Jacques Pessis reçoit Claude Lemesle : il a écrit plus de 3000 chansons pour Bécaud, Dassin, Sardou et beaucoup d’autres. Il raconte ses secrets de fabrication dans un livre.
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##LES_CLEFS_D_UNE_VIE-2024-04-04##
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00:00 Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis.
00:03 Sud Radio, les clés d'une vie, celle de mon invité.
00:05 Votre voix avec un E, c'était d'être professeur d'histoire.
00:09 D'autres voix avec un X ont interprété d'autres histoires, plus de 3000.
00:13 Qui dans l'univers de la chanson ont fait de vous un maître ?
00:16 Bonjour Claude Lemel.
00:17 Bonjour Jacques, bonjour tout le monde.
00:19 Alors on connaît vos chansons parce que les plus grands les ont interprétées.
00:23 On va les évoquer dans les clés d'une vie avec des dates, bien sûr.
00:27 Vous publiez "L'art d'écrire une chanson" qui est une leçon pour toutes celles et tous ceux qui veulent écrire des chansons.
00:32 Et c'est pas aussi facile qu'on imagine.
00:34 Aux éditions et aux rôles, on va en reparler.
00:36 Et pour l'instant, on revient aux dates clés de votre vie, d'accord ?
00:40 Avec plaisir.
00:41 La première, c'est le 24 avril 1965, votre première télé.
00:45 Écoutez, bonnes gens, la cruelle et heureuse histoire du jeune Siméon.
00:49 Oui, c'est une chanson que j'avais écrite.
00:52 Une hypocrite, en tout cas, il prendra un beau récit d'histoire.
00:55 Mon maire était tellement profété, pas passionnant.
00:58 Donc, j'ai écrit cette chanson et c'est avec cette chanson que j'ai auditionné chez Mireille, au Petit Conservatoire.
01:04 Et ça a été ma première télé.
01:06 Mais alors, vous avez auditionné une deuxième fois, car une première fois, vous êtes arrivé et vous vous êtes fait jeter, Claude Demeyle.
01:11 Oui, la première fois, mais pas avec cette chanson là, avec une chanson triste, sentimentale, qui n'était pas si mauvaise, d'ailleurs.
01:20 Mais bon, ça n'a pas plu à Mireille.
01:22 Et la deuxième fois, j'ai auditionné donc en janvier 1965 avec cette chanson et là, ça a fonctionné tout de suite.
01:28 Elle ne vous a pas reconnu en disant c'était lui qui voici quelque temps est venu avec une autre chanson ?
01:32 Apparemment pas.
01:34 Pourtant, j'avais auditionné en novembre, donc c'était assez frais.
01:38 J'avais été un journée à six mois.
01:40 Je n'ai pas attendu six mois.
01:41 Alors, il se trouve que votre première audition, c'est chez Guilux, car il y avait dans le palmarès des chansons un concours réservé aux jeunes.
01:48 Et vous y êtes allé et ça ne s'est pas bien passé.
01:52 Ça c'est... Bon, disons que je n'ai pas été pris en principe, mais j'ai un copain qui est intervenu.
01:57 C'est une histoire assez rocomolesque.
01:59 Donc j'ai fait le concours, mais je suis arrivé dernier.
02:02 Oui, parce que honnêtement, ce que je méritais.
02:05 Mais en fait, ce concours, il y a une autre débutante qui un jour s'inscrit et qui ne va pas y participer parce qu'elle est prise pour le jeu de la chance.
02:13 C'est Mireille Mathieu.
02:14 Oui, c'est ça.
02:15 Elle a été jetée aussi.
02:16 Elle a été jetée aussi.
02:17 Ah bon, bah il faut voir.
02:19 Donc je ne suis pas le seul et ça me rassure un peu.
02:21 Alors à l'époque, vous n'êtes pas chanteur, vous n'êtes pas auteur.
02:24 Vous préparez une licence d'histoire pour devenir professeur, Claude Lemel.
02:27 Oui, c'est ça.
02:28 Je préparais exactement l'école normale supérieure puisque j'étais en Cagnes à ce moment là.
02:33 Donc je préparais la rue d'Ulm.
02:35 Et après, j'ai fait...
02:37 Oui, quand j'ai quitté la Cagne pour cause de petits conservatoires, j'ai effectivement préparé une licence d'histoire.
02:44 Il se trouve aussi que votre premier poème, je crois que vous l'avez écrit en neuvième au CM2 à La Varenne, Claude Lemel.
02:51 Oui, à 8 ans.
02:53 J'ai écrit mon premier poème qui s'appelle "Vagabond" parce que la nounou qui nous gardait m'avait dit
03:00 "Tout de façon, toi, tu n'es qu'un bon à rien".
03:03 Alors pour lui prouver que je n'étais pas un bon à rien, j'ai été écrire un poème.
03:06 Ça a été mon premier réflexe.
03:08 Et pourquoi justement ?
03:09 Je ne sais pas.
03:10 C'est inexplicable.
03:11 Pourquoi est-ce que j'ai voulu lui prouver que je n'étais pas un bon à rien en écrivant un poème ?
03:15 Il faut croire que c'était quand même ancré en moi, ça.
03:17 Pourtant, vous n'avez pas d'ancêtres poètes dans votre famille ?
03:20 Alors pas du tout.
03:21 Ah non, ça absolument pas.
03:23 Dans ma famille, j'ai été le premier à passer le bac par exemple.
03:29 Alors vous l'avez passé après l'école Albert de Mune à Nogens-sur-Marne.
03:33 Albert de Mune, oui.
03:34 Qui est un comte militaire, qui est le fondateur des cercles catholiques d'ouvriers
03:40 et qui a donné son nom à cette école.
03:41 Oui, alors j'ai appris dernièrement qu'il avait été anti-Dreyfusard.
03:45 Donc ça ne me l'a pas rendu très sympathique, moi qui suis un Dreyfusard convaincu.
03:50 Mais enfin, vous me direz qu'aujourd'hui être Dreyfusard, ce n'est pas difficile, effectivement.
03:54 Et la chanson finalement, ça ne vous intéressait pas ?
03:56 Il n'y avait que Bambino qui vraiment traînait dans vos oreilles.
03:59 Oui, c'est ça, ça m'amusait.
04:01 Mais enfin, non, je ne trouvais pas ça très excitant, la chanson,
04:05 jusqu'au jour où j'ai entendu un copain en colonie de vacances
04:11 qui a chanté "Ne me quitte pas".
04:12 Alors là, bon, effectivement, j'ai eu une espèce de coup de foudre.
04:15 "Ne me quitte pas, il faut oublier tout,
04:23 je s'oubliais qu'il s'enfuit déjà".
04:27 Je crois que vous étiez à Courchevel.
04:29 À Morion, exactement.
04:31 Et ça vous a marqué pourquoi ?
04:33 Qu'est-ce qui vous a touché dans cette chanson, Claude Lemel ?
04:35 Je ne sais pas.
04:37 Franchement, j'ai trouvé ça extraordinaire, mais je ne pourrais pas analyser et dire
04:42 si c'est le couplet, le refrain.
04:44 D'ailleurs, il n'y a pas de refrain, il y a un pont.
04:46 "Ne me quitte pas", la musique, j'ai reçu un grand coup de poing dans la gueule.
04:51 Alors cette chanson, à l'origine, il y a plusieurs versions.
04:54 On dit qu'il a rompu avec Suzanne Gabrielo en tournée
04:57 et que c'est à la suite de ça qu'il a écrit cette chanson.
05:00 Et Mich, la femme de Jacques Brel, a dit "Non, non, c'est pas du tout ça,
05:04 c'est parce que je n'étais pas là qu'il a écrit cette chanson".
05:07 Chacun voit midi à sa porte.
05:09 Et Brel ne vous l'a pas raconté,
05:11 parce que vous avez eu le privilège de rencontrer Brel dans les îles, Claude Lemel.
