• il y a 5 mois
Jacques Pessis reçoit Emmanuel Chaunu : dessinateur de presse, caricaturiste, il est l’un des complices de Michel Drucker dans « Vivement dimanche ». Il est au festival d’Avignon avec son premier spectacle, le « Chaunu Show ».

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##LES_CLEFS_D_UNE_VIE-2024-07-02##
Transcription
00:00Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis.
00:03Sud Radio, les clés d'une vie, celle de mon invité.
00:06Croquez les autres et en particulier le monde politique et votre nourriture quotidienne.
00:11Vous dessinez parfois plus vite que votre ombre et pourtant c'est sous le soleil que vous allez vous illustrer cet été.
00:17Bonjour Emmanuel Chaunut.
00:19Bonjour Jacques Pessis.
00:20Alors on vous connaît bien sûr à travers vos dessins, à travers Vivement Dimanche, grâce à Michel Drucker.
00:25Et vous êtes cet été au Festival d'Avignon.
00:27Oui.
00:28Pour un spectacle original, on va en parler.
00:30Mais le principe des clés d'une vie, vous le savez puisque vous connaissez l'émission.
00:33Très bien.
00:34C'est une Bible cette émission.
00:36Je vais rougir.
00:37C'est une Bible.
00:38Qu'on se le dise.
00:39Oui, qu'on se le dise souvent.
00:41Donc on va évoquer votre carrière à travers des dates clés.
00:44Et la première que j'ai trouvée ne vous concerne pas directement mais elle est familiale.
00:47C'est le 11 janvier 1982, une élection prestigieuse.
00:51Écoutez.
00:52Ah le malheur ça peut être...
00:55Le malheur c'est surtout ça.
00:58Ce jour-là, Pierre Chenu, votre père, est élu à l'Académie des Sciences Morales et Politiques.
01:02Oui.
01:03Pour un fils de cheminot, c'était pas mal.
01:05C'était quand même pas mal.
01:06A l'époque, l'ascenseur n'était pas en panne.
01:08L'ascenseur social marchait, oui.
01:10Mais il est même devenu, 11 ans plus tard, président de cette Académie.
01:14Oui, alors je ne sais pas trop parce que moi étant l'idiot de la famille, si vous voulez,
01:17jamais je n'aurai l'habit vert puisque je me suis arrêté à la maternelle pour le dessin.
01:21Mais oui, je crois qu'il était supporté par Raymond Aron.
01:25C'est pas mal.
01:26Oui.
01:27Il vaut mieux avoir tort avec Jean-Paul Sartre que raison avec Aron.
01:32Mais Aron était visionnaire quand même.
01:34Il se trouve que vous avez assisté à cette cérémonie.
01:37Oui, j'ai assisté.
01:38J'étais hyper timide.
01:39J'avais dessiné l'épée, le médaillon de l'épée.
01:43C'était à la Sorbonne.
01:45J'ai dessiné cette épée que j'ai toujours.
01:48Mon père maintenant est au Cieux avec ma mère.
01:50C'était un couple, vraiment.
01:51C'est une rencontre.
01:52Mes parents, c'est un fils de cheminot, Olnay-sous-Bois.
01:55Ma mère, c'était Rue La Fontaine à Paris.
01:57C'est à la Sorbonne.
01:58Ils se sont rencontrés.
01:59Ce n'était pas le même milieu, mais ça a fait boom.
02:02Oui, votre père, Pierre Chaunut, était un historien qui a donné cours à la Sorbonne
02:06et qui était spécialiste en particulier, je crois, de l'histoire sociale et religieuse de l'Ancien Régime.
02:10Oui, c'est un démographe.
02:11Il annonce nos 700 000 naissances en plein baby-boom, ce qui était mal vu à l'époque.
02:16Il ne faut jamais avoir raison trop tôt.
02:18Vous le savez, Jacques.
02:19Oui, exactement.
02:20Il se trouve qu'il a fait son mémoire, je ne sais pas si vous le savez, sur Eugène Su.
02:24Oui, c'est quand même étonnant.
02:26Eugène Su, il faut le rappeler, annonce le réchauffement climatique parce qu'il transpirait beaucoup.
02:30C'est très drôle.
02:31Là, vous vous dites qu'entre le père et le fils, il y a eu quand même une dégénérescence.
02:35Et votre mère est chercheuse, Huguette, je crois.
02:38Oui, elle était chercheuse.
02:39En fait, ma mère a passé sa thèse à mon père.
02:42Mon père a fait une thèse, mais elle était déjà prise.
02:45C'est Séville et l'Atlantique.
02:47Ils sont partis en Espagne pour travailler sur le voyage des Espagnols en Amérique du Sud.
02:55C'est la bande à Bredel, Fernand Bredel.
02:57Et il se trouve qu'ils se sont installés en Normandie.
03:01Oui, je suis né là-bas.
03:03Parce que mon frère est mort.
03:04Moi, j'ai débarqué en Normandie lorsque mon frère est décédé à 16 ans d'une leucémie.
03:09Et mes parents m'ont eu à 43 ans, ce qui explique aussi beaucoup de choses.
03:13Et donc, on m'a dit là-haut, écoutez, est-ce que vous voulez débarquer en Normandie ?
03:16C'est des protestants, ils ne sont pas drôles, donc allez-y.
03:18Et donc, je débarque en Normandie le 7 décembre 1966.
03:21Ma mère a dû perdre les os sur la plage.
03:24Donc, c'est le 80e anniversaire.
03:26Moi, ça me parle tout de suite.
03:27Mais être mère à plus de 40 ans à l'époque, ce n'était pas si courant.
03:31Vous avez vu.
03:32Ce n'est pas la peine.
03:33Je le trouve très désagréable, Jacques.
03:34Là, il est en train de suggérer aux auditeurs que la date de péremption du yaourt est dépassée.
03:40Mais on peut en manger encore.
03:41Non, il n'y a aucun problème de ce côté.
03:42Merci.
03:43Alors, il se trouve que vos parents sont protestants.
03:45Oui, ce n'est pas drôle.
03:46Il y a le temple le dimanche.
03:48Oui.
03:49En fait, j'ai cru que mon père ouvrait le culte en araméen.
03:52Pendant très longtemps, j'ai cru qu'on était juifs.
03:56Il ouvrait le culte en hébreu.
03:57C'est incroyable.
03:58Mon père était pasteur.
04:00Donc, j'avais apostrophe mon père.
04:02Et le dimanche, j'avais la petite maison dans la prairie.
04:05Parce qu'ils ne sont pas très nombreux, les protestants.
04:07Parce qu'ils avaient été dragonnés.
04:09C'est très intéressant.
04:10Parce que quand vous êtes né dans une famille de huguenots, de calvinistes en plus, il n'y
04:15a pas trop d'images au temple.
04:17Donc, si le pasteur n'est pas charismatique, vous décrochez.
04:21Et donc, vous réinventez des images.
04:23Parce que les catholiques, ils ont toujours des statues, des vitraux, etc.
04:27Mais quand vous êtes protestant, il n'y a rien.
04:29Donc, il faut inventer des images.
04:31Je pense que c'est comme ça qu'est née la vocation de dessinateur.
04:34En gros, je m'emmerdais au temple.
04:36Je me disais, qu'est-ce que je vais pouvoir dessiner sur les bancs ?
04:39Vous avez vu, les protestants sont drôles.
04:41On a une immense comique, Léonel Jospin, qui appelle M. Poutou, comment ?
04:45Félix Poutin.
04:46Il a inventé une nouvelle marque.
04:48Félix Poutou.
04:49On y revient.
04:50Vous avez vu, ils sont drôles, les protestants.
04:52Couvre-de-murs, vinyles.
04:53C'est des grands comiques.
04:54Michel Rocard, comme ça.
04:55C'est formidable.
04:56Moi, je suis un peu une anomalie.
04:57Mais c'est parce que mes parents m'ont eu à 43 ans.
04:59En même temps, vous êtes une bonne anomalie à en juger par tout ce qu'on va raconter tout à l'heure.
05:04Votre mère, elle était chercheuse, mais elle s'occupait aussi beaucoup de choses à la maison.
05:07Elle faisait tout à la maison.
05:08Elle faisait tout.
05:09En fait, c'est la structure porteuse de l'édifice chaunut.
05:12C'est une toute petite dame, incroyable.
05:17Elle mesurait 1m20, mais c'est la nef de la cathédrale de Beauvais.
05:22Ça tient tout.
05:23Vous enlevez une pierre, tout s'effondre.
05:25Elle faisait tout.
05:26Elle relisait les livres de mon père.
05:28Elle tapait aussi à la machine sur des jappis.
