Vendredi 20 décembre 2024, SMART IMPACT reçoit Margo Cunego (Fondatrice, Boost ton biz) , Éléonore Slama (auteure, "En finir avec le gâchis des mètres carrés", éd. Apogée, Ville de Paris) , Elisabeth Denner (Associée pour le retail, Bearing Point) , Pierre Galio (Chef du service consommation responsable, ADEME) et Guillaume Pépy (Président, Réseau Initiative)
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00:00Générique
00:08Bonjour, bonjour à toutes et à tous. Bienvenue, c'est Smart Impact, l'émission de la transformation environnementale et sociétale de notre économie.
00:15Smart Impact en format XXL avec une interview d'une demi-heure de Guillaume Pépy, président du réseau Initiative France,
00:23maillage serré d'associations qui financent les créations d'entreprises. Il est également président du conseil d'administration d'Emeis,
00:30le nouveau nom d'Orpea. On verra comment il aide le groupe à sortir du scandale de maltraitance dans ses Ehpad.
00:36Mon invité, c'est Eleonore Slama. Elle publie en finir avec les mètres carrés gâchés. Elle plaide pour l'intensité d'usage.
00:463 millions de logements vacants, 5 millions de mètres carrés de bureaux vides rien qu'en Ile-de-France.
00:51Dans notre débat, on dévoilera le baromètre du retail durable, où en sont les comportements de consommation en France et en Europe.
00:56Les Français sont à la fois les plus demandeurs et les plus sceptiques en matière de produits durables.
01:02Et puis, dans notre rubrique start-up, je vous présenterai Boost, ton bise et son programme destiné aux femmes qui veulent créer leur entreprise.
01:09Voilà pour les titres. C'est parti pour ce Smart Impact en format XXL.
01:14— Bonjour Eleonore Slama, bienvenue. Vous êtes la fondatrice du cabinet de conseil OSE, maire adjointe en charge du logement dans le 2e arrondissement à Paris.
01:29Et vous publiez ce plaidoyer pour l'intensité d'usage en finir avec les mètres carrés. C'est aux éditions Apogée.
01:36— Avec le gâchis des mètres carrés. — Avec le gâchis des mètres carrés. J'allais poser la question. Quel gâchis ? De quel gâchis on parle ?
01:42— Eh bien aujourd'hui, au même titre que le gaspillage alimentaire, la mode jetable, la fast fashion, qui a eu sa loi récemment,
01:48au même titre que le gaspillage de l'eau, de l'énergie, nous vivons au cœur d'un immense gâchis, le gaspillage immobilier, le gaspillage de nos mètres carrés.
01:54Et pourtant, nous n'en avons pas vraiment conscience. Alors ce gâchis, qu'est-ce que c'est ? C'est déjà bien sûr la vacance.
01:593 millions de logements vacants aujourd'hui sur l'ensemble du territoire national. C'est aussi 9 millions de mètres carrés de bureaux vides en France.
02:06170 000 hectares de friches aujourd'hui disponibles sur l'ensemble du territoire national. Mais c'est aussi – et surtout, et c'est vraiment là-dessus,
02:12sur lequel j'insiste dans mon livre – la sous-utilisation massive et généralisée de nos mètres carrés. Un immeuble de bureaux, un équipement public quelconque,
02:23une école, c'est utiliser moins de 20% du temps sur l'année. — Mais qu'est-ce qu'on peut en faire ? — Plein de choses. Alors tout dépend des actifs.
02:29Mais voilà. Imaginez demain votre restaurant d'entreprise qui sert le midi, eh bien s'il était transformé en brasserie ouverte à tous le soir et le week-end.
02:37Nos écoles le week-end ou pendant les vacances scolaires, si elles servaient à d'autres usages. Nos places de parking inutilisées, si elles étaient transformées
02:44en espaces de stockage ou pourquoi pas en espaces pour de l'agriculture urbaine. Ça peut être... — Ou pourquoi pas en studio de télévision. C'est un ancien parking, ici.
02:51— Et pourquoi pas aussi les jours de télétravail. On pense beaucoup au vendredi. Eh bien accueillir des étudiants en manque d'espace de travail, justement,
02:59qui font parfois des heures de queue pour accéder à une place en bibliothèque, eh bien les accueillir dans les bureaux inutilisés.
03:04— Est-ce que c'est vrai aussi des friches, par exemple ? Est-ce qu'il y a beaucoup de friches, friches industrielles ou autres, qui sont totalement encore inutilisées ?
03:10Parce que c'est vrai qu'on en parle de plus en plus comme une alternative, notamment. Évidemment, le thème de cette interview, c'est l'objectif du zéro artificialisation net.
03:20Donc les friches industrielles, on en est où ? — Ah bah il y a encore beaucoup de travail là-dessus. Alors l'État fait des choses, mais on peut aller
03:25encore beaucoup plus loin. Et d'ailleurs, il y a quelques pas en arrière, actuellement, sur la question. Mais vous avez raison de dire.
03:29Aujourd'hui, on est en plein gâchis de nos mètres carrés avec cette vacance et cette sous-utilisation massive. Et en même temps, on continue à artificialiser les sols.
03:37C'est 4 à 5 stades de foot toutes les heures qui sont artificialisés aujourd'hui en France. Et on connaît les conséquences absolument néfastes
03:44de l'artificialisation des sols. On l'a vu encore en Espagne avec les inondations. — Bien sûr, bien sûr.
03:48— Est-ce que les alternatives dont vous parlez, elles peuvent systématiquement remplacer les projets pour lesquels on artificialise ?
03:55— Il faut faire du sur-mesure, du parcelle par parcelle. Il faut coller aux besoins et aux attentes des territoires. Je pense qu'il n'y a pas une solution
04:03à plaquer partout, mais vraiment faire de la dentelle. Et surtout faire avec les gens, parce que la question de l'acceptabilité sociale est vraiment
04:10primordiale et absolument structurante. Mais bien évidemment, si on utilise mieux nos mètres carrés, eh bien potentiellement, on aura moins besoin
04:16de construire. Donc les bénéfices écologiques sont évidents. Et malgré tous les efforts de la fabrique urbaine que je salue, qui fait plein de choses
04:24pour essayer de se décarboner avec l'utilisation de matériaux biosourcés, géosourcés, la construction bois, l'orcit, etc., la géothermie,
04:32eh bien n'oublions pas que même le plus décarboné des mètres carrés construits sera toujours toujours un mètre carré de trop
04:38s'il n'est pas ou pas assez utilisé. — Oui. Vous avez conçu l'Intensiscore. De quoi il s'agit ?
04:42— Alors je l'ai pas conçue seule, puisque... — Oui, je sais. Vous êtes plusieurs. Groupement d'acteurs publics et privés.
04:48— Moi, j'ai un plaidoyer que je viens un petit peu de vous exposer. Mais il suffit pas de dire Yaka, Faucon, allez-y, faites...
04:54Il faut donner à chacun des moyens d'agir. Et c'était vraiment l'idée de ce groupement que j'ai mis en place et qui réunit la direction de l'immobilier de l'État,
05:00SNCF Immobilier, la Ville de Paris, mais aussi Novaxia, JLL, SFL, Bouygues Construction et sa filiale Link City, et aussi tout un tas de partenaires,
05:10des notaires, des juristes, des architectes, les pompiers, enfin bref. Et ensemble, nous avons décidé de créer donc l'Intensiscore,
05:16qui est la première échelle de mesure de l'usage des bâtiments et des espaces. — Alors comment ça marche ?
05:20— L'idée, c'est vraiment de révéler au monde ce gâchis des mètres carrés et de pouvoir objectiver les choses, parce qu'aujourd'hui,
05:25ce ne sont que des estimations aux doigts mouillés. Donc là, vous avez une plateforme en ligne gratuite. Vraiment, chacun peut s'en emparer.
05:30C'est gratuit, qui est un outil pédagogique. Vous rentrez, vous répondez à quelques questions, et ça vous donne une mobilisation de votre bâtiment,
05:37de votre espace. Et vous pouvez faire varier les jours de la semaine, du mois, de l'année, et même les moments de la journée.
05:43Vous pouvez voir quels sont les espaces plus ou moins utilisés. Et surtout, vous avez des pistes pour agir. Concrètement, en plus de cet Intensiscore,
05:50nous avons aussi publié un livre de pratiquement 200 pages qui est disponible en ligne... — Une sorte de guide, en fait.
05:56— ...qui est un guide, qui lève tous les freins juridiques, assuranciels, techniques de gestion qui, aujourd'hui, nous empêchent d'aller plus loin.
06:02Alors il reste aussi beaucoup de choses à faire encore. Mais l'idée pour nous, c'est de montrer que c'est possible.
06:06Et c'est pour ça qu'on a aussi mis en place 17 projets pilotes partout en France, sur différents types d'actifs, que ce soit des immeubles de bureaux,
06:14des logements, avec également des équipements publics à Paris, à Montpellier, des bureaux à Rouen, un centre commercial en Ile-de-France.
06:22Enfin bref. L'idée, c'est de montrer qu'on peut à la fois mesurer les choses, mais aussi agir sur l'usage et l'intensification.