05:16 Oui, absolument. On a passé plusieurs soirées ensemble,
05:19 des dîners très, très, très sympathiques.
05:22 C'est arrosé, et bon, ou tout de même, il s'exprime beaucoup.
05:27 Moi, je suis très timide, donc il s'exprime beaucoup plus que moi.
05:30 Mais je n'osais pas trop lui parler de ces chansons.
05:35 Il m'impressionnait énormément.
05:37 Donc non, on n'a pas du tout parlé de "Ne me quitte pas".
05:40 La seule allusion qu'on a pu faire à ces chansons,
05:43 c'est que je lui ai dit que ma chanson préférée de lui, c'était "Jackie", la chanson de Jackie.
05:49 Et lui, il m'a dit que sa chanson préférée et des siennes, c'était "Les biches",
05:54 goût que je ne partageais pas forcément.
05:57 Comment s'est arrivée cette rencontre avec Brel dans les îles, Claude Lemel ?
06:00 Chez des amis, parce que Jacques habitait au Marquise,
06:04 mais quand même faisait assez souvent à Tahiti faire des courses.
06:09 Et puis ensuite, passer quelques bonnes soirées,
06:13 parce que au Marquise, ça ne devait pas être extrêmement fun, comme on dit aujourd'hui.
06:18 Donc il avait son petit avion, il avait obtenu le droit de repiloter.
06:24 Il avait obtenu son brevet, qu'il avait déjà avant,
06:29 mais qu'on lui avait retiré quand il était malade.
06:31 Là, il avait à nouveau le droit de piloter, donc il venait avec son petit monomoteur.
06:35 Il venait quand même assez souvent, il recevait très très bien.
06:40 On a passé quelques soirées formidables,
06:44 où il faisait toujours preuve d'une grande invention verbale,
06:49 pas toujours très gentille,
06:53 pour ses consorts et ses confrères.
06:55 Enfin, c'était assez passionnant de l'écouter.
06:58 Il avait une culture incroyable, Brel, qu'on n'imaginait pas.
07:01 Oui, c'était un homme extrêmement cultivé.
07:03 En particulier, il partageait avec moi ce goût de l'histoire.
07:08 Moi, j'ai toujours adoré l'histoire, ça me poursuit encore aujourd'hui.
07:12 Par exemple, lors de notre premier dîner,
07:15 qui était en janvier 1976 chez mes amis des bons temps,
07:18 c'est eux qui m'avaient invité,
07:20 on a fait une heure sur la dépêche d'Hems.
07:23 Je ne pense pas qu'il y avait beaucoup de gens ce soir-là de janvier 1976
07:28 qui aient fait une heure sur la dépêche d'Hems, je ne crois pas.
07:31 Et vous avez chanté devant lui, vous avez osé chanter devant lui ?
07:34 Ah mais ça, ce n'était pas ce soir-là, c'était beaucoup plus tard,
07:37 une autre soirée où mon ami Paul-Robert Thomas,
07:40 le Dr Thomas Chekhi, Jacques, descendait.
07:44 Il voulait absolument que je chante devant Brel.
07:47 Moi, ça m'impressionnait tellement, ça me tétanisait,
07:50 que pour oser chanter, j'ai bu plus que de raison.
07:55 Et quand est arrivé le moment de chanter, j'étais complètement bourré
07:59 et j'ai mélangé le premier couplet avec le troisième, etc.
08:03 Ça a été absolument lamentable, il faut bien le dire.
08:05 Et lui, il disait "Ah, c'est joli,
08:07 on aime vraiment du bout des lèvres et pour me faire plaisir".
08:11 En même temps, vous avez eu un privilège,
08:13 il vous a fait découvrir les chansons que personne ne connaissait.
08:17 Oui, il était en train d'écrire les chansons de son nouvel album.
08:21 D'ailleurs, j'ai deux enregistrements de Jojo et de La ville s'endormait,
08:27 qui sont des enregistrements de la version qui était celle de l'époque où il travaillait.
08:37 Donc, novembre 1976, l'album est sorti l'année suivante, à l'automne.
08:43 Je fais souvent écouter ça aux élèves de mon atelier
08:47 pour leur montrer la différence entre la version de travail,
08:49 les versions définitives et tout le travail que Jacques a fait entre les deux,
08:53 qui est un travail énorme.
08:54 Oui, et moi je me souviens, j'avais assisté à une séance d'enregistrement de cet album,
09:00 et il avait refusé certaines chansons.
09:02 Barclay a dit "Ok, je ne les sortirai pas", il les faisait écouter à ses copains.
09:06 Après, les financiers qui ont repris la maison n'ont pas eu le même respect pour Brel.
09:11 Oui, il y a cinq chansons effectivement inédites dont Brel ne voulait pas qu'elles sortent
09:15 parce qu'il les jugeait pas achevées, il les jugeait pas terminées.
09:19 Et finalement, elles sont sorties, mais longtemps après.
09:23 Gérard Jouannès et François Robert, qui n'étaient pas d'accord avec la sortie,
09:27 ont fait mettre un petit mot sur le disque en disant qu'effectivement ils n'étaient pas d'accord avec ça.
09:31 Et puis il y a quelqu'un d'autre aussi qui a compté dans votre jeune carrière.
09:34 À Paris, quand un amour fleurit, ça fait pendant les semaines de cœur...
09:39 Francis Lomarck, qui a écrit cette chanson, je sais pas si vous le savez,
09:43 il voulait rencontrer Montand et par prévère, et Marcel Duhamel le rencontre,
09:47 il lui fait entendre cette chanson en la jouant au piano,
09:49 et Montand lui dit "à partir de maintenant, tu me présentes toutes ces futures chansons".
09:54 Quand Montand vous dit ça, c'est plus qu'encourageant.
09:58 Francis Lomarck, c'est aussi une rencontre de vos jeunes années, Claude Lemay.
10:01 Oui, alors avant, ça c'est 17 ans, donc je devais être en première,
10:08 et Francis Lomarck habitait la même rue que mes parents, donc que moi,
10:13 au boulevard de la Marne à la Varenne,
10:15 donc écrivant déjà des textes, je lui ai écrit un petit mot,
10:19 pour lui dire "voilà, M. Lomarck, j'ai écrit des chansons".
10:24 Il m'a répondu très très gentiment, et il m'a reçu, à ma grande surprise,
10:30 parce que pour moi, évidemment, une star, c'était quelque chose d'absolument bon,
10:35 qu'on ne pouvait même pas rêver de rencontrer.
10:38 Il a été adorable, il m'a conseillé d'apprendre la guitare plutôt que le piano,
10:45 sans quoi il avait raison, parce que je jouais très mal du piano,
10:48 ce qui ne veut pas dire que je joue bien de la guitare d'ailleurs,
10:50 et ça m'a beaucoup aidé, cette rencontre.
10:54 Une autre rencontre importante, on va l'évoquer à travers une autre date,
10:57 le 5 juillet 1966.
11:00 A tout de suite sur Sud Radio, avec Claude Lemay.
11:02 Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis.
11:05 Sud Radio, les clés d'une vie, mon invité Claude Lemay,
11:09 l'homme aux 3000 chansons parmi lesquelles d'innombrables succès
11:12 qu'on évoque au cours de cette émission,
11:14 et ce livre, "L'art d'écrire une chanson, ce qui n'est pas simple",
11:17 aux éditions Erol, dont on va reparler tout à l'heure.
11:20 Alors, 5 juillet 1966, je suis sûr que vous n'avez pas oublié cette date,
11:24 une rencontre déterminante, je crois que c'est à Outnani, boulevard Graspail.
11:29 - Oui c'est ça, c'est une soirée qui avait lieu tous les mardis,
11:35 animée par Lionel Rauchman, qui est un grand ami,
11:39 et ce soir là, est venu un grand garçon américain,
11:46 qui habitait à côté, il est venu parce qu'il habitait lui 218 boulevard Graspail,
11:51 il démarrait la chanson, il commençait à chanter,
11:54 et il voulait faire de la scène.