05:30Je me souviens, moi, l'été.
05:33En même temps, elle pilotait le Boeing.
05:35Il y avait quand même 5 enfants, etc.
05:36C'est incroyable.
05:37Cette femme-là, elle est extraordinaire.
05:39Vous avez découvert à travers elle le pouvoir des femmes.
05:41Oui.
05:42Bien entendu.
05:43J'ai deux soeurs qui sont médecins en hôpital.
05:46Une qui était à la salpêtrière.
05:48J'ai véritablement vu que nous ne sommes rien, nous, les mecs.
05:53On nous donne la dissolution.
05:57On fait boum, boum, etc.
05:58Mais c'est quand même les femmes qui commandent.
06:00Même si elles ne sont pas bien mises en valeur.
06:02Chez moi, c'était le cas.
06:04C'est une société de femmes.
06:06En même temps, il y avait dans la maison quelque chose de très important
06:10et qui vous échappait parfois.
06:12C'est la bibliothèque familiale avec des livres et des thèses dans tous les sens.
06:15Oui.
06:16Un livre, pour moi, c'est une brique.
06:18Je suis revenu à Lascaux.
06:21Les Sumériens m'ont causé beaucoup de tort.
06:24J'avais des livres partout.
06:26Je n'avais pas une chambre d'enfants.
06:28C'était la bibliothèque nationale.
06:30Il y avait toutes les thèses.
06:32Par exemple, les gencives de cochon au XVIIe siècle en pays bigoudin.
06:35Mon père stockait toutes ces thèses qu'il recevait.
06:37Des thèses de partout.
06:39La Vendée, les machins.
06:40Moi, je dormais.
06:41Heureusement, la Normandie aurait été en zone sismique.
06:45Je mourrais sous des tonnes de thèses.
06:48Ça ne m'aurait pas rendu plus intelligent.
06:50Ne vous diminuez pas, s'il vous plaît.
06:52J'aime me diminuer, vous le savez.
06:54Vos lectures favorites à l'époque, c'est Spirou, Tintin et Pilot.
06:58Mon esprit gérondin vient de là.
07:00Je découvre que l'Ours...
07:02Jacques, vous qui êtes un homme de presse.
07:04L'Ours, c'est-à-dire l'endroit où est notée l'adresse, le rédacteur.
07:08Je me rends compte que l'Ours de Spirou,
07:11ce n'est pas à Paris, ce n'est pas à Bruxelles.
07:14C'est à Marcinelle.
07:15Je vais voir ma mère.
07:16Je lui dis, maman, qu'est-ce que c'est que Marcinelle ?
07:18Elle me dit, c'est dans la banlieue de Charleroi.
07:20Je me suis dit, c'est formidable, c'est belge.
07:22Ils ont un journal qui rayonne partout.
07:25Et en même temps, ils ne l'ont pas mis à Paris ou à Bruxelles.
07:27Ils l'ont mis dans un truc, dans la banlieue de Charleroi.
07:29Et ça, c'est mon côté gérondin.
07:31J'en ai marre qu'on soit tous dans des grandes capitales.
07:35C'est certainement que ma conscience gérondine à la Charlotte Corday
07:39est née de Marcinelle, Spirou.
07:42Marcinelle, une fois, il y a Spirou, mais il n'y a rien d'autre.
07:46Ne soyez pas désagréable.
07:47Deuxième coup que vous me faites.
07:49Pour votre information, il y a le couvre-feu à minuit.
07:52Surtout, ma mère m'avait dit, il y a eu un énorme accident.
07:55C'est le fameux accident, le coup de grisou.
07:57Exactement.
07:58Et qui a été la première émission de radio caritative avec Pierre Belmar
08:02dans Vous êtes formidable.
08:04Ils ont aidé à faire ce coup de grisou.
08:06Parce que c'est un drame, absolu, oui.
08:07La radio aussi a été importante dans votre jeunesse, Emmanuel Chonu.
08:11Alors oui, j'ai fait de la radio, mais j'ai tout fait.
08:13Vous écoutiez la radio, enfin.
08:14Oui, j'écoutais.
08:15Mon père écoutait France Inter.
08:17Il se rasait en écoutant France Inter.
08:19Et moi, la nuit, j'écoutais Max Meunier avec le décrochage avec Billy.
08:24Vous savez, RLC, parce qu'à l'époque, il n'y avait pas l'AFM.
08:26Et je trouvais que ce type était extraordinaire.
08:29Il y avait un lien avec le monde de la route.
08:31Et quand vous êtes gamin au milieu des thèses et des trucs dans votre lit, etc.
08:35Max Meunier, ça vous faisait rêver.
08:36Avec Bonjour Max, j'ai un problème.
08:38J'ai coulé une bielle au niveau de Beaune et tout.
08:41Et ce truc de solidarité.
08:42Ça, pour moi, les radios périphériques de l'époque, c'est des grands moments.
08:46Ça m'a structuré.
08:47Et puis, il y a un dessin qui vous a marqué.
08:49Je crois que c'est le déclic de votre métier.
08:51C'est Emmanuel Chenu.
08:52C'est Mitterrand en Toréador et Georges Marché en Taureau.
08:55Si vous le retrouvez, celui-là, je lance un appel.
08:57J'étais dans la...
08:58C'est vraiment...
08:59J'ai vu la Vierge.
09:00Vous savez, c'est comme la grotte de Bernalette de Soubirous.
09:02C'était un dimanche.
09:04J'étais dans la cuisine.
09:05La cuisine, c'était la Confédération Helvétique.
09:07Il y avait des carlettes partout, astiquées.
09:09On entendait...
09:10Vous savez, c'est dimanche où il ne se passe rien.
09:13Ils avaient sorti du placard, certainement pour éplucher les trucs pour la soupe,
09:16un Figaro.
09:17Et j'ai eu le choc.
09:18Je me rappelle de ce dessin de Mitterrand avec Marché qui était animalisé.
09:22Je me suis dit, mais ça, je veux faire ce métier.
09:25Je veux faire un dessin au milieu d'un environnement de choses sérieuses.
09:29Car tous les titres autour, je ne comprenais rien.
09:31Mais qui avait autorisé ce gars à faire ce dessin ?
09:35J'imaginais qu'il avait dû le faire à la sortie de l'imprimerie.
09:38Je fais ça.
09:39Et donc, ça a été la révélation.
09:40Et d'ailleurs, je crois en plus que vos parents ont entendu ça,
09:43ils n'ont pas vraiment apprécié.
09:45Non, ils voulaient le dessin.
09:47Ce n'était pas un problème.
09:48Non, c'était la comédie qui était un problème.
09:50Le dessin, vous fabriquez quelque chose.
09:52Je pense qu'ils n'auraient pas aimé que je sois comédien.
09:55Ils n'auraient pas aimé.
09:57Ils étaient plutôt sur le dessin.
09:59Vous voyez, c'est très protestant, ça.
10:01On fabrique quelque chose, donc ça va.
10:03On n'utilise pas son corps.
10:04Par contre, on fabrique quelque chose.
10:06Il y a eu un autre déclic lorsque vous êtes allé, je crois, à 7 ans,
10:09Emmanuel Chenu, au cimetière américain.
10:11Ah oui.
10:12Mon père m'emmène au cimetière américain de Colville
10:15et il me dit, je vais te montrer pourquoi les Alliés,
10:17ils ont gagné la guerre.
10:18Alors, les Alliés, il ne disait pas les Américains,
10:20il disait les Alliés.
10:21Et en fait, il y avait effectivement, et moi qui étais déjà
10:23un illustrateur dans l'âme,
10:25je voyais ces croix.
10:26Et puis, tout d'un coup, il y avait dans l'alignement
10:28une étoile de David.
10:29On passait de Connors à Cohen.
10:32Et puis, ces petits cailloux,
10:34dans cet alignement, sur ce drap vert
10:37qui surplombe la mer,
10:39il y avait ces petits cailloux
10:41sur les étoiles de David.
10:43Et pour lui, ça voulait dire, regarde,
10:45l'Amérique a gagné la guerre parce qu'il n'y a pas de carré
10:48entre les chrétiens et les juifs.
10:51Et pour vous, ça a été aussi un déclic ?
10:53Pour moi, je suis né sur les plages de Normandie.
10:56Donc, on rejouait la guerre.
10:59Je suis né en 1966.
11:01Mes premières vacances, c'est 1967.
11:03C'est mon pays, les plages de débarquement.
11:06Donc, il y a des statues partout, des tanks partout.
11:08Il y avait encore un tank, un Sherman,
11:11qui était perdu dans une espèce de jardin.
11:14Il avait dû tomber en panne en 1944.