06:29— On va revenir sur ces exemples. Mais à qui il est destiné, ce guide ? Qui peut là, maintenant, s'en emparer ?
06:34— Tout le monde. L'idée, c'est vraiment de dire que nous sommes tous acteurs du changement en la matière. Déjà en tant que citoyens,
06:39puisqu'il est important, aujourd'hui, de pouvoir demander des comptes à la puissance publique sur ces sujets-là.
06:44Nommer de carré public, parce que nous avons un patrimoine public conséquent. Comment sont-ils utilisés ? Est-ce que c'est bien utilisé ? Est-ce qu'on peut pas faire mieux ?
06:51Donc ça, je pense que c'est déjà important que chacun change de regard là-dessus et se dise « Oui, on a matière à agir ».
06:56Et puis bien sûr, l'ensemble des propriétaires, locataires de tout type d'actifs. Encore une fois, ce sujet concerne tout le monde et partout sur le territoire.
07:04C'est bien sûr naturel d'intensifier les usages dans les grandes métropoles comme Paris, où le foncier est rare et cher et peu disponible.
07:11Mais c'est tout aussi pertinent dans les zones de taille... Les villes de taille moyenne ou les zones rurales, parce qu'intensifier les usages,
07:18c'est potentiellement adresser un besoin dans un environnement... — Mais il y a beaucoup de bâtiments vides dans ces zones rurales, par exemple.
07:23— Alors c'est pas que les bâtiments vides. C'est aussi la sous-utilisation. Mais ils le font d'ailleurs un peu plus naturellement là-bas.
07:28On n'a pas forcément la possibilité de construire tel ou tel équipement. Eh bien on mutualise, on hybride, on utilise les choses autrement
07:36parce qu'on n'a justement pas la capacité à faire mieux. Mais moi, j'ai quelques exemples. Par exemple, à Noirmoutier, l'école l'été se transforme
07:44en centre d'hébergement touristique pour des personnes qui n'ont pas forcément énormément de ressources. Ils transforment les salles de classe
07:50en logement de vacances pour des familles. Régis Marcon, le célèbre chef étoilé, dans le village dans lequel il est, ils avaient pas les moyens
07:59de faire une cuisine centrale équipée, parce que ça coûte de l'argent, ce genre d'équipement public. Et ils avaient pas envie pour autant de se résoudre
08:05pour les enfants de la cantine, d'avoir des industriels qui apportent des repas tous les jours. Et donc il s'est dit « Moi, dans mon restaurant,
08:13j'ai une salle. Je vais la dédier à ses élèves. Ils vont venir manger avec nous tous les jours ». Donc finalement, ils mangent dans un restaurant étoilé,
08:19pas forcément de la grande gastronomie, mais tout est possible. – Oui, c'est intéressant ce que vous dites. Là, je pensais à des immeubles de bureaux,
08:26effectivement, des infrastructures un peu lourdes. Mais ça peut être beaucoup plus pointilliste. Chacun, finalement, à son niveau, peut esquisser une solution.
08:36– C'est à Paris, on manque de piscines, mais partout ailleurs, c'est le cas. Et on a besoin d'apprendre à nos enfants à nager. Eh bien, pourquoi ne pas utiliser
08:42les piscines des hôtels qui, à certains moments de la journée, sont quand même un petit peu moins utilisées ? On est en train de travailler à des conventions
08:49avec des hôteliers là-dessus. Et bien évidemment, quand vous êtes dans une ville d'Etat moyenne ou une zone rurale, ou même dans une grande ville comme Paris,
08:54on n'a pas la capacité à construire ces piscines. Et donc, des partenariats, c'est du gagnant-gagnant. – Vous disiez tout à l'heure « centre commercial ».
09:00Comment on peut intensifier l'usage d'un centre commercial ? – Eh bien, c'est exactement la même chose. L'idée, c'est de transformer finalement tous ces espaces
09:09en des tiers-lieux, en des salles polyvalentes, qui peuvent accueillir différents usages selon les différents moments de la journée, de la semaine ou de l'année.
09:16– Parce qu'il y a par exemple, si on parle du bénéfice social ou sociétal de cette intensité d'usage, il y a quoi ? Il y a des associations, des collectifs citoyens
09:25qui manquent de locaux, tout simplement, qui cherchent en permanence ? – Bien sûr. Alors, par exemple, si on pense à l'économie sociale et solidaire,
09:32ils n'ont pas forcément aujourd'hui les moyens de pouvoir se loger, enfin, obtenir des bureaux dans le privé parce que c'est à un certain coût,
09:38eh bien, on pourrait, pourquoi pas, mettre à disposition certains locaux à certains moments de la semaine, de la journée ou de l'année pour ce type d'entreprise.
09:44Il y a une association que moi, j'apprécie énormément qui s'appelle les « bureaux du cœur ». Cette association permet à un SDF, une personne qui n'a pas d'addiction,
09:52qui est suivie, qui est insérée, mais qui n'a pas de toit, de dormir pendant 3 à 6 mois dans un bureau la nuit.
10:00Et ça se fait aujourd'hui un peu partout en France, et c'est formidable. Et c'est très important, la question sociale, parce qu'aujourd'hui, on vit dans un monde
10:08où on a un petit peu du mal à vivre ensemble. On est un peu la société du repli, on se fait livrer nos courses, nos repas, enfin, bref.
10:17On a du mal à faire les échanges avec les autres. – On interagit moins qu'avant. – On interagit moins qu'avant. Et l'intensité de l'usage, justement,
10:24nous permet de recroiser, tout simplement, et de créer de la mixité, de renforcer les liens.
10:30– Est-ce qu'il y a un intérêt économique, un bénéfice économique, par exemple, pour un territoire ?
10:34– Déjà, si on pense à la vacance. Un immeuble vacant, ça coûte cher, ça se dégrade, donc forcément, le louer, ça a un intérêt.
10:41Mais sous la sous-utilisation, c'est aussi important, ces bénéfices économiques. Pourquoi ? Parce que grâce à ça, on va pouvoir, par exemple, partager les charges,
10:50le gardiennage ou le nettoyage. C'est potentiellement aussi une nouvelle source de revenus, parce que, selon le schéma locatif que vous aurez adopté,
10:57vous pouvez le faire en faisant payer les gens. Et c'est surtout une attractivité renouvelée de ce bien. On dit aujourd'hui,
11:05les gens ne veulent plus retourner au bureau travailler. Mais donnons envie aux gens de venir travailler, grâce à des bureaux qui sont, justement,
11:11ouverts sur la ville, où il se passe plein de choses. Vous avez des services, des loisirs, bref, qui vous donnent envie de vous lever le matin
11:19pour aller dans ces espaces-là, parce que vous aurez un foisonnement et plein de choses à faire et de gens à rencontrer.
11:25– Merci beaucoup Hélène Orslama, votre livre en finir avec le gâchis des mètres carrés plaidoyés pour l'intensité d'usage.
11:32Tiens, je vous le remontre, il est là, il est publié aux éditions Apogée. Merci.
11:37On passe tout de suite au débat de ce Smart Impact, la consommation responsable au programme.
11:43Générique
11:49– On parle consommation responsable dans notre débat avec Élisabeth Denner, bonjour.
11:54– Bonjour Thomas, merci de nous recevoir.
11:56– Bienvenue, vous êtes associée au cabinet Bearing Point, responsable mondial de l'ensemble des marchés.
12:02Avec nous en duplex également, Pierre Galliau, bonjour, bienvenue à vous.
12:05– Bonjour.
12:06– Vous êtes le chef du service consommation responsable à l'ADEME,
12:10on va analyser ensemble les résultats de ce premier baromètre du retail responsable,
12:15réalisé par Rodoxa pour Bearing Point.
12:18Études françaises et européennes déjà, Élisabeth Denner, on peut faire un peu de méthodologie ?
12:22– Oui absolument Thomas, en fait on a choisi pour ce premier baromètre,
12:26qui a vocation à se pérenniser dans le temps, de retenir 5 pays,
12:30donc évidemment la France, mais aussi on voulait avoir des bases de comparaison
12:33avec d'autres pays clés en Europe, donc l'Angleterre, les Pays-Bas, l'Allemagne et l'Italie.
12:38Donc on a interrogé 4000 consommateurs, la moitié en France et 500 sur les 4 autres,
12:42pour avoir le résultat de ce baromètre,
12:44et avoir un petit peu des points de comparaison entre la France et le reste de l'Europe.
12:47– Déjà, est-ce qu'on peut dire que la consommation responsable,
12:50la consommation durable, elle progresse ?
12:52Est-ce qu'on est dans une tendance de progression assez régulière ?
12:55– Alors absolument, on a voulu de manière générale,
12:57mesurer évidemment sur l'ensemble des pratiques cette progression.
13:01Ce que l'on peut dire, c'est que notre étude montre déjà
13:03qu'il y a une forte prise de conscience des consommateurs,
13:06aussi bien français et européens,
13:08de l'impact de leur comportement sur la planète.
13:11À peu près trois quarts des Français et des Européens
13:14sont parfaitement conscients de ces impacts.
