2024 se déroulera le 18 mars 2024. Donc c'est bientôt. Trois Prix Ulysse
01:39autour de moi. Je vais vous expliquer un peu plus en détail. Tout d'abord, il y a le Prix Ulysse 2022
01:45avec Laurent Demalle, des ailes, les ailes. Bonjour. Bonjour, merci beaucoup d'être parmi nous.
01:51On a aussi le Prix Ulysse 2016 avec Sébastien Wolff d'Excelrise. Bonjour. Et enfin, on a le Prix
02:00Ulysse 2019 qui était Carbone Savoie et on a avec nous leur investisseur Sébastien Gauthier. Vous
02:05êtes associé donc chez Alendia Industries. Bonjour. Merci beaucoup tous les trois d'être
02:10avec nous sur ce plateau et de détailler. On va décortiquer un peu ensemble toutes les
02:14difficultés que vous avez pu connaître et puis surtout le retournement réussi que vous avez
02:20réussi à mettre en place et qui a été, on va dire, couronné de succès, mais surtout récompensé
02:26par ce fameux Prix Ulysse. Alors, je me tourne d'abord vers Sébastien pour le sujet d'Excelrise.
02:33Excelrise, donc Prix Ulysse, je le rappelle, 2016. Déjà, Excelrise, qu'est-ce que c'est?
02:40Racontez-nous un peu. Excelrise, c'est une holding industrielle de reprise d'entreprises
02:45en difficulté qui a 20 ans d'existence. On est six associés. On reprend des sociétés plutôt
02:51dans le domaine industriel. Aujourd'hui, Excelrise, c'est à peu près 150 millions d'euros d'affaires
02:57et des participations dans l'emballage plastique et le recyclage. Et on a été lauréat du Prix
03:04Ulysse en 2016 au titre de deux reprises, une société qui s'appelle Césa Packaging, qu'on a
03:10repris en plan de session en 2004, et une société qui s'appelle Semoflex, qu'on a repris en mandat
03:14ad hoc en 2013. Alors, ce n'est pas mal puisqu'on va pouvoir faire le bilan puisque ça fait quand
03:19même huit ans que vous avez eu le Prix Ulysse. Donc, on va voir que finalement, le retournement,
03:23il a été réussi puisqu'il fonctionne toujours plutôt bien. À l'époque, quand vous avez investi
03:31dans ces deux sociétés, c'était deux sociétés qui étaient en difficulté. Qu'est-ce qui s'est
03:35passé ? Qu'est-ce que vous avez mis en place ? Quelles étaient les difficultés déjà ? Et ensuite,
03:39quelles ont été les solutions que vous avez essayé d'apporter et comment ça s'est structuré
03:42finalement avec l'existant ? Les difficultés n'étaient pas nécessairement liées au marché
03:48parce que ce sont des entreprises qui sont positionnées sur des marchés plutôt porteurs,
03:51donc l'emballage plastique pour la boisson, pour l'hygiène, donc des marchés assez résilients,
03:57avec un outil industriel qui était très correct, bien investi. C'est deux sociétés
04:04qui ont connu des accidents de parcours et nous, c'est ça qu'on recherche en priorité,
04:07c'est-à-dire des sociétés qui sont avec des bons fondamentaux mais qui, à un moment donné,
04:12pour des questions d'actionnariat ou des questions réglementaires ou des questions
04:16même opérationnelles, peuvent avoir, peuvent trébucher. Et nous, c'est exactement ce qu'on
04:22recherche. Donc dans le cadre de ces appackaging, c'est plutôt 2004, c'est plutôt l'actionnaire
04:28en fait qui était défaillant à l'époque. L'actionnaire avait déposé le bilan et donc
04:32notre rôle a été ensuite, je pense qu'on va ensuite rentrer un peu plus dans le détail,
04:37mais notre rôle a été principalement sur la première année de piloter le cash, de faire
04:43une communication très large et très approfondie auprès des salariés, des banques, des clients.
04:50Je ne rentre pas dans le détail à ce stade, mais c'est vraiment tout cet aspect de communication
04:56qui a été un gros gros travail juste après la reprise. Alors Laurent, tu es le PDG de la société
05:03Les Ailes, Prix Ulysse 2022, donc un prix récent. Déjà, c'est une fierté de recevoir le Prix Ulysse.
