Jacques Pessis reçoit Sébastien Spitzer : passionné par l’œuvre de Victor Hugo, sur laquelle il est incollable. Il signe une histoire inspirée de la romance entre l’écrivain et Léonie Biard (Léonie B, Albin Michel).
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##LES_CLEFS_D_UNE_VIE-2024-05-02##
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00:00 Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis.
00:03 Sud Radio, les clés d'une vie, celle de mon invité.
00:06 Un monument a marqué votre vie de journaliste et de romancier.
00:09 Un écrivain qui est entré dans la légende pour des siècles et des siècles, Victor Hugo.
00:14 Il n'avait pas que l'amour de la littérature et vous le racontez dans votre nouveau livre.
00:18 Bonjour Sébastien Spitzer.
00:20 Bonjour Monsieur Plessier.
00:21 Alors, vous publiez "Léonie B" chez Albain Michel qui est une histoire sur la passion secrète de Victor Hugo.
00:28 Victor Hugo, votre passion, on va en parler tout à l'heure.
00:30 Mais vous avez un parcours de journaliste et de romancier totalement atypique.
00:34 Et le principe des clés d'une vie, c'est de raconter ce parcours à travers des dates clés.
00:39 Donc j'en ai trouvé certaines.
00:41 Et la première, c'est le 29 novembre 2006.
00:44 C'est la sortie de votre premier livre "Ennemis intimes, les Boeches, le Brut et Téhéran".
00:49 Vous vous souvenez de cette date de sortie ?
00:52 Bien sûr, bien sûr.
00:53 C'était un thème étonnant. Les États-Unis et la République islamique d'Iran s'affrontent.
00:58 Et en coulisses, le clan Boeche va jouer une partie assez étonnante.
01:04 Oui, c'était sur les non-dits, sur ces négociations, ces jeux de poker menteurs qui se jouaient entre les Bouches, père et fils.
01:14 Et la République islamique d'Iran, grande étaille pétrolier s'il en a, est gaziée.
01:22 Oui, et à l'époque, les Molas, d'ailleurs, n'avaient pas d'ennuis depuis le 11 septembre,
01:27 ont raconté que finalement, Boeche, père et fils, c'était peut-être pour beaucoup.
01:31 Peut-être.
01:32 Alors c'est assez étonnant, c'est un livre, une longue enquête ce travail, Sébastien Spitzer.
01:37 Alors c'est une enquête contrariée.
01:40 C'est une enquête contrariée parce qu'à l'époque, je sortais d'une expérience extraordinaire avec l'agence Capa,
01:47 qui donnait les moyens à ces journalistes d'aller voir, d'aller comprendre, d'aller ressentir.
01:51 J'étais pigiste, j'étais entre deux contrats et je voulais aller là-bas.
01:56 Mais on ne m'en donnait pas les moyens, les producteurs disaient toujours "c'est trop cher, c'est trop cher"
02:00 et finalement, je n'ai pas pu y aller.
02:01 Donc c'est une enquête contrariée parce que quand on va sur place maintenant, j'ai compris,
02:05 j'ai pu y aller ensuite en Iran.
02:08 Quand on est sur place, on voit les choses tellement différemment.
02:12 Vous savez, j'étais en Israël par exemple l'hiver dernier et une dame me dit
02:17 "Sébastien, vous savez, chez nous les rabbins, parfois quand ils arrivent à un certain niveau de conscience,
02:22 ils roulent sur eux-mêmes."
02:23 "Ah bon, pourquoi ?"
02:24 "Pour voir le monde autrement."
02:26 Et le déplacement, le voyage permet de voir autrement.
02:29 Mais ce qui est étonnant, c'est que ce livre qui date de 2006,
02:32 Sébastien Spilzer, il est toujours d'actualité finalement.
02:35 D'une certaine manière, il est...
02:37 Mais il y a des constantes, il y a ces rapports de force qui sont tellement puissants
02:43 que le premier qui bouge a perdu.
02:45 Alors dans votre carrière, il y a ce côté reporter de guerre
02:48 où vous avez été sur des terrains comme le Rwanda, l'Oganda, le Liban, la Colombie, l'Afghanistan.
02:53 Oui.
02:54 C'est quand même très dangereux tout ça.
02:56 Je crois que le jour où j'ai eu le plus peur de toute ma vie de journaliste
03:01 c'était à Paris dans le 18ème arrondissement.
03:03 Ah bon, pourquoi ?
03:04 Parce qu'une meute était en train de se former sous mes yeux.
03:08 Il y avait deux personnes étendues au sol qui venaient d'être assassinées à la Kalachnikov.
03:13 Ça a fait la une le lendemain du 20h.
03:16 Et c'était dément.
03:20 Mais reporter de guerre, c'est un métier que vous vouliez faire depuis longtemps ?
03:23 Oui.
03:24 Quand vous disiez tout à l'heure que j'avais une carrière un peu atypique de journaliste puis d'écrivain,
03:28 en fait j'ai calqué celle-ci sur celle d'un autre
03:31 qui s'appelait Ernest Hemingway, que j'admirais profondément.
03:36 Et enfant, gamin, adolescent, je m'étais dit plus tard je ferai Hemingway.
03:40 Non pas que j'arriverai à son niveau évidemment, mais
03:42 je suivrai le même parcours, à savoir scionner le monde pour essayer de le comprendre et ensuite
03:47 parfois en même temps le décrire pour essayer de lui donner du sens.
03:51 Mais c'est vrai que, enfant déjà, vous pensiez et vous rêviez d'être journaliste et d'écrire.
03:55 Complètement.
03:56 Complètement.
03:57 Enfant, j'étais bercé par les mots, j'étais plongé par ces univers qui s'ouvraient,
04:04 qui se dépliaient autour d'une tranche et qui se déployaient en quelques pages.
04:09 Et puis il y a eu des déclencheurs qui m'ont conforté dans cette idée.
04:12 Les livres, ça a toujours été très important pour vous, Sébastien Spitzer.
04:16 Bon, il y a des enfants qui vont acheter des Mistral gagnants dans les boulangeries.
04:20 Vos économies passaient dans les livres que vous achetiez à la librairie Lamartine,
04:24 dont je crois les souvenirs d'enfance de Pagnol.
04:27 Ah oui, c'est vrai.
04:28 C'est tout à fait vrai.
04:30 J'allais...
04:32 Mon souvenir d'enfance, c'est que j'achetais Pagnol chez Lamartine et c'était Cigalon,
04:38 c'était Topaz, c'était La Gloire de mon Père, c'était tous ces livres extraordinaires,
04:43 Le Château de ma mère, toute cette série qui me donnait tant de plaisir.
04:47 Et quand on pense que Pagnol a écrit son premier livre en 58 en disant "ça marchera jamais",
04:52 et deux ans plus tard, au bout de deux tomes, il y avait 400 000 exemplaires de vendus,
04:55 ce qui était un record.
04:56 Oui, je crois même qu'il y avait eu une rencontre avec un facteur, si ma mémoire est bonne.
04:59 Qu'est-ce que vous faites ? Encore une dette de votre éditeur qui attend votre premier manuscrit.
05:03 Là, c'était autre chose.
05:04 En fait, il devait écrire un article pour le journal Elle, il fait croire qu'il l'a écrit,
05:09 le coursier vient chez lui, il ne l'avait pas écrit, le coursier va réparer son vélo
05:13 et Pagnol va écrire un texte qui va être le début des souvenirs d'enfance.
05:15 Voilà, ça doit être ça.
05:16 Alors, justement, vos souvenirs d'enfance, c'est aussi lié à des tas de choses.
05:20 D'abord, il y a un hôtel particulier où Maurice Leblanc et la Belle Ottero ont séjourné,
05:25 je crois, Sébastien Aspinia.
05:26 Oui, 29 Villas Dupont.
05:28 29 Villas Dupont, Dupont parce que c'était mon arrière-arrière-grand-père, il a fondé
05:33 cette villa, il a acheté un terrain, il a construit des hôtels particuliers à deux
05:37 pas de l'avenue Foch, qui était la Laie-du-Bois encore à l'époque et c'était en pleine
05:42 curée, c'était Zola, c'était à l'après Haussmann, c'était le moment où tous les
05:46 grands promoteurs immobiliers faisaient des affaires pas possibles.
05:48 Et j'ai grandi dans cette maison qui un temps a été louée à la Belle Ottero, qui un
05:53 temps a été louée à Maurice Leblanc, qui a même imaginé sur place dans cet hôtel
05:59 particulier un des épisodes de son fameux "Herseyne Lupin".
06:02 Et la Belle Ottero qui a eu une foule d'amants, je crois Edouard VII, des aristocrates russes
06:08 et britanniques, Aristide Briand pendant 10 ans, on l'appelait d'ailleurs la sirène
06:13 des suicides tellement d'anciens amants se sont suicidés.
