Selon France Assureurs, principal organisme de représentation professionnelle des entreprises d’assurance en France, les sinistres liés au climat ont coûté 6,5 milliards d’euros en 2023, faisant de cette année la troisième la plus coûteuse pour la profession. Au cours des quatre dernières années, la sinistralité climatique a atteint en moyenne 6 milliards d’euros par an, un chiffre largement supérieur à celui de la décennie précédente. Paul Esmein, Directeur Général de France Assureurs, détaille dans SMART PATRIMOINE la stratégie des compagnies d'assurance pour faire face à ces nouveaux risques.
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00:00Comment continuer à assurer le risque climatique ? Voilà la question qui va nous animer dans Enjeu Patrimoine et pour cela j'ai le plaisir de recevoir sur le plateau de Smart Patrimoine, Paul Esmain.
00:13Bonjour Paul Esmain.
00:14Bonjour Nicolas.
00:15Bienvenue sur le plateau de Smart Patrimoine, vous êtes directeur général de France Assureur et on souhaitait faire avec vous un petit point sur ce risque climatique spécifiquement et notamment ses incidences sur l'immobilier ou en tout cas sur l'assurabilité de l'immobilier résidentiel
00:27puisque vous avez publié un rapport, enfin France Assureur a publié un rapport qui montre que rien qu'en 2023 les sinistres liés au climat ont coûté 6,5 milliards d'euros et ça devient une moyenne puisque ça fait 4 ans globalement que ça coûte environ 6 milliards d'euros par an, Paul Esmain, les sinistres climatiques.
00:42Effectivement le constat est malheureusement sans appel, enfin on peut mesurer les choses facilement depuis que le régime des catastrophes naturelles, c'est-à-dire depuis 1982, dans les années 80 ça coûtait à peu près 1,5 milliard par an, aujourd'hui ça devient récurrent, c'est 6 milliards par an et si on regarde non plus dans le rétroviseur mais de manière prospective les simulations c'est que le coût sur les 30 prochaines années doublerait à 140 milliards d'euros en cumulative par rapport aux 30 dernières années.
01:09Et là d'ailleurs on vient réhausser des prévisions que vous aviez fait en 2020 où globalement les projections que vous aviez fait pour 2050 sont déjà atteintes en 2024 si je ne dis pas de bêtises.
01:19Malheureusement c'est un peu le cas, c'est un peu d'ailleurs ce qu'on observe aussi sur les rapports du GIEC, c'est qu'il y a toujours plusieurs scénarios et c'est plutôt les scénarios les plus pessimistes qui se révèlent.
01:29Alors ça amène quand même beaucoup de questions, est-ce qu'on va pouvoir continuer à assurer indéfiniment le risque climatique, est-ce qu'il y a des régions qui vont être plus touchées que d'autres ?
01:36Il faut quand même rappeler qu'en France on a un modèle assez particulier d'assurabilité ou d'assurance, c'est qu'on paye tous globalement pour tous les risques sur les territoires et c'est une spécificité française Paul Esma.
01:50C'est une spécificité française, il existe des régimes publics privés dans certains pays notamment des pays européens mais sur le modèle du régime 4NAT c'est assez unique effectivement en Europe et dans le monde.
02:01Et comme vous l'avez dit c'est fondé sur l'universalité, c'est-à-dire que vous cotisez pour le risque d'inondation que vous ayez un appartement au sixième étage ou que vous ayez une maison au bord d'un fleuve.
02:11Bien sûr.
02:12Et c'est fondé aussi sur la mutualisation mais la mutualisation c'est la base de l'assurance.
02:18Comment peut-on faire ? Est-ce que France Assureur a des propositions pour continuer à assurer ce risque climatique ? Est-ce qu'on regarde ça avec angoisse quand on préside France Assureur ?
02:29Aujourd'hui il n'y a pas de problème d'assurabilité, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de territoire en France où il n'y a pas d'offre d'assurance.
02:36Globalement il peut exister des situations très spécifiques qui se règlent d'ailleurs de manière ad hoc via ce qu'on appelle le bureau central de tarification.
02:43Mais globalement là où il y a une demande d'assurance, il y a une offre d'assurance.
02:47Mais l'enjeu fondamental c'est justement celui-là, c'est de faire en sorte que ce qui est vrai aujourd'hui reste vrai à l'avenir.
02:53Parce qu'il y a un risque qu'il y ait demain des territoires qui ne soient plus assurables ? C'est ça le sujet ?
02:57Justement. Tout ce qu'on doit faire c'est éviter qu'on se retrouve dans cette situation.
03:01Et c'est pour ça qu'on a un certain nombre de propositions. Il n'y a pas de baguette magique, c'est une somme de mesures, ça passe avant tout par de la prévention.
03:10On a une formule à France Assureur qui est qu'il faudrait qu'on passe d'une culture de précaution à une culture de la prévention.