05:10On a envie de se dire, est-ce qu'on a vraiment envie d'être récompensé parce qu'il y a eu un
05:15retournement ? Non, on n'est pas récompensé parce qu'il y a eu un retournement, c'est parce qu'il a
05:18été réussi finalement. Oui, la vraie récompense est celle du quotidien, de l'entreprise qui vit,
05:23des emplois maintenus, des territoires qu'on arrive à garder dans l'économie et donc
05:31toute l'activité socio-économique qu'il y a autour. On est dans les Vosges, à 600 mètres d'altitude
05:35dans les montagnes, donc cette dimension-là nous parle. Après, évidemment, la reconnaissance de la
05:39profession, c'est toujours sympa, ça fait parler de l'entreprise, donc c'est très bien. Et puis
05:44surtout, ça permet de communiquer aux autres patrons qui sont dans la même situation ou qui
05:50vont connaître la même situation pour qu'ils s'en inspirent, en tout cas qu'ils puissent y trouver
05:53des idées ou du réconfort. Les Ailes, c'est une entreprise qui est quelque peu historique
05:59puisqu'elle a démarré après la Seconde Guerre mondiale, c'est ça ? Oui, en 1946, juste après
06:04la guerre. Dans les Vosges, on ne sait peu, moi je suis d'ici l'ouest, donc j'ai appris tout ça,
06:08mais les villages des Vosges ont été détruits. Les Allemands, quand ils sont partis, ils ont tout
06:12fait sauter. On le connaît pour Paris, ils avaient prévu de le faire, ils ne l'ont pas fait. Les
06:15Vosges, ils l'ont fait. Et donc, il a fallu reconstruire le vivre-ensemble. On aime bien
06:20cette idée que l'entreprise s'est créée pour reconstruire le vivre-ensemble, reconstruire des
06:24maisons. Et les maisons, il faut des fenêtres. On a beaucoup de bois dans les Vosges et donc,
06:27il fallait faire des fenêtres en bois. Et donc, ça a démarré comme ça en 1946 et on est 80 ans
06:31plus tard. Alors, les Ailes, toi, tu es arrivé en quelle année ? Moi, j'ai rejoint l'entreprise
06:37en 2017 après 30 ans à l'international sur des grands projets. Et voilà, je voulais me poser en
06:44France et trouver du sens à travailler pour une entreprise où il y a des choses à faire au niveau
06:52social et puis évidemment économique. Il faut quand même s'amuser, mais voilà, où il y avait
06:56du sens, trouver du sens. Donc, quand je suis arrivé, évidemment, on était dans un fond,
07:0250 ans d'histoire familiale, 15 ans de la Perse-Saint-Gobain, grand groupe, et quasiment 15
07:07ans de fonds d'investissement. Donc, on a connu tous les actions derrière. Et quand je suis
07:11arrivé, on avait été racheté en LBO juste avant la crise de 2008. Et donc, du coup, 7 ans après,
07:18les trois raisons qui sont la raison financière, la raison conjoncturelle et la raison structurelle
07:27de l'entreprise nous ont amenés proche du gouffre. Donc, on était avec pas de trésorerie,
07:33très faible rentabilité, mais positive. Donc, on peut mourir en étant rentable et avec une dette
07:40LBO qui nous asphytiait. Alors, on va revenir après sur toutes les solutions que vous avez
07:46mises en place pour justement passer ce cap. Sébastien, donc, tu es associé aussi au sein
07:53d'Alehandia Industries, un investisseur qui est spécialisé dans l'investissement dans les
07:57sociétés en difficulté. On va parler de Carbone Savoie, mais pas que. Tu as aussi d'autres exemples
08:03de sociétés qui ont connu évidemment des difficultés et qui se sont redressées, notamment
08:08par ton intervention. Carbone Savoie, c'est le prix Ulysse, donc, en 2019. C'est bien ça. Est-ce
08:16que tu peux nous raconter un peu le moment où, finalement, vous avez décidé d'investir et dans
08:21quelle situation la société était à ce moment-là? Carbone Savoie, c'est une société qui produit du
08:27graphite synthétique au milieu de la vallée de la Tarentaise, donc dans les Alpes. C'est une société
08:31qui appartenait au groupe Riotinto et qui avait connu de très, très fortes difficultés financières
08:37au point que Riotinto avait envisagé un moment de la fermer. Et les salariés s'étaient mobilisés
08:43pour expliquer qu'il fallait rechercher un investisseur et une nouvelle équipe de direction.