06:16 Et oui, elle a mis le feu cette maison, je sais pas pourquoi, peut-être que l'un d'eux
06:20 est venu un soir pour se venger et y mettre le feu, mais c'était une impasse extraordinaire.
06:26 Juste à droite de cette maison, ma grand-mère me disait qu'il y avait Poincaré qui habitait
06:30 et qu'il la saluait avec son chapeau tout le temps, à gauche dans l'hôtel particulier
06:33 voisin, il y avait la soeur du chat d'Iran, la nièce du chat d'Iran pardonnez-moi, dont
06:38 le mari s'est fait assassiner un petit peu plus loin, à Villa Dupont, il y avait Schoendorfer,
06:42 il y avait Julien Clerc, c'était incroyable.
06:44 Alors il se trouve que votre grand-mère a été très importante dans votre vie, elle
06:47 vous a élevée avec votre mère Sébastien Spitzer, et notamment l'été à Villers-sur-Mer
06:52 ce qui est un peu vos souvenirs d'enfance à la pagnole.
06:54 Oui, et j'ai découvert il y a peu de temps que juste à côté, à Blonville, ont vécu
07:00 Gaston Gallimard et Kessel.
07:03 Et il se trouve que Georges Méliès a passé ses vacances à Villers-sur-Mer en juillet
07:09 1990 et il a tourné en 1996 un film intitulé "Plage de Villers par Grottans".
07:14 Oh génial !
07:15 C'est un des premiers films de Méliès.
07:16 Il faut que j'aille le voir.
07:18 Alors c'est vrai que ces souvenirs d'enfance sont très importants dans votre formation
07:22 Sébastien Spitzer.
07:23 De quoi on est fait.
07:25 On n'est pas un fiatu de paille balayé par le vent et qui pousse au hasard.
07:32 On est ce que l'on est.
07:36 On devient ce qu'on est.
07:39 Vous savez c'est Victor Hugo qui disait "il n'y a pas de mauvaise herbe, il n'y a pas
07:42 de mauvaise personne, il n'y a que des mauvais cultivateurs".
07:45 Et c'est vrai que nous sommes le produit de ces cultivateurs, de toutes ces petites mains
07:49 qui avec bienveillance, avec bonté nous ont élevés vers quelque chose, nous ont appris,
07:55 ont partagé avec nous un petit peu de ce qu'elles avaient compris du monde.
07:58 Et puis votre amour du rêve et du journalisme aussi, je crois que c'est le petit prince
08:02 que vous avez joué enfant.
08:03 Le petit prince, c'était impressionnable.
08:05 Quand je vous parlais tout à l'heure de ces deux rabbins et de ce que le voyage vient
08:11 nous apporter, je faisais un stage au Caire, un stage de trois mois, j'étais à Sciences
08:15 pour Riffes, il fallait faire un stage de trois mois pendant que mes potes allaient
08:18 à Boulogne-Biancourt faire un stage chez Renaud, moi j'étais au Caire, il vient
08:21 de loger, il ne savait pas trop quoi me demander à l'ambassade de France et je lui avais
08:25 proposé de, je lisais "Le petit prince", d'en faire une lecture en français et en
08:30 arabe.
08:31 À l'époque j'apprenais l'arabe et un comédien m'a accompagné et nous avons lu à deux
08:35 voix, à deux langues ce texte, chacun se partageant un chapitre ou un passage.
08:40 Et j'étais étonné parce qu'à chaque fois que lui le lisait en arabe, même public,
08:45 nous partageons le même public évidemment, la même scène, tout le monde se marrait.
08:49 Et quand je le lisais, moi les gens étaient attentifs et sérieux.
08:53 Il avait trouvé quelque part dans ce texte un humour dont je ne me doutais pas.
08:58 Et puis votre passion de l'histoire, car vous l'avez, Sébastien Sitzer, elle vient
09:03 je crois d'un professeur qui s'appelait Philippe Contamine.
09:06 Philippe Contamine a beaucoup joué, il était professeur à la Sorbonne, j'étudiais à
09:11 la Sorbonne, spécialiste de l'histoire du Moyen-Âge et de la guerre de Cent Ans si
09:15 ma mémoire est bonne.
09:16 Il y en a eu quelques autres mais lui a compté bien sûr.
09:18 Et c'est vrai que vous avez fait des études très sérieuses, Cagne, Sciences Po, parce
09:23 que ce n'était pas évident au départ.
09:25 Sérieuse, je ne sais pas.
09:28 C'était tellement bon, monsieur.
09:32 Très sincèrement, quand on est bercé par ces professeurs qui vous parlent de Platon
09:37 toute la journée, qui vous racontent l'histoire de France, qui vous aident à réfléchir
09:40 en trouvant le bon mot, je parle du français, de la philosophie, de l'histoire.
09:44 Quand on a la chance d'être confronté à une pensée qui vient se déployer sous vos
09:49 yeux avec un grand professeur, un François Theret, prof de droit, un Hassan Salamé qui
09:54 me racontait l'histoire du Proche et du Moyen-Orient, ce n'est pas un effort, c'est une chance,
09:58 c'est un cadeau qu'on vous fait.
10:00 Oui, et en même temps votre service militaire a été beaucoup moins calme puisque je crois
10:03 que vous avez été dans les renseignements militaires et stratégiques au Soudan et en
10:08 Afghanistan, Sébastien Spitzer.
10:10 J'ai adoré ça.
10:11 Je travaillais sur le Soudan et sur l'Afghanistan et à l'époque, j'ai travaillé au SGDN,
10:17 secrétariat général à la Défense Nationale, j'avais un très joli bureau qui donnait
10:21 sur les invalides, sur l'esplanade des invalides.
10:23 Et c'était l'époque où Carlos était rattrapé par les autorités françaises,
10:31 la justice, et où il y avait ce mouvement qui était en train de se créer entre cet
10:38 islamisme rampant avec ses talibans en Afghanistan.
10:42 Il se passait vraiment quelque chose de très important pour le reste de l'histoire du
10:46 monde à ce moment-là.
10:47 Et c'est vrai que c'est aussi pour le journalisme une formation de travailler comme ça dans
10:51 le renseignement pendant son service militaire.
10:53 Oui, c'est une chance.
10:55 Mais on apprend aussi les réflexes.
10:57 Bien lire les télégrammes diplomatiques, savourer l'humour des diplomates qui parfois
11:03 étaient tellement à côté de la plaque, structurer une pensée et puis risquer des
11:09 hypothèses.
11:10 Mais bon, ça, les hypothèses dans le renseignement, c'est jamais très sûr.
11:13 Alors ça, c'est la première partie de votre vie.
11:15 Il y en a une autre et on va l'évoquer à travers une autre date, le 21 mai 2011.
11:20 A tout de suite sur Sud Radio avec Sébastien Spitzer.
11:23 Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis.
11:26 Sud Radio, les clés d'une vie, mon invité Sébastien Spitzer.
11:30 Nous parlerons tout à l'heure de Léonie B, votre roman chez Albin Michel et de votre
11:34 passion pour Victor Hugo, dont vous êtes l'un des spécialistes en France.
11:38 Alors on a évoqué vos débuts de journaliste.
11:41 Et puis, il y a une date importante, c'est le 21 mai 2011.
11:45 Elle est liée à un générique.
11:47 Les grands reportages sur TF1.
11:52 Parce que ce jour-là, je crois que c'est votre premier reportage qui est diffusé dans
11:56 l'émission reportage.
11:57 L'histoire de quatre prêtres qui sont rentrés tardivement dans les ordres 16 ans plus tôt
12:02 avec le journaliste Sébastien Spitzer.
12:04 Vous n'en souvenez pas de ce reportage ?
12:06 Pas du tout.
12:07 Pas du tout.
12:08 Vous avez fait des reportages pour TF1 ?
12:11 J'ai fait des reportages pour l'émission reportage.
12:13 C'est le premier.
12:14 Vous êtes au générique et on vous...
12:16 J'ai vérifié.
12:17 Il y en a eu plusieurs.
12:20 Il y a eu une maman routière, des couples qui construisent une maison.
12:23 Et c'est le premier.
12:25 C'est pas le premier.
12:27 Disons que celui-là, j'étais parti dessus.
12:31 J'étais lancé.
12:32 C'était reportage 20 ans après.
12:34 16 ans après.
12:36 Et il retrouvait des personnages, des personnalités qui avaient suivi quelques années, 16 ans
12:43 plus tôt.
12:44 Et celui-là, je l'avais commencé mais pas terminé.
12:47 Mais ce n'était pas mon premier.
12:48 En tout cas, c'est le premier archivé à l'INA.
12:50 D'accord.
