Grenoble : un trentenaire écroué après la mort d’un jeune en sortie de boîte de nuit

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Tous les jours de la semaine, invités et chroniqueurs sont autour du micro de Mickael Dorian pour débattre des actualités du jour.
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Transcript
00:00Une guerre des gangs est-elle en train de sévir à Grenoble ? C'est ce qu'assure le procureur de la ville après une nouvelle fusillade la nuit
00:06dernière qui a fait un blessé.
00:07Lundi, déjà quatre hommes avaient été blessés dont trois très grievement par une rafale de tir sur un point de deal à Aéchirol dans la
00:14banlieue grenobloise. Que se passe-t-il à Grenoble au point que le procureur se retrouve aujourd'hui à
00:20tirer la sonnette d'alarme ? Georges Fenech.
00:22On le voit bien, on constate effectivement un trafic de drogue,
00:27des règlements de comptes. Ceci dit, moi qui suis de cette région quand même,
00:32Lyon, j'ai été aussi en fonction dans l'ISER. Je me souviens
00:37dans ces années-là, on parlait déjà du gang des italo-grenoblois.
00:41Il y a toujours eu ce phénomène un peu mafieux, vous savez, un peu de gang
00:46à Grenoble comme à Lyon d'ailleurs. Ce sont des cités qui ont été touchées par ce banditisme, cette criminalité
00:53organisée. Alors, c'est le constat que fait le procureur. Maintenant, il faut en tirer les conséquences et puis surtout agir,
00:59c'est-à-dire démanteler ces gangs, saisir peut-être la juridiction nationale de criminalité organisée.
01:06On attend d'ailleurs la nomination de la création d'un procureur national
01:11anti-criminalité
01:12organisé qu'a annoncé
01:13Éric Dupond-Moretti. Nous attendons sa création quand il y aura un gouvernement, bien sûr.
01:19Et donc, c'est des grandes villes comme Grenoble et d'autres qui sont effectivement
01:26noyautées par ces gangs qui se partagent
01:29une criminalité souterraine, que ce soit le trafic de stupes,
01:32un peu de prostitution, mais beaucoup moins qu'à une certaine époque, mais c'est surtout le trafic de drogue, oui.
01:37Alors, on a Sophie, justement, qui habite Grenoble et qui souhaitait réagir. Bonsoir, Sophie.
01:42Bonsoir.
01:44Je n'habite pas au Grenoble, du Grenoble j'habite dans la banlieue, mais j'y habite et notamment près de Saint-Morino.
01:50Vous habitez où exactement aujourd'hui, Sophie ?
01:52J'habite dans une petite commune toute proche, enclavée entre Échirol, Saint-Marcin d'Air et Grenoble.
01:58Et elle s'appelle, cette commune ?
02:00Elle s'appelle Poisa.
02:01Très bien.
02:02Sophie, vous souhaitiez justement réagir à cette situation. Est-ce que vous la vivez, cette situation, au quotidien ?
02:10Parce qu'effectivement, le procureur de Grenoble, aujourd'hui, a réagi. Il parle de fusillades quasi quotidiennes dans certains quartiers.
02:19Il y a des quartiers qu'on ne fréquente pas, qu'on évite de traverser. Bon, parfois, on est obligé, parce que quand on va prendre le bus pour aller d'un point A à un point B, on est bien obligé.
02:29Mais il y a des quartiers qu'on ne fréquente plus. Saint-Bruno, Échir, Malherbe, il y a aussi... Je ne sais plus comment ils s'appellent.
02:40On ne fréquente plus, on n'y va pas, on a peu de connaissances là-bas, on essaie de ne pas y être.
02:47Évitez au maximum ces endroits-là, parce que c'est vraiment... Bon, j'ai toujours vécu ici.
02:54Ça n'a plus rien à voir.
02:56Vous avez quel âge, Sophie, si c'est pas indiscret ?
02:58J'ai 63 ans.
03:00Ça fait longtemps que vous vivez dans cette région ?