03:17C'est-à-dire qu'il faut assumer certains risques, de toute façon malheureusement on n'a pas le choix.
03:21Mais les assumer, c'est-à-dire les prendre en les regardant, en les considérant, en étant capable de les mesurer et en étant aussi capable de les atténuer.
03:27Ça c'est fondamental.
03:28Parce que les risques dont on parle aujourd'hui c'est quoi ? C'est sécheresse, inondation, incendie ?
03:33Ce sont les risques les plus dynamiques. Ce qu'on observe c'est que les risques qui ont une corrélation la plus forte, de manière un peu jargonnante, avec l'évolution du climat,
03:44ce sont les deux risques que vous avez cités en premier, c'est-à-dire les inondations et la sécheresse.
03:49Il y a d'autres risques où on observe une faible corrélation, c'est-à-dire qu'on considère que ça ne devrait pas augmenter ou pas augmenter trop,
03:55en raison du changement climatique, par exemple les tempêtes. Il y aura toujours de fortes tempêtes, ce sont des phénomènes aléatoires.
04:00Mais d'après ce qu'on observe, encore une fois il faut être modeste sur les prévisions,
04:05vraiment les risques qui devraient augmenter en intensité et en fréquence c'est la sécheresse, c'est les inondations.
04:11Et alors dans ces deux cas précis, la première réponse c'est de la prévention.
04:15Ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'il faut protéger son habitat différemment pour éviter de subir trop les risques climatiques si je comprends bien ?
04:24Alors la prévention c'est à tous les niveaux. C'est d'abord au niveau de l'État et des collectivités locales.
04:29Je crois qu'il y a 40% aujourd'hui seulement des communes qui ont un plan de prévention des risques naturels, ce qu'on appelle le PPRN.
04:36Ce n'est pas un document théorique, c'est vraiment la clé de voûte de l'aménagement urbain.
04:42C'est vraiment le document qu'on doit utiliser pour savoir où est-ce qu'il faut construire, où est-ce qu'il faut aussi ne pas construire et comment il faut construire.
04:48Parce qu'il y a certaines techniques qui nous prémunissent plus contre le risque de sécheresse, par exemple, que d'autres.
04:53Donc ça c'est vraiment fondamental que ça soit déployé et généralisé en réalité.
04:57Ce n'est pas normal qu'il n'y ait que 40% des collectivités locales qui se dotent de plans de ce type.
05:03Ensuite il y a ce qui doit être fait au niveau des entreprises et des particuliers.
05:07Ça c'est la prise de conscience. Il y a un certain nombre de bonnes pratiques à avoir.
05:13Par exemple les entreprises font des plans de retour à l'activité, des plans de continuité de l'activité.
05:21Aujourd'hui on commence de plus en plus à avoir la prise en compte des risques climatiques. Là aussi ça doit être généralisé.
05:26Quand vous dites qu'on parle de 40% dans le public et qu'on parle des grandes entreprises aujourd'hui,
05:31c'est-à-dire que c'est un message qui n'est pas suffisamment entendu de la part d'un certain nombre de décideurs aujourd'hui ?
05:36On peut voir le verre à moitié plein, c'est toujours pareil.
05:39Déjà 40% mais que 40% c'est ça ?
05:41Ça augmente d'année en année. De fait c'est quand même souvent les endroits les plus exposés qui s'en dotent en premier.
05:48Mais il faut aller plus loin, il faut toujours aller plus loin.
05:50De toute façon en matière de prévention, il commence à y avoir une acculturation au risque.
05:56Mais il faut aller toujours un cran plus loin.
05:58Ça passe que par la prévention, développer une France qui reste assurable au niveau du risque climatique ?
06:05La prévention c'est le premier levier, c'est probablement pas le seul.
06:08C'est-à-dire qu'on parlait du régime des catastrophes naturelles, c'est un régime qui est en permanente...
06:13Le fameux 4NAT dont vous parliez tout à l'heure.
06:15Le 4NAT c'est un régime qui est en permanente évolution.
06:17Par exemple, je vais pas rentrer dans des détails trop techniques,
06:21mais quand vous prenez une prime d'assurance habitation,
06:24à partir du 1er janvier prochain, il y aura 20% de la prime qui ira alimenter ce régime public-privé des catastrophes naturelles.
06:32C'est un très bon régime, ça permet que pour une prime qui sera de l'ordre de 40 euros par an en moyenne,
06:37tous vos biens soient protégés contre des risques majeurs comme les inondations, comme la sécheresse.
06:44Donc je pense que c'est vraiment un régime dont on doit être fier,
06:47mais c'est un régime qui doit évoluer, il évolue déjà en fonction de l'évolution des sous-jacents, donc du risque climatique.