12:51 Pour l'émission reportage.
12:52 Pour l'émission reportage, oui.
12:54 Et à l'époque, c'était des longs reportages.
12:58 C'était des sujets qui n'avaient rien à voir avec ce que vous avez fait auparavant.
13:01 Parce que la maman routière, en plusieurs parties, c'est pas un sujet de reportage au
13:06 bout du monde.
13:07 Non.
13:08 Pourtant, on est allé en Allemagne avec elle.
13:10 C'était pas très loin.
13:13 Juste dans cette série, j'étais allé au Congo-Brasaville avec le professeur Alain
13:18 Deloche, qui était extraordinaire, qui avait fondé cette association de médecins qui
13:23 allaient secourir des enfants malades du cœur.
13:26 Et il avait participé à la naissance de Médecins du Monde, participé à la naissance de Médecins
13:30 sans frontières.
13:31 Il avait claqué la porte pour fonder son association.
13:34 Et il allait sauver des enfants au Congo-Brasaville avec sa petite mallette, en mettant quelques
13:41 capteurs sur les torses des enfants qui avaient ce ventre gonflé par ces symptômes que lui
13:46 analysait parfaitement.
13:47 Et Alain Deloche était un grand monsieur.
13:49 Il se trouve aussi que vous êtes arrivé dans ces reportages, c'est aussi une activité
13:53 très différente de ce que vous faisiez avant, Sébastien Spitzer.
13:56 Oui, j'ai eu un parcours de journaliste assez varié, en cherchant l'événement, en cherchant
14:01 les rencontres, en cherchant à comprendre, en tout cas à chaque fois.
14:04 Oui, et à chaque fois, un journaliste indépendant, parce qu'il faut trouver les sujets, et c'est
14:08 pas évident.
14:09 J'ai été la plupart du temps journaliste indépendant, salarié quelques années de
14:14 l'agence Capa et de TF1, mais très souvent freelance, comme on dit.
14:19 Et là, il faut trouver des sujets, c'est pas évident parce que la concurrence est rude.
14:23 Oui, oui, mais c'est bien la concurrence, ça vous pousse à mieux faire.
14:29 J'étais simplement journaliste en sortant de Sciences Po, je savais écrire deux, trois
14:33 lignes, vaguement un article.
14:34 Il a fallu que j'apprenne à travailler en équipe pour une équipe de télévision, pour
14:38 Capa.
14:39 Ensuite, il a fallu que j'apprenne à tenir une caméra.
14:41 Ensuite, il a fallu que j'apprenne à faire un montage.
14:44 Et toutes ces étapes m'ont permis de faire le tour d'une question.
14:47 Comment on construit un sujet ? Comment on le monte ? Comment il est prêt à être
14:51 diffusé ? C'est passionnant.
14:53 Oui, et en même temps, c'était pas les moyens techniques d'aujourd'hui où on filme
14:57 avec un petit téléphone.
14:58 Non, c'est vrai.
14:59 Il fallait partir avec des équipes, des grosses caméras, comme vous faisiez, Sébastien
15:03 Spitzer.
15:04 Mais pardonnez-moi, juste avant de vous répondre avec plaisir.
15:06 Aujourd'hui, filmer avec un téléphone, ça permet d'être là sur le moment.
15:10 Ça permet à tout le monde de donner à voir ce qui se passe, ce chaos, comme disaient
15:15 les Grecs, cet événement qui passe très, très vite, fugace et qu'on va saisir avec
15:19 un écran, avec un téléphone.
15:22 Tandis qu'avant, on arrivait très, très souvent juste après la bataille.
15:25 C'est-à-dire que quand on envoyait une équipe, un envoyé spécial ou autre sur un terrain
15:30 donné, souvent, l'événement venait de se produire ou était en train de se produire
15:34 peut-être juste à côté.
15:36 C'est sur le vif.
15:37 On peut le faire aujourd'hui.
15:39 Il se trouve aussi qu'il y a eu des reportages et il y a eu aussi le magazine Rolling Stone,
15:43 je crois, pour lequel vous avez travaillé, Sébastien Spitzer.
15:45 Oui, avec mon copain Belka Sambaloui, avec plaisir.
15:48 C'est un magazine créé en 67.
15:50 D'ailleurs, on pense que c'était à cause du Rolling Stone, mais pas du tout.
15:54 En fait, c'était une chanson de Muddy Waters, Rolling Stone, qui a aussi donné son nom
15:58 au groupe.
15:59 Et c'était un journal hippie.
16:01 Et je crois que vous avez participé à l'édition française au temps où c'était Lionel
16:05 Rodcage qui l'a dirigé.
16:07 Peut-être Lionel, en tout cas, avec rédacteur en chef Belka Sem, amis de longue date puisqu'on
16:14 avait commencé ensemble à Jeune Afrique.
16:16 Parce qu'on connaissait plus longtemps.
16:17 Voilà.
16:18 Jeune Afrique, la télévision, Rolling Stone, c'est des choses très différentes.
16:21 Comment on arrive à Rolling Stone après avoir fait des reportages pour Jeune Afrique ou TF1 ?
16:25 Parce que c'est toujours le même principe, c'est-à-dire essayer de faire le tour de
16:29 quelqu'un, raconter une histoire, la mettre en forme, lui donner du sens, trouver les
16:33 mots justes et faire naître des images dans l'esprit du lecteur.
16:38 Oui, mais Rolling Stone, c'est très particulier aussi.
16:40 C'est un journal de musique, un journal très différent.
16:43 Oui.
16:44 Alors, il ne me sollicitait pas trop pour les papiers musique, rock and roll, vraiment.
16:47 J'étais plutôt sur les papiers société et politique.
16:50 Et puis, un jour, vous en avez eu assez et vous êtes enfermé chez vous avec un ordinateur
16:55 pour écrire votre premier roman.
16:57 Comment s'est née cette envie de quitter ce monde du quotidien pour écrire, Sébastien
17:02 Fizer ?
17:03 Quitter ce monde disant qu'on m'a montré la sortie.
17:09 J'étais à l'époque salarié depuis des années de TF1 et l'émission pour laquelle
17:15 je travaillais s'est arrêtée.
17:17 Elle s'intitulait "Enquête et révélations" et je me suis retrouvé sans emploi.
17:22 Et ce moment-là était pour moi l'occasion rêvée de faire enfin ce dont je rêvais
17:27 depuis toujours, c'est-à-dire écrire un livre.
17:30 Et j'ai commencé à imaginer quelque chose.
17:34 Et puis, j'ai senti qu'un sujet se profilait et je suis allé au Mémorial de la Shoah
17:40 plusieurs fois par semaine, plusieurs jours par semaine.
17:43 Et j'ai travaillé, travaillé pendant des années sur ce qui allait devenir mon premier roman.
17:48 Oui, c'était l'histoire de Magda Goebbels qui a été la femme la plus puissante du
17:52 Troisième Reich jusqu'au jour où elle s'est suicidée avec ses six enfants juste
17:57 avant Hitler.
17:58 Enfin, elle a tué ses six enfants.
18:00 Elle a empoisonné ses six enfants dans le même bunker à côté d'Hitler.
18:04 C'est une femme incroyable dont on parlait peu à l'époque parce que finalement,
18:07 vous avez trouvé, et ce n'est pas la dernière fois, un sujet peu usité dans les romans.
18:12 Alors, c'était cette question, comment une femme peut pratiquer un tel acte,
18:17 l'infanticide, comment une mère peut tuer ses enfants.
18:20 Et puis, ça a pris un autre tour le jour où au Mémorial de la Shoah, j'ai découvert
18:25 que cette même Magda Goebbels avait passé les 20 premières années de sa vie dans un
18:30 milieu juif traditionnel.
18:32 L'homme qui l'a élevé s'appelait Richard Friedlander.
18:34 Il était commerçant berlinois juif.
18:36 C'était son beau-père.
18:38 Il a élevé comme si elle était sa fille.
18:40 Il lui a appris les rituels du judaïsme.
18:44 Elle a fait le shabbat avec lui.
18:46 Elle a même participé à des quêtes auprès de la société allemande de l'époque pour
18:52 le retour, pour un retour hypothétique en Israël.
18:54 Elle était très impliquée.
18:56 A 15 ans, Magda, qui allait devenir Magda Goebbels quelques années plus tard, la jeune
19:02 Magda, dite Friedlander, était prise d'un homme qui s'appelait Viktor Arlosoroff.
19:06 Viktor Arlosoroff a été l'un des fondateurs de l'État hébreu.
19:10 Quand vous allez à Tel Aviv aujourd'hui, il y a un boulevard qui porte son nom, le
19:13 boulevard Arlosoroff.