11:16Visiblement, la dépanneuse n'était pas venue.
11:19Donc, mon père était né à Verdun.
11:21Moi, je suis né en Normandie.
11:23C'est une tradition familiale.
11:24On est sur les champs de bataille.
11:25Voilà. Autre bataille que vous avez menée.
11:27On va en parler à travers une autre date,
11:29le 12 avril 1988.
11:31A tout de suite sur Sud Radio avec Emmanuel Chaunut.
11:34Sud Radio, les clés d'une vie. Jacques Pessis.
11:36Sud Radio, les clés d'une vie.
11:38Mon invité Emmanuel Chaunut.
11:40Dessinateur, caricaturiste.
11:42On vous voit dans Vivement Dimanche
11:44avec le cher Michel Drucker.
11:45On va évoquer tout à l'heure votre spectacle à Avignon,
11:48vos débuts à Avignon.
11:49Et là, on revient à votre parcours.
11:51Et j'ai trouvé une date dans votre parcours.
11:53Le 12 avril 1988.
11:55C'est votre première télé où vous n'êtes pas là.
11:58On présente un livre de dessin,
12:00Un Chameau pour Deux.
12:02Et on en dit beaucoup de bien.
12:04C'est une émission normandissoire.
12:06Oui. Vous avez retrouvé des trucs
12:08carrément archéologiques.
12:10Je me souviens de ce livre.
12:12Vous vous rappelez comment je vendais mes livres.
12:14J'étais un peu un bonimenteur.
12:16Et un jour, je crois que c'est au salon du livre,
12:18je crie Un Chameau pour Deux.
12:20Deux bosses pour vous porter bonheur.
12:22Et à ce moment-là, un monsieur
12:24au bras de sa femme arrive et c'était un bossu.
12:26Et j'étais très gêné.
12:28Avec moi, il vaut mieux se taire.
12:30Il vaut mieux dessiner et tais-toi.
12:32Dessine et tais-toi.
12:34De ce livre, on en dit beaucoup de bien.
12:36Je crois que c'est à l'heure
12:38de l'élection présidentielle.
12:40Oui, parce que c'était la première fois
12:42qu'il y avait la cohabitation.
12:44Tout ce qui était en duo, les tandems.
12:46Je me disais qu'il y avait une traversée du désert.
12:48C'était prémonitoire
12:50parce que Barr avait dit à Chirac
12:52de n'y aller pas.
12:54Et après cette cohabitation,
12:56il a fait sa traversée du désert.
12:58Et en France, pour finalement
13:00être élu, il faut qu'on ait une défaite
13:02de 40 pour après.
13:04Vous avez vu les Français ? Giscard, c'était trop parfait.
13:06Macron, c'est trop parfait.
13:08Il faut se prendre une grosse gamelle
13:10pour être élu après. Les Français, ils aiment bien ça.
13:12Ils aiment les poulidors, les Français.
13:14Ils n'aiment pas les Antilles.
13:16Quand on regarde cette émission et le commentaire,
13:18on dit qu'on parle d'Emmanuel Chenu
13:20qu'on ne présente plus.
13:22J'étais même pas né qu'on ne me présentait plus.
13:24C'est terrible.
13:26Vous avez débuté à 17 ans avec des dessins
13:28sur la Nouvelle-Calédonie.
13:30Oui, parce que je voulais être esclave
13:32du dessin.
13:34C'était déjà l'affaire calédonienne.
13:36Il y avait Pisani, il y avait Rocard.
13:38Il y avait cette forme de biface.
13:40La Nouvelle-Calédonie,
13:42c'est un bout de lance.
13:44A chaque fois, ça nous revient dans les tutes.
13:46Je me suis dit, je veux faire ce métier.
13:48Je veux m'astreindre
13:50à ça tous les jours.
13:52Je crois que Fesand avait dit,
13:54Emmanuel, tu te trompes.
13:56La chute par le texte,
13:58ne la mets pas à gauche, mais à droite.
14:00Parce que j'inversais les bulles.
14:02J'étais un gamin, je dessinais comme un pied.
14:04C'était quand même mon maître, Fesand.
14:06Vous aviez appris à dessiner ?
14:08On n'apprend pas à dessiner.
14:10C'est un don.
14:12Soit on travaille, soit on ne travaille pas.
14:14Vous avez travaillé ?
14:16Oui, comme l'agriculture.
14:18Vous pouvez avoir un champ avec une terre fertile
14:20et si vous ne le cultivez pas,
14:22rien ne pousse.
14:24Il se trouve qu'effectivement, Jacques Fesand,
14:26qui a été au Figaro pendant des décennies,
14:28est votre maître, mais il y a quelqu'un aussi
14:30qui a compté dans votre vie. Écoutez sa voix.
14:32Qu'est-ce que vous voulez que je fasse ?
14:34Des dessins à la peinée, par exemple,
14:36avec des personnages politiques, ça ne marchera pas.
14:38Le cher Cabu, qui travaillait sur un bureau,
14:40je me souviens, avec des journaux partout par terre,
14:42pas classés.
14:44La première rencontre avec Cabu,
14:46c'est Hermanville-sur-Mer.
14:48J'ai trouvé une maison pour écrire ses bouquins.
14:50Dans la bibliothèque,
14:52je découvre le Grand-du-Duche.
14:54Il est dédicacé par Cabu
14:56qui, jeune dessinateur,
14:58peut-être encore à Châlons,
15:00en Champagne,
15:02était venu dans cette maison passer un été.
15:04C'est extraordinaire
15:06de voir ce Grand-du-Duche
15:08qui est 68.
15:10C'est l'histoire de 68.
15:12Et de se dire que cet homme
15:14va entrer dans l'histoire, malheureusement.
15:16C'était le patron du café
15:18où il se rendait tous les matins
15:20pour aller à l'école.
15:22J'ai une grande chance,
15:24dans ce pays de Girondins et pas de Jacobins,
15:26j'ai la chance de dessiner pour l'Union.
15:28L'Union, c'est le premier
15:30journal, l'Union de Reims,
15:32qui a vu naître Cabu.
15:34Il se trouve aussi
15:36qu'il y a eu au départ un concours,
15:38un tour du monde, je crois.
15:40Oui, écoutez-moi, je suis un anxieux total
15:42qui déteste l'avion.
15:44Une amie me dit
15:46c'est les 20 ans de la BNP,
15:48il faut faire un concours.
15:50Je fais un dessin et ce dessin,
15:52c'était déjà inspiration d'actualité.
15:54Des gens avaient laissé
15:56une personne âgée sur une planète
15:58avec un scaphandre, c'était le grand-père,
16:00pour pouvoir partir en vacances à Saturne.
16:02En gros, ils abandonnaient le vieux
16:04comme on abandonne un chien sur la Nationale 7.
16:06Jacques Chancel était dans le jury
16:08et donc j'ai gagné.
16:10Je me suis retrouvé pendant un mois à faire le tour du monde
16:12des BNP.
16:14C'est bien et en même temps, visiter
16:16toutes les BNP de Hong Kong
16:18en passant par Hawaï, etc.
16:20Je ne suis pas devenu blanquier,
16:22par rapport à notre Emmanuel,
16:24mais ça a été un moment incroyable,
16:26notamment cette tornade au-dessus
16:28de Hong Kong.
16:30Vous savez, Banzai avec Coluche, c'était ça.
16:32À l'époque, l'aéroport de Hong Kong,
16:34vous aviez des gens qui étendaient
16:36le linge au bout de l'aile de l'avion quand on atterrissait.
16:38Ça rappelait quand j'arrivais à Saint-Lazare,
16:40le Valois-Péret.
16:42Mais là, c'était un avion.
16:44Maintenant, l'aéroport de Hong Kong est à l'extérieur.
16:46Mais c'est bien vu dans Banzai.
16:48Il se trouve aussi que vous avez débuté
16:50non sans mal,
16:52parce qu'il fallait trouver des piges. C'était pas évident.
16:54Tout le temps.
16:56C'est La Manche Libre.
16:58C'est un grand journal qui est dans La Manche,
17:00à Saint-Lô, ville martyr.
17:02Cette histoire est extraordinaire.
17:04C'était les JJSS
17:06et François Giraud
17:08en région.
17:10C'était un couple de résistants
17:12qui tenaient ce journal.
17:14Ils vous recevaient le bureau
17:16côte-à-côte, monsieur et madame.
17:18Monsieur Leclerc me dit,
17:20Monsieur Chonu, quel intérêt auriez-vous
17:22à collaborer à un aussi petit journal que le nôtre ?
17:24Et là, je n'ai pas répondu façon Jacobin.
