Selon la direction interministérielle de la transformation publique, 8% des logements du territoire français sont vacants et beaucoup de bâtiments sont vides la majorité de l’année. Éléonore Slama, maire adjointe au logement du XIIème arrondissement de Paris et fondatrice du cabinet de conseil OSES vient nous présenter son manifeste « En finir avec le gâchis des mètres carrés », publié aux éditions Apogée. Il explique comment exploiter ces mètres carrés inutilisés.
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00:00Générique
00:06Bonjour Hélène Orslama, bienvenue, vous êtes la fondatrice du cabinet de conseil OZE, maire adjointe en charge du logement dans le deuxième arrondissement à Paris
00:15et vous publiez ce plaidoyer pour l'intensité d'usage en finir avec les mètres carrés, c'est aux éditions Apogée.
00:22Avec le gâchis des mètres carrés.
00:24Avec le gâchis des mètres carrés, j'allais poser la question, quel gâchis ? De quel gâchis on parle ?
00:28Eh bien aujourd'hui, au même titre que le gaspillage alimentaire, la mode jetable, la fast fashion, qui a eu sa loi récemment,
00:34au même titre que le gaspillage de l'eau, de l'énergie, nous vivons au cœur d'un immense gâchis, le gaspillage immobilier, le gaspillage de nos mètres carrés.
00:40Et pourtant, nous n'en avons pas vraiment conscience.
00:42Alors ce gâchis, qu'est-ce que c'est ? C'est déjà bien sûr la vacance.
00:453 millions de logements vacants aujourd'hui sur l'ensemble du territoire national.
00:49C'est aussi 9 millions de mètres carrés de bureaux vides en France.
00:52170 000 hectares de friches aujourd'hui disponibles sur l'ensemble du territoire national.
00:56Mais c'est aussi, et surtout, et c'est vraiment là-dessus, sur lequel j'insiste dans mon livre, la sous-utilisation massive et généralisée de nos mètres carrés.
01:05Un immeuble de bureaux, un équipement public quelconque, une école, c'est utiliser moins de 20% du temps sur l'année.
01:12Mais qu'est-ce qu'on peut en faire ?
01:13Plein de choses. Alors tout dépend des actifs.
01:15Mais voilà, imaginez demain, votre restaurant d'entreprise qui sert le midi, eh bien s'il était transformé en brasserie ouverte à tous le soir et le week-end.
01:23Nos écoles, le week-end ou pendant les vacances scolaires, si elles servaient à d'autres usages.
01:27Nos places de parking inutilisées, si elles étaient transformées en espaces de stockage ou pourquoi pas en espaces pour de l'agriculture urbaine.
01:34Pourquoi pas en studio de télévision, c'est un ancien parking ici.
01:37Et pourquoi pas aussi, les jours de télétravail, on pense beaucoup au vendredi, accueillir des étudiants en manque d'espace de travail, justement,
01:45qui font parfois des heures de queue pour accéder à une place en bibliothèque, les accueillir dans les bureaux inutilisés.
01:51Est-ce que c'est vrai aussi des friches, par exemple ? Est-ce qu'il y a beaucoup de friches, friches industrielles ou autres, qui sont totalement encore inutilisées ?
01:57Parce que c'est vrai qu'on en parle de plus en plus comme une alternative, notamment, évidemment, le thème de cette interview, c'est l'objectif du zéro artificialisation net.
02:06Donc les friches industrielles, on en est où ?
02:08Il y a encore beaucoup de travail là-dessus. Alors l'État fait des choses, mais on peut aller encore beaucoup plus loin.
02:12Et d'ailleurs, il y a quelques pas en arrière actuellement sur la question.
02:15Vous avez raison de dire. Aujourd'hui, on est en plein gâchis de nos mètres carrés avec cette vacance et cette sous-utilisation massive.
02:21Et en même temps, on continue à artificialiser les sols. C'est 4 à 5 stades de fou toutes les heures qui sont artificialisés aujourd'hui en France.