11:57 Il cherchait un joueur de banjo, il a entendu "Centre américain,
12:01 les tuyaux d'artistes Outnani", il s'est dit "tiens,
12:03 je vais peut-être trouver un joueur de banjo",
12:05 et il n'a pas trouvé de joueur de banjo, mais il a trouvé une chanteuse,
12:09 ma future épouse Vava, et puis un auteur.
12:13 - Vous étiez là, c'était avec l'équipe de Mireille,
12:16 c'était encore le Petit Conservatoire ?
12:17 - Oui, on était là quelques mois du Petit Conservatoire, 4 ou 5,
12:23 on venait tous les mardis, mais il y avait beaucoup d'autres gens qui venaient,
12:28 les piliers c'était Alan Steeves, Steve Waring,
12:32 des gens comme ça, il y avait Roger Mason, Dick Engarn, Martin Habib,
12:39 il y avait beaucoup de gens qui venaient chanter Outnani,
12:42 c'était formidable.
12:43 - Et donc Dassin vous invite à aller boire un verre chez lui, ou plusieurs verres ?
12:46 - Oui, c'était il y a très longtemps, mais je pense plusieurs verres.
12:52 Donc au 218 Boulevard Raspail, 5ème étage, sans ascenseur,
12:57 il n'était pas encore très connu, il n'avait pas beaucoup de moyens,
13:00 et on a passé une partie de la nuit à chanter,
13:03 chaque fois je chantais quelque chose, il me disait "ah, elle est bien,
13:06 elle est bien, elle est bien", visiblement mes chansons lui avaient tapé dans l'oreille.
13:10 - Et quelques mois plus tard, sa femme vous rappelle, Claude Lemel.
13:14 - Alors elle ne me rappelle pas moi parce que je n'ai pas le téléphone,
13:17 elle appelle mes parents, et tous les midis j'allais dans un café du coin,
13:22 dans la cabine téléphonique, j'appelais mes parents pour savoir si j'avais des appels,
13:26 il n'y avait jamais rien, sauf ce jour là où mes parents m'ont dit que la femme de Joe Dassin a appelé,
13:32 donc je l'ai rappelé en vitesse, elle m'a dit "il faut que tu viennes parce que Joe voudrait te confier
13:39 l'écriture d'un texte sur une musique".
13:41 - Et cette chanson c'était celle-ci.
13:43 [♫♫♫]
13:54 C'était presque un pari parce qu'il n'arrivait pas à mettre de mots sur cette chanson Joe Dassin.
13:59 - Ah, c'était pas lui, je pense que c'était ses deux auteurs, Jean-Michel Rivas et Franck Thomas,
14:04 et d'ailleurs ils ont été hyper fair-play, alors ça vraiment, je leur en suis toujours reconnaissant
14:11 parce que voyant un jeune concurrent arriver, ils auraient pu faire la gueule ou faire barrage même,
14:17 et ça n'a pas été le cas du tout, ils m'ont encouragé, ils ont été adorables tous les deux, merci.
14:22 - Et cette chanson ça a été des jours et des jours de travail pour trouver les mots exacts, Claude Lemel.
14:27 - Des jours et des jours de travail et surtout de trouille quoi,
14:30 parce que j'avais quand même conscience que je jouais une grosse partie,
14:36 que c'était vraiment la chance de ma vie d'avoir une chanson enregistrée par ce monsieur
14:42 qui n'avait pas encore beaucoup de succès, mais enfin qui passait beaucoup à la radio.
14:47 Bon finalement il a chanté mon texte, et ce qui est assez drôle c'est que bon là,
14:55 évidemment c'est les Dalton qui étaient la phase A, qui sont passées beaucoup beaucoup beaucoup au début,
15:01 ensuite il y a une deuxième chanson, "Viens voir le loup" qui est passée assez souvent,
15:06 mais pendant le mois de juillet, le mois d'août, bon les radios avaient fait un peu le tour de ces deux chansons-là,
15:12 dont elles sont mises à passer ma chanson "Hello Hello" qui a eu un bon succès radio,
15:16 j'entendais beaucoup, alors moi j'avais 21 ans, c'était absolument incroyable quoi.
15:21 Et puis ça a continué avec Dassin, et il y a une chanson vraiment qui a été un immense succès.
15:25 On louait pour des prunes, les quatre murs d'un vieux grenier,
15:32 tout prêt à s'écrouler, mais pour toute une fortune, on n'aurait pas déménagé.
15:41 L'équipe à Jojo, comment elle est née cette chanson Claude Lebel ?
15:45 Alors c'est extrêmement curieux parce que je travaillais avec Ricky Dassin, la soeur de Jojo,
15:52 on travaillait sur une chanson je crois de Stevie Wonder qui s'appelait "Ma chérie amour",
15:57 et alors on ne trouvait que des niaiseries, enfin bon, peut-être que c'est charmant en américain "Ma chérie amour",
16:03 mais en français c'est niais quoi, donc on était vraiment très peu inspirés.
16:09 J'ai pris ma guitare, et je lui ai dit "écoute j'improvise un truc, dis-moi si tu as envie de faire des paroles là-dessus",
16:14 et j'ai chanté, ça m'est venu tout seul,
16:16 *chante*
16:20 Comment, d'où ça venait, j'en sais rien,
16:22 et elle m'a dit "non ça ne m'inspire pas du tout",
16:25 donc je suis rentré chez moi, ici, Lumu Lino, et j'ai écrit le texte.
16:30 Et le texte qu'on connaît encore aujourd'hui, la jeune génération chante l'équipe à Jojo et Joe Dassin, c'est assez étonnant.
16:36 La jeune génération chante Joe Dassin d'une façon générale,
16:40 pas seulement cette chanson-là, mais c'est absolument dingue, le succès pérenne de Joe est intergénérationnel.
16:46 Intergénérationnel.
16:48 C'est fou. Alors il faut savoir aussi que c'était un ultra perfectionniste,
16:51 et vous l'avez payé au prix fort, Claude Lemel.
16:53 Voilà, oui. Avec Pierre Delanoë, on lui avait collé l'adjectif de "attachiant".
16:59 Bon, alors à l'époque c'était nouveau, maintenant il y a beaucoup de gens qui l'ont repris,
17:03 dans différentes circonstances, bon, sans savoir d'où ça venait.
17:07 Mais c'était un adjectif qui méritait totalement, c'était un mec adorable, très attachant, très gentil,
17:13 vraiment un vrai gentil, il n'y en a pas tant que ça.
17:15 Mais dans le travail, il était très très dur, très exigeant, très pointilleux,
17:22 et oui, on en bavait, mais en même temps quand je vois le résultat,
17:25 et quand je vois à quel point ces chansons sont dures,
17:28 je me suis dit qu'il avait raison.
17:30 Oui, en même temps il arrivait à Joe Dassin, Claude Lemel, de vous appeler en pleine nuit pour changer un mot.
17:34 Oui, bien sûr, oui, oui, bon oui, mais ça c'était pas grave, ça.
17:38 Qu'on m'appelle pour ça, ça ne me dérangeait pas.
17:42 Il y a pire quand même que d'être appelé en pleine nuit par Joe Dassin pour changer un mot.
17:47 Oui, mais il y faisait attention à chaque mot, ça c'était...
17:49 Ah oui, oui, oui.
17:51 Et puis il y a un jour un enregistrement où il entend une mesure,
17:55 je crois que personne n'entend un quart de seconde.
17:58 Oui.
17:58 Qu'est-ce que c'est que cette histoire-là ?
17:59 Ah ben c'est... alors c'était tout à fait à ses débuts,
18:02 une des premières chansons qu'on avait faite ensemble c'était au studio Davo.
