Jacques Pessis reçoit Olivier de Kersauzon. « Avant que la mémoire s’efface », un nouveau livre où il raconte ce que la mer lui a appris. Il a 80 printemps, mais moralement toujours 20 ans et 4 fois plutôt qu’une.
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##LES_CLEFS_D_UNE_VIE-2024-12-09##
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PersonnesTranscription
00:00« Sud Radio, les clés d'une vie. Jacques Pessis. »
00:03« Sud Radio, les clés d'une vie. Celle de mon invité.
00:06Vous avez toujours mis les voiles et en particulier aujourd'hui en Polynésie.
00:09Vous avez toujours vécu à toute vapeur et vous le racontez dans votre nouveau livre.
00:13Vous êtes un solitaire qui aurait pu adopter comme devise
00:17« Les bons vies comptent ne font pas toujours les bons amis ».
00:19Bonjour Olivier de Kersauzon.
00:23Bonjour Monsieur Pessis.
00:24Je suis tellement heureux de vous revoir parce que vous êtes si rare en France aujourd'hui.
00:28Moi aussi, parce que ça fait longtemps quand même.
00:30Oui, mais on ne fait pas.
00:32Alors, vous publiez un nouveau livre, « Olivier de Kersauzon.
00:34Avant que la mémoire s'efface, quelques propos maritimes aux cherches midi.
00:38On va en parler tout au long de l'émission.
00:40Mais le principe de l'émission c'est votre parcours à travers des dates clés.
00:44Donc j'ai trouvé plusieurs dates clés de votre parcours.
00:46Notamment le 26 novembre 1968, votre première télé
00:51où vous apparaissez discrètement avec celui dont bien sûr vous allez reconnaître la voix.
00:55Je ne pense pas du tout que j'ai un caractère de solitaire.
00:59C'est une réputation, ça qu'on m'a fait, que je traîne de 1964.
01:03Il se trouve que Bretagne Actualités propose un reportage à la Trinité-sur-Mer
01:07avant le périple de Tabarly-San Francisco de l'U.S. Antilles.
01:11Et sur le pont, il y a deux débutants qui s'appellent Alain Collat et Olivier de Kersauzon.
01:16Non, on n'est pas des débutants, on a déjà tourné un paquet.
01:19Mais à la télé, ils présentent comme des débutants.
01:21Oui, c'est des confinés.
01:24En 1968 ?
01:27Non, Alain Collat n'était pas là en 1968, c'est pas vrai.
01:31Ah si, peut-être qu'on a été courir chez Neobart en 1968, il est revenu en France avec nous.
01:37Mais on naviguait vachement.
01:39On avait pété toutes les courses anglaises de l'époque
01:45et moi je naviguais parce qu'avant je convoyais des bateaux.
01:50Mais en même temps, c'est le premier reportage à la télévision.
01:53Mais c'est pas parce que c'est le premier reportage qu'on était des débutants, c'est un bon garçon.
01:57Alors Tabarly, justement, je crois que vous l'avez connu au service militaire.
02:01Non, je l'avais connu avant, j'avais couru avec lui.
02:04Quand il était revenu de la Transat en solitaire, je l'avais couru avec lui en 1964 ou 1966.
02:09Et quand je suis parti faire mon service militaire,
02:13moi je partais pour l'11e Régiment de Chasseurs para-justices.
02:16Et il m'a dit, c'est con, si t'avais été dans la marine,
02:19je t'aurais récolté pour venir naviguer avec moi.
02:22Donc moi j'ai mis énormément d'énergie,
02:25je suis passé du 11e Régiment de Chasseurs para-justices à la marine.
02:30Et ça vous a permis de naviguer avec lui ?
02:32Oui, c'est le service militaire de rêve, tu rigoles, c'est extraordinaire.
02:36Alors vous êtes quartier maître et Tabarly est un maître en quelque chose.
02:40Oui, c'est un peu ça. J'espère que t'aurais évité cette association douteuse.
02:44Tu en es capable, ce qui montre que tu as gardé toute la fraîcheur de tes 20 ans.
02:48Je te félicite.
02:49Merci.
02:50C'est vrai que Tabarly vous a beaucoup appris, Edwid Kersauson.
02:53On a beaucoup appris ensemble, surtout parce qu'il faisait des bateaux nouveaux.
02:57Moi je courais quand même avant, j'avais un parcours maritime réel.
03:02Il n'aurait pas embauché un novice ?
03:04Non.
03:05Donc on avait navigué beaucoup, mais surtout Eric, c'était formidable.
03:08C'était capacité d'invention, le goût de naviguer.
03:12C'était très agréable de naviguer avec quelqu'un qui est toujours content de partir en mer.
03:17En fait, Eric, c'était un individu délicieux quand on était en mer, parce qu'il était toujours content.
03:24Et puis toujours drôle, parce que soi-disant il ne parlait pas,
03:27mais avec des copains, beaucoup m'ont dit qu'il était très drôle, très joyeux.
03:31Oui, une joie de vivre et tout, mais on ne faisait que des choses vraiment intéressantes,
03:35donc il n'y avait pas de quoi se plaindre.
03:37C'était assez une vie de rêve.
03:39On avait un vrai capitaine qui venait gagner une Transat unique au monde, en solitaire.
03:43Il avait fait un bateau, Open Duke 3, qui était tout à fait unique et performant.
03:48Et on faisait avec Gérard Petitpas, notre navigateur,
03:52on faisait toutes les courses d'Angleterre,
03:55et toutes les courses qui nous avaient fait rêver, nous, quand on était petits.
03:59C'est des courses que j'avais faites déjà auparavant, il y a 4 ans avant.
04:03Et là, on se régalait, c'était un plaisir total.
04:07Dans ce livre, avant que la mémoire s'efface, qui est un plaisir total également,
04:11vous racontez que Tabarly a refusé de vous prêter un bateau en 1973, Olivier de Kersauson.
04:16Oui, mais je ne pense pas qu'il était tout à fait maître de ce bateau,
04:20parce que le bateau avait été financé par la Marine Nationale et tout un toit.
04:26Et j'en ai trouvé un autre.
04:29En 75, je suis parti avec un autre bateau, faire Londres-Sydney-Sydney-Londres,
04:33c'était le deuxième tour du monde que je faisais.
04:36J'ai gagné la première étape et cassé le gouvernail à la deuxième à Milmille-de-Sydney,
04:40quand je suis revenu réparer en Australie.
04:43Oui, car c'est permanent, il faut toujours être prêt à réparer n'importe quoi.
04:48Oui, c'était une voile très aventureuse.
04:50Pas de GPS, pas de météorologie, pas de téléphone.
04:54C'était la bite et le couteau, comme on dit dans la marine.
04:57Et c'est ça qui faisait que ça a été passionnant aussi.
05:01Les navigateurs d'aujourd'hui ne peuvent pas se rendre compte qu'il n'y avait pas de GPS et pas d'escale.
05:06Oui, il fallait faire le point au sextant et tout, donc c'était un autre monde.
05:10Ça ne veut pas dire que le monde d'aujourd'hui ne soit pas intéressant.
05:13Je pense que les bateaux ont colossalement évolué.
05:16Le fait de savoir plus aujourd'hui, d'avoir des GPS et tout,
05:21ça permet aussi d'améliorer, parce que ça affine la mesure.
05:24Et si on affine la mesure, on affine la performance.
05:26C'est ça qui est très important.
05:28La mer, je crois que c'est votre univers depuis que vous savez marcher, Olivier de Kersauson.
05:32Oui, je crois que c'était une vraie histoire d'amour.
05:39Petit, je l'ai subi une sorte de fascination de ce monde-là.
05:46Et après, j'ai eu la chance de voir que ma vie soit pilotée par ça.
05:52En même temps, vous êtes le septième d'une famille d'8 enfants.
05:56Il y en a eu un derrière vous.
05:58Il y en a quelques-uns qui ont été dans la marine.
06:00Je crois que votre frère Yves est devenu amiral.
06:02Mais vous êtes à peu près le seul de la famille, alors que tout le monde aurait pu être marin.
06:07Oui, mais à l'époque, on était quatre garçons.
06:11Donc il y en a deux qui étaient marins, mon frère et moi.
06:14Mon frère aîné est de la génération qui a eu leur jeunesse à moitié flinguée par la guerre d'Algérie.
