Samedi 21 décembre 2024, SMART WOMEN reçoit Marie-Anne Barbat-Layani (présidente, AMF)
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00:00Bonjour Marianne Barbalayani, un grand merci d'avoir accepté mon invitation.
00:08Alors Marianne, je le disais en introduction, vous êtes une femme de pouvoir dans la mesure où vous avez occupé plusieurs postes de haut niveau.
00:16Alors je ne cite pas tout, mais notamment vous avez été directrice générale de la Fédération des banques françaises, la FBF.
00:23Vous avez été secrétaire générale du ministère de l'Économie et des Finances.
00:27Et depuis fin 2022, vous avez été nommée à la présidence de l'autorité des marchés financiers, l'AMF, donc un poste très prestigieux.
00:36Alors compte tenu de tout ce que vous avez fait déjà, une première question qui porte sur votre expérience personnelle.
00:43Finalement, vous, comment avez-vous vécu et vu votre position au sein des différentes instances où vous avez été ?
00:52Est-ce qu'il y a des choses notables à dire à cet égard, par rapport à l'idée des femmes bien sûr ?
00:58Je dirais qu'au grand âge qui est le mien maintenant, chère Marie-Claire Capobianco, j'ai été très frappée quand même par la progression phénoménale des femmes dans les postes à responsabilité.
01:11Pour moi, je dirais que de ce que j'ai vu dans le monde de l'administration ou de l'entreprise d'ailleurs, c'est vraiment la deuxième révolution avec le digital au cours des 30 dernières années.
01:21C'est ce qui a finalement le plus bougé.
01:23Alors après, ce qui est sûr, c'est qu'il y a un peu de désillusion pour les personnes qui sortent de leurs études et qui se disent que toutes ces histoires de discrimination, d'inégalité professionnelle, c'est complètement derrière nous.
01:41En fait, plus on rentre dans le monde professionnel, je parle aussi d'une époque déjà un peu ancienne, et plus on y évolue, plus on se rend compte que ce n'est pas si évident que ça.
01:52Après, je n'ai pas à me plaindre, j'ai eu des responsabilités très importantes, à la fois en cabinet ministériel, dans l'administration, dans l'entreprise, et maintenant je suis la première femme qui dirige l'autorité des marchés financiers.
02:07Donc je dirais que je ne peux pas dire qu'il y a des barrières infranchissables.
02:12Oui, mais souvent, quand on s'adresse à des femmes qui, telles que vous, sont dans des fonctions comme vous les avez, c'est aussi parce qu'il y a un mix entre opportunité, mais aussi conviction personnelle, énergie personnelle, détermination et le fait d'oser.
02:27Alors justement, pour revenir à la phrase que j'utilise, qui est de dire qu'il faut que les femmes prennent leur juste place dans les sphères de pouvoir, est-ce que finalement vous vous reconnaissez dans cette phrase ?
02:39Est-ce qu'elle vous la trouvez adaptée ou pas ? Et si on prend un peu de recul, vous avez déjà dit qu'il y avait des progrès, mais qu'est-ce qu'on peut dire de cette évolution ?
02:49Qu'est-ce qu'elles doivent faire pour arriver justement à prendre cette juste place ?
02:55Alors d'abord, oui, j'aime bien cette phrase parce qu'il se trouve que quand j'étais secrétaire générale du ministère, je m'occupais notamment des RH, des ressources humaines, et j'ai eu une action extrêmement volontariste pour imposer l'application de la loi, qui consistait à nommer dans les postes à responsabilité 40% de femmes.
03:18Et pourquoi je retrouve cette phrase-là ? Parce que c'est vrai que ça n'est pas facile. Souvent, les femmes ne sont pas candidates. J'exagère un peu, mais spontanément, elles sont candidates à rien.
03:30Donc moi, quand j'ai décidé de façon très autoritaire, d'une certaine manière, d'appliquer la loi, et c'est quand même une des choses dont je suis le plus fière, quand je suis arrivée à Bercy, on était loin du compte, quand j'en suis partie, on respectait la loi et on ne payait plus d'amende.