03:04Ah ben, j'y ai toujours vécu. Et moi, je me souviens... Bon, j'ai entendu Georges Pénètre qui parlait des vissales au Grenoblois.
03:10Effectivement, on savait qu'il y avait tout ça. Mais on n'avait pas cette insécurité au quotidien.
03:16Elle se trouve partout. Vous allez faire des courses, vous pouvez tomber dessus. Vous allez dans le bus, elle vous tombe dessus.
03:24Vous êtes devant chez vous, elle vous tombe dessus. Ça s'est dégradé, mais d'une force incroyable.
03:33Moi, je ne reconnais pas le pays dans lequel j'ai grandi.
03:37Ça n'a plus rien à voir.
03:39Et puis, on a reçu beaucoup, beaucoup de personnes avec une autre civilisation, une autre éducation.
03:45Et elle s'est imposée à celle qui est française, en fait.
03:51Ce sont d'autres moeurs.
03:53Ça veut dire qu'aujourd'hui, vous avez peur quand vous sortez de...
03:57Ah ben, souvent. Je vais vous dire, oui, souvent.
04:01Quand vous sortez le soir.
04:03Je ne sors pas le soir. Depuis déjà plusieurs années.
04:05Ah non, je ne sors plus le soir.
04:07Non, c'est trop dangereux.
04:09Avant, je me souviens qu'avec mes copines, on sortait le soir, on sortait à plusieurs.
04:13Sortir seul, non, mais à plusieurs, on sortait.
04:15C'est fini, ça va.
04:17Même en voiture, oui, oui.
04:19Je veux dire, si on veut vraiment...
04:21Et le Réviséro n'existe pas.
04:23On ne sort pas le soir.
04:25Ah non, aller en boîte.
04:27Même au resto, non, on n'y va plus.
04:30C'est terrible, Sarah Salmane.
04:32Oui, c'est ce que je dis.
04:34En 2024, de se dire qu'une femme de 63 ans ne sort plus le soir parce qu'elle a peur.
04:40Malheureusement, j'habite à Paris et le soir, je ne sors pas seule non plus.
04:44Je vais vous dire, on est obligé de s'adapter à cette délinquance.
04:48C'est nous, honnêtes citoyens, qui nous adaptons à cette délinquance.
04:52Et c'est vrai que les femmes seules sont celles qui s'adaptent en premier.
04:56Madame nous dit que même sortir en groupe avec des copines pour aller en boîte de nuit au restaurant, elle ne peut plus.
05:01Ça veut dire que cette délinquance a des conséquences directes sur son quotidien, sur sa vie privée.
05:06Et c'est absolument intolérable que rien ne soit fait.
05:08Et j'ai l'impression qu'il n'y a plus aucune ville qui n'est épargnée, en fait.
05:10Je ne voudrais pas faire de mauvaise polémique, mais...
05:14Il faut voir aussi la gestion municipale d'une ville.
05:18Oui, c'est pas faux.
05:20Je pense Grenoble, mais je pourrais citer même Lyon.
05:26Donc vous avez des maires, à l'inverse, vous avez des contre-exemples comme Nice, par exemple.
05:31Vous avez des caméras partout, vous avez une police municipale étoffée, équipée en nombre suffisant.
05:36Et puis vous avez des villes qui considèrent que, bon, ça ne regarde que la police nationale.
05:42Que le maire met quelques caméras comme ça pour, évidemment, dire je fais quelque chose.
05:46Mais qui n'ont pas cette ADN de sécuriser leur ville.
05:51Alors je ne sais pas ce qu'il en est maintenant de ce maire qui est connu.
05:55Qui est le maire de Grenoble, qui est un écologiste, qui a été réélu d'ailleurs.
05:59Est-ce qu'il a véritablement une implication totale pour sécuriser sa ville ?
06:03Comme Lyon aussi où il y a des défaillances.