06:21Il avait fait l'ESSEC et je pense qu'il est rentré.
06:26Ils n'ont pas eu la liberté qu'on a eu, nous.
06:29Moi, j'ai eu une liberté énorme, parce que tout était fini.
06:32Je l'avais préparé à la guerre.
06:35J'avais fait tous les PM pour être dans un régiment de parachutistes et tout.
06:38Et en fait, il n'y avait plus besoin.
06:40Donc moi, j'ai commencé une voie royale à 20 ans.
06:43J'étais emmerdé par rien. J'ai pas eu d'obligation. J'ai rien eu.
06:47Et curieusement, vous n'êtes pas né au bord de la mer.
06:49Vous êtes né dans la Sarthe, à Bonne Table.
06:51C'est un truc de mauvais goût que tous les cons me ressentent.
06:54Je suis furieux d'être né là, parce que mes frères et mes sœurs se foutaient de ma gueule.
06:59T'es pas en Bretagne. T'es pas né en Bretagne.
07:01C'était la guerre. Brest était tellement bombardé que c'était pas raisonnable d'y rester.
07:05C'est pour ça que je suis né là-bas.
07:07Tu fais naître un cheval dans une étable, ça ne tiendra pas une vache.
07:15T'es un cheval, donc tes petits commentaires idiots, je t'en dispense.
07:19C'est la vérité.
07:20Je t'en dispense.
07:21Même si c'est la vérité.
07:22L'école aussi, c'est pas terrible.
07:24Je crois que les plus bons souvenirs, c'est chez les Jésuites, où vous avez passé...
07:27C'était pas les pires, mais j'ai fait 11 collèges.
07:29Ça s'est mal passé.
07:30On avait peu de choses à partager.
07:32C'est tout.
07:33Vous avez même eu le cachot, je crois, non ?
07:35T'es au courant de ça ?
07:37Oui.
07:38Quand j'avais 10 ans, j'étais un mois au cachot.
07:43Remarque, j'en dois beaucoup, parce qu'ils m'ont donné le goût de l'évasion forever.
07:49Depuis, j'ai l'évasion permanente.
07:52Je crois qu'en plus, plus que le studio, vous maniez les lance-pierres.
07:56Le lance-pierres était quelque chose qui fonctionnait très bien à l'époque.
07:59Pour moi, c'était le revolver du cow-boy rural que je voulais devenir.
08:05T'as 10 ans, et les lance-pierres, t'as été hyper bon avec ça.
08:09Il y a quand même eu des études, parce que vous avez commencé après le bac,
08:12des études d'économie, Olivier de Kersaujon.
08:15Oui, mais je suis pas resté tant que ça.
08:18C'était quoi pour vous ?
08:20Je faisais ça ?
08:21C'était un peu pour faire plaisir à mes parents,
08:23parce que tout le monde dans la famille avait reçu leurs études.
08:26J'avais une sœur agrégée, une autre qui a fait propété,
08:29enfin, ils étaient tous hyper doués.
08:31Et puis moi, les études me faisaient chier,
08:33donc j'ai fait semblant de faire des études.
08:38Mais j'y allais pas, en fait.
08:40Oui, on peut pas être partout.
08:42Et en plus, vous n'avez pas commencé par le bateau, mais par l'autostop.
08:46Putain, mais comment ?
08:48Oui, je suis parti en...
08:50J'ai quitté la fac.
08:52J'ai laissé mes bouquins sur le...
08:55Sur la table.
08:56Sur la table, en disant qu'on s'en reviendrait jamais,
08:58ce qui ne me faisait pas un grand chagrin.
09:00Et je me suis dit, tiens, je vais partir ensemble.
09:02J'ai fait le tour de...
09:03Je suis descendu en Grèce et tout ça,
09:05parce que je croyais qu'il faisait chaud en hiver en Grèce,
09:07ce qui est qu'une putain d'erreur.
09:09Il fait froid.
09:10Et vous avez allé à Berlin uniquement pour voir le mur ?
09:12Oui.
09:13Oui, parce que je t'ai intéressé par les...
09:16Tu sais, quand tu es né en 44 et que t'es petit,
09:18et que tu regardes autour de toi dans ce qu'était la France,
09:21quand tu traversais des villes comme Nantes ou comme Brest,
09:23je sais pas quoi,
09:25aux questions que tu poses, on te dit que c'était la guerre.
09:28Donc tu vois, moi j'ai été très façonné,
09:30ma petite enfance, si tu veux.
09:32En plus, moi j'ai une génération, si tu veux,
09:34on a eu les tickets de rationnement jusqu'en 52.
09:37Donc en 52, j'avais 8 ans.
09:40Donc on a une idée très précise,
09:42enfin très précise, très émotionnelle
09:45de ce qu'ont pu être ces périodes.
09:47En plus, c'était des périodes dont les parents refusaient de parler.
09:53Nos parents voulaient plus qu'on parle de ça.
09:55Exactement.
09:56C'est drôle, hein ?
09:57Aujourd'hui, c'est dans l'histoire.
09:59Avant, on n'en parlait pas.
10:00Mais même dans les familles juives,
10:04ceux qui sont revenus des camps ne parlaient pas de ça à leurs enfants.
10:08C'est les enfants qui, à 20 ans, ont découvert.
10:10Plus personne.
10:12La guerre avait été une merde totale
10:14et plus personne ne voulait en parler.
10:16Et moi je me rappelle, il y avait un oncle qui nous en parlait
10:19et mes parents n'étaient pas contents.
10:21Et vos vrais débuts de navigateur,
10:23effectivement, c'est la Trinité-sur-Mer, c'est votre berceau.
10:25Ah oui, c'est un bel endroit.
10:27Vous avez commencé là vraiment à naviguer
10:29et même à 15 ans, vous naviguez
10:32avec des conseils à des gens de 40 ans.
10:35Ah oui, j'étais bon aussi.
10:37Je faisais que ça.
10:41C'est la seule chose qui m'est vraiment intéressé.
10:43C'est extraordinaire quand même.
10:45Et moi je suis tombé à l'époque où c'était possible.
10:49Et vous dites dans votre livre
10:51que quand on a navigué en Bretagne,
10:53on peut naviguer partout au monde.
10:56C'est un pays où il y a quand même
10:58des bonnes torches et l'hiver.
11:00Chez moi, il y a deux ans,
11:02il y avait 210 km en devant.
11:06Et puis surtout, il n'y a pas autant de phares
11:09et de bouées de cailloux que dans le Finistère.
11:12Donc c'est un vrai bon entraînement.
11:15Et l'entraînement, il a servi à d'autres choses.
11:18Et on va évoquer une date qui est importante
11:20aussi dans votre parcours, le 3 mai 1989.
11:22A tout de suite sur Sud Radio
11:24avec Olivier de Kersauson.
11:26Sud Radio, les clés d'une vie. Jacques Pessis.
11:28Sud Radio, les clés d'une vie.
11:30Olivier de Kersauson de passage à Paris
11:32est mon invité à l'occasion de la sortie
11:34de « Avant que la mémoire s'efface »,
11:36un livre aux chers Chmidi,
11:38un livre d'opus dont on va reparler longuement
11:40mais qu'on évoque au fil de l'émission.
11:42J'ai trouvé une date importante dans votre carrière,
11:44c'est le 3 mai 1989.
11:46C'est le jour où vous battez le record du tour du monde
11:48en solitaire sur le trimaran
11:50avec un autre regard qui faisait 23,20 m.
11:52Ça, c'était un grand moment.
11:54Non, mais c'était surtout une préparation lourde.
11:56En fait, j'ai des vrais problèmes,
11:58j'avais pas d'argent et tout.
12:00Mais surtout, c'est que...
12:04Emmener ces bateaux-là...
12:06Kola était passé en multicoc autour du monde,
12:08Philippe Monet était passé avant moi,
12:12et moi j'avais envie d'y aller parce que
12:14le multicoc autour du monde, c'est très aventureux.
12:16Tu te trompes, tu chavires, t'es mort.
12:18D'autant plus qu'à l'époque,
12:20y'a pas de téléphone, y'a rien.
12:22Et surtout, c'est une mise au point,
12:24c'est très compliqué,
12:26tu passes ton temps à réparer.