18:06 Donc en 1967, ça m'avait impressionné parce qu'il disait à tout le monde
18:10 "non, non, non, il manque quelque chose, il manque quelque chose".
18:12 Alors pour Jacques Pley, le directeur artistique, il disait "ben non, tout va bien".
18:15 Le preneur de son, l'ingénieur du son, François Danton disait "non, non, tout va bien".
18:20 Et Joe persistait en disant "non, non, non, il manque un quart de seconde".
18:24 Et effectivement, François Danton a recollé, parce qu'à l'époque,
18:27 et pas pour tout ce qu'il y a aujourd'hui,
18:29 on collait les bouts de bande.
18:32 Et il avait raison.
18:33 - C'est fou, hein ? - Il manquait...
18:35 Ah non, mais il avait une oreille exceptionnelle.
18:37 Il avait une oreille exceptionnelle.
18:38 - Alors c'est à cette époque-là que vous commencez à travailler
18:41 avec Pierre Delannoy, qui est alors au sommet de Saint-Gloire.
18:44 - Oui, plus tard, plus tard.
18:45 Plus tard, non, non, Pierre, j'ai commencé à travailler avec lui en 1973.
18:49 Parce que chacun de notre côté, on écrivait la moitié de l'album.
18:54 Bon, alors on s'est dit "c'est un peu bête".
18:57 Au lieu d'écrire chacun de son côté une moitié de l'album,
19:00 faisons tout ensemble.
19:02 Parce que, comme vous l'avez souligné tout à l'heure,
19:05 il était très, très, très difficile.
19:07 Donc on avait l'illusion qu'en s'y mettant à deux,
19:10 ça passerait mieux.
19:11 Voilà. Et puis ça n'a pas été le cas du tout.
19:13 Il nous a autant emmerdés à deux que seuls.
19:17 - Et particulièrement avec cette chanson.
19:20 * Extrait de "On ira" de Claude Level *
19:32 - Et cette chanson qui est un succès énorme,
19:35 au départ, Joe Dassin voula refuser, Claude Level.
19:38 - Alors ça, c'est la légende, mais c'est pas vrai.
19:41 C'est la légende.
19:42 Ça vient du fait que Pierre Delannoy n'avait aucune mémoire.
19:46 Donc effectivement, dans son bouquin qui s'appelle "La vie en chanson",
19:50 je crois, il raconte qu'on avait fait une première version
19:54 qui parlait d'un pianiste polonais, etc.
19:58 Que Joe était parti vers la mer en lui disant "Vous ruinez ma carrière".
20:01 C'est totalement faux.
20:03 Il s'agissait d'une autre chanson.
20:05 D'une autre chanson.
20:06 En réalité, il était indien.
20:07 Le texte tel qu'on l'a écrit, à Deauville, d'ailleurs, Pierre et moi,
20:11 il l'a aimé tout de suite.
20:14 Le truc, c'est que Jacques Pley, le directeur artistique,
20:18 qui était un formidable directeur artistique,
20:20 le meilleur que j'ai jamais connu,
20:22 pour une fois, il s'est gouré.
20:24 Quand je lui ai présenté le texte que Joe avait accepté d'emblée
20:28 et sans changer un mot, ce qui était miraculeux,
20:31 Jacques Pley a dit "Bon, votre texte est très très bon.
20:37 Il y a deux choses qu'il faut changer.
20:39 C'est l'été indien, parce que personne ne sait ce que c'est.
20:43 Et la robe de Marie-Laurent Saint, parce que personne ne sait qui c'est.
20:47 Et moi, du haut de mes 29 ans, moi qui suis si timide,
20:51 là, j'étais tellement sûr qu'on était dans le vrai,
20:55 que je l'ai lutté et puis je l'ai emporté avec les deux Joe.
20:59 Parce que Joe, lui, d'emblée, il a aimé ce texte.
21:02 Il avait détesté le précédent, mais qui n'était pas sur cette musique.
21:05 Et là, Pierre s'est totalement gouré.
21:08 Mais j'étais souvent obligé de rectifier avec lui,
21:10 parce que Pierre, il le reconnaissait lui-même,
21:13 n'avait absolument aucune mémoire.
21:14 Il lui est arrivé un jour d'appeler la radio pour demander
21:18 "Tiens, je viens d'entendre une très très bonne chanson, elle est de qui ?"
21:20 Et les gens lui ont répondu "Pauvre con, elle est de toi".
21:23 - Voilà, ça peut arriver.
21:24 Bon, il y a d'autres chansons aussi que vous avez écrites
21:27 et on va évoquer une date importante aussi, le 24 juin 1984.
21:30 A tout de suite sur Sud Radio avec Claude Lemel.
21:33 - Sud Radio, les clés d'une vie. Jacques Pessy.
21:36 - Sud Radio, les clés d'une vie. Mon invité Claude Lemel.
21:39 Nous évoquons votre parcours, votre carrière
21:41 et en même temps nous évoquerons tout à l'heure l'art d'écrire une chanson
21:44 aux éditions Erol,
21:46 un métier que vous connaissez bien pour l'avoir exercé
21:50 avec Joe Dassin et avec d'autres.
21:52 Et si je parle du 24 juin 1984, ce n'est pas par hasard
21:56 qu'il y a eu une manifestation où vous êtes chanté.
21:59 - 2 millions de manifestants selon les organisateurs,
22:02 860 000 selon la préfecture de Pauvreté.
22:04 - Manifestation pour l'école libre, 2 millions contre la loi Savary
22:07 et François Mitterrand qui rentre de Moscou va dire
22:09 "Bon, on arrête cette loi, ça ne marchera jamais".
22:12 Et il se trouve que dans la foule, il y a eu cette chanson.
22:15 - Quand tu chantes, je chante avec toi liberté.
22:26 - C'est incroyable, Nana Mouskouri "Je chante avec toi liberté".
22:29 C'est incroyable cette histoire.
22:30 - Ah bah, il distribuait le tract et les gens dans la manif
22:35 avaient nos paroles à la main, notre texte à la main.
22:39 - Vous l'avez découvert à la télévision ?
22:42 - Je l'ai découvert, oui, bien sûr, aux actualités,
22:44 mais on m'a donné le tract à un moment, je ne sais pas où je l'ai mis,
22:48 mais à un moment, je l'avais, oui.
22:50 - C'est fou, vous n'auriez jamais imaginé ça quand cette chanson est née.
22:53 - Mais la destinée des chansons nous échappe totalement.
22:58 Quelquefois, c'est très bizarre.
22:59 Peut-être qu'on parlera tout à l'heure d'une autre chanson
23:02 dont le destin actuellement est assez étrange.
23:07 Mais oui, on avait à refaire des paroles françaises sur le Nabucco de Verdi.
23:13 Déjà, honnêtement, on était très impressionnés, Pierre et moi.
23:17 Bon, pour impressionner Pierre, il en fallait quand même beaucoup,
23:21 mais lui-même était impressionné.
23:24 Donc, on a eu l'idée, bien sûr, de traiter du thème de la liberté
23:27 puisque c'était le cœur des esclaves en italien.
23:31 Je pense qu'on a vraiment fait un joli texte.
23:36 - Il se trouve que l'idée au départ, c'est André Chapelle,
23:38 mari d'un muscorié et producteur, qui a l'idée de faire un opéra
23:41 et il va même engager les chœurs de l'opéra pour accompagner.
23:44 - Pour le chanter, oui, tout à fait.
23:46 Absolument.
23:48 Je me souviens, c'était un gars qui s'appelait Jean Stoute
23:52 qui dirigeait les chœurs.
23:53 Il m'avait appelé pour me demander si je pouvais faire un petit changement.
23:58 C'était les mêmes mots, mais les placer un petit peu différemment sur un vers.
24:01 Je lui avais dit, mais pas de problème, c'est plus facile à chanter pour vous.
24:05 Il n'y a pas de souci.