02:27Et on connaît les conséquences absolument néfastes de l'artificialisation des sols. On l'a vu encore en Espagne avec les inondations.
02:33Bien sûr, bien sûr. Est-ce que les alternatives dont vous parlez, elles peuvent systématiquement remplacer les projets pour lesquels on artificialise ?
02:41Il faut faire du sur-mesure, du parcelle par parcelle. Il faut coller aux besoins et aux attentes des territoires.
02:47Je pense qu'il n'y a pas une solution à plaquer partout, mais vraiment faire de la dentelle.
02:51Et surtout faire avec les gens, parce que la question de l'acceptabilité sociale est vraiment primordiale et absolument structurante.
02:58Mais bien évidemment, si on utilise mieux nos mètres carrés, potentiellement on aura moins besoin de construire.
03:03Donc les bénéfices écologiques sont évidents.
03:05Et malgré tous les efforts de la fabrique urbaine, que je salue, qui fait plein de choses pour essayer de se décarboner,
03:11avec l'utilisation de matériaux biosourcés, géosourcés, la construction en bois, l'orcit, etc., la géothermie,
03:18eh bien n'oublions pas que même le plus décarboné des mètres carrés construits sera toujours, toujours un mètre carré de trop, s'il n'est pas ou pas assez utilisé.
03:25Vous avez conçu l'Intensiscore. De quoi il s'agit ?
03:28Alors, je ne l'ai pas conçu seul.
03:30Oui, je sais. Vous êtes plusieurs.
03:32En gros...
03:33Groupement d'acteurs publics et privés.
03:34Moi j'ai un plaidoyer que je viens un petit peu de vous exposer, mais il ne suffit pas de dire Yaka, Faucon, allez-y, faites.
03:39Il faut donner à chacun les moyens d'agir.
03:41C'était vraiment l'idée de ce groupement que j'ai mis en place et qui réunit la Direction de l'Immobilier de l'État,
03:46SNCF Immobilier, la Ville de Paris, mais aussi Novaxia, JLL, SFL, Bouygues Construction et sa filiale Link City,
03:54et aussi tout un tas de partenaires, des notaires, des juristes, des architectes, les pompiers, enfin bref.
04:00Et ensemble, nous avons décidé de créer l'Intensiscore, qui est la première échelle de mesure de l'usage des bâtiments et des espaces.
04:06Comment ça marche ?
04:07L'idée, c'est vraiment de révéler au monde ce gâchis des mètres carrés et de pouvoir objectiver les choses.
04:11Parce qu'aujourd'hui, ce ne sont que des estimations aux doigts mouillés.
04:13Donc là, vous avez une plateforme en ligne, gratuite, vraiment chacun peut s'en emparer, c'est gratuit, qui est un outil pédagogique.
04:19Vous rentrez, vous répondez à quelques questions et ça vous donne une mobilisation de votre bâtiment, de votre espace,
04:24et vous pouvez faire varier les jours de la semaine, du mois, de l'année, et même les moments de la journée.
04:29Vous pouvez voir quels sont les espaces plus ou moins utilisés, et surtout, vous avez des pistes pour agir.
04:34Concrètement, en plus de cet Intensiscore, nous avons aussi publié un livre de pratiquement 200 pages, qui est disponible en ligne.
04:41Une sorte de guide en fait.
04:42Qui est un guide, qui lève tous les freins juridiques, assuranciels, techniques de gestion, qui aujourd'hui nous empêchent d'aller plus loin.
04:48Alors, il reste aussi beaucoup de choses à faire encore, mais l'idée pour nous, c'est de montrer que c'est possible.
04:52Et c'est pour ça qu'on a aussi mis en place 17 projets pilotes partout en France, sur différents types d'actifs,
04:58que ce soit des immeubles de bureaux, des logements, avec également des équipements publics à Paris, à Montpellier, des bureaux à Rouen,
05:06un centre commercial en Ile-de-France, enfin bref.
05:09L'idée, c'est de montrer qu'on peut à la fois mesurer les choses, mais aussi agir sur l'usage et l'intensification.