19:15 Donc, imaginez un petit peu ce paradoxe invraisemblable de cette femme qui est devenue la première
19:21 dame de ce régime nazi, élevée par cet homme qui va être un des premiers juifs allemands
19:26 à périr dans les camps, Richard Friedlander.
19:29 Comment cette femme a passé le reste de sa vie, de sa carrière, de ses ambitions à
19:33 effacer ce nom, à effacer ce passé, comme ces nazis ont essayé d'effacer la trace
19:40 de ceux avec lesquels ils vivaient auparavant, tous les juifs allemands.
19:44 Il y a une histoire folle.
19:46 C'est-à-dire que partir de ce moment où cette mère empoisonne ses enfants, découvrir
19:51 qu'elle a été élevée par cet homme, ça a pris une autre dimension.
19:55 Et en même temps, pour vous, ça a été des mois et des mois de travail parce que vous
19:59 avancez à petits pas.
20:01 J'avance à petits pas, j'avance à pas prudents, monsieur, parce que quand on se
20:07 frotte, si je puis dire, à la question de la Shoah, quand on aborde cette question-là,
20:12 si importante, si sensible, il est hors de question d'écrire la moindre sottise.
20:17 Je m'accorde la fiction, je suis haut écrivain, auteur, romancier, d'accord, dont acte,
20:24 mais je ne peux pas raconter n'importe quoi sur cette période-là.
20:28 Et puis, surprise, le roman sort.
20:30 Vous pensiez que ce serait un gentil roman qui aurait un petit succès et tout de suite,
20:34 vous recevez un prix à Nancy, "Place Stanislas", le prix du premier roman.
20:39 Mais c'était complètement dingue.
20:41 Avant qu'il ne sorte, mon éditrice m'avait dit "Bon, on va le tirer à 1000 exemplaires".
20:45 1000 exemplaires, quand même, c'est pas beaucoup.
20:48 Pour deux ans de travail, non ?
20:50 Pour deux ans et demi, trois ans de travail.
20:52 C'était vraiment pas beaucoup.
20:55 Et puis, les semaines passant, le livre allant apparaître pour la rentrée littéraire,
21:01 elle m'appelait en disant "Ah, on a fait un autre tirage, on a fait un troisième tirage".
21:05 Il n'était pas encore sorti, mais déjà la demande commençait à être réelle.
21:09 Et il a eu plein, beaucoup, beaucoup, beaucoup de prix littéraires.
21:14 Oui, il y a eu celui-là, il y a eu le prix Emmanuel Robles et ça a changé votre vie.
21:18 J'ai basculé, bien sûr.
21:21 J'ai basculé, j'étais le plus heureux des hommes, je me disais "Bon, d'accord, donc c'est possible".
21:24 Ce rêve peut devenir réalité.
21:26 Je peux être écrivain.
21:28 On a accepté mon manuscrit, on a accepté ce fait.
21:30 Et des lecteurs l'aiment.
21:32 C'est possible, alors ?
21:34 Non seulement c'est possible, mais ça a continué.
21:37 Et il y a une autre date dans votre vie qui est importante,
21:40 une date hélas tragique, le 15 avril 2019.
21:44 A tout de suite sur Sud Radio avec Sébastien Spitzer.
21:47 Sud Radio, les clés d'une vie. Jacques Pessis.
21:50 Sud Radio, les clés d'une vie, celle de mon invité Sébastien Spitzer,
21:54 journaliste, écrivain, romancier.
21:56 On a raconté vos débuts de journaliste dans le monde entier,
21:59 vos reportages, votre premier roman qui est un succès,
22:02 à votre grande surprise.
22:04 Et vous continuez, et le 15 avril 2019,
22:07 il se passe un événement historique et tragique.
22:10 Un gigantesque incendie vient en effet d'éclater en fin d'après-midi.
22:15 Les images sont extrêmement impressionnantes.
22:17 L'incendie de Notre-Dame.
22:18 Et vous êtes chez vous, je crois, place des Abbes, Sébastien Spitzer,
22:21 et vous voyez les flammes de loin.
22:23 Oui, le panache de fumée qui s'éleve au-dessus de la capitale.
22:26 Et immédiatement, qu'est-ce que vous faites ?
22:28 Je crois qu'il y a les cloches qui sonnent.
22:30 Vous vous appelez les sapeurs-pompiers.
22:32 Oui, le toxin. À Paris, on sonne le toxin.
22:35 Et c'était très impressionnant,
22:38 puisque dans tout Paris, on entendait ces églises
22:41 qui sonnaient leurs cloches comme pour soutenir Notre-Dame en souffrance.
22:46 La cathédrale prise par les flammes.
22:49 Et peu de temps après, j'ai appelé, le lendemain,
22:53 puisqu'ils étaient très occupés, mes amis pompiers,
22:56 avec lesquels j'avais passé des nuits à la caserne,
22:58 sur lesquels j'avais travaillé, j'avais réalisé plusieurs reportages,
23:01 et ils ont commencé à me raconter leur histoire, le sauvetage de Notre-Dame de Paris.
23:04 Oui, et vous avez appris notamment qu'il y avait une équipe
23:07 qui a failli disparaître parce qu'ils étaient enfermés dans la nef en fusion.
23:11 Alors, il y en a quelques-uns qui ont pris des risques immenses.
23:18 Si j'ai le temps, j'aimerais que vous en parlez un ou deux.
23:23 Déjà, l'aumônier.
23:25 L'aumônier, c'est le père fournier.
23:27 L'aumônier des pompiers, c'est ce prêtre qui officie auprès des militaires,
23:32 puis des pompiers.
23:33 Les sapeurs-pompiers sont des militaires,
23:35 créés par Napoléon il y a près de deux siècles.
23:38 L'aumônier fournier, lui, sa charge, son but,
23:44 c'est de sauver la couronne d'épines du Christ.
23:46 Il rentre dans l'église en flamme, dans la cathédrale en flamme,
23:51 ne se souvient plus du code, du coffre dans lequel on a mis à l'abri
23:56 la couronne d'épines et un clou, et un morceau de la croix,
23:59 et finit par l'obtenir par un de ses collègues,
24:02 et sort la couronne d'épines du Christ.
24:07 Mais le père fournier, il va y retourner,
24:10 alors que plus aucun pompier n'a le droit d'y mettre un pied,
24:13 puisque la nef s'est effondrée,
24:15 puisque comme me le dira plus tard l'un d'entre eux,
24:18 c'était en levant les yeux vers la nef en fusion,
24:20 c'était comme si le diable leur dégueulait toutes les flammes de l'enfer sur eux.
24:24 L'aumônier il y retourne, il y retourne pour aller ouvrir le tabernacle,
24:32 sortir cette coupe dans laquelle on place l'hostie.
24:37 Et il sort l'hostie de la cathédrale Notre-Dame en flamme,
24:41 il le lève, il le montre aux policiers, aux pompiers,
24:46 à toutes les équipes en disant "j'ai sauvé le Christ".
24:48 Tous les gens le regardent en disant "qu'est-ce que vous faites ?"
24:51 et lui de leur rappeler que c'est pour cette miette de pain
24:54 qu'on a bâti des églises, qu'on a bâti des cathédrales,
24:57 pour le corps du Christ il avait, c'était pour lui la chose la plus importante à faire.
25:01 - Et vous évoquez aussi Myriam qui est une carporal-chef
25:04 qui était la première à pénétrer dans Notre-Dame.
25:07 - Avec un nom qui était écrit pour le...
25:10 C'est un nom parfait, un nom parfaitement indiqué,
25:12 Myriam, toute jeune pompier, c'était une de ses premières opérations,
25:15 je l'ai rencontrée, on s'est parlé d'une timidité, d'une modestie absolue.
25:22 Elle va être la première à grimper et à affronter ces flammes
25:25 qui faisaient 6, 7, 8 mètres de haut.
25:27 - Alors on a un peu oublié que la brigade des sapeurs-pompiers
25:30 elle a été créée par Napoléon Ier en 1811
25:33 et juste avant qu'est-ce qu'il se passait ?
25:34 Quand il y avait le feu, on devait l'éteindre nous-mêmes.
25:36 - Alors il y avait des pompiers dans Paris qui n'étaient pas très efficaces,
25:39 enfin qui étaient les pompiers de service,
25:41 c'est-à-dire qu'ils avaient aussi d'autres occupations, d'autres métiers,
25:44 et puis comme l'ambassade dans laquelle il était a pris feu,
25:49 il a appelé ses sapeurs, pas ses fantassins, mais ses soldats, les sapeurs,
25:56 et il en a fait une brigade des sapeurs-pompiers.