17:26Je ne lui ai pas dit, écoutez monsieur, c'est très bien pour faire ses classes.
17:28J'avais vu sur la une du journal
17:30La Manche Libre,
17:32première hebdomadaire régionale de France.
17:34Et je réponds comme ça à monsieur Leclerc,
17:36mais pas du tout monsieur.
17:38Vous êtes le premier hebdomadaire.
17:40Et donc ça a duré des années.
17:42La Manche Libre, c'est mes premiers pas.
17:44Et c'est ce contact avec les gens,
17:46parce que c'est un journal exceptionnel,
17:48de qualité.
17:50C'est pas la France des bobos, si vous voulez.
17:52C'est vraiment la France que j'aime bien, moi.
17:54C'est l'un des rares journaux qui a encore sa radio et son imprimo.
17:56Et totalement indépendant.
17:58Racheté par personne.
18:00Mais c'est l'esprit de La Manche, vous savez.
18:02Quand vous allez dans La Manche, il y a cette particularité.
18:04C'est un magnifique département
18:06de Cherbourg à Avranches.
18:08C'est un peu comme la Vendée.
18:10Je dirais que c'est la Vendée des Normands.
18:12Il y a La Manche,
18:14et puis il y a le bras long du directeur de West France.
18:16Qui vous repère aussi dans un concours.
18:18Il me repère grâce au directeur
18:20du mémorial de Caen,
18:22Stéphane Grimaldi.
18:24Il a fait un très beau discours
18:26contre la peine de mort,
18:28lui qui était catholique, devant des jeunes, au mémorial.
18:30Et donc je dessinais en direct.
18:32Ça c'est ma spécialité, dessiner en direct.
18:34C'est pour ça que je monte sur scène maintenant.
18:36Et c'est M. Hutin.
18:38C'était l'un des derniers
18:40directeurs de journal
18:42et en même temps
18:44patron de presse et journaliste.
18:46Ça c'est rarissime aujourd'hui.
18:48Le premier quotidien de France.
18:50Et c'est au mémorial de Caen
18:52qu'il m'a repéré
18:54et il me dit, M. Chouinus,
18:56il n'y avait pas de dessin dans West France,
18:58est-ce que ça vous intéresserait ?
19:00Est-ce que ça vous intéresserait ?
19:02Je me suis dit, bien entendu, West France.
19:04Alors bien entendu, ça m'a coûté ma place
19:06à la Manche libre, mais je montais en puissance
19:08sans quitter mon Ouest natal.
19:10C'est-à-dire,
19:12toujours cet esprit girondin.
19:14On peut rayonner en n'étant pas obligé
19:16de monter à la capitale.
19:18Et pour votre information, vous le savez sans doute,
19:20West France, le premier numéro, est paru
19:22le 17 juin 1944, avec comme titre
19:24« Rennes accueille avec enthousiasme les libérateurs
19:26le jour où de Gaulle est entrée dans Rennes ».
19:28Ah oui, parce que la Normandie,
19:30c'est finalement, de Gaulle lui tourne le dos,
19:32il n'aime pas ce débarquement
19:34en Normandie, et donc par contre,
19:36il va mettre le paquet sur la Bretagne
19:38parce que la Bretagne est libérée
19:40par les gaullistes. Et souvenez-vous,
19:42le premier voyage
19:44pour le fameux référendum,
19:46où il partira, il pose l'avion,
19:48je crois que c'est à Quimper,
19:50il a un attachement à la Bretagne, et la Bretagne,
19:52vous le savez, parce que sa famille
19:54s'est réfugiée à un moment donné là-bas.
19:56Il avait un vrai attachement à la Bretagne,
19:58à la Normandie, un peu moins.
20:00Oui, mais en tout cas, vous, la Normandie,
20:02il y a un véritable attachement, puisque vous pourriez aller
20:04dans la presse parisienne, vous préférez,
20:06et vous continuez à préférer, la presse locale.
20:08Alors écoutez, je pense que
20:10aujourd'hui, la presse locale
20:12est plus lue que la presse parisienne.
20:14Oui.
20:16Finalement, j'étais un peu un loser,
20:18et donc finalement, les losers, à un moment donné,
20:20gagnent toujours dans l'histoire, vous savez.
20:22C'est la vache et le prisonnier, cher Jacques.
20:24Il faut toujours se trimballer avec une vache.
20:26Pas besoin de s'habiller en officier
20:28pour passer les barrages, il faut avoir une vache
20:30et avoir une tête un peu niaise, comme moi,
20:32et vous passez, vous avancez.
20:34Vous avancez lentement, mais vous avancez.
20:36Et en même temps, le lecteur est là,
20:38il est à proximité.
20:40Oui, et puis moi, je vis au bord de la mer,
20:42il faut que je puisse voir en même temps des villes,
20:44mais il faut que je vois la campagne,
20:46il faut que je vois la terre.
20:48J'ai vraiment beaucoup de mal avec Paris.
20:50C'est une belle ville, Paris. Enfin, qu'est-ce qu'on est bien au bord de la mer ?
20:52Vous revenez de temps en temps et on va en parler avec une autre date,
20:54le 30 janvier 2022.
20:56A tout de suite sur Sud Radio, avec Emmanuel Chaunut.
20:58Sud Radio,
21:00les clés d'une vie. Jacques Pessis.
21:02Sud Radio, les clés d'une vie.
21:04Mon invité Emmanuel Chaunut.
21:06On a évoqué vos débuts
21:08dans la presse comme caricaturiste.
21:10On va évoquer tout à l'heure vos
21:12débuts au Festival d'Avignon.
21:14En ce moment, depuis quelques jours,
21:16avec un spectacle tout à fait étonnant.
21:18Et puis, si je parle du 30 janvier 2022,
21:20c'est le jour de vos débuts
21:22dans cette émission.
21:28Le canapé rouge de Michel Drucker.
21:30Quel flair, ce Michel.
21:32Il est normand, d'ailleurs, comme vous.
21:34Oui, Michel est normand.
21:36Il est né à Vire.
21:38Son père est dénoncé.
21:40Ils seront cachés, vous le savez,
21:42Jacques, en Bretagne, par les Lelets.
21:44Exactement.
21:46Michel a un attachement à toutes les régions,
21:48comme on dit. Et surtout,
21:50il ne parle pas beaucoup,
21:52mais il observe. Il a le flair
21:54des chiens qu'il aime.
21:56Il me dit, Emmanuel, tu vas remettre
21:58des dessins. Ça n'intéresse personne.
22:00Il avait compris que je pouvais faire sourire,
22:02mais qu'il y avait de l'émotion aussi
22:04dans les dessins. Et si vous regardez bien,
22:06dans cette émission, son idée
22:08de remettre des dessins et de raconter une vie
22:10par le dessin,
22:12ça génère
22:14parfois des moments
22:16de grande émotion.
22:18C'est son côté slave
22:20qui fait qu'il ressent ce genre
22:22de choses. Et avec très peu de mots.
22:24Il m'a mis sur...
22:26Il vous met sur le vélo et pédale, mon vas-y.
22:28Et comment il vous a repéré, Michel Drucker ?
22:30Il m'a repéré à Ouest-France.
22:32Puis après,
22:34il m'a repéré
22:36à Vire. On se connaît depuis longtemps.
22:38J'ai fait une première
22:40saison, je faisais du dessin
22:42en direct, du temps de coffre.
22:44Et puis, Michel, c'est le temps long.
22:46Quand il a une idée,
22:48ça mûrit, etc.
22:50Et donc, moi,
22:52je ne pensais pas...
22:54Comment dirais-je ?
22:56Je ne pensais pas avoir cette qualité de pouvoir
22:58faire ce qu'il ne me l'a pas demandé.
23:00Vous savez, il vous met
23:02comme ça sur le canapé rouge
23:04et ça a pris, ça a fonctionné.
23:06Ce qui est étonnant, c'est que la première émission,
23:08qui est l'invité ? Gérard Ledormand.
23:10C'est étonnant.
23:12Oui, qui est né d'un père allemand
23:14et d'une mère normande
23:16et qui va naître
23:18à Benouville.
23:20Et qui est élevé à Turqueville, près de Sainte-Pierre-l'Église.
23:22Oui, et qui va naître à côté du pont,
23:24le pont du jour le plus long.
23:26C'est un pont décisif.
23:28C'est tout petit comme pont.
23:30Vous perdez ce pont, vous n'arrivez pas à prendre ce pont,
23:32tout est à refaire.
23:34Alors, il se trouve aussi que
23:36faire de la télévision,
23:38c'est pas comme dans la presse quotidienne,
23:40il ne faut pas blesser l'invité, c'est un problème.
