L'ambassadrice du Maroc en France, Samira Sitaïl était l’invitée de #LaGrandeInterview de Thomas Bonnet dans #LaMatinale sur CNEWS, en partenariat avec Europe 1.
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00:00Bonjour Samira Sittail, vous êtes ambassadeur du Maroc en France.
00:04Mardi, le président de la République française a adressé une lettre au roi Mohamed VI du Maroc.
00:09On peut y lire cette phrase, je la cite,
00:11« Le présent et l'avenir du Sahara occidental s'inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine ».
00:17C'est un geste fort, presque historique, même du chef de l'État.
00:20Comment vous avez accueilli cette déclaration ?
00:22Évidemment, Rabah ne peut que se réjouir de cette évolution significative de Paris.
00:29Je vous ai passé à lui, Thomas Bonnet, bonjour.
00:31Oui, bonjour, bien sûr.
00:32Je vous disais que Rabah ne pouvait que se réjouir de cette évolution significative de la position de la France,
00:40en sachant que cette position ne vient pas du néant.
00:43Il y a un plan d'autonomie qui a été présenté par le Maroc depuis 2007,
00:48et la France soutient ce plan d'autonomie.
00:50Ce qui est nouveau aujourd'hui, c'est qu'effectivement,
00:52ce soutien, cet appui de la France à la souveraineté du Maroc sur ses provinces du sud,
01:00d'une part, et puis d'autre part, ce plan d'autonomie considéré dorénavant par la France
01:05comme étant la seule base pour le règlement du différent.
01:10Est-ce que vous vous y attendiez ?
01:12Est-ce que c'est une surprise pour les autorités marocaines, cette prise de position ?
01:16En réalité, je suis tentée de dire non, que ce n'était pas une surprise,
01:21que c'est dans l'ordre des choses, et que c'est en parfaite cohérence avec la position de Paris
01:27aux côtés de Rabah sur ce conflit, depuis, encore une fois, au moins 2007,
01:32c'est-à-dire depuis que le Maroc a posé sur la table de négociation cette proposition d'autonomie.
01:39Et le premier pays qui a salué cette proposition d'autonomie à l'époque, évidemment, c'était la France.
01:45Pourquoi maintenant ? Un mot sur le timing.
01:47On rappelle que ce courrier a été envoyé pour la fête du trône,
01:50les 25 ans de l'intronisation de Mohamed VI. Pourquoi maintenant, alors ?
01:54D'abord, il fallait une occasion pour le faire, et la fête du trône, en effet, en était une.
02:01Et puis, je vous rappelle que c'est un long processus qu'il y a eu avant.
02:05Nous avons commencé à recoconstruire cette relation qui est la nôtre depuis octobre dernier.
02:15C'est l'aboutissement de plusieurs mois de discussions, où nous avons coché toutes les cases,
02:22à commencer par celle de la confiance, et que nous avons posé sur la table un certain nombre de sujets
02:28pour rénover ce partenariat, le partenariat qui est le nôtre, et en faire quelque chose d'exceptionnel,
02:35si vous voulez que nous en parlions.
02:37Bien sûr, on va en parler.
02:38Pour nos téléspectateurs et nos auditeurs d'Europe 1 qui nous écoutent,
02:41rappelons quand même quel est l'enjeu du Sahara occidental.
02:44C'est un territoire disputé.
02:46Comment vous pourriez résumer la situation de ce territoire sur les dernières décennies ?
02:50Ce territoire, d'abord il faut préciser qu'avant que les Espagnols ne le colonisent pendant 91 ans, jusqu'en 1975,
03:01ce territoire était marocain, partie intégrante de l'Empire shérifiat.
03:08Et personne ne peut le contester, encore moins les historiens,
03:12qui constatent évidemment, et encore moins sur le plan juridique,
03:16le lien ancestral entre les tribus habitant dans cette région et le sultan du Maroc.
03:21Et ces liens font que ce Sahara appartenait et était sous souveraineté marocaine.