25:59 - Moi je me souviens de Francis Blanche, vous savez dans les théâtres
26:01 il y avait toujours un pompier de service,
26:03 et un jour Francis Blanche fume sa pipe dans les coulisses,
26:05 le pompier lui dit "il faut arrêter de fumer"
26:08 et Francis Blanche le regarde, lui "si vous n'aimez pas le feu,
26:10 il faut changer de métier".
26:12 - C'est ça.
26:14 - C'est assez drôle.
26:15 Alors il se trouve qu'ensuite on a tout raconté sur Notre-Dame,
26:19 même encore aujourd'hui sur ce qui s'est passé,
26:22 et il y a eu des appels aux dons,
26:24 et ça ces appels aux dons, et vous l'avez raconté dans un livre,
26:27 il y a eu des dons très modestes,
26:29 quelques fois le PSG, le château Mouton-Rothschild,
26:33 le pont du Gard qui a offert 25 000 euros le prix des billets,
26:36 tout le monde s'y est mis, Sébastien Spitzer.
26:38 - Oui et puis des milliardaires aussi qui sont entrés en concurrence,
26:43 les Pinault, les Arnault, pour aussi faire des dons, eux, colossaux.
26:47 - Et immédiatement vous avez écrit un livre
26:50 qui est sorti quelques mois plus tard avec les sapeurs-pompiers.
26:53 - Avec leur aide, grâce à eux,
26:55 et dont une partie des bénéfices ont été reversés
26:59 à la caisse d'entraide des sapeurs-pompiers de Paris,
27:02 oui bien sûr, c'était quelques mois, c'était cinq semaines après.
27:06 - Il fallait aller très vite.
27:07 - Il fallait aller très vite, oui, pour coller à l'événement,
27:11 et j'étais dans une autre temporalité, j'étais journaliste avant,
27:14 donc l'événement, on le traduisait, on le décrivait,
27:17 on faisait trois images, un montage, et hop, c'était sur les écrans.
27:19 Là, un livre, j'ai compris que l'économie du livre était un peu plus lente,
27:22 et donc ça a pris un petit peu plus de temps.
27:24 - Oui, mais en même temps, ce livre est sorti,
27:26 il y en a eu un autre, il y a eu deux livres sur Notre-Dame.
27:29 - Il y a eu un beau livre après, puisqu'ils aimaient bien le premier,
27:32 ils m'ont confié quelques photos exclusives.
27:34 - Moi, ce qui m'a toujours étonné,
27:36 c'est que Jean-Jacques Annaud n'ait pas fait appel à vous
27:38 pour son film sur Notre-Dame.
27:40 - Oui, pourtant, j'ai retrouvé beaucoup du livre.
27:42 - C'est ça qui est étonnant, hein ? C'est la vie.
27:45 D'ailleurs, le film a fait 793 000 entrées en France, ce qui n'est pas beaucoup.
27:48 En revanche, il a fait plus de 6 millions d'entrées dans le monde,
27:51 ce qui prouve que Notre-Dame est universellement connue.
27:54 - Oui.
27:55 - Alors, ça aussi, ça a été une chose importante dans votre vie, Notre-Dame ?
27:59 - Euh...
28:01 C'est ce que certains croient que...
28:06 Ce qu'on dit qui n'existe pas est très important pour moi, oui.
28:09 Tout ce qui, soi-disant, n'existerait pas est très important pour moi,
28:12 tous ces taux de là.
28:13 - Oui, mais aujourd'hui, on parle encore de Notre-Dame,
28:15 on ne sait toujours pas ce qui s'est passé vraiment,
28:17 il y a 10 000 hypothèses, et je pense qu'on ne le saura jamais.
28:20 - C'est vrai, c'est ce que j'ai entendu dire récemment.
28:22 Mais quand vous savez, quand vous imaginez que Notre-Dame a brûlé
28:28 pour une...
28:29 Quel était le déclencheur ? On l'ignore encore.
28:31 Mais qu'est-ce qui a pris ?
28:33 Il y a eu une première alarme qui a résonné,
28:35 et la personne qui était engagée de trois jours plus tôt
28:41 pour faire le tour de Ronde pour s'assurer de la sécurité
28:44 ne connaissait pas ce tableau.
28:46 Elle a vu "incendie, toit sacristie",
28:49 elle est allée à la sacristie,
28:51 elle pensait que l'incendie venait de là.
28:53 Mais non, il y avait un faux contact.
28:55 Le détecteur était placé dans le toit de Notre-Dame,
28:58 mais ils avaient marqué "sacristie".
29:00 Et ça faisait des mois qu'ils se disaient
29:02 qu'il fallait changer le tableau d'affichage
29:04 parce que ça indique une erreur.
29:06 Et ils ont perdu une demi-heure à faire le tour du mauvais endroit,
29:09 sous le mauvais toit, le toit de la sacristie,
29:11 et non pas le toit de la cathédrale.
29:13 Et en une demi-heure...
29:15 Vous savez, les pompiers m'ont dit "Vous savez Sébastien,
29:17 il faut un feu qui a une minute, un saut suffit pour l'éteindre.
29:21 Un feu qui a deux minutes, il faut une citerne pour l'éteindre.
29:24 Imaginez 30 minutes après, il fallait tout ce qui était déployé."
29:28 - Alors ça c'est votre livre sur Notre-Dame,
29:30 mais il y a aussi, vous avez continué dans le roman,
29:32 Sébastien Spitzer, et il y a un livre
29:34 qui s'appelle "Le coeur battant du monde"
29:36 où vous avez raconté, et là aussi personne ne le savait,
29:39 l'un des secrets les mieux gardés de l'Union Soviétique,
29:41 le fils naturel de Karl Marx.
29:43 Ça aussi, il faut trouver le sujet.
29:45 - Mais c'est dingue.
29:47 En fait, dans la première partie de votre émission,
29:50 vous avez fait la grâce de m'interroger sur mon enfance.
29:53 Mon enfance, elle a été marquée par un homme
29:55 qui s'appelait Maurice Séveneau, qui était un journaliste.
29:57 - Oui, absolument.
29:58 - Qui m'a beaucoup éclairé et qui me racontait cette histoire.
30:01 C'est lui qui me disait, "Tu sais, le fils de Karl Marx,
30:04 il a eu un enfant avec la bonne."
30:06 "Ah oui, c'est vrai ?"
30:08 "Ah bon, mais oui, tu sais, il vivait comme un grand bourgeois
30:10 dans son hôtel particulier à Londres à la fin de sa vie,
30:12 puisqu'au début il était très très pauvre.
30:14 Et il a eu cet enfant-là qu'il n'a pas reconnu,
30:17 et c'est son copain Engels qui s'en a occupé."
30:20 - Oui, et je crois que c'est une prostituée qu'il a élevée,
30:22 en Irlande, et qu'ensuite il a défendu les Irlandais, cet enfant.
30:25 - Engels vivait avec deux sœurs irlandaises.
30:28 - D'accord.
30:29 Mais alors, ça aussi, c'est des sujets à traiter.
30:31 Il faut partir de l'histoire et inventer un roman derrière,
30:34 Sébastien Spitzer.
30:35 - J'adore faire ça.
30:36 Les historiens me regardent parfois vers de jalousie en disant,
30:38 "Mais vous, vous avez tellement de chance,
30:40 vous pouvez raconter ce qu'on ne sait pas."
30:42 Ben voilà, c'est la différence entre le romancier et l'historien.
30:44 En tout cas, le romancier sérieux, qui veut écrire
30:47 avec des récits vraisemblables,
30:50 je vais fouiller l'histoire, je vais me documenter
30:53 pour que ce soit vraisemblable.
30:54 Mais ce qui n'est pas dit, ce que l'historien ignore,
30:58 là, je m'accorde toute l'attitude pour le raconter.
31:00 - Et résultat, encore une fois, une grande surprise,
31:03 vous vous êtes sélectionné Sébastien Spitzer pour le Goncourt
31:06 et pour le Goncourt des lycéens.
31:07 Là aussi, ce n'était pas évident.
31:10 - Ben, grande surprise et grande joie.
31:13 - Mais vous vous rendez compte qu'en deux ou trois livres,
31:16 vous vous retrouvez dans la sélection du Goncourt ?
31:18 - Oui.
31:19 - Ça vous a surpris ? Ça vous a marqué ?
31:21 - On était tous fous de joie, très flattés,
31:25 immensément flattés.
31:29 Qu'est-ce que je voulais que je vous dise ?
31:31 C'est très agréable de se dire, tiens,
31:34 chaque année, 1400 romans apparaissent
31:37 et ils considèrent qu'il fait partie des douze
31:41 qui mériterait peut-être un prix assez invraisemblable.
31:46 - Et il y a aussi un autre roman que vous avez fait ensuite,
31:48 dont j'ai trouvé trace dans une chanson.
31:51 - La revanche des orages, affaire de la maison,
31:57 un tendre paysage pour les petits garçons.