12:28J'ai changé le gréement,
12:30les câbles qui tiennent le mât,
12:32en solitaire, tout seul,
12:34j'ai échangé en montant tête de mât,
12:36en tirant les câbles.
12:38Tout est cow-boy, tout est rusqué,
12:40tout était difficile, mais passionnant en fait.
12:42Moi j'ai adoré ça parce que...
12:44J'ai toujours aimé la solitude,
12:46la solitude appliquée dans ces mers-là,
12:48c'était formidable.
12:50Avec des escales forcées en Afrique du Sud de 48 heures...
12:52T'avais été obligé de m'arrêter,
12:54mon pilote était cassé,
12:56mais escales forcées, mais sans aller à terre.
12:58Alors ça a duré 125 jours,
13:0019h32 minutes et 33 secondes exactement,
13:02et quand vous êtes arrivé,
13:04la surprise c'est qu'il y avait beaucoup de monde autour de vous,
13:06et qu'on vous a accueilli au son des cornes de brume.
13:08Ouais, ouais, c'était marrant.
13:10Ça vous a ému d'ailleurs,
13:12on voit les images, vous êtes quand même très étonné de cet accueil.
13:14Ouais, parce qu'en fait,
13:16quand tu rêves de naviguer,
13:18que tu navigues,
13:20tu penses à la navigation,
13:22tu penses pas à l'arrivée.
13:24Oui, mais il faut improviser quand ça arrive,
13:26et je crois qu'à la fin vous vous dites
13:28j'ai borré un petit coup,
13:30et vous avalez une boseille de champagne pratiquement cul sec.
13:32Ouais, ça c'est la légende.
13:38C'est peut-être vrai, mais je n'en souviens plus.
13:40Non mais t'as soif aussi quand t'arrives.
13:42Non mais en plus,
13:44vous êtes ému et timide, parce que vous n'aimez pas déranger finalement,
13:46et vous voyez tout le monde autour de vous ce jour-là.
13:48Oui, je suis assez...
13:50Je suis pas timide,
13:52je suis réservé.
13:54C'est le mot exact.
13:56Exactement.
13:58Donc quand il y a comme ça plein de gens qui sont venus vous voir...
14:04Alors, ce qu'il faut savoir aussi,
14:06c'est que la météo a été très importante
14:08dans ce voyage, comme dans tous vos voyages,
14:10et vous expliquez dans ce livre, Olivier Leclerc-Sauzon,
14:12combien la météo, c'est l'essentiel
14:14pour préparer un voyage.
14:16Oui, d'ailleurs, c'est bien que
14:18vous m'en parliez,
14:20j'ai envie de dire que tu m'en parles,
14:22parce qu'au début du livre, t'as pas vu,
14:24mais il y a trois noms.
14:26Oui, il y a trois noms, absolument.
14:28Il y a trois noms, et c'est trois météorologues.
14:30Ah, je savais pas ça.
14:32C'est trois météorologues. C'est Claude Fons,
14:34qui était le premier météorologue
14:36à s'occuper vraiment de météo en offshore,
14:38c'est...
14:40Michel était le nom qu'il avait recruté
14:42pour la...
14:46C'était pour la première route du Rhum,
14:48donc il y avait...
14:50Et Claude Fons, c'était un météorologue
14:52de la vieille génération. A l'époque,
14:54on avait presque encore les frégates
14:56météo au large, donc c'était
14:58de l'observation, il n'y avait pas du tout les moyens techniques,
15:00il n'y avait pas les satellites et tout ça.
15:02Le deuxième météorologue, parce que
15:04moi j'ai beaucoup appris avec ce genre de choses-là,
15:06c'est Bob Rice.
15:08Bob Rice, c'est un météorologue américain
15:10qui avait...
15:12C'est lui qui avait planifié
15:14le vol
15:16sur la bombe d'Hiroshima.
15:18Et Bob Rice,
15:20un météorologue absolument incroyable,
15:22avait...
15:24Quand j'avais couru autour du monde contre
15:26Peter Blake,
15:28j'avais compris que c'était
15:30Bob Rice qui l'avait fait gagner.
15:32Donc en rentrant et battu par Peter Blake,
15:34il me restait
15:36de quoi me payer un billet d'avion, je suis allé voir
15:38Bob Rice à
15:40Newport, à Rhode Island,
15:42et je lui ai demandé
15:44de me piloter parce que je l'allais repartir
15:46incessamment. Il a accepté immédiatement
15:48parce qu'il avait compris.
15:50Moi je lui ai dit, j'ai compris le moment où vous m'avez battu
15:52et tellement... J'avais tout compris.
15:54Je n'étais pas content, mais je me disais,
15:56il faut que je récupère ce type.
15:58Il avait une connaissance météo
16:00hallucinante.
16:02Et moi je l'ai récupéré.
16:04Et vous avez appris la météo justement ?
16:06Oui, beaucoup. J'ai fait des oeuvres, j'ai fait de la météo toute ma vie.
16:08Et après, le troisième c'est
16:10Pierre Lagné, qui était un météorologue
16:12installé dans le sud de la France,
16:14qui a beaucoup travaillé pour les
16:16plateformes pétrolières, je sais pas quoi, mais aussi bien
16:18en Afrique que dans les Nordiques.
16:20Et avec lui on avait
16:22déjà des systèmes de communication
16:24beaucoup plus performants.
16:26Mais c'était un météorologue extraordinaire.
16:28Moi j'ai beaucoup appris de ces
16:30personnes, parce que
16:32nous on avait très peu
16:34de moyens de réception. Alors qu'aujourd'hui,
16:36tu peux partir autour du monde, par satellite
16:38tu vas tout recevoir. A l'époque on pouvait pas,
16:40il n'y avait pas le...
16:42Il n'y avait ni le matériel, ni la technologie,
16:44ni les satellites, ni le budget.
16:46Et je trouve que la météo, même le pire,
16:48c'était pour le journal télévisé quand ça a débuté,
16:50ça se faisait à Météo France avec un petit
16:52carton qui était filmé, la bobine
16:54partait rue Cognacjet,
16:56où on la développait dans une
16:58boîte particulière, puisque pour tenir
17:00le film, il y avait deux boîtes
17:02de petits pois récupérées à la cantine.
17:04Ça m'étonne pas. Et ça marchait déjà.
17:06Ça s'appelle la télévision de feu de camp.
17:08Exactement. Alors il se trouve aussi
17:10que vous dites, Olivier de Kersauson,
17:12qu'on peut prévoir la météo rien qu'en regardant la mer.
17:14Mais tout, enfin...
17:16Le vrai problème c'est qu'il n'y a pas
17:18de signal d'événement
17:20météorologique
17:22sans pré-signal.
17:24En tout cas, faut-il regarder
17:26tout le temps.
17:28Et l'écoulement du vent aussi, c'est important
17:30pour l'oreille.
17:32Un bon barreur, il barre avec les oreilles.
17:34Contrairement à ce qu'on croit.
17:36Il faut les oreilles nues, et c'est sur les oreilles
17:38que le vent lui indique exactement si
17:40le vent a forcé, molli,
17:42s'il a changé de cap, s'il a changé de direction et tout.
17:44Il faut des années pour l'apprendre,
17:46pour arriver même à ce record.
17:48Ça, c'est des années de travail,
17:50de succès et d'échec.
17:52Il faut des années de navigation.
17:54Je pense que c'est comme tous les métiers.
17:56Il faut en faire un paquet pour être bon.
17:58Oui, et surtout en jouant,
18:00comme vous l'avez fait, la carte de l'indépendance.
18:02Ce qui n'était pas évident, c'était un risque Olivier de Kersauson.
18:04Je suis pas sûr.
18:06Ah bon ?
18:08Faut faire comme on sent.
18:10Moi je sentais que c'était ça qu'il fallait faire.
18:12Et quand il y avait des échecs, vous n'étiez pas découragé pour autant ?
18:14Je n'ai jamais été...
18:16J'ai toujours été...
18:20passionné, agressif et tout.
18:22On apprenait.
18:24On faisait des bateaux qui n'existaient pas.
18:26Le premier,
18:28c'est Xavier Joubert et moi,
18:30à Brest, qui avons mis les carbones sur l'eau
18:32avec la division hélicoptère de la Science.
18:34Personne ne faisait des bateaux comme ça.
18:36On a toujours été
18:38à risquer la technologie
18:40pour essayer de l'adapter au maritime
18:42et pour faire des performances différentes.