08:48Et nous, on s'est présenté avec un projet industriel qui était particulièrement innovant,
08:53qui consistait à constater qu'en fait, l'entreprise produisait pour un coût qui était plus cher que
09:01le prix auquel elle arrivait à vendre à ses clients. Et que donc, il allait falloir ensemble,
09:05avec les salariés, avec les pouvoirs publics, avec l'ensemble de l'écosystème et les fournisseurs,
09:10réussir à transformer le modèle économique de cette entreprise pour qu'elle redevienne rentable
09:14et qu'elle soit capable de se projeter dans l'avenir. C'est une société qu'on a reprise en
09:192016, que j'ai dirigée en tant que PDG entre 2016 et 2020, et que l'on a adossée au leader
09:27mondial du graphite synthétique, c'était Tokai Carbon, qui est une société japonaise, en juillet
09:322020. Alors justement, je me tourne vers les deux investisseurs, ça tombe bien, ils ont le même
09:37prénom, ils s'appellent tous les deux Sébastien, ils sont tous les deux à côté, c'est très pratique.
09:41Comment on décide d'investir dans une société en difficulté ? Comment on peut se dire, bon ben
09:47voilà, je n'investis pas dans le vent, c'est une société qui a le potentiel de rebondir. Comment
09:52on arrive à identifier justement ce potentiel-là ? Le critère numéro un, de notre côté, c'est le
10:02marché. C'est-à-dire qu'on est persuadé qu'il y a certains marchés où les vents contraires sont
10:08tellement importants que même si vous mettez beaucoup de moyens financiers et managériaux,
10:13c'est très difficile de retourner l'entreprise. Donc le critère numéro un, pour moi, c'est le
10:16marché. Ensuite, un second critère, c'est notre capacité d'une certaine manière à apporter des
10:22ressources managériales et des ressources financières qui peuvent faire la différence,
10:25et c'est une des caractéristiques de toutes les opérations qu'on a réalisées, c'est qu'il faut
10:31être en mesure de couvrir tous les sujets. Donc même si dans le diagnostic on a l'impression que
10:35le commercial ne va pas et que c'est le point principal, mais il faut aussi quelqu'un dans
10:39l'équipe qui regarde la production, la qualité, les finances, les RH, etc., et donc d'être en
10:44mesure d'inverser la tendance sur l'ensemble des services de l'entreprise, d'une certaine manière
10:50courir un peu plus vite que les ennuis, parce qu'il y a beaucoup d'ennuis qui s'accélèrent en fait
10:55dans une phase de retournement. Et derrière, le deuxième critère important pour nous, c'est
11:00passer cette phase de crise. Il y a une deuxième étape qui démarre, qui est très importante,
11:04c'est qu'il faut repositionner l'entreprise. L'objectif, ce n'est pas nécessairement passer
11:08la phase de retournement, de dire bon ça y est, on a fait notre travail d'investisseur, on passe à
11:12autre chose. C'est très long, un retournement. Il y a la phase de retournement, de repositionnement,
11:16et après potentiellement, on est en mesure de créer de la valeur et de revendre nos participations.
11:21C'est un temps long et un temps court. Le temps court, c'est quoi les urgences à prioriser,
11:28ces fameux 100 premiers jours ? Le cash, c'est le point principal. Il faut s'assurer qu'on a
11:35suffisamment de cash pour pouvoir continuer à jouer, entre guillemets. Et puis, le deuxième
11:40aspect, c'est de réussir à emmener tout le monde avec un projet simple, clair, et le rabâcher en
11:47permanence. Donc, être beaucoup sur le terrain, de manière à réaligner finalement toutes les
11:52énergies de l'entreprise dans la bonne direction. Je suis parfaitement en fait avec ce que dit
11:56Sébastien. Je complèterai en rajoutant qu'identifier les causes des difficultés passées,
12:02c'est extrêmement important. Nous, on s'assure toujours de deux choses. Un, qu'elles ne sont pas
12:07trop nombreuses. C'est-à-dire qu'il faut que quelque part, le retournement s'appuie sur deux,
12:11trois piliers maximum et pas une combinaison de facteurs qui rendent finalement la probabilité
12:16de succès faible. Et la deuxième chose, c'est de s'assurer qu'on a nous-mêmes les compétences
12:21pour apporter ce qui manque à l'entreprise. Et il arrive que quelquefois on soit convaincu du
12:27potentiel de marché, on peut être convaincu d'avoir bien compris les causes qui vont amener
12:31l'entreprise à être dans cette situation, mais à considérer qu'on n'est pas assez complémentaires,
12:35qu'on n'est pas les bons pour réussir à faire ce retournement. Et dans ce cas-là,
12:38on aura tendance à passer notre tour. Le moment où vous commencez à étudier un dossier,
12:45le moment où vous investissez vraiment dedans, c'est combien de temps à peu près ? Pour nous,
12:50on reçoit 220 dossiers par an, on remet une quinzaine d'offres indicatives, environ 4-5 offres
13:00fermes. Et sur ces 4-5 offres fermes, on fera peut-être un deal. Et le deal, il prend combien
13:06de temps à peu près ? C'est 6 à 9 mois. Même timing de son côté, oui. Oui, donc c'est quand
13:12même un temps qui est long pour une entreprise qui connaît des difficultés, qui va peut-être
13:16s'enfoncer progressivement, puisqu'elle n'arrive pas à identifier ces problèmes dont tu parlais.