32:00 - Je ne sais pas si c'est un rapport avec "La Folk en Plain" de Charles Trenet,
32:03 je vous dirais qu'il a écrit cette chanson dans un restaurant russe,
32:06 sur le piano, il y avait encore le vernis,
32:09 donc la trace est restée sur le piano,
32:11 il a dû rembourser le vernis du piano
32:13 et quand la chanson a eu du succès,
32:15 le patron du restaurant lui a demandé de réécrire la chanson sur le piano.
32:18 - Génial !
32:20 Mais oui, bien sûr que le lien est direct, en tout cas par les mots,
32:24 "La revanche des orages", quand j'ai entendu cette chanson,
32:26 c'était une merveille, c'est très dur,
32:28 c'est une chanson très triste, profonde, triste,
32:32 dans laquelle il dit sa mère,
32:34 toute la problématique de cette enfance,
32:37 cette maternité difficile,
32:39 mais "La revanche des orages", c'est tellement beau,
32:42 "La revanche des orages", j'ai décroché ce mot inscrit sur le vernis de ce piano,
32:48 pour le mettre sur la première page d'un roman,
32:52 "La revanche des orages", pour raconter la guerre,
32:57 la bombe, l'atome et tout le grand tremblement.
33:02 - Oui, puisque c'est un pilote à Hiroshima
33:05 qui est traumatisé parce qu'il a tué.
33:07 - C'est ça, il s'appelait Claude Hitterli,
33:09 histoire vraie, à son retour de mission,
33:12 il était en tête dans les trois avions
33:14 qui ont participé au bombardement d'Hiroshima,
33:16 lui à la météo,
33:18 et quand tous les autres, tous les pilotes,
33:20 étaient à la gloire, à la joie
33:23 d'être peut-être ceux qui allaient mettre fin à la guerre,
33:26 lui s'est enfermé dans son "concept",
33:29 dans cette casemate,
33:31 il était dans son lit, il a commencé à entendre des voix,
33:34 c'est une histoire vraie, des voix,
33:36 c'est très hugolien, à la Jean Valjean,
33:39 c'est comme Jean Valjean dans "Tempête sous un crâne",
33:42 il commence à nourrir ce remords terrible,
33:45 et là il est pris par ce remords,
33:47 ce qui va le hanter, qui va le rendre fou littéralement.
33:49 - Moi ce qui m'étonne aussi, parce que je crois
33:51 que vous avez pris des cours à la FEMIS en 2020,
33:53 c'est qu'on n'est pas encore adapté vos romans
33:56 au cinéma ou à la télévision, Sébastien Spitzer.
33:59 - Je suis très content de vous l'entendre dire,
34:00 moi non plus, je ne comprends pas, j'aimerais bien.
34:02 - Oui, mais c'est vrai, en plus vous pourriez écrire les scénarios,
34:04 vous avez appris à travailler les scénarios.
34:06 - Oui, j'adore ça, et j'aime découper l'image,
34:09 en montage je l'ai fait aussi, je vois très bien
34:11 comment on tourne une séquence, un jour peut-être,
34:14 croisons les doigts.
34:15 - Et en attendant vous êtes entre deux romans,
34:17 professeur à Sciences Po.
34:18 - Oui.
34:19 - Pourquoi, c'était autre chose ?
34:20 - Parce que la meilleure façon d'apprendre, c'est d'enseigner.
34:23 Et avec mes élèves, j'anime des ateliers d'écriture,
34:28 inspirés de l'histoire, évidemment la littérature,
34:31 et confronter à leur réalité, à leur façon vision du monde,
34:36 j'apprends beaucoup.
34:38 - C'est-à-dire ?
34:39 - C'est-à-dire qu'aujourd'hui, les replis identitaires,
34:44 les phénomènes collectifs, la lecture des événements internationaux,
34:50 comme ce qui se passe entre Israël et ses voisins aujourd'hui,
34:56 en Palestine, à Gaza, tout ça,
35:00 est ressenti d'une manière très très forte et très très étonnante.
35:06 - Et ça peut peut-être donner matière aussi à des livres ?
35:08 - C'est fait, monsieur.
35:09 C'est fait, j'étais l'hiver dernier, évidemment,
35:12 la fibre journalistique m'a repris, je lisais un texte de Victor Hugo
35:16 qui datait de 1882, dans lequel Victor Hugo dénonçait les pogroms en Russie.
35:20 Vous savez, 1882, juin 1882, il y a des pogroms en Russie.
35:25 Et Hugo dénonçait cette situation, prenait conscience des faits
35:29 et a écrit un texte très très fort.
35:31 Et en lisant ce texte-là à la radio en direct,
35:34 sur les derniers mots d'Hugo qui dit "Humanité regarde et voit",
35:37 j'ai éprouvé l'impérieuse nécessité d'y aller, d'aller voir,
35:42 de recueillir les témoignages des rescapés,
35:44 d'interroger un petit peu plus tard les otages
35:47 qui avaient eu la chance immense d'être libérés
35:50 et d'en faire un recueil de témoignages qui paraîtra bientôt.
35:53 En attendant, Victor Hugo, on va en reparler.
35:55 Vous avez assuré l'enchaînement à travers la date du 29 février 2024.
36:00 A tout de suite sur Sud Radio avec Sébastien Spitzer.
36:03 Sud Radio, les clés d'une vie, mon invité Sébastien Spitzer.
36:10 On a parlé de votre parcours de journaliste, de romancier,
36:13 assez étonnant.
36:15 Puis il y a un homme dans votre vie très important, c'est Victor Hugo.
36:18 Et le nouveau livre qui est sorti le 29 février 2024,
36:22 "Léonie B", "Léonie B", c'est une histoire vraie,
36:25 c'est Léonie Biard.
36:27 Et vous vous êtes inspiré d'une histoire vraie,
36:30 d'une histoire d'amour de Victor Hugo,
36:32 pour écrire un roman qui tourne autour de la vie de Victor Hugo.
36:36 - Oui, qui raconte un pan de la vie de Victor Hugo
36:39 par le biais de cette femme.
36:41 Alors, c'est la formule, il y a toujours une femme
36:44 derrière la vie d'un grand homme.
36:46 - Il y en a eu plusieurs pour lui.
36:48 - Oui, il y en a eu plusieurs, mais je pense que c'était une grande femme,
36:51 une grande dame qui a rencontré la vie de Victor Hugo
36:55 parce que Léonie portait en elle quelque chose d'important,
36:58 cette curiosité, la volonté de voir,
37:01 et puis aussi la capacité de dire, de dénoncer une situation,
37:05 l'inégalité fondamentale, flagrante entre les hommes et les femmes à l'époque.
37:10 - Oui, alors en même temps, vous êtes parti d'une histoire vraie,
37:12 cette femme à 19 ans part pour une mission scientifique
37:15 au pôle Nord, au Spitsberg.
37:17 Au retour, elle rencontre Victor Hugo
37:19 et vous avez imaginé un roman qui permet à la fois
37:22 de parler de cette histoire, mais en même temps du parcours de Victor Hugo.
37:25 - Oui, cette histoire, c'est cette femme qui s'impose
37:29 à bord d'un bateau de la marée nationale,
37:31 sachant qu'à l'époque, les femmes étaient interdites
37:33 parce que, disait-on, elles portaient malheur.
37:35 Donc, elle se coupe les cheveux, elle se rase la tête, littéralement,
37:37 elle se déguise en marin.
37:38 Et quand elle arrive, tout le monde se marre en disant "Bienvenue, Madame".
37:41 Donc, elle ne dit personne, elle revient de ce voyage,
37:45 elle rencontre Victor Hugo, lui raconte son histoire
37:47 et lui est évidemment fasciné par le courage de cette femme,
37:50 sa jeunesse, sa beauté.
37:51 Elle vient de se marier, elle a deux enfants, elle s'ennuie.
37:54 Et il va se passer quelque chose entre eux.
37:56 - Exactement. Et d'ailleurs, son mari est un peintre raté,
37:59 détesté de tous sauf de Louis-Philippe.
38:02 Et à partir de ça, vous avez imaginé une histoire
38:04 qui permet aussi de voir le parcours de Victor Hugo,
38:07 de voir la curiosité permanente de Victor Hugo, Sébastien Spitzer.
38:10 - Mais oui. Mais quand on lit Victor Hugo,
38:12 quand on lit ses choses vues, par exemple,
38:14 vous voyez à quel point, vous concevez à quel point
38:19 cet homme-là était curieux de tout.
38:21 Choses vues, ce qu'il voyait, ce qu'il captait de la journée.
38:23 Il y a un lexicographe qui a étudié, qui a relevé
38:26 tous les mots de vocabulaire utilisés par Victor Hugo
38:29 et le mot qui revient le plus souvent, c'est tous les mots
38:32 qui appartiennent au champ lexical du verbe "voir".