18:44Tu prenais des coups.
18:46Tu cassais des matériels, je ne sais pas quoi.
18:48Mais moi j'avais une...
18:50J'avais...
18:52J'ai encore une grande qualité, je suis désolé de parler de moi,
18:54mais c'est vrai, c'est que
18:56n'étant pas gestionnaire
18:58du cerveau de l'autre,
19:00j'en avais rien à foutre de ce que les gens pensaient.
19:02Moi ce qui m'intéressait, c'est ce qu'on allait faire ensemble.
19:04Et ce qu'on a fait ensemble, durant des années,
19:06avec
19:08Hubert Desjoyeaux,
19:10qui était le frère de toute la famille,
19:12avec
19:14Van Peteghen-Loriot-Prévot.
19:16J'étais un de leurs
19:18premiers clients.
19:20Faire des bateaux, des multicoques.
19:22On a toujours pris les risques. Hervé Deveaux,
19:24qui avait un bureau d'études
19:26à Brest, et que les Américains ont recruté
19:28pour toute la période Kutaperika,
19:30qui a développé les foils. On était
19:32tous dans le même petit village.
19:34C'était passionnant. En plus, c'est des gens
19:36de grande qualité.
19:38On a eu de la chance.
19:40Moi j'ai eu de la chance de partager
19:42du temps avec des gens de qualité.
19:44Et alors il y a aussi une chose étonnante, c'est que vous avez
19:46couru une course dont votre frère
19:48est à l'origine. Et cette course, une chanson
19:50l'évoque.
19:52Donne du rhum à ton homme,
19:54du miel et du tabac.
19:56Donne du rhum à ton homme.
19:58Georges Roustat, qui donne du rhum à ton homme.
20:00Donc la route du rhum. Et la route du rhum,
20:02c'est votre frère.
20:04C'était marrant.
20:06Avant, les courses, c'était qu'anglaise.
20:08Il n'y avait de bon bec que de Londres.
20:10C'était un peu ça.
20:12Et en fait, Michel Etévenant, qui était
20:14le sponsor de Critère,
20:16qui était des bateaux qui couraient,
20:18s'était penché là-dessus.
20:20Et j'ai mon plus jeune frère, Florent.
20:22Contrairement à ce
20:24qu'il racontait,
20:26il avait beaucoup travaillé là-dessus.
20:28Et à une époque,
20:30avant qu'Etévenant disparaisse,
20:32à l'arrivée de la route du rhum, mon frère me dit
20:34j'aimerais bien avec Etévenant,
20:36mais c'est un peu compliqué, je vais être obligé
20:38de rentrer au conflit.
20:40Et moi je dis
20:42non, parce qu'il m'a beaucoup aidé.
20:44Je négocierai ça avec lui, si tu veux.
20:46Laisse-moi du temps. Et en fait, on n'a pas eu le temps.
20:48Mais je me souviens que mon frère Florent,
20:50avec qui je ne m'entends pas du tout,
20:52est quand même un de ceux qui a réellement...
20:54C'est lui qui faisait
20:56les voyages pour aller voir les Rhumiens en Martinique.
20:58C'est lui qui, avec l'UNCL,
21:00travaillait sur le règlement.
21:02Il a fait énormément de travail là-dessus.
21:04Et ça ne lui a jamais été reconnu,
21:06ce qui est tout à fait injuste, parce qu'il ne le méritait pas.
21:08En même temps,
21:10cette route du Rhum, vous avez fait une quatrième...
21:12La première, oui, sans pilote.
21:14J'ai navigué sans pilote. J'ai perdu 8 kg.
21:16Et ouais, c'est...
21:18Et si tu veux, après,
21:20j'en ai refait une autre,
21:22avec un bateau
21:24plus grand, parce que j'avais perdu le bateau
21:26quand j'ai fait la route du Rhum.
21:28On l'a perdu dans l'Atlantique, sur une tempête
21:30où le bateau s'est fracassé.
21:32J'ai été récupéré par un bateau
21:34qui s'appelait Atlantic Song.
21:36Il a...
21:38Lui, il était bien embrouillé,
21:40parce qu'il y avait 69 devant
21:42établi, 79 devant,
21:44et il transportait
21:46des scrappeurs et des bulldozers.
21:48Ils avaient cassé
21:50ce qu'on appelle les amarrages sur les pattes d'éléphant.
21:52Donc, ils avaient un bulldozer
21:54de 20 tonnes qui glissait
21:56dans le fond de cale. Alors, le problème, c'est que
21:58ça pouvait impacter, faire le trou dans la coque
22:00et les faire couler, quoi.
22:02On a été recueillis par eux.
22:04C'est extraordinaire.
22:06Très aventureux, mais moi,
22:08ce qui m'intéressait, c'était l'aventure.
22:10C'est-à-dire qu'à un moment donné, je me suis dit
22:12que j'allais faire de l'aventure
22:14et pas de la course.
22:16La course, j'en avais fait 8 ans avec Tavarly, on avait gagné,
22:18on avait vu. Et je me suis dit que
22:20c'était intéressant d'emmener
22:22les bateaux là où Tavarly disait
22:24« Moi, j'irai jamais au Cap Horn dans Multicoque, moi je suis allé
22:26un paquet de fois. » Non, mais c'était ça
22:28qui moi m'intéressait, c'est de
22:30faire
22:32évoluer ces bateaux-là, quoi.
22:34Mais il y a eu un moment beaucoup plus calme aussi dans votre vie
22:36et on va l'évoquer à travers une date clé
22:38aussi, le 30 septembre 2002.
22:40A tout de suite sur Sud Radio avec
22:42Olivier de Kersauson.
22:44Sud Radio, les clés
22:46d'une vie, Jacques Pessis.
22:48Sud Radio, les clés d'une vie, mon invité,
22:50Olivier de Kersauson, avec ce nouveau livre
22:52« Avant que la mémoire s'efface » au Cherchemilly
22:54qu'on évoque en filigrane pour l'instant
22:56mais qu'on va évoquer plus tard
22:58en détail. 30 septembre
23:002022, c'est le jour où
23:02vous avez été élu à l'Académie de
23:04Marine, dans la section Marine
23:06Marchand de paix chez Pléjance, et
23:08vous êtes entré le 12 octobre. Et vous
23:10imaginez académicien et mortel,
23:12c'est une image très particulière.
23:14« Moi j'étais...
23:16Au début, j'étais
23:18d'accord, on m'a proposé, quoi.
23:20Mais quand
23:22je suis allé à l'Académie et que j'ai rencontré
23:24les académiciens,
23:26j'étais vachement content.
23:28C'est la réunion réelle
23:30de gens qui,
23:32dans notre évolution maritime,
23:34ont eu des postes clés.
23:36Les anciens chefs d'état-major,
23:38il y a encore
23:40quelques mois,
23:42le président de l'Académie de Marine,
23:44c'était l'homme qui avait mis au point
23:46les premiers sous-marins atomiques, Foncette.
23:48C'est que des mecs qui ont un niveau
23:50technique incroyable. Et comme
23:52toujours, derrière ce niveau technique,
23:54une passion,
23:56une formidable amour de la mer.
23:58Te trouver immergé là-dedans,
24:00tu te retrouves en âge avancé
24:02avec des gens dont la morphologie
24:04mentale
24:06aurait presque permis d'en faire des amis
24:08d'enfance, tellement on a partagé
24:10des vies similaires et les mêmes rêves.
24:12Donc c'est délicieux.
24:14Moi je suis ravi. Je suis fier d'y être.
24:16Je suis content de partager du temps avec ces gens-là.
24:18Et puis,
24:20c'est une élite
24:22maritime extraordinaire.
24:24Il y a quelques temps, j'arrivais
24:28en Thaïlande
24:30et on survolait
24:32l'océan, et il y avait
24:34près de Singapour un paquet de
24:36bateaux au mouillage,
24:38peut-être 1 000 à 2 000. On voyait bien de l'avion.
24:40En débarquant,
24:42j'ai appelé un des membres de l'Académie
24:44de Marine, le capitaine de Marine Marchand,
24:46un mec génial, et je lui ai dit
24:48« Mais ça a toujours été comme ça ? »
24:50Elle m'a expliqué que dans cette zone-là,
24:52il y avait au moins 100, 200,
24:54300 000 bateaux en attente.