24:08 On était vraiment très impressionnés à l'idée de devoir faire un texte
24:13 sur une musique de Verdi.
24:14 - Voilà, et en même temps, d'un muscorié, il fallait faire attention
24:17 parce qu'il y avait des mots qu'elle ne pouvait pas chanter.
24:20 - Oui, bien sûr.
24:21 Mais enfin, en ce qui concerne cette chanson-là, il n'y a pas eu de problème.
24:25 Mais c'est vrai qu'il y a des mots peut-être un peu rêches, un peu rudes, un peu durs.
24:30 Bon, je pense qu'elle les saurait chanter.
24:34 Je pense que c'est André qui l'a freiné un petit peu là-dessus.
24:37 - Alors, il se trouve que quand cette chanson sort, le directeur de la maison de disques
24:40 n'en veut absolument pas.
24:41 Il n'y croit pas, Louis Hazan.
24:43 - Ah, sur ça, je ne le savais pas.
24:44 - Il n'y croit pas du tout.
24:45 - Je ne le savais pas.
24:46 - Il hésite à la sortir.
24:47 Il veut la mettre en phase B.
24:48 Et puis, il y a une émission des Carpentiers où elle interprète cette chanson.
24:52 Et là, le standard explose dans l'heure.
24:55 Et cette chanson devient un succès.
24:57 - Eh bien, cher Jacques, j'apprends quelque chose.
24:59 Je ne le savais pas.
25:01 Mais des maisons de disques, rien de méthode.
25:04 - Alors, Nana Mouskouri, vous l'avez connue bien avant des Fires Pour Elles, je crois
25:07 près de Royan, quand vous étiez en vacances.
25:09 - Alors, je ne l'ai pas connue, je l'ai vue simplement.
25:12 Moi, j'étais tout jeune.
25:14 J'avais donc 16-17 ans.
25:16 J'étais fan de chansons, surtout de Brel.
25:20 Et avec un copain qui s'appelait Jean-Claude Pilot, on avait repéré au Casino de Saint-Georges
25:25 de Guildonne, on avait repéré une petite fenêtre qui donnait sur la loge.
25:30 Des artistes, et on les voyait.
25:33 Ce qui n'était pas bien, évidemment.
25:35 C'était du voyeurisme plus récent, mais on était comme tous les moules de 16-17 ans.
25:40 On était curieux.
25:41 Et ce soir-là, effectivement, Nana était la vedette du Casino de Saint-Georges de Guildonne.
25:47 Elle pleurait dans sa loge parce qu'il n'y avait pas grand monde.
25:49 - Ça s'est arrangé depuis ? - Ah bah oui !
25:52 - Elle est connue dans le monde entier.
25:54 Alors, je sais qu'elle rêve de faire un nouvel album.
25:57 Son mari hésite, mais elle insiste lourdement en ce moment.
26:00 Espérons qu'on aura ce nouvel album.
26:02 - Je suis prêt, en tout cas.
26:04 Je suis prêt.
26:05 - Il se trouve aussi qu'une autre grecque a été très importante dans votre carrière,
26:08 Claude Lebel.
26:09 - L'amour est un peu comme ce jeu qu'on appelle le chat et la souris.
26:13 L'amour est un jeu capricieux et cruel.
26:16 Pas vu, pas pris.
26:17 - Le chat et la souris, Mélina Mercouri, Madame Jules Dassin.
26:23 - Eh oui, la belle-mère de Joe.
26:24 - Vous l'avez connue par Joe ?
26:26 - Par Ricky, par la soeur de Joe, exactement.
26:31 Elle avait un directeur artistique qui s'appelait Pierre Sbéro et qui m'avait demandé d'écrire
26:38 des textes pour Mélina parce qu'il aimait ce que j'écrivais pour Joe.
26:43 Donc j'ai fait ces textes.
26:45 J'ai fait deux ou trois textes sans la connaître du tout.
26:49 Et un jour que Ricky allait la voir, je lui ai dit « Emmène-moi avec toi parce que j'ai
26:53 envie de la connaître » et j'ai connu ce personnage absolument flamboyant, incroyable,
27:02 avec une opération charme extraordinaire.
27:06 Moi j'avais 25 ans, elle en avait le double, mais ça ne l'a pas empêché de me faire
27:12 un charme fou, en tout bien tout honneur.
27:15 Parce qu'évidemment, elle était tout à fait fidèle à Jules, mais elle faisait ce
27:22 grand numéro de séduction auquel on ne pouvait pas être insensible, bien sûr.
27:29 Mais ce qui était extraordinaire, c'était que cette dame qui avait l'air si sûre d'elle,
27:34 qui était dans son canapé, qui fumait une cigarette, qui avait le verbe « eo », qui
27:40 évidemment luttait pour les évêques-villers grecs lors du régime des colonels, etc.
27:48 Quand elle se retrouvait en studio, ça revenait une petite fille, elle me disait « viens,
27:53 viens, viens, descend ». Et pendant qu'elle enregistrait, elle était au micro, j'étais
27:58 à côté d'elle, elle me tenait la main comme ça, elle me serrait la main, j'ai encore
28:04 la trace presque physique de ses ongles dans mes mains, tellement elle avait peur.
28:10 C'est fou.
28:11 Alors elle avait été connue par un film « Jamais le dimanche », d'ailleurs elle
28:15 avait rencontré Jules Lassin, et ensuite elle est devenue une bête politique, c'est-à-dire
28:18 qu'elle a été députée.
28:19 Et moi je sais que lorsqu'elle faisait, comme tout le monde, pour mener sa campagne,
28:23 elle est dans les bistrots et elle parlait directement avec les clients du bistrot pour
28:27 défendre ses idées.
28:28 Ça ne m'étonne pas d'elle du tout.
28:30 Et quand elle avait été élue, c'est la première chose qu'elle a faite sur le plan
28:34 politique, elle a été élue députée du Piret.
28:37 Et je lui avais envoyé un petit télégramme qui était un cili-bili pour le Piret, la
28:41 meilleure.
28:42 C'est assez joli.
28:43 Et elle est devenue ministre de la Culture ensuite.
28:46 Oui, et d'après Jules, parce que j'ai revu Jules ensuite assez souvent, et bon,
28:52 après la mort de Mélina, il m'a dit si elle avait vécu, elle serait devenue présidente
28:57 de la République grecque.
28:58 Et je pense qu'il avait raison.
28:59 Je pense qu'il avait raison.
29:00 C'était une femme exceptionnelle.
29:01 Incroyable.
29:02 Incroyable.
29:03 Et qui se battait pour son pays.
29:04 Et d'ailleurs je crois qu'aujourd'hui il y a une fondation, Mélina Mercouri, qui
29:08 défend les monuments grecs.
29:10 C'est ce qu'elle a fait elle-même quand elle était ministre de la Culture.
29:14 Elle s'est battue bec des ongles pour ça, vraiment.
29:17 Un autre monument de la chanson française aussi, pour qui vous avez écrit ?
29:20 Le Big Bazaar de Michel Fuguin, "Dis oui au maître", vous y avez participé.
29:35 Et Michel Fuguin c'est une rencontre, mais à ses débuts presque, je crois, Claude Lemel.
29:39 Oui, on s'est connu lors d'une tournée qu'il faisait avec Joe d'ailleurs.
29:43 Et Joe était en vedette, en américaine c'était Georgette Lemaire, et lui était en anglaise.
29:48 Il chantait cinq chansons.
29:50 On a tout de suite sympathisé.
29:51 J'ai trouvé vraiment que c'était un mec très avenant, avec un grand sens de l'amitié.
29:59 Après, on s'est vu comme ça de loin en loin.
30:01 Puis en 1974, il m'a téléphoné pour que je commence à écrire pour lui et pour le
30:07 Big Bazaar.