03:27Depuis il est disputé, il y a le fameux front polisario qui conteste la souveraineté du Maroc justement sur ce territoire.
03:33La milice du polisario, créée en 1973 par le dictateur libyen Muammar Gaddafi,
03:41dans un contexte de guerre froide, dans un contexte où une monarchie,
03:46comme celle du Royaume du Maroc dans cette région du monde, devait être combattue.
03:52Lorsque Muammar Gaddafi revient à le meilleur sentiment, c'est l'Algérie qui prend le relais en 1975
03:59pour pouvoir soutenir, armer, utiliser, tel un marionnettiste,
04:06cette milice du polisario pour défendre ses intérêts contre ceux du Maroc.
04:11On va revenir sur le rôle de l'Algérie dans un instant,
04:13mais un autre passage de la lettre adressée par Emmanuel Macron au roi Mohamed VI,
04:17la France apporte son soutien justement au plan proposé en 2007 par le Maroc.
04:21Est-ce que vous pouvez nous détailler ce qu'il y a dans ce plan ?
04:24Ce plan comprend donc une large autonomie, la décision par les populations locales
04:31qui vont élire leurs représentants.
04:35Les populations locales prennent en main leur destin.
04:40D'ailleurs, elles le font déjà de multiples manières.
04:45Pour caricaturer, mais si nous devions faire une comparaison,
04:50ce serait un peu comme les Landers, d'ailleurs Saint-Majesté Hassane II faisait cette comparaison.
04:56Donc une très large autonomie des 12 grandes régions du Maroc,
05:00y compris celles des provinces du Sud, avec un drapeau et une monnaie commune.
05:05Mais des prérogatives qui resteraient liées, gérées par le Maroc,
05:09sur les questions régaliennes par exemple ?
05:11Sur la question de la politique étrangère, de toute évidence,
05:14mais les affaires internes, les affaires des provinces du Sud
05:20seront gérées par les habitants des provinces du Sud eux-mêmes.
05:24Et c'est toute la force de ce plan d'autonomie.
05:27Je vous rappelle Thomas Bonaille qui, depuis les 23 dernières résolutions des Nations Unies,
05:33considère ce plan d'autonomie comme étant une option crédible et sérieuse pour le règlement de ce dossier.
05:42Si vous permettez, pendant une dizaine d'années,
05:45nous avons testé l'option du référendum entre 1991 et 2001.
05:50Parce qu'il était prévu dans les accords de cessez-le-feu, on le rappelle,
05:52qui ont été signés en 1991.
05:54Et nous n'avons pas réussi à mettre en place, à concrétiser cette option de référendum,
06:00tout simplement parce que nous ne sommes pas mis d'accord sur le corpus électoral.
06:05Les adversaires du Maroc ont mis à l'intérieur de ce corpus électoral
06:10tout un tas de populations qui n'étaient pas originaires des provinces du Sud.
06:14C'est ce qui fait que le corpus électoral n'a pas pu être déterminé, identifié.
06:19Et de l'avis même des Nations unies, le droit international, c'est les Nations unies,
06:25c'est le Conseil de sécurité.
06:27Et de l'avis même des Nations unies, du représentant personnel du secrétaire général des Nations unies,
06:32M. Van Valsum, en 2008, constatait que l'option d'une indépendance était irréalisable
06:40et que l'option d'un référendum également était irréalisable.
06:45C'est vous dire l'importance que revêt aujourd'hui ce plan d'autonomie
06:49pour régler ce différend artificiellement dopé depuis plus de 49 ans.
06:55Vous en parliez, le rôle de l'Algérie dans cette situation.
07:00La décision d'Emmanuel Macron a suscité une crise diplomatique avec l'Algérie
07:03qui a décidé le retrait immédiat de son ambassadeur en France.
07:07Par son geste, la France, dit Ahmed Attaf, le ministre algérien des Affaires étrangères,
07:11défend la légitimité de l'ordre colonial.
07:14Qu'est-ce que vous répondez à cette déclaration ?