13:17Là où la France se différencie, c'est que 74% des Français,
13:21et là on est 10 points de plus que le reste de l'Europe,
13:24intègrent vraiment les critères de durabilité dans leurs décisions d'achat.
13:27– Oui, on peut voir ce chiffre, les trois quarts des Français,
13:29effectivement, qui assurent tenir compte des critères de durabilité, 74%.
13:33Mais alors ce qui est intéressant, c'est qu'ils font aussi
13:36partie des plus sceptiques, les Français.
13:38C'est-à-dire qu'ils disent, on veut consommer plus durable,
13:41plus responsable, mais on a quand même des doutes,
13:43attention au greenwashing.
13:45– Alors absolument, c'est vrai que les défiances qu'on trouve
13:49finalement sur la scène politique et sociale depuis quelques années,
13:52on les retrouve aussi finalement dans cette défiance vis-à-vis des marques.
13:56Et là, le consommateur français est décalé par rapport au reste
13:59des consommateurs européens, parce qu'en gros, un Français sur deux
14:02fait confiance aux marques, je dirais seulement, en Europe,
14:05deux consommateurs sur trois font confiance aux marques.
14:07Donc il y a une vraie défiance, et je pense que c'est une des vraies surprises
14:10de l'étude, et c'est un des vrais freins, je pense aussi,
14:13au développement de cette consommation durable, notamment en France.
14:15– Pierre Galliot, sur le modèle circulaire, sortir du modèle linéaire,
14:22produire, consommer, jeter, pour parser à la circularité,
14:25comment vous le ressentez ça ?
14:29Moi, j'ai quand même l'impression que nos habitudes,
14:31elles sont encore ancrées sur la consommation de produits neufs.
14:35– Vous avez parfaitement raison, et je pense qu'il faut se mettre
14:38d'abord d'accord sur ce qu'est la définition d'une consommation responsable.
14:41C'est en effet orienté vers des produits à moindre impact environnemental
14:45et social, mais ceux-ci réduirent ses flux,
14:47et donc entrer dans des démarches de sobriété.
14:49On ne pourra pas répondre aux enjeux de transition uniquement
14:52avec de la circularité, qui est indispensable, évidemment.
14:55On doit, pour ceux qui peuvent se le permettre,
14:57j'excuse mon propos évidemment, les millions de personnes,
14:59malheureusement, qui vivent sous cette pauvreté,
15:01qui ne peuvent pas répondre à une consommation de base,
15:03même pas forcément responsable,
15:05et donc rentrer dans cette démarche de sobriété.
15:08Donc on a aussi une difficulté de consommation à plusieurs vitesses
15:12entre différents groupes sociaux, entre des gens qui ne peuvent pas
15:15arriver à cette consommation responsable, qui peut avoir un coût,
15:17puisqu'un produit qui répond à des enjeux environnementaux et sociaux
15:20a forcément un coût.
15:22Et là, je suis d'accord avec Elisabeth, les gens ont conscience évidemment
15:25qu'avoir un produit à un coût extrêmement bas,
15:27il y a un problème quelque part.
15:29Mais on a envie de consommer, puisque la consommation,
15:31c'est évidemment un moment agréable,
15:33mais elle doit être aussi utile et juste.
15:35Là je vous prends les propos de Philippe Moaty.
15:37Donc on a cet enjeu et cette dichotomie souvent
15:39entre en effet cette conscience qu'on constate également dans nos enquêtes,
15:42et puis un passé rélacte qui est évidemment complexe,
15:45parce qu'on a souvent envie de se faire plaisir,
15:47et on a des sirènes publicitaires
15:49et un système économique en volume
15:51qui pousse à toujours acheter,
15:53et donc en fait on a une sorte de schizophrénie sur ce système-là.
15:55– Vous parliez de sobriété,
15:57est-ce qu'il est encore difficile
15:59à comprendre ou à accepter
16:01par beaucoup de consommateurs ce concept ?
16:03– Oui, parce que la sémantique
16:05elle renvoie malheureusement parfois
16:07à des images négatives, pourquoi ?
16:09Parce qu'on a des imaginaires qui considèrent que
16:11la réussite, le bien-être passe par une accumulation de biens.
16:13Et donc qui dit sobriété,
16:15dit réduction des biens, notamment matériels,
16:17et donc possiblement un mal-être.
16:19Donc on a un vrai travail à faire
16:21sur cette sémantique, sur les imaginaires,
16:23sur la représentation qu'on a, et considérer qu'on peut
16:25s'épanouir autrement par cette accumulation
16:27de biens matériels.
16:29Encore une fois, la sobriété, ça peut être reprendre en main
16:31sa consommation, on a fait des opérations témoins
16:33avec des consommateurs et consommatrices
16:35qui montraient qu'on peut regagner de l'espace,
16:37on peut mieux gérer son budget également,
16:39et puis encore une fois,
16:41on a cette liberté finalement
16:43qui permet
16:45de reprendre en main sa consommation.
16:47Donc la sobriété, elle peut avoir une image négative,
16:49mais encore une fois, c'est source de biens, c'est source de bien-être.
16:51Quand, encore une fois,
16:53on peut se permettre de réfléchir
16:55à sa consommation et qu'on réponde
16:57à ses besoins premiers ?
16:59Il y a un autre constat, Elisabeth Deneuve, qui concerne
17:01les comportements alimentaires.
17:0344% des consommateurs français
17:05veillent à acheter en circuit court.
17:07Et alors là, on est
17:098 points au-dessus de nos voisins
17:11européens. Comment vous l'analysez, ça ?
17:13Alors, c'est en fait, ce comportement-là,
17:15il est lié surtout
17:17aux seniors. En fait, la difficulté,
17:19c'est que sur les comportements de manière générale,
17:21que ce soit sur l'alimentaire ou non alimentaire,
17:23on a des comportements qui sont très différents,
17:25très segmentés selon l'âge,
17:27selon la localisation géographique,
17:29le métier, etc.
17:31Donc le circuit court a un gros succès,
17:33surtout chez les seniors, alors que les jeunes
17:35vont plébisciter le bio,
17:37et que les cadres urbains vont plutôt plébisciter le vrac.
17:39Ça, c'est un constat européen
17:41que vous faites, ou c'est plutôt le constat français ?
17:43Sur les comportements, face
17:45à la transition alimentaire, l'évolution
17:47des comportements, 75%
17:49des Européens et des Français
17:51ont modifié leur comportement sur
17:53l'alimentaire. Par contre, il y a des petites différences
17:55entre les comportements d'un pays
17:57à l'autre. Le bio, la France est
17:59en retard sur le bio par rapport aux
18:01autres pays. La star du bio, c'est la Suisse.
18:03Par contre, la France est
18:05en avance sur d'autres sujets, et notamment les circuits
18:07courts, effectivement. C'est ce qu'on retrouve dans le cadre de l'étude.
18:09Avec un effet
18:11de deux années
18:13d'inflation. C'est-à-dire que le
18:15coup d'arrêt sur le marché du bio,
18:17on l'a ressenti très clairement
18:19ici en France. En même temps, il y a eu de l'inflation
18:21un peu partout en Europe. Absolument, mais c'est vrai que
18:23la France est probablement plus sensible
18:25au prix, et c'est aussi ce que montre
18:27notre étude. Je pense que le marché du bio a
18:29connu son pic à peu près en 2020, avant
18:31le Covid. C'était un marché qui pesait
18:3312,8 milliards. Donc, beaucoup de distributeurs
18:35alimentaires ont voulu intégrer le bio dans leur stratégie.
18:37Parce qu'en plus, c'est plus rentable.
18:39Mais depuis, le marché a un petit peu
18:41décru. On était autour de 12 milliards
18:43en 2023. Donc, marché flat
18:45qui n'a pas tenu ses promesses. Et notamment
18:47parce que la France est un pays particulièrement sensible
18:49au prix, au pouvoir d'achat. Et c'est ce que
18:51montre les résultats de notre étude.
18:53On parlait du modèle
18:55consumériste, on va dire,
18:57classique, j'allais dire
18:59ancestral. On n'en est pas loin.
19:01Pour le faire s'en détacher,
19:03je veux bien vous entendre, je reposerai la même question
19:05à Pierre Galliot après, sur le rôle
19:07il parlait d'imaginaire, mais le rôle
19:09de la communication, le rôle de la
19:11publicité. Comment vous l'abordez, cette question-là ?
19:13Sur la question
19:15de la sobriété. Alors, c'est vrai que ce que disait Pierre
19:17était intéressant et qu'on est aujourd'hui dans un énorme paradoxe.
19:19À la fois, on sort du Black Friday
19:21qui a été un record.
19:23Quel symbole de la consommation.
19:25Et de cette non-sobriété,
19:27cette consommation non-responsable.
19:29À la fois, le Black Friday était
19:31le Black Friday historiquement le plus
19:33successful que la France ait jamais
19:35connu. C'est d'ailleurs vrai aussi aux Etats-Unis.
19:37C'est dingue de voir la rapidité à laquelle
19:39cette tradition qui vient des Etats-Unis
19:41s'est imposée en France.
19:43Absolument. Et c'est devenu aujourd'hui
19:45le premier pic de consommation
19:47devant Noël, devant les soldes.