30:08 Pour moi, c'était très compliqué parce que dans le Big Bazaar, il y avait la femme
30:14 que j'aimais et qui ne m'avait quitté, qui s'appelait Vava.
30:18 Et donc, c'était un gros casse-conscience pour moi.
30:22 J'ai vraiment hésité.
30:25 Oui, mais vous l'avez fait.
30:27 "Dis oui au maître", c'est une chanson qui est plus que jamais d'actualité, Claude
30:31 Lemel.
30:32 Oui, c'est vrai.
30:33 C'est la première chanson qui a bluffé Michel dans nos collaborations.
30:38 Il m'en parle encore aujourd'hui.
30:40 Pourquoi ?
30:41 Parce que c'est l'écriture de la chanson, la façon dont ça a été fait, etc.
30:45 Vraiment, ça l'a bluffé.
30:47 C'est ce qu'il me dit.
30:48 C'est pas moi, je ne me permettrais pas de dire une chose comme ça.
30:50 Mais en tout cas, c'est ce qu'il me répète souvent.
30:52 Et jusqu'à aujourd'hui, vous l'avez régulièrement revu, vous travaillez avec lui ?
30:56 On travaille toujours ensemble.
30:57 On a encore fait quelques chansons au début de l'année dernière.
31:01 Je crois d'ailleurs qu'il va bientôt enregistrer.
31:05 Justement, comment on travaille avec un compositeur comme Michel Fuguin ?
31:09 Il faut des jours et des jours de réflexion.
31:12 Comment ça se passe ?
31:13 Oui, je vais chez lui en Corse.
31:15 Lui, il est au clavier, moi au cahier.
31:19 Il est très difficile aussi, Michel.
31:21 C'est pas d'Assa, mais enfin, c'est pas loin.
31:25 Il a une jeunesse, une force incroyable.
31:28 Là, je l'ai vu encore sur scène il y a quelques mois.
31:32 Il a une espèce de vista comme ça sur scène, une forme physique.
31:40 Il chante pendant deux heures, il bouge, il danse.
31:43 Et il a quand même 82 ans.
31:46 Quelqu'un d'autre aussi avec qui vous avez beaucoup travaillé et ça n'a pas été
31:50 simple, c'est celui-ci.
31:52 Le dernier grand succès de Gilbert Bécaud, et il vous le doit, Claude Lemel.
32:06 Oui, c'est vrai.
32:07 C'était en 83, je crois.
32:09 Et il était très heureux de refaire un succès parce que Bécaud, c'était un homme qui aimait
32:14 le succès.
32:15 En même temps, travailler avec lui, c'était aussi très compliqué dans sa cabane.
32:18 Oui, un peu comme avec Michel.
32:20 C'est pareil, c'est des compositeurs-interprètes qui savent ce qu'ils veulent, qui savent vraiment
32:23 ce qu'ils veulent.
32:24 Et lorsque certaines phrases, certaines verres ne fonctionnent pas, c'est des gens qui le
32:31 disent carrément.
32:32 Alors bon, quelquefois, on se prend la tête.
32:35 Il y a des gens avec qui c'est beaucoup plus facile de travailler.
32:40 Je pense à quelqu'un qui était aussi comme Ray Jani.
32:43 Ray Jani, c'était facile.
32:45 L'homme était très difficile, mais le travail était facile.
32:48 Alors que Bécaud, il vous pousse dans vos retranchements presque toute la nuit s'il
32:52 le faut.
32:53 Oui, mais il avait raison.
32:54 Il peut être très dur.
32:56 Pourquoi un mot ne colle pas ?
32:58 C'était toujours fait avec beaucoup de gentillesse, comme Dassin.
33:04 Mais par contre, s'il n'aimait pas, il n'aimait pas.
33:07 Bon, il n'y a pas été question qu'il manque d'intransigeance par rapport à ce qu'il avait
33:12 envie de chanter sur scène.
33:13 Bon, ça, c'est sûr.
33:14 Et puis, il y a Alice Donne avec qui vous avez travaillé et il y a une chanson qui
33:18 est la préférée de quelqu'un dont nous allons parler ensuite.
33:21 Cette chanson, c'est la chanson préférée de Georges Brassens, paraît-il.
33:34 En tout cas, lorsque Alice lui a demandé pendant un numéro un quelle chanson il avait
33:40 envie de chanter, il a choisi la chanson "Hypocalorique".
33:42 Alors, je suis très fier parce que Brassens a chanté quand même tout un couplet de cette
33:49 chanson.
33:50 En disant à Alice qu'effectivement, il appréciait beaucoup l'écriture.
33:54 Mais de toute façon, moi je l'ai connu Brassens.
33:56 Il avait été très, très gentil avec moi.
33:58 Il m'a dit toujours des choses extrêmement aimables sur ce que j'écrivais parce qu'il
34:03 savait très bien que ce qu'il pouvait dire encourageait beaucoup.
34:08 Il était très conscient quand même d'être Georges Brassens et donc il ne se privait
34:12 pas de dire ce qu'il pensait quand il pensait du bien en sachant qu'évidemment ça allait
34:18 énormément faire du bien à un jeune homme comme moi.
34:22 Il vous a offert un jour, il est du dîner chez vous, il vous a offert ces brouillons.
34:25 Oui, une bonne trentaine de brouillons de ses chansons.
34:29 C'est fabuleux.
34:30 C'était les cadeaux qu'il faisait au lieu d'apporter une bouteille de vin ou un bouquet
34:35 de fleurs.
34:36 C'était un bouquet de chansons, un bouquet de brouillons.
34:39 Un bouquet de brouillons, c'est extraordinaire comme cadeau.
34:44 Un autre cadeau à ne pas manquer et à offrir, on va l'évoquer à travers une autre date,
34:49 le 7 mars 2024.
34:50 A tout de suite sur Sud Radio avec Claude Lemel.
34:53 Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis.
34:56 Sud Radio, les clés d'une vie, mon invité Claude Lemel.
34:59 On a évoqué les artistes pour lesquels vous avez écrit des succès, plus de 3000 je crois.
35:05 Et puis le 7 mars 2024 est sorti "L'art d'écrire une chanson", aux Ition et Roll.
35:10 C'est un livre que vous avez fait pour aider les jeunes à comprendre et c'est le résultat
35:16 de 50 ans de métier.
35:17 Oui, c'est ça.
35:18 C'est-à-dire que j'ai démarré les ateliers d'écriture grâce à Alice Donat en février
35:26 88.
35:27 Donc ça fait 36 ans maintenant.
35:29 Alors évidemment ça intéresse pas mal de gens mais en tout et pour tout, même si
35:36 je les multiplie, c'est-à-dire qu'actuellement en France j'ai 9 ateliers d'auteur en contemporain
35:41 de la province plus des ateliers ponctuels, mais ça touche quoi à 100, 200 personnes.
35:47 Et je me suis dit qu'il ne fallait pas s'arrêter à aussi peu de monde.
35:52 Ça serait bien tout de même qu'avant de partir, qu'avant de disparaître, je laisse
35:57 une petite trace et toute cette expérience que j'ai accumulée depuis 57 ans, maintenant
36:04 ça fait 57 ans que je pratique la chanson au niveau professionnel, laisser quelque chose
36:12 pour essayer de les aider.
36:14 Il se trouve que pour l'instant, les gens me disent qu'effectivement ça les aide bien.
36:22 Oui parce que l'art d'écrire une chanson, le mot art n'est pas choisi au hasard et c'est
36:25 en même temps une technique très particulière, Claude Lemel.
36:28 Oui c'est ça, c'est-à-dire que c'est quelque chose finalement, quand on entend
36:34 une chanson et qu'elle coule naturellement, tout le monde a l'impression de pouvoir le
36:39 faire.
36:40 Alors ça n'est pas du tout le cas, c'est assez difficile.