07:16J'ai envie de répondre par une question, Thomas Benay.
07:19Pourquoi l'Algérie n'a-t-elle pas rompu ses relations diplomatiques avec les Etats-Unis
07:24ou rappelé son ambassadeur des Etats-Unis lorsque les Etats-Unis ont reconnu la souveraineté du Maroc
07:32sur ces provinces du sud ? Pourquoi ne l'a-t-elle pas fait ?
07:35Je me contenterai de poser juste cette question.
07:38Vous parliez justement des Etats-Unis. Ils ont reconnu en 2020 la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental.
07:43Parmi les raisons qui ont expliqué ce changement de position des Etats-Unis,
07:47il y a les accords d'Abraham qui ont été passés entre le Maroc et l'État d'Israël.
07:51Où en est-on de ce processus de normalisation des relations entre le Maroc et Israël actuellement ?
07:58Écoutez, entendons-nous bien déjà.
08:00La souveraineté du Maroc reconnue par les Etats-Unis et par l'État d'Israël
08:06ne fait pas l'objet d'un deal à partir duquel les accords d'Abraham seraient signés de l'autre côté.
08:12Le Maroc est un pays qui, bien avant les accords d'Abraham, avait déjà établi des relations avec Israël.
08:22Nous les avions rompus au moment de la première intifada.
08:25Nous avons repris ces relations qui, par ailleurs, je vous le signale,
08:30font que nous avons un rapport et une relation extrêmement particulière avec l'État d'Israël.
08:35D'abord parce que nous avons 10% de la population israélienne qui est d'origine marocaine, ce qui n'est pas rien.
08:41Donc ce lien que nous entretenons, il est humain, il est identitaire
08:46et ne tient pas d'un deal qui aurait été passé entre deux Etats.
08:50Ça, c'est une mise au point que je tenne les affaires.
08:53Pour ce qui est de la situation actuellement, excusez-moi, j'ai oublié votre question.
08:57Non, simplement le rôle que peut jouer le Maroc dans la situation au Proche-Orient.
09:02Vous savez, il le joue déjà aujourd'hui lorsqu'il s'est agi au premier jour du ramadan
09:08d'aider les populations palestiniennes en détresse à accéder à une aide humanitaire.
09:14Nous sommes le seul pays que l'État d'Israël a autorisé à acheminer des aides humanitaires par voie terrestre.
09:22A l'époque, plus de 21 tonnes, et je répète encore une fois par voie terrestre,
09:27lorsque les autres pays, y compris les États-Unis, n'étaient pas autorisés à le faire, si ce n'est par voie aérienne.
09:34Nous avons réalisé il y a quelques semaines encore l'envoi d'une seconde aide humanitaire.
09:40Nous avons bien évidemment une relation très particulière également avec le peuple palestinien.
09:47Il s'agit pour nous de soutenir la solution à deux États, ce que fait également la France,
09:53notre partenaire, et la plupart des pays dans le monde.
09:57Les droits inaliénables du peuple palestinien ne sauraient être balayés du revers de la main.
10:03Et en même temps, encore une fois, nous entretenons des relations avec les deux partis
10:09qui nous permettront de manière crédible de nous asseoir à la table de négociation lorsqu'il faudra le faire.
10:17Revenons sur les relations entre la France et le Maroc.
10:21Les deux pays ont eu des relations parfois compliquées.
10:25Il y a eu des affaires qui ont empoisonné ces relations diplomatiques.
10:29Affaire d'espionnage, crise des visas.
10:31Est-ce que vous diriez aujourd'hui que ça va mieux, que les relations sont bonnes entre les deux diplomaties ?
10:37D'abord, on se rend compte que sur le plan de l'espionnage,
10:40lorsque vous avez un État qui s'appuie sur le rapport d'une entité, d'un ensemble de journalistes,
10:50citons-les d'ailleurs Forbidden Stories et une association qui s'appelle Amnesty International,
10:57lorsqu'on se rend compte que des décisions aussi importantes sont prises sur la base d'un rapport
11:04avec des informations fournies par des voies plutôt obscures
11:09et qu'on se rend compte aujourd'hui qu'aucune preuve n'a jamais été apportée sur la possession de cette technologie.