19:49Le paradigme a complètement changé.
19:51Et à la fois, ce que montre notre étude, c'est que
19:53il y a un très fort désengagement des produits neufs.
19:55Je pense que c'est peut-être l'élément qui nous a
19:57le plus surpris dans le cadre de l'étude.
19:59Une femme sur trois en France nous dit
20:01acheter moins de produits neufs que l'année dernière.
20:03Un homme sur quatre nous dit la même chose.
20:05Et là aussi, on est très au-dessus
20:07des autres pays européens.
20:09Le consommateur français est vraiment
20:11très schizophrénique entre
20:13je consomme, je me fais plaisir
20:15au Black Friday et finalement j'achète moins de neufs.
20:17C'est tout à fait paradoxal.
20:19Avec aussi le Black Friday, c'est souvent des achats
20:21d'anticipation et ça rejoint
20:23les enjeux de prix
20:25qu'on va parler, mais je voudrais Pierre Galliou
20:27vous entendre sur cette question de
20:29l'imaginaire, le rôle de la publicité,
20:31de la communication,
20:33mais même de la fiction
20:35dans cette perception
20:37d'une transition
20:39ou d'une transformation environnementale
20:41qui soit sympa et pas juste anxiogène
20:43et culpabilisatrice.
20:45Vous avez parfaitement raison.
20:47On a un enjeu d'expliquer
20:49qu'on peut vivre correctement et bien
20:51différemment. Nos modes de vie,
20:53nos modes de consommation
20:55et nos modes de promotion actuels ne sont pas
20:57durables. C'est aussi simple que ça.
20:59Je ne vais pas refaire le discours sur l'atteinte des limites
21:01planétaires et des problématiques sociales.
21:03On a besoin de changer
21:05et changer ce n'est pas forcément négativement.
21:07Il faut qu'on ait des récits
21:09qu'on ait en capacitant, c'est-à-dire qu'on les
21:11explique et qu'on explique ce que pourrait être
21:13un mode de vie en 2030, en 2040,
21:15en 2050 qui répondent aux besoins,
21:17j'insiste là-dessus, qui sont toujours incréables,
21:19mais qui nous permettent encore une fois de répondre
21:21à ces enjeux. Là-dessus,
21:23on a besoin d'emmener en effet
21:25la publicité, on a besoin d'emmener
21:27l'ensemble des marques, Elizabeth le rappelait,
21:29pour lesquelles il y a une énorme défiance.
21:31On a aussi besoin qu'elles fassent évoluer leur offre
21:33parce qu'on a quand même l'offre qui drive
21:35la consommation de manière majoritaire.
21:37Si vous n'avez pas une offre qui permet d'avoir des produits
21:39plus responsables sur un plan environnemental
21:41et social à un coût
21:43accessible,
21:45il y a toujours un coût minimum pour ça,
21:47on va avoir une difficulté pour leur permettre
21:49d'accéder à cette consommation, les études le montrent.
21:51Et d'ailleurs pour tous les publics, il faut pouvoir
21:53permettre aussi à des publics qui ont moins de moyens
21:55d'accéder à cette consommation responsable.
21:57Donc ça prouve aussi qu'il y a aussi
21:59une question, alors à la fois
22:01de bonus, le bonus réparation
22:03permet de limiter les coûts d'une réparation,
22:05par exemple, Elizabeth évoquait l'enjeu de la durabilité
22:07des produits, mais ça pose aussi la question de la réparation
22:09de richesses. Comment on fait pour que l'ensemble
22:11de la population puisse acheter un produit qui sert plus cher
22:13à l'achat initialement,
22:15mais qui sera plus durable, qui sera réparable,
22:17sans avoir besoin d'acheter des produits par la suite et d'accumuler
22:19des biens neufs. On y reviendra sur
22:21cette question du prix avec vous Pierre Galliou,
22:23mais que dit le baromètre là-dessus ?
22:25Est-ce que les Français et les Européens sont prêts à payer
22:27plus cher ?
22:29Et à quel niveau ?
22:31Alors c'est là, ce que dit
22:33notre baromètre, c'est que 70%
22:35des consommateurs sont prêts à
22:37payer plus. Alors maintenant,
22:39quand on regarde... Est-ce qu'ils le font vraiment
22:41quand ils sont au marché ?
22:43Beaucoup moins, c'est-à-dire que quand on regarde
22:45plus précisément, 46%
22:47sont prêts à payer entre de 1
22:49à 10% de plus et seulement
22:5124% sont prêts à payer une vraie
22:53prime durable au-delà de 10%.
22:55Donc il y a encore le
22:57prix et l'accessibilité des produits durables.
22:59Je pense que c'est un vrai défi pour les entreprises
23:01et en tout cas en France,
23:03le prix évidemment, compte tenu du
23:05contexte de pouvoir d'achat particulièrement difficile,
23:07est clairement le défi numéro 1.
23:09Mais cet argument du prix,
23:11il pousse aussi
23:13des plateformes
23:15qui sont un peu emblématiques de l'économie circulaire.
23:17Absolument.
23:19Et c'est vrai que
23:21quand on voit le marché en France,
23:23il y a deux plateformes, si tout ci,
23:25très emblématiques qui sont aujourd'hui dans le top 3.
23:27Évidemment, aujourd'hui, le top 1, c'est Amazon.
23:29Derrière, il y a Leboncoin
23:31et la troisième, c'est évidemment
23:33Vinted. Pour vous donner une idée,
23:35le trafic quotidien sur Amazon, c'est à peu près
23:378 millions de personnes. C'est 7 sur Leboncoin,
23:395 sur Vinted, mais
23:41ils ont un niveau de croissance exponentiel,
23:43donc je pense que Vinted va probablement devenir
23:45la deuxième dans un horizon de temps
23:47assez court. Et ça, c'est aussi une vraie spécibilité
23:49française, puisque comme il y a cette défiance par rapport
23:51aux entreprises, il y a un engouement
23:53très fort sur ces plateformes
23:55si tout ci, qui sont aussi un
23:57moyen finalement pour les consommateurs
23:59de revendre, de compléter leur pouvoir
24:01d'achat de manière finalement assez facile.
24:03C'est un enjeu pour les marques d'être
24:05présentes sur ces plateformes ?
24:07Alors absolument. On commence à voir
24:09les entreprises qui le sont, et du coup, ça me rappelle
24:11un petit peu finalement le développement
24:13du modèle de l'e-commerce il y a une vingtaine
24:15d'années. On se retrouve un petit peu dans des problématiques similaires,
24:17c'est-à-dire qu'au départ, les marques ont vu l'e-commerce
24:19avec beaucoup de défiance. C'est d'abord des plateformes
24:21tiers qui se sont emparées du sujet,
24:23et puis ensuite, évidemment,
24:25des sites comme Amazon ont
24:27énormément grossi. Là, on a le Vinted qui est le
24:29nouvel Amazon de la seconde main,
24:31et les marques sont en train de
24:33regarder ça évidemment avec beaucoup d'attention,
24:35mais aujourd'hui, je ne connais aucune marque,
24:37aucune entreprise qui a réussi
24:39à passer à l'échelle et à vouloir
24:41intégrer dans son modèle économique à la fois
24:43la première main et la seconde main.
24:45Même s'il y a des secteurs les plus matures
24:47qui sont l'automobile et la téléphonie, mais c'est
24:49encore assez rare.
24:51Merci beaucoup. Merci à tous les
24:53deux et à bientôt sur BeSmart4Change.
24:55On passe à notre rubrique
24:57Prêt pour l'impact ? Un grand patron
24:59face à ces enjeux de transformation.
25:01Prêt pour l'impact ?
25:07Prêt pour l'impact avec Guillaume Pépis. Bonjour,
25:09je suis ravi de vous accueillir,
25:11vous êtes le président du réseau Initiative France,
25:13également président du conseil d'administration
25:15des Maïs, l'ex-Orpea.
25:17On va démarrer avec
25:19ce réseau Initiative France.
25:21Alors on est vraiment au cœur de l'économie
25:23française. 2023, par exemple,
25:25vous avez financé ou accompagné
25:27près de 25 000 entreprises.
25:29L'émission s'appelle Smart Impact, la rubrique c'est Prêt pour l'impact, on parle évidemment d'impact environnemental et sociétal.
25:35Est-ce que ces entreprises sont parfois des toutes petites entreprises, des commerçants, etc. que vous financez,
25:41ils sont engagés, conscients de ça ? Quel rapport ils ont avec cet enjeu ?
25:45Alors ce réseau initiative c'est 200 associations qui sont partout en France, donc c'est gratuit,
25:51qui aident chacun ou chacune à créer sa boîte.
25:55Le gros changement c'est qu'effectivement avant on créait sa boîte pour gagner sa vie,
26:01même si aujourd'hui on ne le fait pas parce qu'on est au chômage, on le fait parce qu'on a envie de le faire,
26:07on a envie de se réaliser. Mais le gros changement c'est celui que vous dites, c'est-à-dire que
26:12on veut aussi aujourd'hui faire du bien à la société, on regarde les personnes qu'on va embaucher,
26:18on regarde l'impact qu'on va avoir positif sur le territoire, par exemple les créations d'emplois,
26:23on regarde son bilan énergétique, donc la création d'entreprises elle devient Smart Impact.