36:45 Je me souviens d'un jour où j'avais rencontré Eric Orsenna dans les coulisses d'un spectacle
36:50 d'Alice Donat qui m'avait dit "écoutez, je vous admire beaucoup parce que vous, vous
36:55 êtes génial".
36:56 Moi quand je loupe une page, j'en ai 300 pour m'en taper, mais vous si vous en loupez
37:02 une, c'est complètement raté.
37:05 Donc c'est important d'essayer de guider les jeunes.
37:10 Je leur parle de tout un tas de choses qui me semblent importantes, l'accentonique,
37:16 la métrique, le problème abstrait-concret.
37:20 - A part vous, il n'y a pas beaucoup d'écoles pour apprendre la chanson.
37:25 Et quand on prend ce livre, il y a vraiment des tas de conseils, chapitre par chapitre,
37:30 pour progresser dans la chanson, dans l'écriture ?
37:33 - Je l'espère, c'est ce que j'ai essayé de faire.
37:36 Encore une fois, il y a ce proverbe africain auquel je me réfère, qui est "un homme qui
37:40 meurt, c'est une bibliothèque qui brûle".
37:42 Moi je n'ai pas envie que ma bibliothèque brûle quand je serai parti, donc j'avais
37:46 envie de laisser une petite trace, parce que ce qu'ils me semblent avoir remarqué tout
37:50 de même, ça peut être important pour eux.
37:53 Il n'y a pas que ce que j'ai pu, moi, noter à travers la pratique, il y a aussi toutes
37:58 mes conversations avec Brassens, avec Brel, avec Béart, avec des tas de gens, avec Souchon.
38:05 Tout ça me semble devoir et pouvoir surtout être, peut-être pas transmis, mais en tout
38:13 cas être, enfin bon, de faire l'objet d'un essai de transmission.
38:20 - Oui, parce que la transmission est importante et encore plus aujourd'hui.
38:23 - Pour moi, elle est essentielle.
38:24 - Et parce qu'aujourd'hui, soyons clairs, on ne fait plus autant de chansons à la manière
38:29 de Brel, Brassens ou Lemel que jadis.
38:32 - Aujourd'hui, il y a d'excellentes choses.
38:37 On manque un peu de mélodie tout de même, je trouve.
38:40 Et alors effectivement, apprendre à poser les mots sur une mélodie, c'est tout un
38:44 art.
38:45 Et ça, c'est pas simple.
38:46 - C'est pas simple.
38:47 Et n'oubliez aussi que vous avez chanté et votre premier succès, ça a été celui-ci.
38:51 Je me souviens de cette chanson quand elle est née et ça a été, beaucoup de gens
39:05 ont dit "mais quelle belle chanson".
39:06 C'est une de vos chansons préférées.
39:08 Je crois que beaucoup l'ont repris.
39:09 - Oui absolument.
39:10 Ça c'était la première version, la mienne.
39:14 Ensuite il y a Carlos qui l'a enregistrée, ensuite Dassin et ensuite Reggiani.
39:19 Et oui, c'est une chanson que… Alors ça n'a jamais été un gros succès, ce qu'on
39:25 appelle un tube, un mot que je n'aime pas beaucoup.
39:26 Enfin bon, bref, il existe.
39:28 Mais il y a pas mal de gens qui la connaissent et qui l'aiment bien.
39:32 - Et c'est vous qui l'a chantée à l'époque dans les cabarets.
39:34 Car vous avez chanté dans les cabarets avec Claude Lemel.
39:36 - Ah oui, bien sûr.
39:37 À mes débuts, comme personne ne voulait mes chansons, j'étais bien obligé de les
39:41 chanter moi-même.
39:42 Je les chantais à l'éclue, je les chantais au cheval d'or, dans des endroits comme ça.
39:46 - Le plus compliqué, et vous l'expliquez dans "L'art d'écrire une chanson"
39:48 Claude Lemel, c'est qu'il faut dire beaucoup de choses en très peu de temps.
39:53 - Voilà, beaucoup de choses en peu de mots et puis être simple sans être banal.
39:59 Ça c'est très difficile aussi.
40:01 - Et puis ne rien laisser passer, développer des idées qui évoluent.
40:05 - Oui, absolument.
40:08 Moi je pense que c'est bien par exemple d'avoir une petite notation au début d'une chanson
40:13 puis de la retrouver comme ça, un peu par hasard, à la fin.
40:18 Dans "La Mademoiselle de Déshonneur", ce mercredi-là, j'étais en avant, j'avais
40:24 des exercices pour les Français, etc.
40:25 Le mec, il va à Confès, puis à la fin, moi je n'ai récolté que trois autres repères,
40:31 deux minutes d'or mort, zéro de français.
40:33 Je tire les petites ficelles.
40:36 Un petit peu comme au cinéma, si vous voulez, quand dans une scène vous avez un objet ou
40:40 quelque chose, vous le retrouvez à la fin, vous dites "tiens, c'est cohérent".
40:43 - Oui, mais ça, ça ne se fait pas être tout seul, il faut un certain temps.
40:47 - Oui, ça s'apprend quand même, ça s'apprend, oui d'ailleurs.
40:51 Je ne vois pas pourquoi la chanson serait le seul artisanat où on n'apprend rien.
40:56 Je crois que ce n'est pas vrai.
40:58 - Et puis il faut développer des idées qui évoluent au fil de l'écriture.
41:02 - Oui, j'essaye aussi de faire ça.
41:05 Il y a des chansons légères, bien entendu, moi je n'ai pas du tout honte d'avoir écrit
41:10 Big Bisou, mais quand on écrit La Bête Immonde, c'est évidemment, c'est tout à
41:16 fait autre chose, mais c'est la même plume qu'il l'a écrite.
41:18 - Il se trouve aussi qu'il y a l'art de la rime, dont on parle beaucoup.
41:21 La rime est essentielle, mais elle n'est pas toujours obligatoire.
41:25 - C'est-à-dire que ça, Boileau l'a dit avant moi, et Verlaine aussi, ce n'est pas la rime
41:31 qui commande, c'est l'auteur.
41:32 Il ne faut pas que ce soit la rime qui impose le son finalement, mais c'est l'idée qui
41:40 compte.
41:41 Alors si pour une idée qu'on a envie d'exprimer à travers un verre, on ne trouve pas la rime
41:47 riche, il vaut mieux rimer pauvre, voire ne pas rimer du tout, mais être cohérent dans
41:53 ses idées.
41:54 Ça me paraît absolument essentiel.
41:55 Quand un mot est posé là, dans un verre pour la rime, ça se sent à 200 km et c'est affreux.
42:03 - Et en plus, être auteur, c'est aussi être un peu journaliste, Claude Lemel.
42:08 - Oui, je pense qu'effectivement, on est là pour regarder, pour observer, pour rapporter,
42:14 mais dans le bon sens du terme.
42:17 Oui, je pense qu'il y a des chansons qui traitent...
42:21 Alors pas forcément de l'actualité.
42:23 Bon, mais il y a des actualités permanentes.
42:25 Ça, on le sait bien.
42:27 Il y a un certain nombre de chansons que j'ai écrites avec Fugain, par exemple, ou pour
42:32 Alice Donat aussi, ou pour Edgiani, qui sont des chansons qui développent un certain nombre
42:39 d'idées, qui peuvent évidemment avoir un écho dans l'actualité, mais qui hélas en
42:44 ont eu un dans le passé, et donc j'ai bien peur qu'elles en aient un aussi dans l'avenir.
42:49 - Et puis il y a aussi cet interprète qui vous a chanté avec des chansons d'une éternelle
42:53 actualité.
42:54 - C'est vrai que Michel Sardou vous a chanté.
43:07 Alors Michel Sardou qui a toujours l'air, quand sa phrase favorite, c'est "je fais chier",
43:12 c'est pas le cas du tout.
43:13 Il peut être très drôle.
43:14 - Bah, moi j'aime beaucoup Michel.