23:42Non, parce que moi j'ai une éducation,
23:44vraiment,
23:46j'avais vraiment cette fonction de ne pas ajouter
23:48de la peine à la peine.
23:50Dans ma famille.
23:52Donc ça, ça ne me gêne pas.
23:54Je n'aime pas forcément la caricature
23:56qui est de l'outrance,
23:58on a vu ce que ça peut donner.
24:00C'est presque plus facile d'ailleurs que l'autre.
24:02Oui, mais c'est courageux.
24:04Dans les deux cas,
24:06c'est bon.
24:08C'est vrai que la caricature,
24:10vous savez,
24:12le grand problème,
24:14c'est que pas de caricature sans culture.
24:16La caricature,
24:18elle s'adosse à la pensée complexe.
24:20Vous avez des caricatures innommables,
24:22bêtes, stupides,
24:24parce que là, le génie de la caricature,
24:26c'est
24:28d'être adossé
24:30à la culture,
24:32à l'information, à l'intelligence.
24:34On autorise des gens à faire des caricatures
24:36au milieu de quelque chose
24:38qui doit donner
24:40la vérité, ou en tout cas une ligne
24:42de vérité.
24:44Et c'est pour ça d'ailleurs que dans La Cuisine, ce fameux dimanche,
24:46je voulais faire ça.
24:48Je ne voulais pas être dans Spirou.
24:50Je ne voulais pas être dans Mickey.
24:52Je ne voulais pas être dans le canard enchaîné.
24:54Je voulais être le gars qui fait le dessin
24:56au milieu des gens sérieux. Ça, ça me plaisait.
24:58Et d'ailleurs, la télé, ça a commencé en Normandie,
25:00je crois, à quand, à France 3,
25:02quand vous commentiez la qualité ?
25:04J'ai tombé sur un directeur qui s'appelait Dominique Delhomme.
25:06Il me dit, tu vas dessiner tous les jours.
25:08C'est ça qu'en fait, j'aime.
25:10Jouer tous les jours à Avignon, ça me plaît.
25:12Moi, je suis un chansonnier.
25:14Vous le savez, Jacques.
25:16Vous n'aimez que ça aussi.
25:20Nous sommes des surfeurs.
25:22La vague, c'est l'actualité.
25:24En plus, moi, j'ai une planche à dessin pour surfer.
25:26En même temps,
25:28ça vous a formé parce que tous les soirs à la télévision,
25:30il y avait le dessin de Chenu
25:32et ensuite, la chronique de Chenu.
25:34Je voulais être comédien au départ, vous le savez.
25:36Mon père m'avait envoyé voir Henri Verneuil.
25:38Ils avaient dû négocier entre eux.
25:40Il avait dû lui dire,
25:42Henri, faites en sorte qu'il ne soit pas acteur.
25:46Je vais voir Henri Verneuil,
25:48il me dit, ne faites pas ce métier,
25:50c'est un métier de chien, etc.
25:52Je me suis juré qu'il fallait que je réconcilie
25:54les deux personnages que j'avais en moi.
25:56Vous l'avez vu souvent, Jacques,
25:58sur le terrain.
26:00Ce type qui fait du dessin
26:02comme Cabu chez Dorothée
26:04et en même temps, qui raconte une histoire.
26:06Il fallait réconcilier ces deux personnages.
26:08C'était quand même ça l'idée au départ.
26:10En même temps, vous étiez timide au départ.
26:12Terriblement timide.
26:14C'est très pratique de se cacher derrière un crayon.
26:16En même temps, on prend des risques
26:18parce qu'on peut aussi mal interpréter l'actualité.
26:20De plus en plus, aujourd'hui,
26:22tout le monde est offensé.
26:24C'est la Samaritaine de l'offense.
26:26Chacun arrive avec son truc
26:28en bandoulière.
26:30La caricature, c'est terrifiant.
26:32Tous les pamphlétaires
26:34aujourd'hui ont des soucis
26:36parce que vous enfoncez toujours quelqu'un.
26:38Oui, mais vous avez été libre.
26:40Heureusement, le bossu
26:42du Herschamot pour deux était sourd.
26:44Il a eu du bol.
26:46Vous avez vu quelques fois des gens...
26:48Il y en a eu très peu.
26:50On a toujours des gens qui...
26:52Très drôle, vous dessinez quelqu'un
26:54de totalement... Vous savez que dans les dessins,
26:56vous avez la foule.
26:58Vous avez les dix commandements.
27:00Vous avez toujours quelqu'un
27:02qui se reconnaît alors que j'ai dessiné un kidam.
27:04On m'avait dessiné...
27:06Alors qu'en fait,
27:08c'était un personnage
27:10qui n'était pas identifié.
27:12C'est extraordinaire.
27:14Ça a demandé des années de travail.
27:16Vous avez beaucoup cherché.
27:18Non, c'est pas que je travaille beaucoup.
27:20C'est une passion.
27:22A l'école, au début, on vous disait
27:24qu'on est tout le temps en mission
27:26quand on dessine.
27:28On dessine parce que c'est quelque chose
27:30où on ne s'en rend pas compte.
27:32Les copains vous disent
27:34que vous devriez dessiner le prof.
27:36C'est comme ça que ça se passe.
27:38Vous dessinez et ça devient une espèce de magie.
27:40Vous ne pouvez plus vous en passer.
27:42Parmi les causes que vous défendez,
27:44il y a les droits de l'homme.
27:46C'est très important pour vous.
27:48Je dessine pour le concours international.
27:50Non, je suis contre les droits de l'homme.
27:52J'admire beaucoup les dictateurs.
27:54Je préfère le dire tout de suite.
27:56C'est totalement dépassé, les droits de l'homme.
27:58C'est un truc tarte à la crème.
28:00Je suis totalement pour Franco, pour Mussolini,
28:02pour Staline.
28:04Je vous explique.
28:06Le mémorial de Caen, c'est extraordinaire.
28:08Il y a un concours de plaidoiries avec des avocats.
28:10Je dessine en direct.
28:12Le thème, c'est les droits de l'homme.
28:14Comme il y a toujours eu des caricatures.
28:16Regardez Daumier.
28:18Il y a encore des dessinateurs dans les prétoires.
28:20C'est le seul endroit où on peut avoir des...
28:22Quand un procès a lieu, il y a le dessinateur.
28:24Il y a le dessinateur, puisqu'il n'y a pas de photo.
28:26Un Dupont-Moretti,
28:28c'est un personnage qu'on dessine.
28:30Je l'ai vu avant qu'il soit ministre.
28:32J'ai vu tous les grands avocats de l'époque
28:34qui, au mémorial de Caen,
28:36venaient dans ce concours.
28:38Le concours de plaidoiries,
28:40c'est un peu là où j'ai pu rencontrer,
28:42de Caen,
28:44des gens qui arrivaient de Paris.
28:46Oui, c'est vrai.
28:48Le dessin en direct,
28:50lors d'un concours de plaidoiries,
28:52surtout un dimanche matin,
28:54avec tous les gens très collés-montés,
28:56quand vous avez des scènes de torture en Syrie,
28:58et que les gens vont manger le gigot,
29:00et que vous faites des dessins épouvantables
29:02que je n'aurais jamais pu faire à la maison.
29:04Là, c'est très drôle,
29:06parce que le bourgeois qui a Télérama sous la main,
29:08il devient un peu vert,
29:10avec ce côté...
29:12Oh, mon Dieu, quelle horreur !
29:14Qu'est-ce qu'on s'en canaille avec les droits de l'homme ?
29:16Mais ces concours de plaidoiries,
29:18au Muriel de Caen, sont d'autant plus importants,
29:20qu'il y a eu à Avranches, je crois, un concours de plaidoiries
29:22pour les lycéens.
29:24Il y a toujours des concours de plaidoiries
29:26dans toute la Normandie, dans toute la France,
29:28à Avranches, mais ça peut être à Vierzon,
29:30ça peut être à Vesoule,
29:32qui, après, convergent le fameux vendredi.
29:34C'est un peu l'Eurovision.
29:36C'est l'Eurovision
29:38des jeunes avocats en herbe,
29:40de toutes les causes,
29:42parce que c'est très drôle de voir
29:44le mur, vous savez, comme ça, etc.
29:46C'est une très belle école,
29:48et ça se passe dans le grand hall du Mémorial,
29:50et c'est devenu une institution, et moi,
29:52je suis un petit peu le gars.
29:54Les gens qui ne me connaissent pas,
29:56je suis tout sous mon portique avec ma caméra,
29:58et il y a toujours quelqu'un qui vous demande
30:00des toilettes, s'il vous plaît,
30:02c'est mon côté. Je n'ai pas une gueule d'artiste,
30:04j'ai un petit côté d'un pipi dans ce truc-là,
30:06quelquefois.