13:23Elle n'a pas les ressources pour les adresser. Quand on arrive en tant qu'investisseur dans
13:28une société qui a des difficultés, comment vous arrivez à le faire bien passer au sein des équipes,
13:35sans donner l'impression de dire « vous avez tout raté, nous on sait, on va tout bien faire ». Il y
13:41a aussi une partie de gestion de l'humain et des talents, puisqu'il va aussi falloir savoir
13:46conserver les bons talents. Comment vous arrivez à faire preuve finalement de diplomatie et de
13:53ne pas non plus être prescripteur de « tout va bien » par rapport à « tout allait mal avant ».
13:57Ce n'est pas nécessairement un échec collectif de toutes les équipes individuellement. Il a
14:06pu y avoir des problèmes de marché temporaires, l'accident de parcours que nous regardons en
14:12particulier. Il peut y avoir aussi des orientations stratégiques qui n'étaient pas les bonnes,
14:17mais tout le monde fait aussi ce type d'erreur. Ou des problèmes d'actionnariat, des problèmes de
14:24financement, des mauvaises allocations de ressources. Donc derrière, l'idée c'est
14:28vraiment que le changement d'actionnaire permet aussi de tourner la page et puis de
14:32démarrer un projet complètement nouveau. Nous, on a tout le temps constaté que les énergies se
14:39remobilisaient extrêmement vite et c'est même assez grisant les phases post-reprise. Il y a
14:45vraiment une énergie, quand c'est bien aligné, c'est très agréable parce qu'on a beaucoup de
14:50succès qui arrivent au quotidien. On fait des gains un peu partout et puis de se mettre dans
14:56cette dynamique, c'est agréable. Il y a beaucoup de communication interne j'imagine ? Oui, on insiste
15:02beaucoup sur les efforts nécessaires pour ce qu'on appelle réenclencher la roue. La roue est un peu
15:06bloquée pour des raisons qui sont des fois bonnes ou mauvaises, mais il peut y avoir beaucoup de
15:11défiance entre la direction précédente et les salariés. Il peut y avoir un manque de moyens
15:17financiers qui a tout simplement bloqué tous les projets d'investissement qui pouvaient donner un
15:20peu de perspective sur l'avenir et tout le monde est très inquiet sur la situation immédiate. Donc
15:23ce qu'on essaye c'est de redonner déjà une certaine lucidité sur la situation et que tout
15:28le monde soit bien d'accord avec nous sur le diagnostic, redonner de la perspective et puis
15:33comme l'a très bien dit Sébastien, générer des succès. C'est les succès qui vont permettre de
15:38redévelopper cette énergie et de faire réenclencher cette roue. Et la roue, une fois lancée, même si
15:44on se heurte à quelques petits obstacles, elle passera l'obstacle. Et c'est cette démarche là
15:50de progrès et d'envie collective qui est extrêmement important pour réussir la rotation
15:54d'entreprises en difficulté. Alors Laurent, cette roue, comment elle s'est remise en place ? Parce
16:00que tu nous disais tout à l'heure qu'il y avait eu un blocage, une crise successive et puis vous
16:05n'arriviez plus à trouver le bon équilibre. Qu'est-ce que vous avez mis en place et comment
16:09ça s'est passé ? Nous ce n'est pas un blocage. On n'est pas passé par une phase où on a fait le
16:18constat qu'on était planté et qu'il fallait redémarrer. Ce constat, malheureusement ou
16:22heureusement, je ne sais pas comment il faut le dire, n'avait pas été fait. En tout cas, il aurait
16:26pu être fait plus tôt. Non, on était dans une trajectoire, donc une inertie d'entreprise au
16:31niveau commercial, au niveau managerial et puis conjoncturel. Et un chapeau financier au-dessus,
16:37ou une épée de Damoclès financière qui était là. Donc on était dans un retournement de marché
16:42depuis 2008. On avait basculé, on fait des fenêtres, on avait basculé de la Renault vers le 9 sans
16:47s'en rendre compte. Et on se voyait comme des industriels et pas comme des gens de chantier,
16:50alors qu'on vend des chantiers. On fabrique des fenêtres, évidemment, mais on fait des chantiers.