06:06Il y a souvent eu d'ailleurs des conflits entre la région qui voulait financer, celle de Laurent Wauquiez,
06:10qui voulait financer pour un million de la vidéosurveillance,
06:14qui a été refusée même par la municipalité de Lyon,
06:18qui a considéré qu'il y avait mieux à faire que de mettre davantage de caméras.
06:21Donc vous voyez aussi qu'il y a un problème de continuum, comme on dit, de sécurité entre la police nationale.
06:26Alors vous me dites pourquoi Grenoble ? Je me demande s'il n'y a pas aussi, peut-être,
06:30il faudrait faire une enquête plus approfondie, s'il n'y a pas quelques défaillances à ce niveau-là.
06:34Oui c'est intéressant, il y a peut-être un biais idéologique qui fait que la sécurité n'est pas à mettre au premier plan.
06:38On va poser la question aussi à Sophie. Est-ce que vous partagez ce qui vient d'être dit par Georges Fenech ?
06:42Oui, tout à fait.
06:44Est-ce que la police est présente, la police municipale est présente dans les rues ?
06:50Non, on n'en a plus. On a vu une policière municipale qui s'est fermée.
06:56Nous on a affaire à la gendarmerie, quand on a dû les appeler, ils sont venus.
07:00Mais comme je dis, la racaille, elle bouge, elle ne se fixe pas.
07:04Et je vois, avant, dans notre région, Mélans, la commune de Mélans,
07:09elle s'est considérée comme la banlieue chic de Grenoble.
07:12C'est plus, c'est fini. Maintenant, c'est Poizat là où je vis.
07:15C'est en train de se dégrader parce qu'on a des cambriolages en pleine journée, en pleine après-midi.
07:20Ma voisine s'est fait cambrioler il y a une quinzaine de jours, en plein jour.
07:25En pleine journée ?
07:26Oui, on n'a rien fait. En pleine journée.
07:28Elle bouge, moi je les vois arriver parce qu'on a la chance d'avoir un petit centre,
07:35on a tout, on a la pharmacie, on a la boulangerie, on n'a pas besoin de courir à droite, à gauche.
07:40Ils viennent, ils se mettent en groupe, on retrouve des canettes, des trucs.
07:45Le soir, ils balancent ce qu'on appelle des mortiers d'artifice.
07:50Ah oui, des mortiers d'artifice.
07:52Sous nos fenêtres.
07:54C'est terrible ce constat que vous faites, Sophie. C'est effrayant, effectivement.
07:58Ils voient qu'on risque de prendre un coup de couteau ou autre chose.
08:02Maintenant, les gens, ils se taisent parce qu'ils ont tellement peur.
08:06On vit vraiment dans la peur.
08:08Et pourtant, je ne suis pas dans le centre de Grenoble, je ne suis pas nécessaire, je ne suis pas dans ce quartier pourri.
08:12Oui, on vous entend, Sophie.
08:14Ce quartier pourri se déplace.
08:16Ils vont aller salir là où c'est épreuve, je veux dire, pour résumer.
08:20Merci pour ce témoignage, Sophie.
08:22Merci de nous avoir appelés dans la banlieue grenobloise.
08:26Alors évidemment, ça fait peur quand on entend ce que nous dit Sophie.
08:30Mais alors, le problème, est-ce que c'est le manque de police, justement ?
08:33C'est ce qu'elle nous dit.
08:34On a l'impression aussi que la police ne fait pas peur, parce que ces gangs dont on parlait tout à l'heure,
08:40ils font un peu la loi dans ces quartiers.
08:42Est-ce que la peur de la police, la peur du policier, elle a disparu, finalement, du côté d'une certaine frange de la délinquance ?
08:50Ça, c'est pas propre à Grenoble.
08:52Non, c'est pas propre à Grenoble, bien sûr.
08:53C'est l'ensemble du territoire national.
08:55Oui, mais la question, c'est est-ce que c'est parce qu'il manque des policiers,
08:57ou est-ce que finalement, il y a un problème aussi au niveau de la peur de la police ?