30:08Avranches, justement, on connaît, hélas, parce que c'est là,
30:10le lendemain du débarquement, la ville a été bombardée,
30:12et il y a eu...
30:14Oui, exactement, et il y a quelqu'un qui se souvient
30:16de ça, c'est Jean-Paul Roulant, qui est toujours vivant,
30:18qui a 96 ans, qui était en vacances
30:20chez sa grand-mère, juste à côté, et qui a vécu
30:22le lendemain du débarquement.
30:24Il en parle avec beaucoup d'émotion.
30:26Et les frères Roulant
30:28disent, c'est très fin ce qu'ils disent,
30:30ils disent, on nous a mis
30:32en Normandie, t'imagines,
30:34pendant la guerre, et en même temps,
30:36c'est terrible, parce qu'au milieu des morts,
30:38c'est leur plus
30:40belle vacances de leur vie.
30:42C'est extraordinaire.
30:44C'est-à-dire que dans l'enfance, il y a des Américains
30:46qui donnaient des chewing-gums, du chocolat, et pourtant,
30:48c'était terrible, c'est une bataille terrible.
30:50Et puis c'est Patton, Avranches,
30:52avec son colt, c'est John Wayne.
30:54Et puis alors, il s'énerve, Patton,
30:56parce qu'il y a Montgomery, qui fait exprès,
30:58qui est l'anglais, vous savez, le type de la bataille
31:00d'Alamène, quand vous voyez la tête de Montgomery,
31:02il se détestait, il se détestait.
31:04Et c'est Eisenhower qui est obligé de retenir
31:06Patton, qui voulait lui péter la gueule,
31:08au rosemif, mais qu'est-ce qu'il fout, le rosemif ?
31:10Vous avez
31:12une culture extraordinaire.
31:14Vous savez, j'ai pratiquement fait le débarquement, je me rappelle.
31:16Vous avez fait d'autres performances en direct,
31:18je crois qu'il y avait l'Association
31:20des culturistes,
31:22je crois que c'était au Grand Palais à Paris.
31:24Ah oui, ça c'est bien, ça.
31:26C'était étonnant aussi. Ah oui, c'était étonnant.
31:28C'était étonnant parce que
31:30j'ai dû
31:32faire monnaie.
31:34Il y avait un procès
31:36contre monnaie par les pompiers,
31:38les peintres pompiers, qui disaient qu'ils avaient tout détruit,
31:40etc. Et j'ai
31:42appris que monnaie vivait de la caricature.
31:44Exactement. C'est-à-dire que l'homme
31:46d'un féas, toute cette génération-là,
31:48bien entendu qu'ils ne sont pas arrivés
31:50sur le marché de l'art en disant « j'invente ça »,
31:52ça a mis du temps, et
31:54ils vivaient, vous imaginez le nombre
31:56de journaux qu'il y avait.
31:58Et des caricatures de monnaie,
32:00c'est extraordinaire. On vous a
32:02aussi vous exposé, je crois,
32:04il y a eu 25 dessins
32:06à Bruxelles et puis en Normandie. On vous a exposé régulièrement.
32:08Oui, alors écoutez, ça je l'apprends.
32:10J'ai vu dans les journaux
32:12que vous aviez tous vos dessins.
32:14C'est possible, oui.
32:16Écoutez, les auditeurs de Sud Radio,
32:18je suis avec Vermeer de Delft,
32:20je pense que Chaunut est à peu près
32:22au niveau de Vermeer. Je pense qu'on peut le dire.
32:24Non, ça va.
32:26Par contre, je vais vous dire un truc, Jacques.
32:28Je ne supporte pas, je ne devrais pas le dire,
32:30pour moi,
32:32l'endroit où on expose un dessin,
32:34c'est sur le zinc,
32:36sur un papier
32:38journal, dans le journal.
32:40Les expositions de caricatures,
32:42je m'en suis toujours méfié. Ou alors, il faut s'appeler
32:44Daumier, avoir été
32:46finalement admiré par les Américains
32:48comme peintre et être au musée d'Orsay.
32:50Mais, moi, je pense que
32:52le meilleur endroit pour...
32:54Vous savez, je vais vous raconter une chose assez drôle.
32:56L'autre fois, j'étais à Ville-Dieu-les-Poils,
32:58ça ne s'invente pas, et je vois arriver
33:00un couple avec une boîte de gâteaux,
33:02après un spectacle. Je me dis, c'est formidable,
33:04ils vont m'offrir des...
33:06Vous voyez, des madeleines au beurre et tout.
33:08Non, le petit monsieur et sa femme
33:10avaient découpé,
33:12ils découpaient depuis 20 ans les dessins.
33:14Et donc, moi, je ne publie pas des livres,
33:16j'ai des boîtes de gâteaux avec dedans
33:18mes dessins découpés. Je trouvais ça merveilleux.
33:20C'est formidable. Et je pense que le
33:22dessinateur de presse, il doit être
33:24populaire. C'est les dessins de Dubou,
33:26c'est les dessins de Plantu.
33:28Rappelez-vous ce que disait Sarrault,
33:30elle lisait
33:32tous les journaux, les doigts étaient
33:34noirs de l'encre des journaux.
33:36Alors, bien entendu, aujourd'hui,
33:38les jeunes peuvent voir
33:40les dessins sur les écrans, etc.
33:42Mais je pense que la vraie
33:44place du dessin,
33:46c'est à côté d'un article
33:48et pas dans une galerie.
33:50Je trouve que ça ne correspond pas
33:52aux dessins de presse, c'est mon avis.
33:54Oui, mais la vraie place du dessin, c'est aussi Avignon,
33:56et on va en parler avec la date du 29
33:58juin 2024. A tout de suite sur
34:00Sud Radio avec Emmanuel Chaunut.
34:02Sud Radio, les clés d'une vie,
34:04Jacques Pessis. Sud Radio, les clés
34:06d'une vie, mon invité Emmanuel Chaunut.
34:08Je crois qu'on a bien compris que vous étiez un caricaturiste
34:10plein d'humour. On a évoqué
34:12vivement Dimanche, toutes vos passions.
34:14Et puis, depuis le 29 juin et pour
34:16un mois, jusqu'au 21 juillet, vous êtes
34:18à Avignon, à la Maison Racine,
34:209 rue Racine, à 15h30 tous les jours.
34:22Et un caricaturiste
34:24au festival d'Avignon. J'ai vu que Plantu
34:26avait participé à un débat, mais sinon, ça n'a jamais
34:28existé. Non. Écoutez, d'abord,
34:30il fallait que je fasse le buzz.
34:32Donc j'ai appelé un
34:34type qui vit à l'Elysée, qui s'appelle Emmanuel,
34:36qui a le même prénom que moi. Un mec que je n'aime pas trop
34:38parce qu'il m'a piqué mon prénom. Moi, je suis né
34:40en 1966, lui, il a dû naître en 1977,
34:42je crois. Il m'a piqué mon prénom.
34:44Bon, finalement, je lui ai dit « Écoute, Emmanuel,
34:46c'est la première fois qu'il y a un caricaturiste qui monte sur scène.
34:48Qu'est-ce que tu fais ? ». Il me dit « Écoute,
34:50j'ai parlé à Brigitte. On va dissoudre l'Assemblée.
34:52Il est formidable ». Et là, je dois dire que maintenant,
34:54je suis totalement macroniste parce que grâce à lui,
34:56j'arrive à Avignon. Avant,
34:58c'était mou du genou. Il n'y avait pas parlé de l'Euro de foot
35:00où Mme von der Leyen, on s'emmerdait.
35:02Là, j'arrive avec un truc, mais costaud !
35:04Et je dis « Merci, Emmanuel Macron !
35:06Je suis quand même le seul caricaturiste qui monte
35:08sur scène dans cette époque
35:10pratiquement historique. C'est la Saint-Barthélemy.
35:12Il se passe un truc. L'autre,
35:14il l'a fait pour moi. Et je dois dire que
35:16un homme qui fait quelque chose pour moi n'est pas
35:18totalement mauvais. Je le dis aux électrices et aux électeurs.
35:20Il est quand même gentil, ce garçon,
35:22d'avoir fait ça. Allez, reconnaissez-le,
35:24Jacques. Merci à Emmanuel Macron.
35:26– Je reconnais surtout votre talent
35:28parce qu'il faut le faire.
35:30Et ça s'appelle « le show du show ».
35:32– Oui, ça fait un peu bizarre,
35:34je vous l'accorde. – C'est vrai, on aurait du mal à le dire.