43:16 D'abord je trouve qu'on est extrêmement injustes avec lui, pas le public, parce que
43:21 bon, faut voir, moi je suis allé le voir Orléans, là je retourne le voir samedi et
43:25 dimanche à Paris, bon ça va être archi bourré alors que c'est des salles immenses.
43:30 Mais c'est quelqu'un de méconnu, moi j'ai écrit une chanson avec lui qui s'appelle
43:39 "Une fille aux yeux clairs", qui est tout de même une des chansons les plus tendres
43:42 sur une maman que je connaisse, et puis c'est quelqu'un qui a un très joli sourire.
43:50 Quand quelqu'un a un sourire comme ça, c'est rare qu'il soit une humain.
43:54 - Quelqu'un qui a aussi un sourire et qui nous manque, c'est celui-ci.
43:58 C'est vrai que "Seigneur Météo", Carlos, on est dans un genre très différent.
44:09 - Oui mais c'est ça qui est le plus dur à écrire.
44:12 Maxime Le Forestier disait ça dans un film que mon ami Serge Corbert m'avait consacré,
44:18 il disait que c'était beaucoup plus difficile pour moi d'écrire "Big Bisou" que d'écrire
44:22 "L'Eternien", ce qui est absolument vrai.
44:24 Et ça c'est une chanson "Seigneur Météo" qu'on a écrite avec Joe Dassin, donc moi
44:29 j'ai fait le texte et lui a écrit la musique.
44:32 Et je nous revois tous les deux dans mon petit appartement de l'avenue Jean Moulin, lui
44:36 assis par terre sur la boquette parce qu'il n'y avait pas de meubles et moi sur une
44:40 espèce de petit fauteuil en skaï.
44:42 Et bon, on a écrit ça.
44:45 À ce moment-là, on s'est beaucoup amusé parce qu'on a fait ça moitié en français,
44:51 moitié en espagnol de cuisine, un peu à la manière du Mamamouchi de Molière ou du
44:59 Juro dans "Malade imaginaire".
45:01 C'est une espèce de langue un petit peu comme ça, travestie.
45:04 Mais on s'était beaucoup amusé.
45:08 Oui, et je crois que Dassin et Carlos avaient fait un pari un jour, car Carlos avait repéré
45:13 Mike Brandt, Dassin lui a dit "ça ne marchera jamais, je te parie une bousseille de...
45:16 une caisse de Bordeaux".
45:17 Oui, ben là effectivement, il aurait mieux fait de s'autaire.
45:20 Mais Joe n'était pas mon directeur artistique, c'était un formidable chanteur, un formidable
45:29 homme de musique, compositeur.
45:32 Mais bon, dans l'équipe, c'était Jacques Pley qui avait vraiment le sens du "Vodetaria".
45:39 J'en reviens à l'art d'écrire une chanson, ça c'est la théorie et la pratique.
45:43 Vous continuez avec des ateliers que vous poursuivez aujourd'hui et qui vous semblent
45:47 essentiels, Claude Lemel.
45:48 Oui, j'en fais beaucoup.
45:50 Un peu partout en France, j'en ai même arrivé à faire à l'étranger, comme au Québec
45:56 par exemple, ou dans les Domtums.
45:58 J'en ai fait à Saint-Pierre-et-Miquelon, j'en ai fait à La Réunion.
46:04 Mon fils travaille maintenant pour l'ONU, il s'occupe des camps de réfugiés.
46:10 L'année dernière, il était au Burundi.
46:11 Donc j'en ai fait au Burundi, j'en fais un peu partout parce que je pense que c'est utile.
46:18 Je tiens à préciser que je fais tout ça bénévolement.
46:22 Bien sûr, mais en sachant que le succès n'est jamais acquis, une chanson qui marche
46:27 c'est un miracle.
46:28 Une chanson qui marche, c'est comme une histoire d'amour qui marche.
46:33 Il y a une rencontre entre le public et cette chanson-là.
46:36 Pourquoi, à ce moment-là, on ne sait pas.
46:39 Peut-être que si la chanson était sortie deux ans plus tôt, ou si elle sortait deux
46:43 ans plus tard, elle ne fonctionnerait pas.
46:45 Il y a un moment, une espèce d'alchimie curieuse qui se produit.
46:51 Pourquoi l'été indien, par exemple, je me suis souvent posé la question.
46:55 Honnêtement, moi je n'y croyais pas du tout.
46:57 Mais moi je ferais un très très mauvais directeur artistique.
47:00 Et puis il y a une chanson aujourd'hui que tout le monde connaît, et là aussi c'est
47:04 une grande surprise.
47:05 Dans le clip des reporters sur YouTube, il y a "Dans les yeux d'Emilie" que tout le
47:19 monde reprend en chœur aujourd'hui.
47:20 Ce n'est quand même pas une chanson d'hier, ni même d'avant-hier.
47:22 En plus, ce qui est curieux, c'est que le sujet c'est l'histoire d'amour qui
47:29 se passe à Québec.
47:30 Donc ça n'a strictement rien à voir avec l'usage qui en est fait aujourd'hui,
47:34 c'est-à-dire essentiellement un usage de supporters.
47:38 Alors d'abord c'était le basket.
47:40 Tout le monde parle du rugby, mais ça a commencé par le basket.
47:43 Ensuite le rugby.
47:44 Après les villes du sud-ouest, c'est l'hymne de Bayonne par exemple.
47:48 Aujourd'hui j'ai vu que c'était aussi une espèce d'hymne à Armand Thiers, qui
47:52 n'est pas vraiment dans le sud-ouest.
47:54 Ça a été numéro un dans les discothèques l'automne dernier.
47:58 Enfin bon, non mais les chansons, elles nous échappent totalement.
48:02 Et comment elle est née cette chanson ?
48:03 Il y avait cette musique que je trouvais formidable de Virginia Valley et Yvon Oisana.
48:09 Joe était en train d'enregistrer un disque qui s'appelait "Les femmes de ma vie".
48:15 Entre autres il avait d'ailleurs enregistré "La demoiselle de déshonneur".
48:19 Plusieurs chansons sur un certain nombre de femmes, l'histoire d'amour.
48:25 Et moi je pensais que ça serait bien qu'il y ait une histoire d'amour qui se passe au
48:28 Québec.
48:29 Et donc quand la musique est arrivée, j'ai démarré le texte tout seul parce que Pierre
48:35 Delanoë était en retard tout simplement.
48:37 Et donc j'ai démarré dans son quartier de vue Québec, les rues ont l'air d'avoir
48:41 l'accent, et l'endemie les voisines avec, les maisons grises du vieux temps.
48:44 Et puis Pierre est arrivé, il a changé un mot parce que j'avais écrit au début
48:48 "dans son faubourg du vieux Québec".
48:50 Et lui il m'a dit "non, faut mettre dans son quartier du vieux Québec".
48:52 Il avait raison, ça sonnait mieux.
48:53 Bon, etc. etc.
48:54 Et de fil en aiguille on a écrit cette chanson qui se passe là-bas à Québec, même pas
49:02 au Québec, à Québec, et qui raconte cette histoire d'amour entre cette jeune fille,
49:07 Emilie et Joe.
49:08 Et votre histoire d'amour de la chanson qui dure depuis 57 ans, elle est évoquée dans
49:14 l'art d'écrire une chanson aux éditions Erol, que je recommande à celler ceux qui
49:18 ont envie d'écrire mais qui ne savent pas toujours les bonnes techniques.
49:21 Merci de l'avoir écrite Claude Lemel.
49:22 Même ceux qui savent, ils pourraient trouver des choses intéressantes dedans.
49:27 Une double raison de l'acheter.
49:29 Merci Claude Lemel.
49:30 Merci à vous Jacques, merci beaucoup.
49:32 L'éclat d'une vie s'est terminé pour aujourd'hui, on se retrouve bientôt.
49:35 Restez fidèle à l'écoute de Sud Radio.