16:54Chantier en neuf et en Renault, c'est pas la même chose. Il fallait d'une part accompagner,
16:58paradoxalement, une forte reprise de la croissance du BTP. On est en 2017, ça redémarre. Donc qui dit
17:07croissance dit BFR. Une date senior qui était trois, quatre fois supérieure au résultat
17:14d'exploitation. Donc une trésorerie à zéro et un carnet de commande de plus d'un an. Donc en fait,
17:20vous avez une inertie. Le carnet de commande, il est déjà là. Il a déjà été pris. Donc celui-là,
17:24vous ne pouvez pas revenir dessus. La date senior, vous pouvez. C'est ce qu'on a fait. On a mis en
17:29conciliation nos prêteurs. Et puis après, il faut retourner l'entreprise, c'est-à-dire la mettre
17:37dans une nouvelle trajectoire. Et donc là, c'était apporter un savoir-faire chantier qui
17:42prend 2-3 ans puisqu'on a une inertie très longue, vu qu'on a un an de carnet de commande plus un an
17:46de carnet de vie en gros. Donc, il faut 2-3 ans pour arriver à saigner tout ça avec des nouvelles
17:51façons de chiffrer, de manager, de staffer, de communiquer, etc. Donc, il y a été plus une
17:56inertie à un crash qui était en devant le pare-brise. Il fallait arriver à redresser le piqué
18:04pour retrouver des altitudes plus saines. Aujourd'hui, l'actionnariat, il est composé
18:11comment ? Aujourd'hui, on a fait le deal. On a mis en conciliation en 2018, qui est un procédé
18:21vraiment sympa quand tu le prends à l'heure. Toujours pareil. On avait une équipe qui est
18:25vraiment bien. Donc, Patrice Salomarchand et Carole Martinez, administrateurs. On avait KPMG,
18:31Polyamère. On avait préparé vraiment notre affaire pour que quand on arrive devant les
18:34actionnaires, enfin les prêteurs, on arrive avec des solutions. Une démonstration de redressement
18:39et des solutions. En quatre réunions, on a bouclé la conciliation. En 2019, on a pu remettre en
18:46vente. C'était le deal que j'avais avec le Fonds MBO. Et le deal que j'avais avec eux, c'était que
18:52je pourrais faire une offre de reprise. On a consulté le marché. J'ai construit une offre de
18:56reprise avec les salariés. Et en 2020, décalé d'un an puisqu'on nous a arrêté le lendemain de
19:02l'annonce aux salariés qu'on allait reprendre l'entreprise, on nous a bêtement arrêté l'économie.
19:07Donc on a décalé d'un an. Et donc en 2021, on a repris toute l'entreprise avec les 500 salariés,
19:12qui sont tous actionnaires. Et BPI, BNP en actionnaires minoritaires. Et qu'elles
19:20dépargnent ILP et BPCE via Eurocapital, qui sont très minoritaires en censeur. Donc c'est nous les
19:28actionnaires majoritaires, c'est les salariés. Donc évidemment, c'est moi qui dois porter la
19:32vision de l'actionnaire majoritaire. Et on a appris de nos difficultés pour avoir une dette très
19:40faible, pour ne pas payer de dividendes. Donc en gros, pour que tout le cash de l'entreprise soit
19:46pour son développement. Et donc, a fortiori, le développement de l'actionnaire, des parts de
19:52l'actionnaire, de la valeur pour l'actionnaire, la valeur financière, pour que dans la durée,
19:55puisque c'est dans notre métier, c'est la condition sine qua non, pour que dans la durée,
19:59on puisse se développer. Donc voilà ce qu'on a mis en place en 2021.
20:02Vous avez mis en place un FCPE de reprise, c'est ça ?
20:05C'est le premier, non ?
20:06Oui, le premier de la loi PAC de 2019. Alors la pauvre loi, elle s'est votée,
20:11puis derrière, on a fermé les écoutilles avec le Covid. Donc évidemment, il y a deux dispositifs
20:16qui ont été assez peu visibles, celui-là. Donc on a été les premiers en France à le faire. Donc on
20:19a eu un prix également là-dessus, c'est sympa. Parce que ça permet d'embarquer tout le monde
20:26avec des conditions de frottement fiscal qui sont vraiment intéressantes. Et puis ça embarque
20:31vraiment, ça embarque bien les salariés. La preuve, on a quand même beaucoup, beaucoup d'ouvriers
20:34dans les Vosges. La chose économique, ce n'est pas forcément leur cheval de bataille tous les
20:39matins. Ils ont adhéré au projet, ils ont tous, quasiment tous souscrit, en mettant de l'argent
20:45perso. Et le deuxième dispositif, c'était l'entreprise à mission. Et nous sommes devenus
20:51entreprise à mission en 2021 également. Donc c'est un dispositif de la loi PAC qui permet de
20:55réécrire. On en parlait, il fallait redresser la trajectoire, mais qui dit trajectoire dit vision.