05:15On va revenir sur ces exemples, mais à qui il est destiné ce guide ? Qui peut là maintenant s'en emparer ?
05:20Tout le monde. L'idée, c'est vraiment de dire que nous sommes tous acteurs du changement en la matière.
05:24Déjà, en tant que citoyens, puisqu'il est important aujourd'hui de pouvoir demander des comptes à la puissance publique sur ces sujets-là.
05:30Nos mètres carrés publics, parce que nous avons un patrimoine public conséquent, comment sont-ils utilisés ?
05:35Est-ce que c'est bien utilisé ? Est-ce qu'on ne peut pas faire mieux ?
05:37Donc ça, je pense que c'est déjà important que chacun change de regard là-dessus et se dise, oui, on a matière à agir.
05:42Et puis bien sûr, l'ensemble des propriétaires, locataires de tout type d'actifs, encore une fois, ce sujet concerne tout le monde et partout sur le territoire.
05:50C'est bien sûr naturel d'intensifier les usages dans les grandes métropoles comme Paris, où le foncier est rare et cher et peu disponible,
05:57mais c'est tout aussi pertinent dans les zones de taille, les villes de taille moyenne ou les zones rurales,
06:02parce qu'intensifier les usages, c'est potentiellement adresser un besoin dans un environnement...
06:06Mais il y a beaucoup de bâtiments vides dans ces zones rurales, par exemple ?
06:09Alors, ce n'est pas que les bâtiments vides, c'est aussi la sous-utilisation.
06:12Mais ils le font d'ailleurs un peu plus naturellement là-bas.
06:14On n'a pas forcément la possibilité de construire tel ou tel équipement.
06:19Eh bien, on mutualise, on hybride, on utilise les choses autrement parce qu'on n'a justement pas la capacité à faire mieux.
06:25Mais moi, j'ai quelques exemples.
06:27Par exemple, à Noirmoutier, l'école l'été se transforme en centre d'hébergement touristique
06:32pour des personnes qui n'ont pas forcément énormément de ressources.
06:35Ils transforment les salles de classe en logements de vacances pour des familles.
06:39Régis Marcon, le célèbre chef étoilé, dans le village dans lequel il est,
06:45ils n'avaient pas les moyens de faire une cuisine centrale équipée,
06:47parce que ça coûte de l'argent ce genre d'équipement public.
06:49Et ils n'avaient pas envie pour autant de se résoudre pour les enfants de la cantine,
06:54d'avoir des industriels qui apportent des repas tous les jours.
06:57Et donc, il s'est dit, moi, dans mon restaurant, j'ai une salle,
07:00je vais la dédier à ses élèves et ils vont venir manger avec nous tous les jours.
07:03Et donc, finalement, ils mangent dans un restaurant étoilé,
07:05pas forcément de la grande gastronomie, mais tout est possible.
07:08Et on peut imaginer que…
07:09Oui, c'est intéressant ce que vous dites.
07:10Ce n'est pas… parce que là, je pensais des immeubles de bureaux,
07:13effectivement, des infrastructures, on va dire, un peu lourdes.
07:17Mais ça peut être beaucoup plus pointilliste.
07:19Chacun, finalement, à son niveau, peut esquisser une solution.
07:22C'est… à Paris, on manque de piscines, mais partout ailleurs, c'est le cas.
07:25Et on a besoin d'apprendre à nos enfants à nager.
07:27Eh bien, pourquoi ne pas utiliser les piscines des hôtels,
07:30qui, à certains moments de la journée, sont quand même un petit peu moins utilisées ?
07:33On est en train de travailler à des conventions avec des hôteliers là-dessus.
07:36Et bien évidemment, quand vous êtes dans une ville d'Etat moyenne,
07:38ou une zone rurale, ou même dans une grande ville comme Paris,
07:41on n'a pas la capacité à construire ces piscines.
07:43Et donc, des partenariats, c'est du gagnant-gagnant.