35:36– « Show du show », ça fait un peu truc dans une boîte
35:38sur la côte d'Azur à Port-Barcaresse
35:40ou je ne sais pas où. Ça fait un peu strip-tease.
35:42Mais c'est fait exprès.
35:44Quand j'étais gosse, les gamins
35:46me disaient « quand t'es nu, t'as chaud ».
35:48Enfin, des trucs comme ça.
35:50Et je me suis dit, un jour,
35:52j'utiliserai ça,
35:54moi qui suis pudique,
35:56et l'affiche, c'est donc moi qui danse,
35:58en pole-dance, vous savez.
36:00Et la barre, ce n'est pas une barre en aluminium,
36:02c'est un crayon.
36:04Et je mets feuille comme ça. En fait,
36:06j'ai feuille l'actualité. Mais je ne pensais pas
36:08que l'année où j'allais montrer mon cul,
36:10il y aurait une dissolution.
36:12– Oui. – Donc je me suis dit, finalement,
36:14je devrais me déshabiller plus souvent.
36:16Peut-être qu'il y aurait l'actualité,
36:18bougerait un peu plus. – Alors, pourquoi d'abord
36:20cette idée ? C'est un vieux rêve,
36:22être chansonnier, monter sur scène. – Oui, pas d'être à poil.
36:24– C'est venu petit à petit, parce que vous avez
36:26commencé discrètement par des spectacles
36:28dans des petites salles comme
36:30le Théâtre Galabru à Paris et d'autres.
36:32– Je pense que c'est Charlie.
36:34Quand il y a eu les événements de Charlie, je me suis dit,
36:36écoute, tu es dessinateur, tu vas.
36:38Je suis dédoublé, moi.
36:40Vous savez, c'est comme dans Tintin,
36:42il y a Milou, la hanche, Milou, l'endiable.
36:44Et donc, il y a deux personnages en moi.
36:46Et donc, il y a le dessinateur qui est un peu la fourmi,
36:48qui est laborieux, qui aime bien.
36:50Et puis, il y a le comédien qui dit,
36:52mais quand est-ce que tu me laisses ma place ?
36:54Et donc, en fait, Charlie, je me suis dit,
36:56le seul moyen
36:58de les honorer,
37:00tout en ne montrant pas forcément
37:02une facette de la caricature
37:04pour diviser, etc.,
37:06c'était de réconcilier
37:08la part du dessinateur
37:10et la part du comédien qu'il y a en moi.
37:12Et puis, avec cette performance,
37:14parce que dessiner sur scène,
37:16c'est une performance.
37:18Alors, ce spectacle, c'est très particulier.
37:20Vous êtes sur scène, avec un écran,
37:22avec de quoi dessiner,
37:24et le public est là, et il n'y a rien d'autre comme décor.
37:26Mais non, je fabrique mon décor.
37:28Je raconte...
37:30Alors, il faut savoir une chose,
37:32c'est que le dessin en direct,
37:34ce n'est pas la même chose que le dessin publié.
37:36Parce que, par exemple, quand je fais le réchauffement climatique,
37:38je dessine un écureuil
37:40complètement
37:42asséché, etc.
37:44En fait, cet écureuil,
37:46je commence à le faire, je mets du jaune,
37:48j'entraîne les gens sur une émission
37:50animalière, sur Arte,
37:52le problème du réchauffement, et tac, en dessous, apparaît
37:54la gueule de Trump. Et c'est là que les rires.
37:56C'est ça.
37:58La magie du dessin en direct, c'est de
38:00construire un discours et de tromper des gens
38:02ou de les étonner en les entraînant
38:04avec quelque chose qu'ils n'attendaient pas.
38:06C'est un exercice particulier et très difficile.
38:08Alors, c'est difficile, oui,
38:10mais en même temps, quand vous faites ça depuis très tôt,
38:12je voulais être comédien.
38:14Verneuil m'a dit, non, c'est un métier...
38:16Donc, vous savez, la bête m'a rattrapé,
38:18il y avait quelque chose en moi, vous savez, comme le précieux,
38:20qui était la veine de la comédie,
38:22déshabille-toi sur scène, non, c'est mal,
38:24c'est fatal, c'est rétro.
38:26Finalement, cette part de moi,
38:28avec la maturité,
38:30j'ai réussi à la faire entrer
38:32dans le concret.
38:34Et il a fallu un événement historique.
38:36S'il n'y avait pas eu Charlie,
38:38à Brive, je voyais
38:40l'extraordinaire Woloski dîner seul
38:42chez Francis,
38:44en train de se concentrer,
38:46il n'avait pas besoin d'eau.
38:48Je me disais, c'est Woloski, c'est formidable.
38:50Et puis, j'avais croisé Tignous,
38:52nous étions croisés, etc.
38:54Et ces gens étaient morts
38:56pour des dessins.
38:58Parce qu'ils avaient publié des dessins,
39:00dans le journal.
39:02Je me suis dit, c'est pas possible.
39:04La caricature, ça ne peut pas être ça.
39:06J'ai fait énormément d'écoles,
39:08je suis allé dans énormément de classes.
39:10Vous n'imaginez pas.
39:12J'ai vu ce qu'était la réalité du pays.
39:14Et la caricature, c'est pas forcément
39:16la division. C'est aussi un type
39:18comme ça, qui va montrer
39:20aux gens qu'il fait quelque chose en direct.
39:22Et vous savez, quand vous faites quelque chose en direct,
39:24quand vous fabriquez quelque chose
39:26en direct, vous rassemblez
39:28les gens. Quand vous envoyez un dessin
39:30publié, c'est différent.
39:32Là, les gens voient,
39:34c'est le making of.
39:36Et puis alors, surtout, la génération,
39:38les jeunes, ils adorent ce côté tuto.
39:40Faire un dessin, vous allez voir,
39:42je redessine la mascotte
39:44des JO. Je ne vous dis pas
39:46comment elle est, mais elle est d'une simplicité.
39:48Les gamins peuvent le faire
39:50chez eux quand ils verront ce que je fais.
39:52Une espèce de bonnet phrygien, etc.
39:54Comment je le transforme ? C'est une évidence.
39:56On fait référence à un célèbre dessin
39:58animé. On n'en parlera pas, parce que je ne vais pas
40:00vous dire tout, mais il y a plein de dessins
40:02magiques et des dessins
40:04à tiroirs dans ce spectacle.
40:06Il faut courir voir ce spectacle très original.
40:08Il y a une trame de départ,
40:10et après, c'est l'improvisation, le changement quotidien.
40:12On peut le dire tous les jours, pratiquement.
40:14Il y a le niveau, bien entendu. Il y a la trame écrite.
40:16Parce que ça a été une année riche.
40:18Après, il y a l'événement qui nous arrive
40:20de la dissolution. Et puis,
40:22l'ADN de ce spectacle,
40:24c'est que je fais monter
40:26toujours
40:28trois ou une personne sur scène.
40:30C'est-à-dire qu'avant, je fais
40:32allumer la salle pour voir
40:34ce qu'il y a au marché. Vous savez, c'est un peu Jean-Pierre Coffre.
40:36Je cherche mes melons,
40:38mon andouille, etc.
40:40Je cherche les gens que je vais faire monter sur scène.
40:42Et ça, c'est le moment d'interview.
40:44Et vous vous apercevez qu'on n'a jamais la gueule de l'emploi.
40:46On se trompe toujours en caricature.
40:48Il était très frappé de ça. Vous avez des gens que vous faites monter,
40:50vous croyez qu'ils sont comme ça, puis en fait, ils ne sont pas comme ça.
40:52Ça, c'est très drôle.
40:54Vous voyez une gueule de quelqu'un qui a des cheveux longs,
40:56c'est un contrôleur des impôts.
40:58Le gars, on aurait dit un gardien de chèvres dans le Morvan.
41:00On est toujours trompé.
41:02Et ça, j'aime bien
41:04me tromper, faire des interviews un peu
41:06comme ça. Ce ne sont pas vos interviews,
41:08c'est des interviews de
41:10qui-dames, mais ces qui-dames sur scène
41:12deviennent de véritables personnalités.
41:14Vous les appelez vos victimes, quelquefois.
41:16J'espère passer d'entrer l'accusé.
41:18Vous savez,
41:20Emmanuel Chenu, le tueur de la Normandie,
41:22il caricaturait ses victimes.
41:24Vous savez, Christophe Ondlat
41:26pourrait faire ça, par exemple.
41:28Mais ce genre de spectacle, ça ne s'est jamais fait.
41:30Il y avait Dadu à une époque, qui faisait
41:32des dessins en direct
41:34au caveau de la République et aux deux ânes.