24:56Parce qu'ils connaissaient tout.
24:58C'est les gens qui connaissent tout de cet océan.
25:00Donc c'est
25:02fantastique. Moi je suis content.
25:04Pour votre information,
25:06et pour ceux qui ne le savent pas, l'Académie de Marine
25:08a été créée par
25:10Louis XV à Brest en 1752.
25:12Elle a arrêté en 1793.
25:14Elle est devenue l'Académie
25:16Royale à Paris en 1921.
25:18Et il y a des membres à vie
25:20dont vous faites partie, et des membres à vie
25:22qui ont fait tous les métiers parfois de la mer,
25:24un peu comme vous, parce que vous avez tout fait en mer,
25:26Olivier de Kersouzan. — Beaucoup. Non, j'ai pas fait...
25:28J'ai jamais commandé de sous-marin,
25:30j'ai pas fait de vrais combats navals,
25:32j'ai pas fait...
25:34— En plus, il y a la mer,
25:36vous détestez la montagne, vous auriez rêvé de piloter aussi.
25:38— Ouais, mais...
25:40Non, j'aurais bien aimé, mais...
25:42J'ai piloté un peu, mais
25:44après j'ai arrêté en hélico.
25:46Je crois qu'il faut...
25:48Il faut de l'argent pour piloter tous les jours.
25:50Alors il faut piloter tous les jours, si on veut.
25:52Il faut pas aller faire...
25:54Il faut pas être un pilote du dimanche.
25:56Un pilote du dimanche devient vite un pilote du cimetière,
25:58à mon avis. — Je pense aussi.
26:00Mais vous avez préféré être pris
26:02sous les ailes des membres
26:04de l'Académie de Marine.
26:06Et justement, ce sont les gens avec qui vous parlez,
26:08alors que d'habitude en mer,
26:10vous êtes tout seul, et le solitaire
26:12parle tout seul. — Mais non, même en équipage,
26:14tu parles pas. Moi, quand j'ai commandé
26:16les Tours du Monde en équipage en multicoque,
26:18ou même en monocoque, tu parles pas,
26:20t'as pas le temps.
26:22Tu fais pas le salon.
26:24Parfois, tu t'aperçois que tu fais un Tour du Monde
26:26avec des mecs auxquels t'auras pas parlé une fois.
26:28Ou bien, si t'auras parlé
26:30en vire-de-bord,
26:32c'est tout.
26:34Ou sur les spaghettis.
26:36On n'a pas échangé, quoi.
26:38T'as pas le temps. — Avec des équipages
26:40que vous choisissez,
26:42et notamment, il y a un détail important,
26:44c'est la façon dont il marche sur le pont
26:46quand vous les choisissez.
26:48— Non, je les fais pas marcher.
26:50La façon dont un mec marche, tu sais
26:52qu'il a navigué ou pas.
26:54Et moi, j'ai recruté dans mes équipages,
26:56plusieurs fois, des gens qui venaient
26:58de la pêche ou de la marine marchande,
27:00parce que tu vas apprendre.
27:02C'est assez facile d'apprendre
27:04à un vrai marin à devenir un coureur.
27:06T'es pas sûr d'apprendre à un coureur
27:08ou à un regattier à devenir un marin.
27:10Moi, j'ai bien aimé.
27:12J'ai eu un matelot.
27:16Il avait fait la pêche en haute mer,
27:18en Irlande, je sais pas c'est quoi.
27:20Il était chalutier. J'en ai un autre,
27:22il était second sur une goélette
27:24au toit motou.
27:26Il commandait un équipage théissien.
27:28Ils allaient construire sur les atolls
27:30les aéroports, donc il fallait débarquer
27:32dans des conditions
27:34invraisemblables, des bulldozers
27:36dans de la houle.
27:38Mais que des trucs très aventureux, quoi.
27:40Et ça, vous aimez.
27:42En même temps, vous êtes le chef d'orchestre
27:44quand vous êtes le capitaine du bateau.
27:46C'est pas le mot exact.
27:48Il est en livre, c'est pour ça que je l'emploie.
27:50Oui, oui.
27:52Maintenant, fais un effort pour comprendre.
27:54Non, je vais t'expliquer.
27:56Comme je te tiens en haute estime,
27:58je ne voudrais pas te laisser
28:00t'éloigner d'apprendre
28:02parfaitement la réalité du métier
28:04de patron.
28:06En fait, si tu veux, un bateau
28:08et un programme, c'est un certain
28:10nombre d'heures de travail et d'effort.
28:12Aussi bien à terre avant qu'à la mer.
28:14Donc, tu vas
28:16pourservir l'effort,
28:18tu as une hiérarchie naturelle
28:20dans la maryse, un capitaine,
28:22des seconds et un équipage.
28:24Mais toute cette organisation
28:26n'a de raison d'être que pour
28:28que le travail soit accompli au mieux
28:30de l'intérêt général.
28:32Ce qui veut dire aussi que
28:34toi, tu vis
28:36aujourd'hui et demain, que tu décides
28:38où on va aller, je ne sais pas quoi.
28:40L'équipage qui monte tous les six heures sur le pont
28:42décide de faire marcher le plus vite
28:44possible à ce moment-là.
28:46Donc, c'est vraiment un partage des...
28:48C'est une hiérarchie qui est
28:50au service.
28:52Ce n'est pas une hiérarchie qui se fait dans la domination.
28:54Oui, mais dans ce livre, vous racontez
28:56qu'un jour, vous avez décidé de rebrousser
28:58les chemins et qu'un membre de votre équipage
29:00a dit, moi, j'aurais
29:02pas fait ça.
29:04C'est pour ça que tu n'es pas patron.
29:06L'intérêt du monde
29:08maritime, c'est que
29:10comme on est dans un monde où la bande de roulement
29:12et la mer changent de forme assez souvent,
29:14le vent change de forme et d'intensité,
29:16de direction assez souvent aussi,
29:18tu es obligé de prendre une décision
29:20tous les demi-heures.
29:22Ça peut être la décision de rien changer,
29:24mais ça peut aussi être la décision
29:26de tout changer. Et cet exercice,
29:28moi, je pense que
29:30l'exercice
29:32de la décision est l'exercice supérieur
29:34de l'intelligence. C'est très supérieur
29:36à l'analyse, puisque ça part aussi
29:38de l'analyse, de la connaissance, mais aussi
29:40cette espèce d'intuition qui fait que
29:42on est un peu supérieur à des
29:44veaux, parce que
29:46on sent ce qu'il faut faire.
29:48Et en même temps, ça veut dire 20 heures par jour
29:50et dormir comme on peut.
29:52Oui, très peu.
29:54La privation du sommeil
29:56ou le sommeil très réduit,
29:58quand on fait des choses intéressantes,
30:00c'est facile.
30:02C'est quand on fait des choses pas intéressantes
30:04que c'est dur.
30:06Oui, mais il faut apprendre à dormir 20 minutes
30:08à un moment ou à un autre.
30:10J'ai appris ça il y a un temps.
30:12J'étais à Brest en train de
30:14préparer le tour du monde en solitaire.
30:16J'étais au bureau, je ne sais pas quoi.
30:18Il y a un mec qui venait me voir tous les 3 jours
30:20et il dit, j'ai appris le yoga.
30:22Je ne sais pas quoi.
30:24Il me dit, qu'est-ce que tu as?
30:26Il dit, j'ai appris à dormir.
30:28J'ai dit, c'est la raison, ça fait des années que je dors tout seul.
30:30Je n'ai pas besoin que tu m'apprennes.
30:32Et puis un jour, un des techniciens
30:34avec qui j'ai rendez-vous n'est pas venu.
30:36Donc je dis, je vais me débarrasser du casse-couille.
30:38Je le fais venir dans mon bureau.
30:40Et là, il m'explique
30:42comment il faut dormir.
30:44Et en fait, j'apprends quelque chose
30:46à ce moment-là.
30:48Et dans les 20 minutes
30:50qu'on suivit, si tu veux,
30:52j'avais approché le décrochage
30:54pour atteindre le sommeil.
30:56Donc c'est extraordinaire.
30:58C'est fabuleux et ça permet de tenir.
31:00Vous dites dans ce livre aussi,
31:02que l'action
31:04est importante
31:06et le défaut des Français, c'est l'incapacité
31:08à l'action.