21:01Et donc il fallait proposer une vision à tout le monde et en particulier aux salariés à qui on
21:07proposait de mettre de l'argent dans l'entreprise après avoir passé un cap difficile. Et donc celui
21:12de l'entreprise à mission, c'est celui d'un cadre où on équilibre notre capacité à créer de la
21:19valeur sur l'ensemble des axes. Pas que financier, c'est nécessaire pour survivre et pour le développer.
21:24Économique, parce qu'il faut apporter quelque chose d'utile, mais également social, parce qu'il
21:27faut des salariés qui soient motivés. Sociétal, parce qu'il faut un écosystème. Et puis environnemental,
21:31parce que si on ne s'approprie pas ces enjeux-là, nécessairement on disparaîtra. Entreprise d'abord,
21:38et puis peut-être un peu plus derrière. Ce système d'actionnariat salarié, vous le voyez, vous, sur
21:43les entreprises que vous avez investies ? Nous, on l'a mis en place. On l'a mis en place sur Carbone-Savoie,
21:51pareil, dans le cas d'un FCPER de reprise. Je pense que c'est très important d'associer les
21:55salariés au partage des fruits et des efforts. En fait, quelque part, nous, on l'a mis en place
22:01parce qu'on demandait extrêmement beaucoup d'efforts aux salariés et à tout l'écosystème pour
22:06réussir à redresser cette entreprise. Et qu'il était naturel que tout le monde se sente valorisé
22:13et puisse bénéficier d'un succès s'il venait à y en avoir. Et donc, on l'a mis en place en
22:202017. Et lorsque l'on a revendu l'entreprise en 2020, tous les salariés ont pu valoriser la valeur
22:31de leurs actions et voir qu'en fait, effectivement, ce n'était pas un camp contre un autre. Ce n'étaient
22:37pas les actionnaires ou la direction contre les salariés ou les actionnaires contre les
22:41salariés. C'était finalement, tout le monde était dans le même bateau et avait réussi à créer
22:46ensemble une entreprise qui était pérenne, qui intéressait le leader mondial, qui était sur le
22:51nouveau marché et pour lesquels les salariés étaient valorisés. Je vais vous demander un
22:57petit exercice qui n'est pas forcément simple. En trois mots, un retournement réussi. Mais
23:02vraiment en trois mots. Je vous laisse réfléchir à ça. Le but, c'est de synthétiser et de se dire
23:08bon ben voilà, pour un retournement, c'est le temps court comme on disait tout à l'heure. Mais
23:13il y a aussi la durée, puisqu'il faut évidemment que ça fonctionne sur les années qui suivent et
23:18il faut aussi que ça survive aux crises suivantes, puisque malheureusement, on est dans une période
23:22où les entreprises, tous les ans, il y a une nouvelle crise. Donc il faut aussi que ce soit
23:28suffisamment solide dans l'avenir. Vous avez eu le temps de réfléchir aux trois mots qui commencent.
23:32En tout cas, dans notre paradigme qui était le nôtre, c'était, je pense, de la vision,
23:39vision à la fois des raisons, des causes et de l'après, du chemin par lequel on va passer entre
23:46les deux. Équipe, vraiment. T'as besoin de professionnels avec qui tu dois passer le cap,
23:53des gens qui ont une expertise que tu n'as pas, un support des fois aussi psychologique. T'as besoin
23:59des équipes, t'as besoin de tes banquiers, t'as besoin de tout le monde, tes clients, tes fournisseurs,
24:03tes assureurs crédit. Donc un travail d'équipe, donc de communication inévitablement et puis du
24:09travail. Beaucoup de travail. Et pas tout seul. Le risque, c'est de s'isoler. C'est un travail
24:14collectif, encore une fois. Le levier de travailler à 500, c'est 500 personnes, c'est énorme. Donc
24:22voilà, ces trois mots-là, je pense, vision, équipe et travail, je pense que ça marche bien.
24:27Sébastien ?
24:29Moi, je dirais confiance, tout d'abord, parce qu'on arrive à redresser l'entreprise que si
24:36tout l'écosystème accepte de vous faire confiance et le corps social en est le principal élément.