38:35 Donc cet homme-là éprouvait le besoin de voir,
38:38 pour comprendre, pour se représenter les choses,
38:40 d'essayer de saisir les situations.
38:42 Il allait au procès, il avait un journal pour raconter
38:45 ce qui se passait au quotidien, il avait ses livres
38:47 pour aller au-delà du quotidien, pour accéder à cette dimension
38:52 fictionnelle qui permet de dire presque autant
38:55 que le journaliste dit le réel.
38:57 - Et vous avez une passion pour Victor Hugo
38:59 qui remonte à votre enfance, je crois à un cadre
39:01 qui était chez votre mère, où il y avait un extrait
39:04 de feuilles d'automne.
39:05 - Oui, l'amour d'une mère, amour que nul n'oublie,
39:07 pas merveilleux qu'un dieu partage et multiplie.
39:11 Et c'est ma rencontre avec Hugo, avec les premiers vers.
39:16 - Et ensuite, vous avez découvert ces vers,
39:18 moi on m'a toujours dit qu'en dehors de Victor Hugo,
39:21 c'était l'heure tranquille où les lions vont boire,
39:24 à l'école on m'a dit, c'est considéré comme
39:26 le plus beau vers de la langue française.
39:29 C'était ce qu'à l'époque on disait dans l'enseignement.
39:32 - D'accord, très bien, mais pourvu qu'on cite Hugo,
39:35 tout va bien, ça me va.
39:36 - À partir de ce jour, vous avez vraiment lu tout Hugo,
39:39 c'est pas ça le plus bizarre ?
39:40 - Lui tout Hugo, je pense que c'est donné à personne.
39:43 Vous savez, il y a un couple d'universitaires
39:45 qui s'est mis en tête de recenser
39:47 toute la correspondance de Victor Hugo.
39:49 Ils sont morts avant d'en avoir terminé.
39:51 - C'est fou.
39:52 - Oui, lire tout Victor Hugo, je ne sais pas comment
39:55 ils trouvaient le temps d'écrire, de produire autant.
39:58 Non, j'ai pas lu tout Victor Hugo, j'aimerais bien.
40:01 Je le lis tout le temps, je le lis sans cesse,
40:03 je le relis aussi bien sûr, je m'en nourris en permanence.
40:07 Et j'essaie d'écrire parfois au diapason de Hugo.
40:10 Vous savez, je me relie un petit bout de Hugo
40:11 avant de me mettre à écrire,
40:12 parce que ça donne une impulsion fondamentale.
40:14 - Et il y a une société des amis de Victor Hugo
40:17 qui a été créée je crois en 2000,
40:18 dont vous êtes l'un des administrateurs.
40:20 - Oui, mes deux amis qui ont monté cette société
40:22 des amis de Victor Hugo et qui, chaque année,
40:25 organisent des conférences.
40:26 Cette année, ça va être Hugo et Zola.
40:28 L'année dernière, c'était Hugo et Dostoevsky
40:31 pour essayer de cerner le personnage,
40:33 la dimension de sa pensée.
40:35 - Il y a beaucoup de sociétés d'amis comme ça,
40:37 l'ami de Jean-Claude Brial,
40:38 l'idrée Montmoretti, d'Alexandre Dumas.
40:41 Et la plus ancienne apparemment,
40:42 c'est les amis d'Henri Verne,
40:44 le créateur de Bob Moran,
40:45 en 1953 avec un magazine qui s'appelait "Reflet".
40:48 Ils ont été les pionniers du genre.
40:50 Alors, ce roman autour de Victor Hugo,
40:53 vous auriez pu en écrire un avant ?
40:55 Ça semblait une évidence, Sébastien Spitzer ?
40:58 - Il faut être prêt quand même.
41:02 Il faut être costaud pour se dire
41:04 "Tiens, allez, je vais me frotter à Victor Hugo".
41:07 Je l'ai écrit parce que j'étais chez lui.
41:10 Pendant trois ans,
41:11 pendant que j'écrivais mon dictionnaire amoureux
41:13 de Victor Hugo,
41:14 un livre avant, un dictionnaire amoureux,
41:16 j'étais place des Vosges,
41:18 au troisième étage,
41:19 juste au-dessus de son appartement.
41:20 J'avais accès à sa documentation,
41:23 à ses textes, à ses manuscrits,
41:26 donc des documents extraordinaires
41:28 pour cerner le personnage.
41:31 Une fois, chez lui, installé,
41:34 avec mes habitudes, mes rituels,
41:36 comme on dit aujourd'hui,
41:37 j'ai nourri l'idée d'écrire,
41:40 de dépasser le dictionnaire amoureux,
41:41 les articles,
41:42 pour écrire une fiction
41:43 inspirée d'un moment de sa vie
41:45 avec Léonie B.
41:46 - Et un moment de sa vie aussi
41:47 qui est lié à d'autres romans de Victor Hugo.
41:50 Par exemple, "Les débuts de bouloir du crime"
41:52 où il vient d'assister
41:53 à une représentation de Ruy Vlas.
41:55 Et il est pris dans une émeute
41:56 parce que les émeutes,
41:57 ça faisait partie aussi
41:58 de son quotidien, Victor Hugo.
42:00 - Oui, ça a commencé
42:02 avec "Notre-Dame de Paris"
42:03 puisque "Notre-Dame de Paris", 1830,
42:05 il y a trois jours en juillet
42:06 qui vont faire basculer
42:07 l'histoire de France,
42:08 la révolution de juillet,
42:09 passant d'un régime à l'autre.
42:10 Et puis, là, on est en 1839,
42:14 il y a deux hommes
42:15 qui s'appellent Barbès et Blanqui
42:18 qui se sont mis en tête
42:19 de soulever tout Paris.
42:20 Ils sont 200.
42:21 Ils ont 200 hommes avec lui.
42:22 Ils sont partis de la morgue,
42:23 ils se sont donné rendez-vous à la morgue,
42:24 c'est une drôle d'idée,
42:25 pour ensuite prendre les mairies
42:26 autour de la Bastille et des Faubourgs.
42:28 Mais bon, ça a tourné court.
42:30 - Et en même temps, ce Barbès
42:31 vous racontez, et là aussi,
42:32 c'est une fiction à partir de la vérité,
42:35 Sébastien Spitzer,
42:36 il va assister au procès de Barbès
42:38 et va obtenir sa grâce
42:39 alors qu'il est condamné à mort.
42:41 - Oui, mais vous voyez, M. Plessis,
42:43 là où la fiction rejoint la réalité,
42:45 c'est que quand on creuse la question,
42:47 c'est visiblement ce qui se serait passé.
42:50 Vraisemblablement ce qui se serait passé.
42:52 C'est-à-dire qu'un quatrain de Hugo
42:54 a fait basculer l'opinion du roi
42:56 qui aurait finalement gracié Barbès.
42:59 - Et ça, c'était la volonté du Hugo ?
43:01 C'était le côté révolutionnaire,
43:03 le côté justicier ?
43:04 - Barbès et Hugo étaient aux antipodes
43:06 de l'échiquier politique à ce moment-là, 1839.
43:09 Hugo était plutôt conservateur,
43:11 Barbès était tout le contraire,
43:13 plutôt anarchiste.
43:14 C'est l'idée qui les reliait, en fait,
43:18 celui de l'homme, de l'humain,
43:20 et l'hostilité absolue contre la peine de mort
43:23 qui a fait que Hugo a rencontré Barbès.
43:25 - Et puis on comprend,
43:27 à lire votre livre Sébastien Spitzer,
43:29 que déjà Hugo est célèbre,
43:32 il assiste à une transposition en opéra
43:35 de Notre-Dame de Paris qu'il trouve catastrophique.
43:37 Mais ça c'est la vérité ?
43:39 - Oui, et Sméralda !
43:41 Bien sûr, et on la joue encore parfois.
43:43 - Il n'a pas aimé du tout apparemment.
43:45 - Non, il n'était pas fou.
43:46 Je crois que c'était son amie,
43:47 la femme de M. Bertin,
43:48 qui s'était occupée de composer.
43:50 - Il surveillait tout,
43:52 dès qu'il y avait quelque chose qui le concernait,
43:54 il y allait.
43:55 - Oui, sans le commenter pour autant.
43:57 C'est-à-dire qu'il suivait les choses,
43:59 il était au courant,
44:00 mais laissait dire, laissait faire.
44:02 Et quand par exemple Baudelaire,
44:04 Charles Baudelaire,
44:05 le suppliait de lui présenter son éditeur
44:07 parce que le sien à Poulet Malassi
44:08 était en mauvaise posture
44:10 à cause des fleurs du mal,
44:12 Hugo présentait son éditeur.