31:10C'est devenu le pays de la tchatché.
31:12Les mecs, ils ne font que tchatché.
31:14Ils ne décident rien.
31:16Alors que vous, vous avez toujours été quoi qu'il arrive dans l'action.
31:18Et la décision.
31:20Mais moi,
31:22ça me choque assez.
31:24On ne peut pas non plus
31:26revenir d'une vie d'aventure
31:28et arriver ici et donner des leçons.
31:30On dit, vous devriez faire ça.
31:32On est dans un monde
31:34où en fait,
31:36nos contemporains, en fonction
31:38de ce qu'ils sont, des chances qu'ils ont,
31:40des cultures qu'ils ont, font eux aussi
31:42à leur manière ce qu'ils peuvent.
31:44C'est tout.
31:46Donc tu ne peux pas leur dire,
31:48vous auriez dit, vous devriez.
31:50Je ne veux pas
31:52les accuser, si tu veux.
31:54Non, mais en même temps,
31:56vous prenez des risques et vous considérez que le risque
31:58fait partie du quotidien.
32:00Je pense que les risques sont faits pour être pris.
32:02C'est sûr.
32:04Comment dirais-je ?
32:06Le machin, comment ils appellent ça ?
32:08De sécurité, je ne sais pas quoi.
32:10Le principe de précaution.
32:12Plus con, tu meurs. Ça n'a aucun sens.
32:14Biologiquement,
32:16le monde qui nous entoure ne fait que de risques.
32:18Et dans le monde humain
32:20que dans le monde animal.
32:22La gazelle qui trottine
32:24dans la savane,
32:26elle ne sait pas, mais le menu du lion.
32:28Donc en fait,
32:30tout excessivement,
32:32on est entouré de prédateurs,
32:34de chances, de pas de chances, de trucs difficiles.
32:36Et les risques qu'on choisit
32:38sont toujours moins dangereux
32:40que les risques qu'on subit.
32:42Si tu as choisi le risque, tu as analysé
32:44et tu es prêt à pallier
32:46les problèmes que tu peux avoir,
32:48quand tu ne fais que le subir.
32:50Donc je pense qu'il faut choisir.
32:52Un risque qu'on a choisi,
32:54on le traite bien, à mon avis.
32:56Mais il faut un peu de chance, comme toujours.
32:58Bien sûr, mais le risque est toujours calculé.
33:00Et vous dites dans ce livre que la définition du courage,
33:02c'est qu'est-ce que vous êtes prêt à donner pour faire.
33:04Oui, c'est ça.
33:06C'est exactement ça.
33:08Il faut y aller, il faut se donner du mal.
33:10L'homme est intéressant
33:12par le mal qu'il se donne.
33:14Sinon, il n'a aucun intérêt.
33:16L'homme n'est intéressant que parce qu'il est capable
33:18de se battre,
33:20de chercher, de construire,
33:22d'inventer,
33:24de prendre des risques.
33:26Si on n'est pas dans
33:28le groupe humain
33:30qui se donne vraiment du mal,
33:32pourquoi on est là ?
33:34En même temps, il y a le risque et il y a le réel.
33:36Vous citez Lacan, ce qui est assez étonnant.
33:38Le réel, c'est quand on se cogne.
33:40Oui, c'est vrai.
33:42Vous avez lu Lacan ?
33:44Non, en diagonale,
33:46je ne suis pas non plus complètement inculte.
33:48J'ai un peu essayé
33:50de comprendre autour de moi.
33:52Pas avec automatiquement
33:54un grand succès.
33:56Je le connais, Lacan. Je sais que ce n'est pas un joueur de foot.
33:58Ça ne te convient ?
34:00Paul Guimard, aussi passionné de voile.
34:02C'était un bon copain, moi.
34:04Vous savez qu'il a commencé son premier travail
34:06avant d'être romancier.
34:08C'était à la radio. Il a animé
34:10les premières émissions de débat sur la chaîne parisienne
34:12après la guerre, qui s'appelait
34:14La Tribune de Paris. L'inventeur des débats à la radio,
34:16c'est lui.
34:18Oui, c'était un bon copain.
34:20Paul Guimard avait une formule formidable
34:22sur les choses de la vie. Il disait, écoute,
34:24il ne faut pas payer quinze cents francs le billet de mille francs.
34:26J'espère que c'était net.
34:28Ça voulait dire qu'il ne fallait
34:30pas consacrer sa vie
34:32à l'argent, il fallait consacrer
34:34sa vie à sa vie.
34:36Il y a une autre formule que j'adore, qui vient de
34:38Philippe Bouver,
34:40je la trouve très bonne.
34:42Un jour, il m'a dit, écoute Olivier,
34:44ne méprise pas l'argent, sinon
34:46il te le rendra. J'avoue que la formule
34:48est parfaite.
34:50Vous avez dit aussi que les performances
34:52ont donné de la lumière à votre vie.
34:54Oui.
34:56Quand tu t'es appliqué, ça se passe bien,
34:58tu es content quand même. Ça fait des moments
35:00de vie magnifique.
35:02Mais vous êtes toujours appliqué.
35:04Oui, mais
35:06ça ne suffit pas l'application.
35:08Il faut un peu de chance. Dans les milieux
35:10comme le nôtre, si tu n'as pas un peu de chance,
35:12c'est comme dans tous les milieux.
35:14Regarde en F1, le jeune Villeneuve,
35:16tout d'un coup,
35:18il n'a plus eu de volant,
35:20il n'a plus rien été, et ainsi de suite.
35:22C'est parce qu'on a eu la chance,
35:24parce qu'on a eu les bateaux au bon moment,
35:26parce que cela a été...
35:28Il faut en tirer
35:30que la joie de l'avoir fait et pas le jugement
35:32sur la faiblesse des autres.
35:34Et la joie et la chance aujourd'hui, c'est de vous avoir
35:36au micro pour évoquer votre...
35:38N'exagère pas.
35:40C'est un privilège.
35:42Je ne crois pas un mot de ce que tu dis,
35:44je m'en fous, je suis tellement content de te voir.
35:46Moi aussi, en plus
35:48je suis sincère, et on va évoquer ce livre
35:50justement à travers la date du 21 novembre
35:522024. A tout de suite sur Sud Radio
35:54avec Olivier de Kersauson.
35:56Sud Radio, les clés d'une vie.
35:58Jacques Pessis.
36:00Je lis ton titre, les clés d'une vie.
36:02C'est bien. C'est très beau. C'est toi qui as trouvé ça ?
36:04Oui, c'est moi qui l'ai trouvé.
36:06C'est très beau.
36:08Les clés d'une vie.
36:10Justement, c'est des dates clés d'une vie.
36:12Et donc, c'est sur Sud Radio, c'est Olivier de Kersauson.
36:14Et le 21 novembre 2024...
36:16Sud Radio, c'est Lille, Tourbaix, Tourcoing.
36:18C'est toute la France maintenant avec le DAB.
36:20Ah, je déconne.
36:22On a quand même un million d'abonnés sur Youtube
36:24qui vous regardent. Ah oui ? Oui, c'est pas mal.
36:26Ça fait du monde.
36:28C'est bien. Et ils vont être au courant
36:30qu'un livre est sorti le 21 novembre
36:322024, avant que la mémoire s'efface.
36:34Quelques propos maritimes dont cherche Midi.
36:36Alors là, c'est un livre sous presque
36:38forme de dictionnaire avec des mots.
36:40Alors, vous avez déjà plein de livres, mais là, c'est nouveau.
36:42Ouais, c'est que...
36:46À un moment donné, si tu veux,
36:48t'hésites un peu à parler.
36:50Et puis, à un autre moment, tu te dis...
36:52Ça peut servir.
36:54Ça évite...
36:56Ça m'évite...
36:58Voilà, si mon fils vient me connaître,
37:00c'est plus facile s'il lit quand il veut
37:02que je sois à lui expliquer la vie tous les jours.
37:04Ouais, mais en même temps,
37:06ce livre, vous avez déjà fait beaucoup de livres
37:08et ça a marché en plus. C'est venu comment,
37:10votre passion d'écrire des livres ?
37:12C'est pas une passion, c'est un besoin. C'est économique.
37:14C'est pas du tout...
37:16Moi, j'ai pas...
37:18J'écris facilement.
