Tous les jours de la semaine, invités et chroniqueurs sont autour du micro de Pierre de Vilno pour débattre des actualités du jour.
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00:00Je voulais qu'on parle de Roland Dumas, 101 ans, 101 ans de vie et je parle sous votre contrôle, Catherine, à peu près 70 ans en politique.
00:09Ah oui, parce qu'il a été élu en 1956, d'ailleurs comme Giscard, vous voyez, sous la 4ème République, et il est devenu, il a été réélu, voilà, plusieurs fois.
00:21Mais enfin, il avait une particularité, c'est qu'il est passé de Limoges à Brive et puis à Périgueux, parce qu'il était élu et puis jamais réélu,
00:27parce que c'était quand même une politique assez dilettante et il était avocat.
00:31Et sa fidélité à François Mitterrand, qu'il avait toujours eue, a été renforcée du fait qu'il a été l'avocat de François Mitterrand dans l'affaire de l'Observatoire
00:41qui était cette histoire de faux attentats qu'il avait plus ou moins organisé, enfin manigancé,
00:48et qui voulait démontrer à l'époque que si on s'en prenait à sa personne, c'est qu'il était une personnalité de gauche beaucoup plus importante que Mendes France.
00:56C'était ça le dessous de l'histoire. Enfin bref, c'était un tel désaveu, c'était quand on a su que c'était un coup monté qui avait été plié,
01:03mais il aurait pu en mourir, et bien grâce à avoir un bon avocat et puis...
01:10Il a été ministre des Affaires étrangères plusieurs fois.
01:13Il a été, toujours avec François Mitterrand, deux ans de 84 à 86 pour le premier...
01:20Juste avant la cohabitation.
01:22Le premier septéna, et puis ensuite cinq ans sous le second, c'est-à-dire jusqu'en 93.
01:29On aurait dit que François Mitterrand lui aurait proposé Métignon, et qu'il aurait refusé.
01:36En tout cas, on a une archive à vous faire écouter sur justement ce passage de l'histoire de France.
01:41Si la chance m'avait été donnée, et les circonstances aussi, j'aurais aimé. Je ne dis pas que j'aurais réussi.
01:47Mais ça s'est passé dans l'avion qui nous amenait à Moscou.
01:50On était dans l'avion, Mitterrand lisait, et puis on était toujours côte à côte dans l'avion.
01:54Et au bout d'un moment, il m'a dit qu'il voulait que je réfléchisse.
01:57Je réfléchis, préparez-vous.
02:00Préparez-vous à quoi ?
02:02Préparez-vous, on va avoir un nouveau premier ministre, réfléchissez, vous m'en parlerez, etc.
02:07Bon, puis le temps a passé quelques semaines, et puis il m'a reposé la question, j'ai dit...
02:12Et puis alors là, je dois dire que, par rapport à mon vieux copain Bérégovoy, j'ai craqué.
02:17Au-delà de lui dire, écoutez, vous savez, le beau célèbre Jacques Sèvres, le président,
02:21je lui ai dit, merci, je suis sensible à tout ça, mais je pense que la place revient à Pierre Bérégovoy.
02:26Ah bon, très bien, et puis un bonjour.
02:29Il m'a dit, vous feriez un très beau premier ministre, vous avez bien réussi, vous avez pas ce que vous étiez.
02:33Vous avez quand même 20 ans de trop.
02:36Alors je pense qu'il l'a dit à d'autres, mais c'était une façon à la fois d'être aimable et de s'échapper.
02:41Voilà, donc cette...
02:44On devrait faire une amicale de ceux à qui il a dit réfléchissez.
02:48Et tenez-vous prêts, préparez-vous.
02:50Et tenez-vous prêts, il ne s'est rien passé.
02:52Non, mais ça c'était François Mitterrand, mais il empêche, il avait une vraie amitié pour cet avocat,
02:58qui était grand amateur de femmes, aussi comme lui.
03:01Hédard, Hédard.
03:02Oui, oui, parce qu'il avait été l'avocat, l'avocat de...
03:10L'avocat de Picasso, d'Alberto Giacometti.
03:14D'ailleurs, ce qui lui avait quand même valu d'être condamné à 12 mois de prison avec sursis.
03:19Partons au relais judiciaire, Catherine.
03:21Est-ce qu'on peut dire qu'il y a eu l'avant et l'après Affaire Elf, quand même, dans la vie de Roland Dumas ?
03:27Sûrement, personnellement, oui.
03:31Mais son image était déjà, après je crois que ça s'est terminé par...
03:36Un non-lieu ?
03:37Je ne sais plus, je n'ai pas suivi l'affaire, alors là vous me posez une question, je n'ai pas révisé.
03:40En tout cas, il y a eu cette Affaire Elf qui a été importante, avec Christine de Viejoncourt, avec les frégates de Taïwan,
03:48il y a eu énormément de choses qui se sont accumulées dans cette vie de ministre des affaires étrangères,
03:56de président du conseil constitutionnel.
03:58Oui, mais non, mais Roland Dumas, c'était une gueule, c'était un physique, je l'avais vu il y a encore deux ans,
04:05Vous l'avez vu il y a deux ans ?
04:06Oui, il ne tenait pas trop debout, mais intellectuellement...
04:09Je me souviens, j'ai lu, vous aviez raconté votre rencontre avec lui, je crois que c'était dans le journal du dimanche.
04:14Oui, absolument.
04:15Oui, les fameux portraits ?