44:14 Mais il savait très bien qu'il disait
44:16 "pique-pendre",
44:17 que Baudelaire disait "pique-pendre" sur lui.
44:19 Il laissait faire.
44:21 Et je crois que ça c'est l'apanage des grands.
44:23 Il avait une formule comme ça,
44:25 fort Hugo, il disait
44:27 "la critique vous couronne".
44:30 - Et puis il y a un personnage
44:32 qu'on retrouve plus tard
44:34 et qui a été chanté aussi.
44:36 * Extrait de "La faute à Rousseau" de Sébastien Spitzer *
44:43 - Gavroche, qui se retrouve dans ce roman
44:45 et que Hugo sauve de la noyade,
44:47 Sébastien Spitzer.
44:48 - Oui, bon, ok.
44:50 Mais Thénardier aussi.
44:52 Thénardier qui est au cœur de ce roman
44:54 et qui en fait s'appelait Thénard,
44:56 le baron Thénard,
44:58 contre lequel Hugo avait plus qu'une dent
45:00 puisqu'il avait même tout un combat contre lui.
45:02 Le baron Thénard était le président
45:04 de la société d'encouragement à l'industrie nationale.
45:06 Il poussait les industriels à engager des enfants
45:08 pour travailler.
45:09 Révolution industrielle, il fallait des petites mains
45:11 pour produire habilement, pour produire moins cher
45:13 et puis pour se loger entre les fils,
45:15 les enfants qui passaient,
45:17 ou dans les mines aussi.
45:19 Et Hugo était vent debout
45:21 avec les enfants à l'usine.
45:23 Dès 8 ans jusqu'à 16 heures par jour,
45:25 Thénard, lui, poussait
45:27 pour que ça demeure.
45:29 Et là, évidemment, les deux hommes se sont affrontés
45:31 notamment sur cette question-là.
45:33 - Et donc ça, c'est une fiction, mais Gavroche qui arrive,
45:35 les Thénardiers qui arrivent,
45:37 il va imaginer les misérables.
45:39 - Mais oui, il y a
45:41 cette loi sur le travail des enfants à l'usine.
45:45 Gavroche.
45:47 La condition des femmes, Fantine, Cosette,
45:49 cette femme qui doit se prostituer parce qu'une femme
45:51 avec un enfant, toute seule, sans mari,
45:53 ça ne trouve pas place.
45:55 Et cette femme qu'il aimait,
45:57 Léonie Billard,
45:59 qui a été prise en fâcheuse posture
46:01 puisque son mari l'a suivie,
46:03 a vu que Victor Hugo
46:05 dormait avec elle, était dans ses bras,
46:07 dans ses draps, et l'a fait
46:09 condamnée à la prison pour adultère.
46:11 Léonie Billard qui a passé des mois à la prison de Salazar
46:13 avec les prostituées et les femmes criminelles,
46:15 endettée. Léonie Billard
46:17 va sortir de cette prison avec plus rien.
46:19 Ses enfants qu'elle peut voir
46:21 encore un petit peu de temps en temps, mais plus rien.
46:23 Qu'est-ce qu'elle va faire de sa vie ?
46:25 Comment elle va dépasser ça ?
46:27 Et pardonnez-moi, donc une enfant,
46:29 imaginez l'image, une femme
46:31 avec 25 ans, jolie comme tout,
46:33 avec ses deux enfants dans les mains,
46:35 qui n'a plus rien pour elle, répudiée, qui sort de prison,
46:37 qu'est-ce qu'elle fait ? Comment elle va s'en sortir ?
46:39 Et quand Victor Hugo prend conscience de ça,
46:41 puisqu'il va, il envoie,
46:43 Victor Hugo, il envoie sa femme
46:45 tous les jours à la prison de Salazar
46:47 pour aller voir Léonie,
46:49 évidemment il va prendre conscience
46:51 de cette réalité, de l'inégalité
46:53 fondamentale entre les hommes et les femmes,
46:55 et c'est le début pour lui d'un long combat qui s'amorce
46:57 avec l'immisérable pour moi, alors d'autres
46:59 spécialistes vont me dire "non ça commence un peu avant".
47:01 Ok, soit, donc tac, moi je le vois là comme ça,
47:03 et qui va ensuite prendre
47:05 de plus en plus de place dans son œuvre.
47:07 Et vous savez, Victor Hugo
47:09 a fini sa vie très proche
47:11 de Louise Michel,
47:13 il a été un des premiers
47:15 présidents de la première ligue
47:17 pour les défenses de droits de la femme.
47:19 Victor Hugo disait "voilà, le
47:21 18ème siècle a connu
47:23 les droits de l'homme, le 19ème siècle
47:25 va créer les droits de la femme. Nous autres,
47:27 les hommes, nous avons chargé inégalement
47:29 les plateaux de la balance. D'un côté nous avons mis
47:31 tous les droits du côté de l'homme, de l'autre
47:33 nous avons mis tous les devoirs. Voyez où sont
47:35 les devoirs. - Et finalement dans ce
47:37 livre, il y a à la fois la fiction, parce que
47:39 vous avez inventé des situations, mais basé sur
47:41 la vérité, puisqu'il a aidé
47:43 Léonie B. jusqu'à la fin de sa vie, Victor Hugo.
47:45 - Oui, il a sauvé, il a
47:47 aidé Barbès, il a aidé Léonie B.
47:49 Il s'est confronté
47:51 à Thénard, ou Baron Thénard, qui va devenir
47:53 Thénardier. Oui, tout ça, ce sont
47:55 les fils
47:57 qui m'amènent au misérable,
47:59 qui relient ces
48:01 événements que j'ai
48:03 extrapolés à la véritable histoire
48:05 de Victor Hugo, et
48:07 cette mise en abîme qui m'a passionné.
48:09 C'est-à-dire comment ces petits moments
48:11 disent, racontent
48:13 notre grand homme.
48:15 - Et les misérables, est-ce qu'on pouvait imaginer
48:17 à l'époque que ça deviendrait un tel succès,
48:19 qu'aujourd'hui il y aurait une comédie musicale qui ferait
48:21 le tour du monde ? C'était
48:23 même pas pensable.
48:25 - Pourtant, on dit que les typographes,
48:27 quand ils assemblaient le livre, avaient les larmes aux yeux.
48:29 - C'est vrai.
48:31 - Dès le début, il s'est passé quelque chose de fort.
48:33 - Mais quand Robert Hossein a monté "Les Misérables"
48:35 au Palais des Sports, personne n'y croyait.
48:37 Il s'est endetté.
48:39 Et ensuite, d'ailleurs, il a refusé
48:41 de s'associer à la production londonienne
48:43 parce qu'il n'y croyait pas. Et on connaissait si peu
48:45 "Les Misérables". Moi, je me souviens, la première
48:47 des "Misérables", à la fin,
48:49 il y a un monsieur avec une barbe blanche qui arrive sur scène
48:51 et un spectateur dit "c'est l'auteur".
48:53 Victor Hugo n'était peut-être pas aussi
48:55 connu, reconnu
48:57 qu'aujourd'hui.
48:59 - Il était connu
49:01 de son vivant, ça c'est évident.
49:03 Respecté,
49:05 surtout à la fin de sa vie, puisque,
49:07 rappelez-vous, quand il est mort,
49:09 Paris a été envahie par une foule immense
49:11 qui l'a accompagné jusqu'à sa dernière demeure.
49:13 On dit qu'il y avait trop de bande,
49:15 si je puis dire. Pardon pour la coopération,
49:17 mais que pour Johnny Hallyday.
49:19 Il habitait quand même,
49:21 Victor Hugo a fini sa vie
49:23 quand on lui écrivait,
49:25 on écrivait à monsieur Victor Hugo
49:27 en l'avenue qui porte son nom. Il habitait
49:29 dans l'avenue Victor Hugo, de son vivant.
49:31 C'était quand même déjà quelqu'un.
49:33 - Et c'est quelqu'un aussi de passionnant
49:35 qu'on retrouve dans ce livre
49:37 Léonie B, Sébastien Spitzer.
49:39 On voit le travail que ça représente
49:41 d'écrire et de raconter Victor Hugo
49:43 à votre façon et avec votre passion.
49:45 C'est chez Albin Michel et je le recommande
49:47 à celles et ceux qui nous écoutent. Et vous allez continuer
49:49 à écrire des livres ? - J'espère bien tant que
49:51 les lecteurs me le permettront. - Je pense
49:53 qu'ils vous le permettront pendant longtemps. Merci
49:55 et "Les Clés d'une vie" s'est terminé
49:57 pour aujourd'hui. On se retrouve bientôt.
49:59 Restez fidèles à l'écoute de Sud Radio.