26:30Mais ce n'est peut-être pas forcément le premier critère, mais ça rentre dans la feuille de route en quelque sorte ?
26:34Ça bouge vite, ça bouge vite, c'est-à-dire qu'aujourd'hui il y a 7 porteurs de projets,
26:40c'est-à-dire 7 futurs entrepreneurs sur 10 qui disent je mets l'impact au même niveau que l'économique.
26:47Donc c'est quand même une petite révolution. En revanche, concrètement, ce n'est pas toujours facile.
26:54Si vous créez par exemple une scierie dans les Vosges, on a une porteuse de projets qui vient de le faire,
27:00trouver un véhicule électrique qui va être adapté à porter la charge du bois, à porter les grumes
27:07sur des dizaines et des dizaines de kilomètres, ce n'est pas évident. Donc on va dire l'envie, la volonté sont là,
27:12mais maintenant il faut résoudre les problèmes et on a proposé à nos porteurs de projets deux choses.
27:17D'abord des formations qu'on fait avec l'agence pour les économies d'énergie, l'ADEME,
27:23et puis on leur propose aussi une grille d'analyse pour qu'ils puissent passer leurs projets
27:29aux cribles de l'environnement, de la transition énergétique, et bref des aides pour que chacun puisse se dire
27:36je suis aussi fort en impact que je suis fort en économie.
27:39Et parfois faire le bon choix dès le départ, parce que des fois on fait un choix et puis on se rend compte
27:44quelques années après que ce n'était peut-être pas forcément environnementalement parlant le plus efficient.
27:49Il y a notamment ce label qui s'appelle Initiatives Remarquables, ça rejoint ces engagements environnementaux ou pas seulement ?
27:56C'est une façon de dire à ceux qui réussissent un projet formidable, wow, on a envie de vous aider
28:02non seulement à le financer, puisque notre métier c'est de faire des prêts d'honneur à taux zéro,
28:08mais on a envie de faire savoir que votre projet existe. Pour prendre un exemple, une jeune femme qui lance
28:15un projet pour faire des bonnets de soutien-gorge différenciés selon la taille de la poitrine,
28:21sein gauche, sein droit, qui concerne un nombre énorme de femmes, ça n'existait pas, c'était un véritable tabou,
28:28et aujourd'hui elle le crée et ça cartonne. Des projets de cette nature-là aussi innovants,
28:35c'est vraiment une initiative remarquable.
28:38Je vais juste donner quelques chiffres, vous l'avez dit, 207 associations locales, 13 coordinations régionales,
28:44près de 800 lieux d'accueil, il y a 1180 salariés, plus de 23 000, près de 24 000 experts bénévoles
28:52qui notamment mènent ce travail de sensibilisation dont vous nous parliez à l'instant.
28:56Vous avez dit un mot très important qui est au cœur d'Initiatives France, de ce réseau, c'est le mot prêts d'honneur.
29:02Donc là on va rentrer dans la mécanique. Cette jeune femme qui arrive avec son projet effectivement
29:08de créer des soutien-gorge qui permettent de différencier, elle avait du mal à se financer ?
29:15Vous faites un premier travail d'études qui va ensuite rassurer les banques ? Comment ça marche ?
29:21Ce que proposent les 208 associations qui sont partout sur le territoire, c'est quatre choses.
29:26C'est d'abord vous aider à solidifier le dossier, le business plan, le plan de trésorerie, le plan commercial.
29:33On va le challenger pour qu'il soit encore plus robuste. La deuxième chose, c'est évidemment de regarder
29:40si vous avez, vous, l'apport personnel ou les fonds propres que souvent les banques demandent pour vous prêter de l'argent.
29:47Et si vous ne l'avez pas, à ce moment-là, nous, on vient vous proposer un prêt d'honneur 20 000, 30 000 euros
29:52à la personne, ce qui veut dire que votre entreprise ne va pas commencer avec de la dette.
29:57C'est vous, en quelque sorte, ça remplace les économies que vous n'avez pas forcément pour créer votre entreprise.
30:04Et puis on vous propose deux autres choses, de vous accompagner avec parrain, marraine pendant un an, deux ans, trois ans
30:11pour que la petite pousse droit et qu'elle se solidifie. Et puis on vous propose de vous mettre dans un réseau local
30:18si vous êtes à La Roche-sur-Yon, si vous êtes à Valence, pour qu'avec d'autres chefs d'entreprise, vous trouvez des clients,
30:25des fournisseurs, des partenaires, puis des gens avec lesquels vous allez être très solidaires.
30:29Et ça veut dire que vous êtes d'une certaine façon partenaire avec les réseaux bancaires, les principaux réseaux bancaires
30:35qui sont assez contents que vous fassiez ce premier travail de TAMI. Comment je peux comprendre ce lien que vous avez avec les banques ?
30:42C'est exactement ça. C'est-à-dire que les banques nous font confiance. Quand elles voient qu'on a, nous, accordé un prêt d'honneur,
30:48dans un comité de prêts où il y a des entrepreneurs locaux qui connaissent bien le terrain, les banques se disent
30:54« à quoi ça servirait de recommencer l'étude du dossier ? »
30:57Mais ce n'est pas le travail des banques ?
30:59Ce n'est pas le même travail parce que la banque, elle va regarder en termes de risque. Nous, on va regarder en termes de chance.
31:06C'est-à-dire que notre objectif, nous, ce n'est pas de ne pas prêter. Notre objectif, c'est de prêter.
31:11On est un réseau associatif, on est gratuit, on fait des prêts à taux zéro.
31:14Notre objectif, c'est qu'il y ait plus de très petites entreprises partout en France, y compris dans les zones rurales,
31:23y compris dans les quartiers politiques de la ville, pour que ce tissu économique-là, il vienne compléter les très grosses entreprises qu'il y a en France.
31:32Il y a évidemment un rôle, on le comprend, un rôle sociétal de ce réseau, avec notamment des actions pour aider les femmes à créer leur entreprise,
31:42promouvoir l'entreprenariat féminin. Qu'est-ce que vous faites de spécifique en Amérique ?
31:45C'est un des drames de ce pays. On est un pays d'entrepreneurs, la France, c'est super réjouissant.
31:50Par rapport à d'autres pays d'Europe ?
31:51Oui, l'Allemagne ou la Suisse, c'est moins d'entrepreneurs parce que les Français, comme dit l'autre, on n'a pas de pétrole mais on a des idées.
31:59Et on a beaucoup de gens qui disent « mais je vais transformer mon idée en entreprise ».
32:02Le truc qui ne va pas, c'est que sur 100 créations d'entreprises, il y en a seulement un tiers qui sont faites par des femmes.
32:09La faute aux préjugés des femmes qui se sentent…
32:14Oui, il y a un peu d'autocensure parfois.
32:15Voilà, autocensure, manque de confiance, et puis des biais qui font que parfois les projets féminins, par exemple dans la tech,
32:22ils ont beaucoup plus de mal à percer que les projets portés par les hommes. Ça, c'est un vrai biais.
32:27Et à se financer. J'ai reçu plusieurs fois le dossier de ça, etc. C'est vraiment marquant.
32:32C'est-à-dire qu'une femme seule qui arrive face à un groupe d'hommes, potentiellement un investisseur, un fonds d'investissement,
32:39elle va avoir moins de chances de trouver de l'argent ou elle va en trouver moins que si elle arrive avec un co-fondateur ou que si c'est un homme ou deux hommes seuls.
32:47Et donc il faut se battre contre ces préjugés et ces biais.
32:51Et donc nous, ce qu'on fait, c'est qu'on est aujourd'hui à 43%.
32:54Donc c'est beaucoup mieux que la moyenne nationale. La moyenne, c'est un tiers. Nous, on est à 43%, mais on n'est pas à 50%.
32:59Donc on fait des vies ma vie pour permettre à des jeunes femmes...
33:03« Ma vie », c'est le nom que vous avez donné. Ça me rappelle une émission de télé.
33:05Et on était jeunes. Pour aider des jeunes femmes à se rendre compte de ce que c'est que le métier d'entrepreneur et donc à être moins angoissées et à éviter l'autocensure.
33:16Et puis on donne aussi des rôles modèles en disant « Mais regardez, il y a des femmes qui ont des vies personnelles, familiales, sociales, tout à fait normales et qui sont des grandes chefs d'entreprise. »
33:27Sur l'innovation, je vois que les projets innovants financés par le réseau Initiative France, c'est 22% des femmes.
33:36Alors on peut dire que c'est peu, mais c'est mieux que la moyenne nationale. La moyenne nationale, je crois que c'est 10%.
33:40Ah oui, c'est très faible. C'est très faible.
33:42Et sur l'innovation, vous faites quoi spécifiquement ? Parce qu'il n'y a pas forcément une innovation à la base d'un projet dont vous accompagnez.
33:50C'est ça. Nous, on est un grand réseau généraliste. On est implanté partout et on est en termes de taille le premier réseau associatif qui aide les personnes à trouver les solutions pour créer leur entreprise.