37:20Je domine bien la langue française
37:22et
37:24je suis à l'aise dedans.
37:26Mais c'est pas une passion pour moi d'écrire.
37:28C'est un effet collatéral d'une vie
37:30et d'une action. C'est pas une finalité.
37:32Quand je vois mon nom
37:34« Navigateur écrivain »,
37:36tu vois, j'ai envie de réécrire. Ça me gave.
37:38Ouais, mais enfin, ils sont écrits, ces livres. Il y en a eu beaucoup, déjà.
37:40Ah oui, mais c'est pas de ma faute.
37:42S'il y en a eu beaucoup, c'est que j'avais besoin de sous.
37:44Voilà. En plus, ils ont été des best-sellers.
37:46Ouais.
37:48Il y en a qui sont bien passés,
37:50mais c'est aussi une amitié avec l'éditeur.
37:52Parce qu'attends...
37:54Le fond de l'opération, aussi.
37:56Il y a 20 ans,
37:58je pars au Tour du Monde sur un trophée Jules Verne,
38:00que je gagne, et au départ du Tour du Monde,
38:02j'ai pas d'argent.
38:04Il faut que j'aie un trésor de guerre,
38:06parce que si t'exploses
38:08et qu'il faut que t'ailles
38:10réparer en Afrique du Sud,
38:12ton Tour du Monde, il va être raté.
38:14Mais si t'as pas d'argent,
38:16tu vas perdre le bateau. On va pas te gruter,
38:18on va pas s'occuper de toi. Si tu peux pas payer,
38:20immédiatement, ils cachent.
38:22Et quand je discute avec l'éditeur,
38:24et je lui dis, attends, moi,
38:26toi, tu veux me faire faire un bouquin,
38:28mais il faut me faire une avance,
38:30mais il faut que tu prennes des risques.
38:32Tu vas te conduire comme un homme,
38:34donc tu vas me donner un trésor de guerre,
38:36et je te ferai le bouquin en rentrant.
38:38Et...
38:40Héraclès, il joue le jeu,
38:42et il risque presque...
38:44Moi, je lui demande 800 000 francs de l'époque,
38:46ce qui est beaucoup d'argent.
38:4880 millions, on le sait.
38:50Et il joue le jeu,
38:52et il se conduit vraiment comme un homme.
38:54Et grâce à lui,
38:56je peux faire le tour du monde,
38:58et je suis très détendu.
39:00Parce que
39:02si on a un pépin, on perdra pas tout.
39:04Alors qu'on a quand même
39:06pris des risques tout le temps, mais tu peux pas
39:08prendre tous les risques tous en même temps.
39:10Et depuis cette époque-là,
39:12on est devenus amis.
39:14C'est lui qui me sollicite,
39:16et je l'écoute,
39:18parce qu'il parle d'un monde que je connais pas.
39:20Donc c'est comme ça que j'écris.
39:22Et vous dites dans ce livre que la navigation,
39:24vous ne l'avez pas appris sur le papier,
39:26parce que ça tient en une page, l'apprentissage.
39:28Ouais, parce que
39:30ce que je sais, ça tient sur une page
39:32d'un seul côté, mais je le sais.
39:34Il y a pas beaucoup de mecs.
39:36Tout ça est par mots-clés,
39:38justement, comme les clés d'une vie.
39:40Il y a les mots équipage, appareillage,
39:42à chaque fois, vous êtes parti d'un mot
39:44pour raconter une histoire.
39:46Non, pas pour raconter le mot,
39:48c'est un équipage.
39:50Un équipage, c'est formidable.
39:52J'ai parlé de ça
39:54avec les autres membres
39:56de l'Académie de Marine
39:58qui ont commandé à la mer.
40:00Il y a un moment donné,
40:02pour un capitaine,
40:04c'est un honneur de commander ces gens.
40:06Tu vois ce que je veux dire ?
40:08C'est un truc formidable.
40:10C'est un honneur, oui.
40:12Un équipage,
40:14quand tu l'aides
40:16à aller vers le but
40:18et à réussir,
40:20ils t'en remercient
40:22émotionnellement,
40:24ils sont contents de toi.
40:26Mais toi aussi, tu te dis,
40:28tu as organisé un système
40:30dans lequel tu as reçu et fait participer
40:32le meilleur des hommes,
40:34ou le meilleur de tes hommes.
40:36Ça, c'est extraordinaire.
40:38C'est un truc magnifique que j'adore.
40:40Il y a d'autres moments d'émotion
40:42que vous évoquez dans ce livre,
40:44qui à chaque fois vous procurent de l'émotion.
40:46Oui, parce que tu te dis,
40:48d'abord tu es content,
40:50parce que tu as quand même fait les trois quarts
40:52du traché.
40:54Et puis,
40:56tu sais que tu ne vas pas mourir
40:58à partir de ce moment-là.
41:00Tu sais que tu ne vas pas mourir.
41:02On est retourné dans l'Atlantique Sud,
41:04c'est pénard, c'est fastoche, tout va bien.
41:06Et puis il y a le passage de l'Équateur aussi
41:08qui est assez particulier.
41:10Oui, c'est le retour à la maison,
41:12à la chaleur.
41:14Tu sors du Sud où tu as navigué dans la glace,
41:16dans le froid, la neige et tout,
41:18et tu te retrouves,
41:20tu redeviens à peu près un être humain.
41:22Et puis,
41:24j'ai appris dans votre livre,
41:26l'existence d'une île dont j'ignorais tout,
41:28l'île de Molène, où on refuse l'heure d'été et l'heure d'hiver.
41:30Oui, parce que
41:32c'est des pêcheurs,
41:34c'est au large de Brest.
41:36Oui.
41:38Ils trouvent que
41:40c'est bien de vivre dans la vraie heure,
41:42l'heure solaire.
41:44Pour eux, c'est des trucs de Parigot,
41:46faire l'heure solaire,
41:48l'heure d'été, l'heure d'hiver et tout.
41:50Ça ne peut pas marcher comme ça.
41:52Et puis il y a un long passage
41:54sur Magellan.
41:56On sent vraiment que vous connaissez
41:58l'histoire de Magellan.
42:00Oui, et surtout
42:02de toute
42:04l'histoire mondiale de la navigation.
42:06C'est le plus grand navigateur.
42:08Quand Christophe Colomb va découvrir
42:10l'Amérique, il quitte le Portugal
42:12pour aller aux Antilles.
42:14En final, il ne sait pas qu'il va aux Antilles,
42:16mais il va en Amérique. C'est déjà l'Amérique.
42:18Mais il ne change pas tellement
42:20de climatologie.
42:22En avril, la mer du Portugal
42:24est aussi autant bleu ciel que sur les Antilles.
42:26Il n'est pas dans un monde.
42:28Aller découvrir le sud,
42:30le détroit qui
42:32portera son nom, il faut descendre
42:34dans le sud. La mer est verte
42:36et puis elle devient noire.
42:38Il y a une saison.
42:40Quand tu t'enfonces dans l'hiver,
42:42les nuits passent de 8h,
42:4410h, 12h, 14h, 16h.
42:46C'est excessivement
42:48courageux.
42:50On est encore à l'époque
42:52où une partie de son équipage
42:54croit que la mer est plate
42:56et qu'à un moment donné, on va tomber.
42:58Pour moi,
43:00Magellan,
43:02c'est un peu...
43:04A l'époque,
43:06c'est aussi des gens...
43:08Il y a une vraie culture maritime.
43:10Les meilleures cartes, les meilleurs savoirs.
43:12Tout pour aller jusqu'au détroit,
43:14c'est lui qui fait la cartographie.
43:16Pour moi, c'est un peu
43:18la NASA mais avec des couilles de lion.
43:20Il faut vraiment
43:22avoir une foi énorme
43:24dans l'histoire de l'homme,
43:26dans la navigation et dans Dieu.
43:28C'est ce qu'il émène.
43:30C'est une très belle...
43:32Magellan, pour moi, c'est un grand...
43:34D'ailleurs, quand tu vas
43:36au sud
43:38de la Patagonie,
43:40tu vois,
43:42les villes
43:44sont imprégnées de Magellan.
43:46Tout s'appelle Magellan.
43:48Le bistrot,
43:50l'auto-école, les pompiers,
43:52tout s'appelle Magallanes.
43:54Je trouve que les habitants
43:56lui rendent
43:58ce qu'il a été.