24:42Repositionnement, parce que comme l'a dit Sébastien tout à l'heure, un retournement,
24:48c'est pas que remettre les chiffres du négatif en positif, c'est surtout aller sur des terrains
24:53de jeu qui sont plus favorables, des terrains de jeu qui sont les entreprises de demain. Car
24:56Bensawa, c'est une entreprise qui était plus que centenaire, qui en 100 ans avait vécu 4 ou 5
25:00métiers. Notre rôle à nous, ça a été de la positionner sur ce qui sera ces métiers des 20
25:05prochaines années. Et puis, le dernier, c'est un peu original, mais moi, je dirais que c'est
25:16transformation. C'est-à-dire qu'on arrive à redresser l'entreprise que si on a vraiment
25:21changé les choses. C'est-à-dire que si on fait du cosmétique, au premier obstacle,
25:26aux premières mauvaises nouvelles, on est toujours aussi peu compétitif par rapport à nos concurrents
25:32et on trébuchera comme on a trébuché au coup d'avant. L'image que j'avais avec mes salariés,
25:37c'était de leur dire, c'est pas parce que le niveau d'eau est là que ça va bien. Notre but,
25:42c'est qu'on ait suffisamment d'air pour que même lorsque les choses ne se passent pas comme on
25:46avait prévu que ça se passe, on continue à maintenir une société qui est profitable et
25:51qui est pérenne. Et donc, sans transformation, c'est absolument impossible. Sébastien, t'as trois
25:56mots ? C'est difficile. C'est pas facile. En passant le dernier. Vision, déjà utilisée,
26:05mais clairement c'est le premier mot qui me venait à l'esprit. La confiance également. Je rajouterais
26:10peut-être la fierté qui va avec la confiance. La fierté des premiers succès et de regagner
26:15confiance pour repartir dans une dynamique positive. Et peut-être un autre mot en complément, c'est la
26:22vitesse. La vitesse d'exécution est quelque chose qu'on apprend dans les phases de crise et qui est
26:28très utile pour la suite. Donc, d'aller extrêmement rapidement sur la plupart des sujets. Le courrier
26:35de la vitesse, c'est aussi le bon sens. C'est d'être en mesure de prendre des décisions de bon
26:38sens au plus près du terrain pour pouvoir aller vite. Alors, c'est toujours plus facile avec le
26:45recul de se dire, ça, ça a marché, ça, ça n'a pas marché. Quel conseil, il est important,
26:52que vous avez envie en tout cas de faire passer aux dirigeants qui, aujourd'hui, sont en train de
26:56nous regarder et se disent, oui, moi aussi j'ai des difficultés, mais je ne sais pas comment faire
27:00et je ne sais pas par où prendre le problème parce que c'est tellement quelque chose de complexe ou
27:05intercommuniquant. C'est quoi les conseils les plus importants que vous auriez aimé entendre,
27:11toi, de ton côté, ou que vous aimeriez faire passer à ces dirigeants, justement, quand vous
27:18investissez, vous aimeriez qu'il y ait quoi, déjà, bien en tête ? C'est d'être entouré,
27:25déjà, de s'entourer, parce que la première chose, c'est de rompre l'isolement, justement,
27:30des dirigeants. S'entourer, si ce n'est pas au niveau du comité de direction, c'est avec des
27:35conseils. Donc, ça, c'est très, très important. Moi, je trouve que beaucoup de dirigeants ne
27:44font pas suffisamment l'effort de chercher de la nouveauté à l'extérieur, ne font pas
27:49suffisamment l'effort de se dire que d'autres ont peut-être des bonnes idées à leurs apportés. Et
27:54très souvent, on s'aperçoit qu'une société va être en crise, va lancer une conciliation,
28:01un mandat ad hoc, va trouver une solution à court terme, après un effort quand même du dirigeant
28:05qui va être assez important. Et ce jour-là, le dirigeant, il ouvre le champagne parce qu'il
28:10vient de passer par 6 mois, 1 an, 2 ans d'épreuve, mais il n'a rien réglé. Il n'a que gagné un petit
28:18peu de temps et que le vrai travail commence après. Et c'est extrêmement difficile lorsqu'on
28:22est un dirigeant depuis plusieurs années dans la même entreprise, avec les mêmes environnements,
28:28de réussir à ramener tout en question. Donc, si le marché se retourne, tant mieux, on aura réussi.