41:36Mais à part ça, vous êtes le premier.
41:38Non, il y en a eu d'autres.
41:40Mais alors, c'est une époque où il n'y avait pas la télé.
41:42Notamment le fameux Daladier,
41:44qui est revenu
41:46grâce à notre grande Valérie Ayé.
41:48Daladier était le taureau
41:50du je-ne-sais-plus-quel-region du Sud-Ouest.
41:52Vous savez ça mieux que moi.
41:54Il y avait quelqu'un qui le dessinait très rapidement.
41:56En fait, Dadu était l'héritier
41:58de ces portraits-charges
42:00qu'on commençait à la fin du XIXe
42:02dans des théâtres. C'est-à-dire que ce sont des grandes feuilles.
42:04On dessinait comme ça, et puis on rajoutait
42:06quelque chose. En fait, je fais la même chose,
42:08mais plus moderne, parce que l'actualité,
42:10elle a bougé. On n'est plus sous Daladier.
42:12Et vous finissez sur le trottoir, paraît-il.
42:14Ou je commence plutôt sur le trottoir.
42:16Mais ne dites pas trop ça, parce que les gens vont croire
42:18que je me fous à poil sur le trottoir.
42:20« Ah, j'ai vu Chaudu et Avignon. Quelle déchéance ! »
42:22« Au pays de Mireille Mathieu, rendez compte ! »
42:24Tout est possible.
42:26C'est vrai qu'en plus,
42:28c'est une promotion qui évite le tractage
42:30quotidien. Je crois qu'il faut
42:32donner 200 tracts
42:34pour recueillir un spectateur.
42:36Je pourrais lire n'importe qui, mais je fais des dessins.
42:38J'ai toujours fait des dessins dans les foires.
42:40D'ailleurs, j'ai toujours fait des dessins
42:42partout.
42:44Dans les salons du livre,
42:46dans des congrès.
42:48C'est une école extraordinaire.
42:50Il se trouve aussi qu'Avignon,
42:52pour un normand, c'est une autre destination.
42:54Oui, écoutez, c'est quand même...
42:56Vous savez, c'est limite...
42:58Oui, c'est limite le Sahara,
43:00pour moi. Je vous rappelle que l'eau
43:02sur la Côte de Nacre
43:04devant Caen est à peu près moins 40.
43:06C'est pour ça qu'il y a des cabines de plage
43:08sur nos...
43:10La cabine
43:12est finalement
43:14à la plage ce qu'est
43:16le refuge à la montagne.
43:18C'est très froid, l'eau, là-bas.
43:20Il n'est pas sûr que...
43:22On va devoir me rapatrier par Europe Assistance
43:24vu les chaleurs qu'il y a à Avignon.
43:26Non, la chaleur, c'est vous
43:28qui l'avez dégagée. C'est la chaleur humaine.
43:30Il se trouve aussi que c'est le point de départ d'autre chose.
43:32Je me suis un peu renseigné.
43:34Vous avez commencé discrètement au Théâtre Galabru.
43:36Ensuite, il y a eu un château
43:38à Caen
43:40où vous avez aussi officié.
43:42Le château, c'est le laboratoire.
43:44Le château de Guillaume le Conquérant, qu'on se le dise.
43:46Guillaume le Conquérant, c'était Guillaume le bâtard.
43:48C'est quand même le gars qui a envahi l'Angleterre.
43:50Il n'y en a pas beaucoup.
43:52Pendant que maman faisait la tapisserie.
43:54Dans le château de Caen,
43:56il y a le musée des Beaux-Arts.
43:58Dans le musée des Beaux-Arts, il y a un auditorium.
44:00Pour moi, c'est mon laboratoire.
44:02Le public vient et c'est là que je teste
44:04mes sketchs
44:06parce qu'il faut quand même régler le tir.
44:08Quand vous faites du dessin en direct,
44:10je sais ce qui marche, je sais ce qui ne marche pas.
44:12C'est un peu le mondon-camillot à moi.
44:14Sauf que, excusez-moi,
44:16c'est quand même dans le château de Guillaume le Conquérant.
44:18En même temps, c'est le point de départ du jour.
44:20Vous appelez ça le jour le plus long.
44:22Oui.
44:24C'est l'histoire de mon enfance.
44:26Je me suis rendu compte que les Normands
44:28racontent le débarquement
44:30même quand ils ne l'ont pas vécu.
44:32C'est le fameux syndrome du poil 8-14.
44:34Quand vous êtes né
44:36sur une zone de guerre,
44:38vous avez l'impression
44:40d'avoir vécu les événements.
44:42D'ailleurs, il y a un film qui rappelle
44:44ce débarquement.
44:46Nous irons
44:48en périment
44:50à la coutre
44:52d'Alida.
44:54Ça m'a toujours fasciné de voir Dalida
44:56avec son bikini,
44:58avec un casque.
45:00J'imagine les anciens combattants
45:02s'ils avaient vu ça.
45:04Dalida sur la plage,
45:06alors que ça pétait partout, c'était une boucherie.
45:08Dalida au milieu de tout ça.
45:10C'est fantastique.
45:12Le film le jour le plus long, il y a deux stars
45:14qui ont refusé de tourner dedans.
45:16C'est Brigitte Bardot et Marina Vladi.
45:18Et pourtant, c'est un film choral.
45:20Ça n'a rien à voir avec
45:22le soldat Ryan.
45:24Sachez qu'il y a eu un glissement de terrain
45:26car Wistream
45:28a été tourné à Port-en-Bessin.
45:30Il y a dû avoir quelque chose
45:32qui a dû se passer sur le plan géologique.
45:34Vous êtes à Avignon tous les jours
45:36mais vous continuez à dessiner tous les jours
45:38pour des journaux.
45:40Comment on fait pour faire autant de choses en même temps ?
45:42Jacques Pessis, comment on fait ?
45:44Comment vous faites ?
45:46Nous avons la même maladie.
45:48On a l'éternité pour se reposer.
45:54C'est comme respirer.
45:56On dessine tout le temps.
45:58C'est la mer à Saint-Aubin-sur-Mer.
46:00C'est indispensable.
46:02C'est la côte de mon enfance.
46:04J'ai grandi là.
46:06J'ai besoin de marcher au bord de l'eau.
46:08Ce sont des lumières magnifiques.
46:10J'adore marcher à marée basse.
46:12La côte normande
46:14est vraiment magnifique
46:16parce qu'il y a des lumières.
46:18Les impressionnistes
46:20regardaient ce qu'ils en ont fait.
46:22C'est vrai, ce n'est pas une carte postale.
46:24Ce sont des lumières très subtiles.
46:26C'est mon pays et je l'aime.
46:28Pour l'instant, c'est Avignon,
46:30ce festival jusqu'à fin juillet.
46:32Vous allez continuer ce spectacle.
46:34Vous n'allez pas vous arrêter comme ça ?
46:36J'espère bien.
46:38Il faut faire connaître
46:40quelqu'un qui est en même temps
46:42un dessinateur et un caricaturiste.
46:46Vous en parlez très bien.
46:48Vous avez vu
46:50ce que ça donne.
46:52Il faut que les gens
46:54s'habituent.
46:56En France, c'est un pays de cases.
46:58Rémi Bricas,
47:00ça ne marche pas toujours.
47:02L'homme orchestre.
47:04C'est vrai que
47:06je vais continuer.
47:08L'actualité ne s'arrête pas.
47:10Les territoires de France
47:12sont très riches.
47:14J'étais au pays de Georges Sandre,
47:16à la Châtre.
47:18Ils ont deux moutons comme statut.
47:20Ils ont un déficit de personnalité.
47:22Dans la ville à la Châtre,
47:24il y a une statue en bronze.
47:26Deux moutons, c'est extraordinaire.
47:28Qu'est-ce qu'on s'emmerde
47:30d'aller chercher des personnalités.
47:32Auguste Tron, Germaine Couillard.
47:34Vous mettez deux cochons en Bretagne,
47:36deux moutons, et vous savez ce qu'on disait ?
47:3899 moutons plus un bérichon,
47:40ça fait 100 bêtes.
47:42Vieille blague du XVIIIe siècle.
47:44Votre culture est immense.
47:46Et ce qui est aussi immense,
47:48c'est votre talent.
47:50J'espère que ça va aller jusqu'au 21 juillet
47:52à 15h30 exactement.
47:54La Maison Racine, c'est au cœur d'Avignon,
47:56dans le festival OFF.
47:58Je suis sûr que ça va aller beaucoup plus loin
48:00parce que vous le méritez largement.
48:02Merci, Jacques.
48:04Merci, Emmanuelle Chenille.

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