44:00C'est marrant quand même.
44:02C'est une partie du monde unique
44:04où il n'est pas oublié.
44:06Quand tu rentres dans le détroit de Magellan
44:08après avoir fait la côte,
44:10il faut faire tous les ribides pour le voir.
44:12Nous, on a la carte.
44:14Même quand tu as la carte,
44:16tu as presque le doute.
44:18C'est pas comme le goulet de Brest.
44:20Tu vois pas que c'est ouvert tout de suite.
44:22L'histoire est formidable.
44:24Pour moi, Magellan,
44:26c'est un grand homme.
44:28C'est le premier rêve de la mondialisation.
44:30C'est le premier tour du monde.
44:32C'est le premier rêve de la mondialisation
44:34sur lequel tout le monde
44:36pleurniche aujourd'hui,
44:38comme si ça faisait évoluer les choses
44:40de pleurnicher.
44:42Dans ce livre,
44:44il y a une phrase qui m'a fait penser
44:46à une chanson.
44:48Et la mer
44:50efface sur
44:52le sable
44:54Et pas
44:56les portes de la nuit
44:58Il montant les feuilles mortes,
45:00tirait d'un film qui s'appelait les portes de la nuit
45:02mais qui a été tellement raté qu'il s'est appelé ensuite
45:04par les critiques, les portes de l'ennui.
45:06Et c'est vrai que la mer efface
45:08les traces. C'est dans votre livre
45:10et c'est aussi votre façon
45:12de voir la mer, Olivier de Kersauzon.
45:14Oui, un siège, ça reste pas.
45:16C'est pas...
45:18Dans le désert, quand on passe le Dakar,
45:20il y a des traces. Là, il n'y a pas de traces.
45:22Et vous dites qu'on ne range pas la mer,
45:24c'est la mer elle-même.
45:26Et ça, vous avez appris, pas à la dompter, mais à vivre avec elle.
45:28Non, non, à la regarder et à comprendre.
45:30C'est des mondes où il y a surtout
45:32à comprendre et regarder. C'est tout.
45:34En revanche, vous venez un peu
45:36trop tarder à regarder la pollution.
45:38Vous le dites dans le livre.
45:40Oui et non, parce qu'en fait,
45:42la pollution maritime,
45:44elle est forte,
45:46elle est grande,
45:48mais elle est grande sur les zones habitées.
45:50Dans la cartographie du monde marin,
45:52il y a 24%
45:54de la surface maritime
45:56du globe qui est vraiment cartographiée.
45:58Dans ces zones-là,
46:00la pollution a fait des progrès
46:02monstrueux, l'industrialisation et tout ça.
46:04Mais dans le reste du monde,
46:06c'est pas si pollué
46:08que ça. Il y a des endroits
46:10pas pollués du tout.
46:12Mais c'est vrai que...
46:14Nous, la pollution, on l'a vécue autrement.
46:16Moi, je suis né en 44.
46:18En 44, c'est la fin de la guerre de 40.
46:20Ça dure presque jusqu'en 46.
46:22Et les bords de mer de Manches,
46:24de Bretagne Nord,
46:26sont entièrement pollués par des traces
46:28de goudron, vu tout ce qui a été coulé
46:30dans la Manche
46:32durant la guerre.
46:34Et en fait, tu te retrouves avec du goudron partout,
46:36mais par contre,
46:38du poisson et des homards partout.
46:40Comme il fallait un Osweiss pour aller pêcher,
46:42dans les années 50,
46:44tu pêchais encore les homards avec un basse croque
46:46dans les flaques.
46:48En même temps,
46:50aujourd'hui, vous vivez dans un paradis où il n'y a pas de pollution.
46:52C'est la Polynésie.
46:54Il y en a un peu dans les îles.
46:56Comme c'est immense, il y en a moins.
46:58Mais les Polynésiens sont vigilants, même,
47:00de ce qui s'est passé avec les fermes perlières.
47:04Tout le monde
47:06a pris conscience
47:10de cette réserve de beauté,
47:12de vie, de forme qu'avait la mer.
47:14Et avant, si tu veux, la mer,
47:16elle disparaît dedans. Je me souviens, quand j'étais gosse,
47:18dans les années 55-60,
47:20quand ils faisaient la vidange d'un moteur
47:22d'un bateau de pêche,
47:24ils jetaient l'huile dans l'eau.
47:26D'ailleurs, l'ensemble des ports de pêche
47:28quand j'étais jeune,
47:30tu ne pouvais pas te baigner dedans.
47:32Alors qu'aujourd'hui, dans les ports de pêche, tu peux te baigner.
47:34Plus personne n'aurait l'idée
47:36de jeter l'huile et la graisse
47:38usées dans les eaux.
47:40C'est des comportements qui ont évolué aussi.
47:42Vous avez,
47:44dans ce livre, 80 ans. Moi, je ne suis pas d'accord.
47:46Je dis que vous avez 20 ans et 4 fois plus d'aucune.
47:48Car vous avez toujours le cœur de vos 20 ans.
47:50Oh, flattez-moi !
47:52Tu crois que je vais croire des niaiseries pareilles ?
47:54Non, c'est vrai !
47:56Je m'en fous !
47:58D'abord, je suis très content d'avoir passé
48:00le temps que j'ai passé avec un jeune homme de 72 ans.
48:04On est ce qu'on est.
48:06Rien n'est moche.
48:08Vous dites que vous avez un parcours
48:10que vous appelez un machin,
48:12mais que vous trouvez que la durée de vie
48:14qui vous a été accordée est indécente,
48:16alors que vous avez encore plein de choses à faire et à vivre.
48:18Non, mais attends !
48:20La géologie !
48:22Quand tu regardes une île,
48:24si tu vas à Brest,
48:26dans 5 000 ans, 10 000 ans,
48:2820 000 ans, peut-être un million d'années,
48:30l'île va être encore là, alors que c'est que de la caillasse.
48:32Alors que toi,
48:34un être aussi délicieux que toi,
48:36Jacques Pécis,
48:38c'est une disparition relativement proche.
48:40Et je trouve relativement injuste
48:42qu'on n'ait pas
48:44au moins
48:46un tout petit peu de vie,
48:48pas aussi longue,
48:52si la pierre pouvait nous prêter un peu de vie.
48:54Et surtout qu'on n'a pas demandé à vivre,
48:56au départ.
48:58D'un autre côté, t'inquiètes pas,
49:00quand tu veux partir, t'auras pas demandé non plus,
49:02donc le problème est réglé.
49:04C'est un truc dans lequel on ne demande pas.
49:08C'est pas non plus
49:10une insulte d'être vivant, c'est sympa quand même.
49:12Et en même temps, vous avez plein de choses à faire,
49:14vous retournez en Polynésie,
49:16et là vous êtes tranquille et heureux
49:18avec des Polynésiens, pour qui vous êtes un étranger d'ailleurs.
49:20Oui, tu sais bien,
49:22on est toujours un étranger.
49:24Quand les gens disent
49:26« Ah, je suis accepté », t'es pas accepté du tout.
49:28Moi je vois bien, un mec qui n'est pas de Brest,
49:30pour nous c'est un étranger complet.
49:32Tu t'imagines pas que moi, en Polynésie,
49:34je pense une seule seconde que je suis adopté.
49:36On peut avoir des rapports courtois et agréables
49:38avec des gens,
49:40on n'est pas obligé d'être...
49:42On ne devient pas eux, voilà.
49:44Ils ne deviennent pas nous non plus.
49:46Non, mais restez tel que vous êtes et continuez le plus longtemps possible.
49:48Et quand vous êtes en France,
49:50revenez au micro de Sud Radio parce que vous avez tellement de choses à raconter.
49:52C'est formidable.
49:54Quel homme de radio insensé vous êtes.
49:56Quel livre insensé en tout cas.
49:58Avant que la lumière s'efface
50:00aux cherches midi.
50:02C'est un cadeau de Noël idéal pour celles et ceux
50:04qui vous aiment et ils sont nombreux.
50:06Merci.
50:08Merci Olivier de Kersausand et à bientôt j'espère.
50:10Je pense dans une quarantaine d'années.
50:12D'accord.
50:14L'éclat d'une vie s'est terminé pour aujourd'hui.
50:16On se retrouve bientôt. Restez fidèles à l'écoute de Sud Radio.