09:01Mais parce que quand vous avez des messages qui leur arrivent,
09:04je pense aux délinquants d'habitude, les délinquants récidivistes,
09:08et qu'ils entendent qu'on peut obtenir une permission de sortir,
09:12même si on a encore 20 ans de réclusion à faire,
09:14pour aller passer son permis de conduire,
09:16qu'on organise des colentes dans les prisons,
09:19ou des visites au château de Versailles,
09:22vous comprenez que c'est pas cette image-là qui peut dissuader...
09:27On a supprimé les peines planchers,
09:29enfin, on revêt tout un laïus de tout ce qu'il faudrait faire
09:33au niveau de la réponse pénale,
09:35que réclament à corps et à cri, et à juste titre,
09:38notamment les policiers qui luttent,
09:40comme un film l'a très bien montré,
09:42Bac Nord à Marseille,
09:44au péril de leur vie, quoi.
09:46Et que derrière, il n'y a pas suffisamment de réponses
09:50qui soient dissuasives pour ces gangs,
09:53qu'il faut absolument démanteler,
09:55qu'il faut retirer notamment les mineurs de ces quartiers,
09:58et les placer avec des ordonnances,
10:01des jeunes enfants qui les placent ailleurs,
10:03en les retirant de ce milieu criminogène.
10:05C'est un travail important,
10:07donc si vous voulez, le problème c'est qu'aujourd'hui,
10:10vous savez, le jeune majeur ou le mineur,
10:12il fait son rapport coût-avantage.
10:14Il s'est dit, ça me rapporte beaucoup d'argent,
10:17ça me rapporte 200-300 euros par jour,
10:19ça me coûte quoi ?
10:21Quelques heures de garde à vue,
10:23un petit peu de prison peut-être.
10:25Mais d'ailleurs, c'est ce qu'on nous dit,
10:27pour Grenoble, si aucun tireur n'a encore été interpellé,
10:30le procureur a précisé que les policiers
10:32avaient arrêté ces derniers jours deux personnes
10:34soupçonnées d'être venues de région parisienne
10:36livrer des armes.
10:38Mais c'est pareil, si on n'a pas de preuves,
10:40ces personnes sont en garde à vue, elles vont être rapidement relâchées.
10:42Donc ça veut dire que la peur de la police, Sarah Selman,
10:44elle a complètement disparu, aussi parce que la réponse pénale
10:46n'est pas au rendez-vous.
10:48On n'a pas peur de la police,
10:50on n'a pas peur de la justice, on n'a pas peur de la prison.
10:52Alors, je l'ai très très bien expliqué,
10:54c'est un bénéfice coût-avantage.
10:56Par exemple, si vous faites du trafic de stupéfiants,
10:58vous pouvez gagner énormément d'argent,
11:00vous pouvez même aller en prison et continuer à distance
11:02votre trafic de stupéfiants.
11:04Donc même si vous prenez cinq ans,
11:06par rapport à tous les bénéfices pécuniaires engrangés,
11:08ils vont se dire, ça vaut le coup.
11:10Et en fait, finalement, la prison est prise comme un risque,
11:12comme nous on se dirait, professionnellement,
11:14il y a tel aléa à prendre en compte.
11:16Et eux, dans leur carrière de délinquants,
11:18ils se disent, la prison, c'est un risque,
11:20on le prend en compte, mais on l'accepte,
11:22et il n'y a pas de problème. La casse-prison ne fait pas peur.
11:24Donc si la casse-prison ne fait pas peur,
11:26en tout cas pas à tout le monde, pourquoi la police
11:28ferait peur ? C'est-à-dire que l'enchaînement
11:30garde à vue, comparution immédiate,
11:32mandat de dépôt et maison d'arrêt, et encore,
11:34là j'ai pris la chaîne la plus rapide et ce n'est pas toujours le cas,
11:36si ça, ça ne fait pas peur,
11:38c'est sûr que s'ils voient la police, ils n'ont pas peur.

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