28:33Et si le marché garde la même dynamique, il est très peu probable que la conciliation,
28:37finalement, corrige les difficultés. Donc moi, ce que j'encourage les dirigeants à faire, c'est
28:42aller voir des investisseurs extérieurs, à s'ouvrir à eux. Il aura toujours le choix d'investir ou pas
28:48investir à leur côté, mais au moins, il aura un œil extérieur de quelqu'un qui n'est pas que conseil,
28:53quelqu'un qui se dit, dans ces conditions-là, je suis prêt à investir de l'argent. Et c'est ça
28:58qui est souvent, je pense, manque aux dirigeants qui se battent pour le court terme, mais qui n'ont
29:02plus la fin d'énergie, plus assez d'énergie pour mener la transformation qui est nécessaire.
29:07Je suis d'accord avec Sébastien. Je pense que chaque cas est différent, bien sûr. Il faut que le
29:14patron d'entreprise comprenne qu'il n'a pas l'obligation de trouver la solution tout seul.
29:19Il y a des experts, il y a des conseils. Alors, il faut savoir faire le tri parce que les conseillers
29:27ne sont pas les payeurs, mais il y a des personnes qui sont vraiment capables, à titre des associations
29:32également, donc à chacun d'aller faire son marché dans ce dont il a besoin, mais surtout de ne pas
29:37rester tout seul. On est dans une situation, par définition, qui est nouvelle. Normalement, quand on
29:42est patron d'entreprise, on n'est pas passé par 50 moments difficiles qui remettent en code la vie
29:47de l'entreprise et des solutions. Il y a beaucoup de solutions qui vont effectivement dépendre de la
29:52situation de l'entreprise, mais également de la situation de marché, etc. Donc, ça peut être de
29:56la récapitalisation, ça peut être de la négociation financière, ça peut être un mariage avec un
30:01concurrent, il y a mille solutions possibles. Pour construire cette vision-là, il faut aller
30:07chercher des conseils qui vont vous ouvrir des champs du possible, qui vont vous apporter des
30:12idées de solutions et qui vont peut-être aussi vous apporter un peu de support, parce que la
30:17solitude pèse dans ces moments-là, évidemment. Et le poids de prendre la bonne décision, parce
30:21qu'effectivement, la vitesse est là et on ne peut pas tester trois solutions. Il faut en prendre
30:26une. Donc, une fois qu'on l'a choisie, il faut y aller. Donc, pour choisir celle-là,
30:30se faire accompagner et donc aller au-delà de son cercle habituel, c'est essentiel, je pense.
30:34Surtout qu'on le rappelle aux dirigeants, il y a des procédures qui sont extrêmement bien
30:41structurées en France, même au niveau européen, qui permettent justement de prendre des difficultés
30:47tôt. Et souvent, on constate une crainte du dirigeant à se lancer là-dedans, à se dire
30:53« je vais peut-être pouvoir y arriver encore un peu tout seul ». Et c'est dommage, parce que
30:58finalement, plus le temps dure, plus les difficultés sont difficiles à contrer. Donc, il ne faut pas
31:06hésiter à faire appel justement à ces conseils, puisque finalement, tous les trois, vous me dites
31:09exactement la même chose. Il faut savoir s'entourer, il ne faut pas rester seul. Et autant
31:14utiliser ces procédures collectives ou ad hoc, qui se prennent très tôt et qui permettent
31:23de dépasser ce cap. Et qui sont confidentielles. Et qui sont confidentielles. Je pense que c'est un
31:26point qui est très important, c'est qu'on peut s'en ouvrir tout en ayant l'assurance que nos
31:32fournisseurs, que nos clients ne le sauront pas. Et c'est souvent ce qui bloque le plus les dirigeants,
31:37c'est la peur, en ouvrant ce type de procédure, d'enclencher un feu qu'ils n'avaient pas forcément
31:43jusque-là supplémentaire. Donc, la confidentialité est très importante. Alors, merci beaucoup à tous
31:50les trois. Comme je disais tout au long de l'émission Pré-Ulysse 2016, Pré-Ulysse 2022,
31:55Pré-Ulysse 2019 avec Arbonne Savoie. Je vous remercie à tous les trois d'être venus intervenir
32:01sur cette toute première émission de rebonds. De nous montrer que des rebonds réussis, il y en a
32:06plein. En tout cas, il y en a trois. Minimum, puisque vous, vous en avez encore plus, justement,
32:10en tant qu'investisseurs. Merci beaucoup pour votre première participation à cette émission. J'espère
32:15que vous reviendrez sur une prochaine. Merci à vous de nous avoir suivis. C'était donc le tout
32:21premier épisode de rebonds dans le cadre de la chaîne 4Change. Merci beaucoup et à très bientôt.