34:00Et c'est gratuit. Mais ce qu'il faut qu'on fasse, c'est que tout le monde puisse avoir « droit » d'entreprendre.
34:09Pas seulement la tech. La tech, c'est super, mais vous avez dans des zones rurales besoin d'épiceries, de cafés-restaurants, vous avez besoin de centres de santé,
34:18vous avez besoin des services de la vie quotidienne, vous avez besoin de services de déplacement. Et donc nous, on accueille tous les projets à deux conditions.
34:27Il faut que le projet flotte, c'est-à-dire qu'il n'aille pas dans le mur, sinon franchement, on envoie quelqu'un dans le mur et il faut que la personne soit suffisamment mûre en elle-même.
34:39C'est pas une question de formation, c'est pas une question technique, c'est qu'elle est prête psychologiquement à faire ce métier d'entrepreneur.
34:45Et la vérité, c'est que nos enquêtes montrent que tous ceux qui ont entrepris disent 1. c'est plus dur que je ne l'imaginais. Bon, c'est pas terrible, mais c'est plus dur que je ne l'imaginais.
34:57Mais 2. pour rien au monde, je reviendrai en arrière.
35:01C'est plus dur, mais je suis content. Mais pourquoi ? Parce que la vraie raison d'entreprendre en France, c'est d'abord se donner un défi, être indépendant par rapport à être salarié, être indépendant.
35:15Et puis c'est mettre du sens. Smart impact, c'est faire quelque chose qui fait sens.
35:21Il y a aussi, alors là on a parlé de l'entrepreneuriat au féminin, on va parler des jeunes des quartiers, notamment des quartiers prioritaires, avec un dispositif qui je crois démarre, les prêts d'honneur quartiers.
35:33Est-ce que ça veut dire, si ça démarre, entre guillemets seulement maintenant, que ça passait trop souvent sous les radars des associations qui forment ce maillage territorial ?
35:42C'est exactement ça, c'est-à-dire que dans les quartiers politiques de la ville, et il y en a 2000 en France, c'est plusieurs millions de personnes, il y a une énorme envie d'entreprendre, mais aussi il y a une énorme autocensure.
35:54J'ai pas la bonne adresse, j'habite pas le bon quartier, ça va pas le faire, c'est que de la com, on va prétendre qu'on vendra pas de moi, et donc ça va se terminer mal.
36:04Et souvent c'est parce qu'effectivement des portes se sont fermées. Il y a de l'autocensure.
36:07Oui dans le passé, mais aujourd'hui c'est l'inverse. Il y a un plan quartier qui est vraiment très sérieux, que mènent BPI France, avec l'appui de l'État, et l'idée c'est de proposer deux choses.
36:16D'abord un prêt d'honneur quartier qui va s'ajouter aux autres prêts, ce qui veut dire qu'on va aider davantage les entrepreneurs des quartiers que les autres, il faut assumer la différence.
36:27Et la deuxième chose, c'est qu'on propose un accompagnement renforcé, c'est-à-dire qu'on propose d'être encore plus près de l'entrepreneur pendant toutes les semaines, tous les mois où c'est nécessaire,
36:37parce que par exemple dans ces quartiers, souvent il y a une méfiance du monde bancaire. Et quand on est entrepreneur, on ne peut pas être bancarisé, on ne peut pas avoir de compte en banque.
36:47Donc il faut apprendre, en quelque sorte, à gérer sa banque. Et donc on propose des formations qui vont permettre aux personnes des quartiers qui se méfient de la banque, qui ont peur de la banque, etc., de gérer leur banque.
37:00Alors sur ce thème, on a retrouvé cette citation, c'était en janvier dernier sur Europe 1, vous disiez « l'une des principales causes de mécontentement des jeunes, c'est que les écosystèmes d'aide, d'appui sont d'une complexité effarante ».
37:13Je pense que les nouvelles normes détruisent de la valeur, de l'enthousiasme, du dynamisme, plutôt qu'elles n'apportent de réelle protection. Je suis journaliste, heureusement, malheureusement, depuis plus de 35 ans, Guillaume Pépy.
37:24Tous les gouvernements que j'ai vus se succéder m'ont promis, nous ont promis un choc de simplification. Pourquoi les normes continuent de s'empiler dans ce pays ?
37:33Parce que nous, les Français, on adore ça. Mais oui, prenez un exemple. Vous avez une maison où que ce soit. Vous avez un voisin qui va dire « je vais construire un appenti » ou « je vais faire un étage de plus ».
37:4595% des Français, je me mets dedans, vont se dire « mais comment je peux empêcher mon voisin de faire ? ».
37:52Et là, vivent les normes.
37:53Et là, vivent les normes. Alors, pas « vivent » pour moi, pour moi c'est l'horreur.
37:56Mais si je peux trouver un truc qui dit qu'un appenti de jardin qui fait 3m2, il faut un permis de construire, je ne vais pas louper mon voisin.
38:03Donc vous pensez qu'on adore les normes.
38:05On ne veut pas. Parce qu'en même temps, alors là, peut-être, je vais dans un focus plutôt vers les chefs d'entreprise, les créateurs que vous accompagnez.
38:14Eux, ils n'arrêtent pas de dire « on croule sous les normes, notamment en matière environnementale ».
38:20Mais cette fascination pour les normes, elle est dans tous les parlements successifs, les assemblées nationales et Sénats successifs,
38:27qui commencent par dire qu'il faut arrêter et qui s'empressent de faire 10 lois, 20 lois, 30 lois, 50 lois.
38:33Elle est dans l'administration, où l'administration a appris à faire des normes.
38:38Et en fait, ce qu'on n'arrive pas à faire, c'est à changer de mental, c'est-à-dire se dire « à partir d'un certain moment de normes, la norme en fait détruit de la valeur ».
38:47Elle n'en construit pas, elle détruit de la valeur, elle empêche des initiatives.
38:52Un exemple, une jeune femme qui veut faire du miel, pour ne pas avoir que du miel chinois.
38:57Cette jeune femme nous a montré la liste des normes qui existent en France pour faire du miel.
39:01– On rigole mais… – Non, c'est horrible, c'est horrible.
39:04C'est-à-dire qu'il y a des dizaines de normes, alors il y a la norme française et la norme européenne,
39:10il y a des normes techniques, il y a des normes commerciales, il y a des normes de sourcing, il y a des normes de distribution,
39:14il y a des normes de conservation, il y a des normes de packaging.
39:17Au départ, l'intention, on va dire, n'est pas forcément méchante, c'est protéger, assurer la qualité.
39:23Mais après, ça empêche une jeune femme de se lancer, sauf si elle a décidé de passer six mois
39:29à étudier les normes et à essayer de s'y conformer.
39:32– Est-ce que les grandes entreprises, vous avez été le patron de la SNCF pendant plus de dix ans,
39:36est-ce que les grandes entreprises, elles sont aussi confrontées à ça,
39:40à un empilement des normes et à la nécessité de simplifier un certain nombre de processus ?
39:46– Je prends l'entreprise dont je m'occupais avant,
39:50on a eu un énorme débat sur le glyphosate.
39:53Le glyphosate, c'est une espèce d'herbicide qui a un impact sur l'environnement mais qui est débattu.
40:01Après un énorme débat en France, l'Europe décide de ne pas l'interdire,
40:09mais la France, entre guillemets, dit à la SNCF, il va falloir renoncer au glyphosate.
40:16– Vous l'utilisiez notamment…
40:17– Le long des voies, parce que vous ne pouvez pas avoir des arbres
40:19qui poussent au milieu des aiguillages.
40:21Le résultat concret, c'est que SNCF Réseau, qui s'occupe du réseau,
40:25dépense des dizaines et des dizaines de millions supplémentaires,
40:29pour ne pas dire même encore un peu plus,
40:31a mis en place des mécanismes de recherche très compliqués
40:35pour un produit qui marche moins bien, qui coûte plus cher,
40:38sauf qu'il n'y a que la France qui a fait ça.
40:40Et les autres pays, puisque l'Europe a tout étudié et n'a pas interdit,
40:45les autres pays ont continué.
40:46Donc voilà, en France, il faut qu'on s'interroge quand même
40:49sur la façon dont on raisonne.
40:51– Oui, une photo emblématique de cette époque,
40:54alors il y en a plein, on a choisi celle-ci,
40:56c'est le jour de lancement des Wigo, on est en 2013,
41:00et juste pour nous ramener à l'époque SNCF,
41:05vous l'avez dirigée 11 ans, 2008, 2019, 11 ans et demi.
41:08Est-ce que c'est votre… la question est un peu bateau,
41:11est-ce que c'est votre expérience professionnelle la plus forte ?
41:15– Je dirais que plus simplement, c'est le boulot de ma vie,
41:18parce que celui ou celle qui est PDG de la SNCF,
41:22c'est la plus belle mission qu'on puisse avoir,
41:25parce qu'en gros, il s'agit d'aider les gens à se déplacer,
41:28le droit à se déplacer, de façon sûre,
41:32si possible de façon pas trop coûteuse,
41:34et 24, 24, 365 jours par an,
41:37donc c'est une mission d'intérêt général qui est géniale.