07:45Vous disiez tout à l'heure centre commercial.
07:47Comment on peut intensifier l'usage d'un centre commercial ?
07:49Eh bien, c'est exactement la même chose.
07:52L'idée, c'est de transformer finalement tous ces espaces en des tiers-lieux,
07:56en des salles polyvalentes,
07:57qui peuvent accueillir différents usages,
07:59selon les différents moments de la journée, de la semaine ou de l'année.
08:02Parce qu'il y a, par exemple,
08:04si on parle du bénéfice social ou sociétal de cette intensité d'usage,
08:09il y a quoi ? Il y a des associations, des collectifs citoyens,
08:12qui manquent de locaux tout simplement, qui cherchent en permanence ?
08:14Bien sûr.
08:15Par exemple, si on pense à l'économie sociale et solidaire.
08:18Ils n'ont pas forcément aujourd'hui les moyens de pouvoir se loger,
08:21enfin, d'obtenir des bureaux dans le privé, parce que c'est à un certain coût.
08:25Bien, on pourrait, pourquoi pas, mettre à disposition certains locaux
08:27à certains moments de la semaine, de la journée ou de l'année,
08:29pour ce type d'entreprise.
08:30Il y a une association que j'apprécie énormément,
08:32qui s'appelle les bureaux du cœur.
08:34Cette association permet à un SDF,
08:36une personne qui n'a pas d'addiction, qui est suivie,
08:39qui est insérée, mais qui n'a pas de toit,
08:42de dormir pendant 3 à 6 mois dans un bureau, la nuit.
08:46Et ça se fait aujourd'hui un peu partout en France,
08:49et c'est formidable.
08:50Et c'est très important, la question sociale,
08:52parce qu'aujourd'hui, on vit dans un monde
08:54où on a un petit peu du mal à vivre ensemble.
08:56On est un peu la société du repli,
08:58on se fait livrer nos courses, nos repas,
09:03enfin, bref, on a du mal à faire les échanges avec les autres.
09:06On interagit moins qu'avant.
09:07On interagit moins qu'avant.
09:08Et l'intensité de l'usage, justement,
09:10nous permet de faire recroiser, tout simplement,
09:13et de créer de la mixité, de renforcer les liens.
09:16Est-ce qu'il y a un intérêt économique, un bénéfice économique,
09:19par exemple, pour un territoire ?
09:20Déjà, si on pense à la vacance,
09:22un immeuble vacant, ça coûte cher, ça se dégrade,
09:24donc forcément, le louer, ça a un intérêt.
09:27Mais sous la sous-utilisation,
09:28c'est aussi important, ces bénéfices économiques.
09:30Pourquoi ?
09:31Parce que, grâce à ça, on va pouvoir, par exemple,
09:34partager les charges, comme le gardiennage ou le nettoyage.
09:37C'est potentiellement aussi une nouvelle source de revenus,
09:40parce que, selon le schéma locatif que vous aurez adopté,
09:43vous pouvez le faire en faisant payer les gens.
09:47Et c'est surtout une attractivité renouvelée de ce bien.
09:50On dit aujourd'hui que les gens ne veulent plus retourner au bureau travailler.
09:53Mais donnons envie aux gens de venir travailler,
09:55grâce à des bureaux qui sont ouverts sur la ville,
09:58où il se passe plein de choses.
09:59Vous avez des services, des loisirs,
10:01bref, qui vous donnent envie de vous lever le matin
10:05pour aller dans ces espaces-là,
10:06parce que vous aurez un foisonnement
10:08et plein de choses à faire et de gens à rencontrer.
10:10Merci beaucoup, Eléonore Slama.
10:12Merci.
10:13Votre livre en finir avec le gâchis des mètres carrés
10:16plaidoyés pour l'intensité d'usage.
10:18Tiens, je vous le remontre.
10:20Il est là, il est publié aux éditions Apogée.
10:23Merci.
10:24On passe tout de suite au débat de ce Smart Impact,
10:26la consommation responsable au programme.