04:16Oui, mais non, c'était un personnage toujours très séduisant,
04:19et son bonheur, ça avait d'abord été au quai d'Orsay,
04:22et vous voyez, quand on demandait à Maurice Gourdemontail,
04:27qui avait été le Sherpa de Jacques Chirac, qui était un diplomate,
04:32il a dit que le meilleur ministre des affaires étrangères, c'était Roland Dumas,
04:36parce qu'il avait une compréhension des russes, il les voyait beaucoup,
04:40il était ministre au moment de la chute du mur,
04:42donc il était très souvent à Moscou, il voyait Gorbatchev très souvent,
04:46mais son homologue Shevardnadze lui a dit, vous savez, ça ne marchera pas,
04:50il est trop mou, ce n'est pas ce qu'on veut Gorbatchev, ça va très mal finir.
04:54Enfin bref, tout ça pour vous dire que Roland Dumas,
04:58c'est un personnage à la fois de roman, parce qu'il y avait plein de facettes,
05:05il aurait pu être un ténor parce qu'il avait une très belle voix,
05:09il avait chanté à Toulouse un Don Juan il y a quelques années,
05:14donc c'était quelqu'un à mille facettes,
05:16et je crois que le moule est cassé d'un personnage pareil.
05:20C'est ce que j'allais vous dire, est-ce que pourquoi aujourd'hui,
05:23quand une personne comme ça, ministre des années 70-80 décède,
05:29on dit c'était un personnage de roman,
05:32et aujourd'hui quand on a les ministres qu'on a eus tout dernièrement,
05:36récemment, on ne dira jamais de ces gens-là, ça a été un personnage de roman ?
05:39Entre temps, on a changé d'époque,
05:43vous savez c'était tous ces gens, que ce soit Roland Dumas, François Mitterrand,
05:47ils parlaient de femmes parce qu'ils avaient des aventures,
05:50d'ailleurs Roland Dumas m'avait dit que son grand livre de chevet,
05:53ça avait été le livre de Léon Ploum, du mariage,
05:57qui s'appelait du mariage et qui incitait plutôt à la polygamie,
06:00j'ai toujours suivi son principe.
06:02Mais aujourd'hui, ce genre d'attitude, cette liberté,
06:06qui a été peut-être aussi portée à un paroxysme,
06:09alors il y avait ceux qui avaient fait la guerre,
06:11il y a eu des dérives, il y a eu tout ça,
06:13mais aujourd'hui, je veux dire,
06:15d'abord vous êtes suivis de près par les réseaux sociaux,
06:19on peut vous prendre un photo,
06:22je veux dire, on a changé d'époque,
06:25je ne dis pas qu'elle est...
06:27En tous les cas, elle est moins légère,
06:29et on parle de ces choses qui étaient aussi quelquefois
06:32l'agrément de la conversation quand même,
06:34et bien là maintenant c'est terminé, il y a une espèce d'austérité.
06:37Je suis assez d'accord avec Catherine sur une chose,
06:40c'est que par le passé, la politique attirait les meilleurs,
06:43des gens extrêmement cultivés,
06:45des gens qui avaient parfois eu deux, trois vies avant
06:47de s'engager en politique,
06:49et il y avait une forme de sélection naturelle,
06:51parce que c'était les plus brillants qui émergeaient,
06:53qui étaient vraiment au-dessus de la mêlée,
06:55et c'était la période où il y avait encore ce qu'on appelait
06:57les leaders charismatiques.
06:59Mais les électeurs ne sont pas contre d'avoir des gens comme ça aujourd'hui ?
07:01Absolument !
07:02Et aujourd'hui, je vais vous dire une chose,
07:05c'est peut-être pas très encourageant et très optimiste,
07:07mais je trouve que plus les générations passent,
07:10plus elles sont réellement médiocres.
07:11Ma génération est d'une médiocrité absolue.
07:13Je trouve sincèrement...
07:15Allongez-vous Louis Dragnet !
07:17Non mais ce sont des gens qui ont des grandes capacités de travail,
07:21ce sont des gens qui ont des capacités...
07:23Voilà, ils vont très vite,
07:24aujourd'hui ce qu'il faut c'est être endurant,
07:26parce que la vie politique s'est accélérée...
07:28On l'a dit des conseillers de l'Elysée notamment !
07:31Je vous prends deux exemples,
07:33François Mitterrand, tous les lundis après-midi,
07:35sous votre contrôle Catherine, allait jouer au golf.
07:37Non mais lui c'était extraordinaire, donner du temps !
07:39Non mais il l'organisait chaque semaine,
07:43un ou deux dîners, un déjeuner agréable,
07:46plusieurs, et puis le temps aussi de marcher !
07:48C'est ce que dit Anne Lauvergine dans son dernier livre sur Mitterrand,
07:52il disait souvent qu'il faut donner du temps au temps.
07:54Et aujourd'hui ce n'est plus possible !
07:57Alors ça c'est pas lié à ma génération ou à la génération plus jeune,
08:00c'est lié aussi au fait que tout s'est accéléré
08:02avec Internet, avec les communications,
08:04et aujourd'hui un président peut avoir
08:06dix éléments d'agenda dans sa journée,
08:08là où par le passé il en avait un ou deux,
08:10parfois il y avait même des moments,
08:12quand on regarde des agendas, où il y avait des semaines quasiment vierges,
08:15où il réfléchissait, il lisait, il consultait...
08:17Parce que le gouvernement...
08:19Le gouvernement gouverne !
08:20Exactement !
08:21Voilà, c'est comme les chat-docs !
08:23Merci Catherine, et merci Louis de Ragnel,
08:27dans un instant le journal de 20h,
08:29juste après, autre invité politique,
08:31pour l'ERN, à 20h10 dans Europe 1 Soir,
08:33à tout de suite sur Europe 1 !