11:16On parle de l'affaire Pegasus.
11:18Bien sûr. Quand on parle d'espionnage, on parle de Pegasus.
11:21Aucune preuve, au jour d'aujourd'hui, n'a jamais été apportée sur l'implication du Maroc
11:27et la possession par le Maroc de cette technologie.
11:30Donc, sachons exactement de quoi nous parlons.
11:33Avec le recul, nos partenaires...
11:35Ça avait quand même créé des petites tensions diplomatiques.
11:37Bien sûr qu'elles ont été créées parce qu'elles ont été dopées artificiellement.
11:42Et aujourd'hui, vous diriez que ça va mieux quand même ?
11:44Non seulement je dirais que ça va mieux, mais je dirais que c'est totalement derrière nous,
11:48qu'encore une fois toutes les cases de la confiance ont été cochées,
11:52que nous nous sommes expliqués sur les malentendus, sur les maladresses.
11:57On s'est parfois un peu même tourné le dos.
12:00Mais encore une fois, cette relation qui est tout simplement irremplaçable
12:05entre le Maroc et la France, qui est très forte parce qu'elle repose sur une amitié,
12:10une fraternité et sur des intérêts communs pour la prospérité de nos deux peuples.
12:16Vous savez, ça ne se limite pas à des chiffres, des pourcentages, des contrats signés ici et là.
12:22C'est vraiment quelque chose de très intense.
12:24Nous avons 1,7 million de Marocains d'origine ou binationaux établis en France,
12:30qu'ils soient de confession musulmane ou qu'ils soient de confession juive.
12:35Et ça, je peux vous dire que ça renforce substantiellement les liens.
12:39Justement, sur la question des visas et de la coopération entre la France et le Maroc,
12:43sur la question migratoire, comment se passe cette coopération en ce moment ?
12:48Alors écoutez, sur la coopération migratoire, nous avons par exemple,
12:53par rapport aux visas, à certaines catégories de visas,
13:00aujourd'hui, la situation est totalement rétablie, rappelez-vous.
13:04Il y a eu un moment d'une crise des visas, ce qu'on appelle la crise des visas.
13:07La situation est aujourd'hui totalement rétablie.
13:10Alors évidemment, les consulats sont un peu débordés en France parce qu'ils sont noyés de demandes,
13:15mais avec mon homologue Christophe Lecourtier, j'ai bon espoir que tout ceci rentre dans l'ordre assez rapidement,
13:23et c'est déjà le cas.
13:24Sur la coopération migratoire, vous savez, il y a tout un tas de sujets extrêmement sensibles.
13:29Je ne vais pas revenir sur les chiffres, je dirais simplement que nous travaillons surtout,
13:35pour ne pas caricaturer cette question, sur le démantèlement de tous ces réseaux
13:42qui font que des individus, souvent en détresse, qu'ils soient sur le territoire africain
13:49ou qu'ils soient un peu plus à l'est, se laissent leurrer par un rêve
13:55qui voudrait qu'ils viennent en Europe.
13:57Alors, nous avons un rôle très important au sud de l'Europe, sur le plan de la sécurité de l'Europe.
14:02Il n'y a pas que la question migratoire, il y a également les questions liées au terrorisme.
14:06Je résumerai ça très rapidement aux questions de sécurité.
14:09On arrive au bout de cette interview, allez-y.
14:10J'entends bien.
14:11Le fait est que la coopération est très importante, qu'elle se développe,
14:14et qu'encore une fois, elles sont basées sur un rapport de confiance très fort entre nos deux pays.
14:20Merci beaucoup, Samira Sita, et l'ambassadeur du Maroc en France.
14:23C'était votre grande interview en direct sur CNews et sur Europe.
14:27Merci.