41:40Moi, j'ai gardé un souvenir extraordinaire,
41:4325 ans à la SNCF, dont 12 ans PDG, c'est le boulot d'une vie.
41:47– Est-ce que c'est un boulot politique ?
41:50– Beaucoup de gens pensent que le matin,
41:53on reçoit des coups de téléphone des ministres,
41:55oui c'est ça, ou que le président de la République
41:57ou le Premier ministre vous appellent.
41:59– Ça ne vous est pas arrivé si souvent ?
42:00– Non, ça arrive.
42:01– Sauf en période de grève très tendue, j'imagine.
42:03– Ça arrive, parce qu'au fond, la mission qu'on remplit,
42:08s'il y a une très grosse grève,
42:09s'il y a une augmentation des tarifs,
42:11s'il y a des fermetures de lignes, les élus locaux protestent
42:15ou ont des choses à dire,
42:16et c'est normal que le gouvernement pose des questions
42:18et veuille comprendre pourquoi vous faites ça.
42:20Mais c'est d'abord surtout un groupe de 270 000 personnes
42:25dans 120 pays qui exercent une mission de service public,
42:28et c'est une entreprise, en cela, comme les autres.
42:32L'économie de la SNCF, ce n'est pas très compliqué,
42:35vous avez des recettes, les recettes du trafic,
42:38vous avez des dépenses, des salaires et beaucoup d'autres investissements.
42:42Et puis, il faut faire un peu de bénéfices,
42:44parce que si vous ne faites pas de bénéfices,
42:46vous ne pouvez pas investir.
42:47Or, on a besoin d'investir énormément de milliards dans le chemin de fer.
42:51– Quand vous voyez, dernière question sur la SNCF,
42:53quand vous voyez Jean Castex passer de Premier ministre
42:55à Président de la RATP, est-ce que, soyez très honnête,
42:59il n'y a pas eu un moment où vous avez dit
43:00« Tiens, je pourrais faire, moi, le chemin inverse ? »
43:02– Ah non, non, jamais.
43:03– Non, pas la politique, non.
43:04– Jamais, parce que j'adore le geste.
43:06– Non, jamais, jamais.
43:07– Pourquoi ?
43:08– Ah, parce que la politique, on le voit tous les jours,
43:11et quelle que soit la qualité, c'est quand même du court terme,
43:13du court terme, du court terme, et c'est du compromis, du compromis, du compromis.
43:17Et moi, je pense qu'aujourd'hui, la meilleure plateforme
43:20pour changer la société, plateforme étant un mot un peu large,
43:23mais la meilleure plateforme pour changer la société,
43:26c'est l'entrepreneuriat.
43:27C'est l'entrepreneuriat qui est en train de changer la société.
43:30C'est l'entrepreneuriat qui est en train de réorienter l'économie.
43:33Prenez deux exemples, Blablacar,
43:35c'est nous qui l'avons aidé au tout début, à la Roche-sur-Yon.
43:39Bon, Blablacar, il a inventé un nouveau mode de transport.
43:43Doctolib, il a inventé une simplification et un accès à la médecine
43:48comme personne n'avait été capable de l'inventer, et surtout pas l'État.
43:51Donc, dans les deux cas, c'est des entrepreneurs
43:54qui ont contribué à changer un peu la vie des gens.
43:57– Dernier chapitre consacré à votre rôle de président
44:00du conseil d'administration d'Emmeis, c'est le nouveau nom d'Orpea.
44:04Orpea s'est donné après le scandale de maltraitance dans les Ehpad.
44:06Pourquoi vous avez accepté ce défi ?
44:09– Mais ce n'est pas une question personnelle,
44:11c'est que la situation du grand âge, en France,
44:14c'est un sujet absolument capital dont on parle très peu.
44:17Et merci d'en dire quelques phrases.
44:19La proportion de personnes de plus de 85 ans,
44:22elle va augmenter de moitié d'ici 2030.
44:25Parce que les générations qui ont besoin des maisons de retraite,
44:30maintenant c'est les générations qui sont nées en 45, 46, 47,
44:33donc des générations du baby-boom où il y a beaucoup de gens.
44:36Donc il faut construire, il faut réinventer la façon
44:40dont on va en maison de retraite.
44:42– Alors je vous interromps parce que là-dessus,
44:44vous savez dans notre rubrique,
44:47Jacques d'ailleurs vous poserez une question
44:49à notre prochain invité Thierry Blandinière, le patron d'Invivo.
44:52La semaine dernière, on avait Jérôme Sadier,
44:54le président du Crédit Coopératif, et c'est lui qui a choisi,
44:57nous on n'aiguille pas, de vous poser une question
45:00justement sur le modèle économique des EHPAD.
45:04– Shaggy Opepi, vous avez pris récemment la présidence
45:07du conseil d'administration de ce qu'auparavant on appelait Orpea,
45:11qui a défrayé la chronique sur les questions de prise en charge
45:14du vieillissement et du grand âge.
45:15Et je voulais savoir si, à cette occasion,
45:18vous étiez convaincu que le modèle non lucratif
45:21est la meilleure solution pour éviter l'exploitation
45:25de la vulnérabilité des personnes.
45:26C'est une campagne menée par tous les acteurs
45:29de l'économie sociale et solidaire que de dire que dans certains domaines
45:32où cette vulnérabilité des personnes est en jeu,
45:35il ne faut pas que l'argent prime sur le soin
45:37et la considération qu'on a pour les gens,
45:39que ce soit par le biais des services publics
45:41ou par le biais des acteurs de l'économie sociale et solidaire
45:44à but non lucratif.
45:46– Est-ce qu'il faut sortir les EHPAD du modèle lucratif ?
45:48– Vous me permettez de cartonner en quelque sorte l'auteur de la question
45:52qui est par ailleurs un ami que je connais très bien.
45:55En France, dès qu'il y a un problème,
45:57on dit qu'il ne faut surtout pas que le privé s'en mêle.
45:59Il ne faudrait pas que le privé fasse de l'éducation,
46:01il ne faudrait pas qu'il fasse de la santé,
46:02il ne faudrait pas qu'il fasse du médico-social,
46:04il ne faudrait pas qu'il fasse de l'éducation.
46:05Au passage, on dit bien sûr qu'il ne faut pas augmenter les impôts.
46:09Mais alors là, on est chez les fous.
46:12Le privé, s'il est contrôlé, s'il a les bons actionnaires,
46:17s'il a le long terme, etc.,
46:19il peut être au moins aussi efficace que le public.
46:22Aujourd'hui, pour construire les futures maisons de retraite,
46:26vous pensez qu'on va se retourner vers l'État,
46:28en disant à l'État, donnez-nous 10 milliards,
46:31il faut construire des nouvelles maisons de retraite.
46:33L'État n'a pas d'argent, on le sait.
46:35Il faut que le privé, mais un privé, on va dire, éthique,
46:38un privé contrôlé, un privé avec des bons actionnaires,
46:42s'engage sur le long terme.
46:43Et nous, par exemple...
46:44On revient à la question hors-pair.
46:46Et nous, par exemple, Emeis, aujourd'hui,
46:49c'est à la fois détenu par...
46:51Qu'est-ce que vous avez changé ?
46:51C'est détenu par les Français et par un groupe d'assurance mutuelle
46:56et par la Caisse des dépôts.
46:57Et bien ça, c'est le bon actionnariat pour mener des investissements de très long terme.
47:01Qu'est-ce qu'on a changé ? Tout.
47:03Hors-pair, c'est le plus grand scandale financier,
47:06probablement en France, de ces dix dernières années.
47:08Il y aura un procès dans quelques années,
47:10avec des dirigeants qui ont lourdement fauté,
47:13pour ne pas dire plus, une mauvaise stratégie,
47:16des actionnaires qui ne se sont aperçus de rien.
47:18Et donc, on a tout changé, on a changé la stratégie.
47:22La stratégie, c'est le service
47:24et non pas d'être une société foncière.
47:26On a changé les dirigeants.
47:28On a un nouveau directeur général qui s'appelle Laurent Guillot,
47:30qui est quelqu'un d'exceptionnel, qui a constitué une nouvelle équipe.
47:33On a changé le conseil d'administration. Tout a changé.
47:36Et on a même fini par changer le nom de la société.
47:39Quand on est président du conseil d'administration,
47:41votre rôle, c'est quoi exactement ?
47:43Vous êtes quoi ? Une vigie ?
47:44Parce que vous n'êtes pas le DG, vous n'avez pas les mains dans les couilles.
47:47Je ne dirige pas.
47:48Un président du conseil d'administration, il fait deux choses.
47:50D'abord, il soutient la transformation.
47:53C'est une transformation très difficile.
47:55Il y a mille établissements en France et en Europe.
47:57Il faut arriver à créer un rythme de transformation
48:01pour passer un peu tout à la moulinette
48:03de ce EMEI nouveau.
48:05Et puis la deuxième chose, c'est contrôler.
48:07Le mot existe en français,
48:09mais il n'est pas beaucoup pratiqué.