03:47J'ai bloqué les nominations. Donc c'était quand même assez brutal. Et évidemment, au bout d'un moment, les gens se sont tournés vers moi et m'ont dit « Ben oui, mais t'es bien gentille, mais trouves-nous des femmes, parce que nous, on n'en trouve pas. »
03:58Parce qu'il n'y avait pas de volonté de ne pas nommer des femmes, évidemment. Et donc là, j'ai effectivement été confrontée au fait que les femmes ne sont souvent pas candidates, parce que « Ah ben non, mais c'est trop difficile, j'ai pas d'expérience dans tel ou tel domaine, etc. »
04:13Or, comme je m'occupe de RH, je m'occupais aussi des hommes et j'ai aussi distribué des bonus dans une vie antérieure. Les hommes, eux, n'ont jamais la moindre hésitation.
04:24C'est-à-dire que même quand ils sont très loin du compte, ils ont toujours toutes les compétences nécessaires pour occuper un poste, mais tant mieux pour eux.
04:30Je ne critique pas, je dis juste que voilà. Et donc il faut que les femmes, presque, soient conscientes du fait que leur première réaction n'est pas la bonne, et que oui, elles ont tout autant de compétences que d'autres pour exercer le poste, et qu'elles le feront très bien, et puis voilà, ça se passera normalement et sans difficulté.
04:52— Non, mais alors ça rejoint ce que je voulais vous faire dire également à la suite, c'est-à-dire qu'au-delà d'être une femme de pouvoir et d'être donc un modèle en cela, vous êtes aussi une femme très engagée, c'est-à-dire que vous avez, vous l'avez dit, mené des actions, alors vous parliez de Bercy, mais je sais que vous continuez de façon très affirmée.
05:09J'ai reçu juste avant Éric Acogne, donc l'association Télémac dont vous êtes partenaire. Je sais que vous avez également signé la charte « Jamais sans elle » à la fois au ministère et à la fois à l'AMF. D'ailleurs, j'avais reçu Tatiana également ici et Natacha pour en parler. Donc parlez-nous un peu des actions concrètes que vous menez pour promouvoir justement cette égalité homme-femme si souhaitable.
05:30– Je pense que ces associations, que ce soit Télémac, on l'a vu, ils sont extrêmement professionnels et performants. « Jamais sans elle », c'est la même chose. Moi, je m'appuie sur des associations parce qu'elles ont un savoir-faire et elles peuvent effectivement nous faire avancer beaucoup plus vite. Et donc ça, c'est très important. « Jamais sans elle », c'est une manière pour une entité publique, bon, il y a des entreprises qui ont signé avec eux aussi, mais c'est une manière pour nous, AMF,
06:00notre parole est recherchée. Parce que ce que pense l'autorité des marchés financiers sur tel ou tel sujet, c'est recherché. Donc quand nous allons intervenir à l'extérieur, nous vérifions qu'il n'y a pas que des hommes sur le plateau ou que des femmes d'ailleurs,
06:15parce que ça joue dans les deux sens. Et d'ailleurs, quand j'étais à Bercy, ça m'est arrivé une fois d'être confrontée à une situation où il n'y avait que des femmes et donc de faire ce que prescrit la charte,
06:24c'est-à-dire de dire que je regrettais qu'il n'y ait pas suffisamment de mixité dans la représentation. Ça peut paraître anecdotique, voire un gadget, mais en fait, ça met le sujet en avant.
06:36C'est-à-dire que tout d'un coup, les gens se disent « mais c'est vrai, est-ce que c'est normal qu'il y ait », parce que c'est une situation très classique, que j'ai connue des milliers de fois dans ma vie, « que des messieurs qui expliquent les choses et puis une assistante où il y a des messieurs et des dames qui écoutent ? ».
06:51Non, ce n'est pas normal. Mais là aussi, il faut que les femmes se manifestent en tant qu'experts, en tant que spécialistes de tel ou tel sujet, et il y en a plein. Mais oui, effectivement, il y a une petite pente à remonter.
07:06Merci pour ce témoignage, merci pour l'action engagée. On a vraiment besoin de tous les rôles modèles, de toutes les énergies pour faire accélérer le mouvement, parce que le mouvement est engagé, on le voit bien, il y a des progrès significatifs.
07:19Mais néanmoins, il y a encore du chemin et donc il faut poursuivre ce chemin, on va le faire ensemble, on va continuer. Merci beaucoup, Marianne.
07:26Merci, merci beaucoup.