48:11Même si vous avez des dirigeants formidables,
48:13le rôle du conseil d'administration,
48:15c'est de contrôler.
48:17De contrôler l'argent, de contrôler la santé,
48:19de contrôler la façon dont ça se passe
48:21avec le personnel
48:23et de pouvoir dire à tout moment
48:25ce qui se passe, nous, on l'assume.
48:27On sait ce qui se passe dans la société
48:29et on l'assume.
48:31Est-ce que les conseils d'administration...
48:33C'est une question très générale,
48:35mais est-ce qu'ils ne jouent pas suffisamment
48:37ce rôle de contrôle, les conseils d'administration ?
48:39Il y a dix ans, les conseils, c'était un peu du béni-oui-oui.
48:41Surtout en France.
48:43Ça a complètement changé.
48:45Il y a maintenant un code précis
48:47qui a fait l'AFEP et le MEDEF
48:50visser, entre guillemets, la mission.
48:52Et puis, il y a aussi beaucoup de formations
48:54à Sciences Po, à l'EM Lyon,
48:56à l'Institut de formation des administrateurs.
48:58C'est-à-dire que tout d'un coup,
49:00en France, en dix ans,
49:02les conseils d'administration sont devenus,
49:04presque comme dans les pays anglo-saxons,
49:06des organes qui sont là
49:08pour garantir au public
49:10que la société fonctionne normalement.
49:12Merci beaucoup, Guillaume Pépi.
49:14Merci à vous.
49:16Et à bientôt sur Be Smart for Change.
49:18On passe tout de suite à notre rubrique consacrée
49:20aux start-up éco-responsables.
49:22C'est Smart Ideas.
49:30Smart Ideas avec Margot Cunégo.
49:32Bonjour.
49:34Bienvenue. Vous êtes la fondatrice du programme
49:36Boost ton Biz. Vous l'avez créé en 2021.
49:38Tout à fait. Vous étiez toute jeune.
49:40Oui, j'avais 21 ans. Je sortais des études de droit.
49:42J'avais arrêté mes études.
49:44Pourquoi vous l'avez créée ?
49:46J'avais commencé à faire des études de droit
49:48pour faire plaisir à ma mère. Je ne savais pas trop
49:50ce que je voulais faire. Je me disais que j'allais faire des études
49:52qui paraissaient prestigieuses.
49:54Après trois ans, je me suis dit
49:56que ce n'était pas fait pour moi.
49:58Je suis partie un an en Australie pour faire une petite pause.
50:00Je me disais que j'allais reprendre mon master à mon retour.
50:02Là-bas, je me suis rendu compte que je pouvais
50:04créer mon entreprise, travailler pour moi
50:06sur Internet. J'ai rencontré des gens
50:08qui le faisaient et qui voyageaient en même temps,
50:10qui avaient un lifestyle très différent de ce que je connaissais.
50:12Je me suis dit, s'il y a des gens qui ont réussi
50:14à se lancer à leur compte,
50:16je ne sais pas pourquoi je ne pourrais pas le faire.
50:18En rentrant, je me suis dit
50:20que je ne reprends pas mes études.
50:22Je lance mon projet, je teste.
50:24Je me suis pris énormément de...
50:26J'ai eu plein d'échecs, plein d'erreurs,
50:28mais j'ai fini par réussir à vivre de mon activité.
50:30Je me suis rendu compte qu'il y avait
50:32un gros manque, surtout au niveau
50:34des femmes qui n'osaient pas se lancer,
50:36qui avaient peur de se lancer.
50:38Vu que je l'avais fait, que j'avais fait ça toute seule,
50:40hyper jeune, et que j'avais expérimenté
50:42pas mal de trucs, je me suis dit,
50:44pourquoi pas créer quelque chose pour les accompagner.
50:46C'est quoi ce programme ?
50:48C'est un programme de formation, d'accompagnement
50:50pour les femmes qui
50:52ne se sentent pas forcément bien
50:54dans leur travail, dans leur job,
50:56qui ont envie de créer quelque chose qui a un impact,
50:58qui les fait vibrer,
51:00qui leur donne envie de se lever le matin,
51:02mais qui n'ont aucune idée de quoi faire, comment le faire,
51:04par où commencer, quel est le chemin à suivre.
51:06C'est un programme qui les accompagne
51:08du moment où elles trouvent l'idée
51:10jusqu'au développement de l'activité.
51:12Ça veut dire qu'il est assez personnalisé,
51:14ce programme ?
51:16Quel conseil on peut y trouver ?
51:18En gros, il est hyper personnalisé
51:20parce qu'il y a une équipe de coach
51:22qui accompagne chacune de mes clientes.
51:24Il y a trois
51:26grands aspects. Il y a déjà l'aspect
51:28l'idée, l'offre, comment positionner
51:30l'offre, comment se démarquer
51:32de la concurrence. Il y a tout un aspect
51:34communication, vente, marketing,
51:36parce que c'est une chose d'avoir une expertise,
51:38si on ne sait pas la vendre, ça ne sert à rien.
51:40Et il y a aussi un énorme volet
51:42qui est beaucoup plus
51:44personnel, beaucoup plus état d'esprit
51:46parce que les femmes ont beaucoup de
51:48manque de confiance quand elles se lancent
51:50dans l'entreprenariat. Il y a beaucoup, je pense,
51:52de conditionnements, de préjugés qui les empêchent
51:54de se croire capables d'y arriver. Il y a besoin
51:56de travailler beaucoup là-dessus aussi.
51:58Il y a une forme d'autocensure
52:00qui est encore là.
52:02Je pense qu'elle diminue, mais
52:04elle est en temps là.
52:06Pour m'être lancée
52:08assez jeune, on n'a pas
52:10de rôle modèle, on n'a pas d'exemple,
52:12on a très peu de femmes à suivre
52:14dans l'entreprenariat. Je trouve que c'est un milieu
52:16qui est encore très, malgré
52:18les évolutions, très masculin, que ce soit au niveau
52:20des exemples qu'on voit, mais aussi
52:22de la vision de la réussite,
52:24de la vision de l'entreprenariat. Finalement,
52:26c'est une énergie qui est quand même vachement
52:28masculine et je trouve que les femmes ont du mal
52:30à se retrouver dedans de premier abord.
52:32Dans les codes, dans les
52:34qualificatifs ou les adjectifs qu'on
52:36associe à l'entreprenariat, c'est ça ?
52:38Je pense que l'entreprenariat, quand
52:40on y pense aujourd'hui dans l'inconscient collectif,
52:42c'est très axé sur la force,
52:44la stratégie,
52:46la persévérance, la puissance.
52:48Que des qualités féminines.
52:50Exactement.
52:52Mais c'est dommage parce que
52:54pour le coup, les femmes ont énormément
52:56de qualités et d'atouts qui sont
52:58plus propres à elles, même si il ne faut pas
53:00genrer de manière hyper drastique.
53:02Il y a quand même des généralités qui existent.
53:04Il y a l'autocensure,
53:06on est d'accord, mais il y a aussi
53:08des biais
53:10chez les interlocuteurs
53:12que les femmes créatrices d'entreprises vont rencontrer.
53:14Oui, complètement. Mais je pense que
53:16c'est à partir du moment où toi-même, en tant que
53:18femme, t'y crois et tu te dis que ce n'est pas parce que je suis
53:20une femme qu'il y a quoi que ce soit qui va m'empêcher d'y arriver,
53:22je trouve que les obstacles
53:24sont surmontables.
53:26Parce que si on se dit
53:28oui, je suis une femme,
53:30donc les investisseurs vont pas me faire confiance,
53:32donc ça, on se limite nous-même
53:34alors que si on se dit que je suis une femme
53:36mais qu'il n'y a absolument rien qui m'empêche d'y arriver,
53:38on arrive à... C'est quoi votre modèle économique ?
53:40Les femmes qui viennent
53:42chercher les conseils, c'est un
53:44abonnement, c'est un forfait ?
53:46Non, c'est un prix fixe.
53:48Elles ont accès à un an d'accompagnement individuel,
53:50un an d'accompagnement de groupe,
53:52et elles ont accès ensuite à vie, par contre, à la formation,
53:54les vidéos, que je remets à jour tous les ans.
53:56Donc il y a une partie formation, une partie accompagnement.
53:58Elle paye une fois, en gros.
54:00Il y a certaines de vos élèves
54:02qui ont avancé, qui ont créé leur entreprise ?
54:04Oui, bien sûr. Là, on a
54:062200 clientes de dernières années
54:08et en fait,
54:10il y a des très belles histoires.
54:12Il y a des très belles histoires des femmes qui sont venues me voir
54:14en vraiment... En fait, ce qui est fou, c'est que ça va
54:16de tout âge, de 18 ans à 50 ans,
54:18il y a des parcours tellement différents
54:20et finalement, le succès
54:22finit par arriver quand elles lâchent pas l'affaire.
54:24Merci beaucoup Margot Cunégon
54:26pour ton vent, ton boost, ton bise.
54:28Voilà, c'est la fin de ce numéro de Smart Impact.
54:30Merci à toutes et à tous de votre fidélité
54:32à la chaîne des Audacieuses et des Audacieux.