06:54Ça devient donc un des risques prioritaires aujourd'hui, si je comprends bien,
06:58celui sur lequel se focaliser en priorité quand on est à la tête de France Assureur,
07:03ou quand on est à la tête d'une compagnie d'assurance pour le coup ?
07:05Alors malheureusement, c'est pas le seul.
07:07Il y a d'autres risques sur lesquels il faut se concentrer, le risque cyber par exemple...
07:12Sur lequel vous communiquez beaucoup aussi au sein de France Assureur.
07:14On essaye. Les risques économiques.
07:17Donc il y a un ensemble de risques, mais c'est vrai qu'aujourd'hui quand on interroge les décideurs,
07:22c'est quand même les trois qu'on vient de citer qui viennent en tête de fil, le cyber, le climatique et les risques économiques.
07:28C'est vrai que si on vient au climatique qui est l'objet de cette discussion,
07:31on a l'impression que globalement, c'est le rôle de l'assurance effectivement,
07:36d'assurer l'imprévisible, que ce soit l'accident, le parcours de vie,
07:41ou effectivement une catastrophe naturelle ou autre.
07:44Mais cette course contre la montre, elle ne pourra pas durer indéfiniment.
07:47Est-ce que ça ne peut se régler qu'au niveau français en termes d'assurance ?
07:50Je pense que malheureusement, dès qu'on dit qu'une solution doit pour exister être faite au niveau européen voire mondial,
07:56c'est comme si on disait, dans le contexte actuel, on peut le déplorer mais c'est un peu comme ça,
08:00que ça revient à dire qu'on ne va rien faire.
08:02D'accord.
08:03Je pense que le sujet doit d'abord être pris en tout cas en matière de prévention en termes d'assurabilité au niveau français.
08:08Ce qui n'empêche pas d'avoir par ailleurs des discussions à des niveaux plus larges.
08:12Mais en tout cas, ça ne doit pas servir de mesure dilatoire pour dire qu'on ne va rien faire dans les années qui viennent.
08:18Il faut d'abord prendre le sujet au niveau français, quitte ensuite à l'étendre ou avoir des discussions plus larges à d'autres niveaux.
08:24Deux questions, vous avez déjà répondu à l'une d'entre elles, mais deux questions qui fâchent entre guillemets quand on est particulier.
08:30Vous nous avez dit que l'idée c'est de tout préparer pour qu'il n'y ait pas de zone non assurable aujourd'hui en France.
08:36En tout cas, l'idée c'est que ça n'existe pas ou le plus tard possible d'avoir une zone qui ne soit pas assurable face aux risques climatiques malgré les catastrophes naturelles qu'on pourrait y trouver.
08:44Bien sûr, c'est l'objectif.
08:46Je pense que c'est un objectif, on doit tous être alignés, les pouvoirs publics, les assurés et les assureurs.
08:51On aurait tous à perdre à une solution, à un système où on arriverait à un point tel que certains pans entiers du territoire ne seraient plus assurables.
08:59Ce n'est pas le cas aujourd'hui et encore une fois, il faut vraiment mettre tous les sujets sur la table pour que ce ne soit pas le cas demain non plus.
09:06Autre question, quand on voit que le coût des sinistres est plus élevé, est-ce que ça veut dire que demain s'assurer face aux risques climatiques coûtera plus cher ?
09:13Il existe un lien sur le long terme qui est mécanique entre l'exposition au risque ou la prime d'assurance.
09:21Ce que j'observe aujourd'hui, c'est que le coût de l'assurance habitation, évidemment quand on est assuré, on trouve toujours que c'est trop cher par définition.
09:29Le coût moyen, je pense que c'est de l'ordre de 250 euros par an pour se prémunir, pour couvrir l'ensemble de ses biens contre un certain nombre de risques majeurs.
09:42Il y a bien sûr tous ceux qu'on a cités, il y a aussi l'incendie, il y a le vol, il y a les dégâts des eaux, etc.
09:49Est-ce que ça va augmenter dans les années qui viennent ? Est-ce que les tarifs d'assurance habitation vont augmenter dans les années qui viennent ?
09:56Je mentirais en vous disant non, très vraisemblablement, parce qu'il y a un lien sur le long terme qui est assez mécanique entre l'exposition au risque et le prix de l'assurance.
10:04Mais on n'est pas capable de le quantifier aujourd'hui.
10:06On n'est pas capable de le quantifier aujourd'hui.
10:08Et encore une fois, ce n'est pas à nous France Assureurs de le faire puisque chaque assureur par construction est libre de sa politique.
10:14Je rappelle que France Assureurs, c'est le nouveau nom de la fédération française de l'assurance, que vous n'êtes pas une compagnie d'assurance en tant que telle.
10:21Si on se projette dans l'avenir, France Assureurs émet des propositions, la prochaine étape c'est une discussion avec les pouvoirs publics,
10:32c'est une discussion avec les compagnies d'assurance pour avancer vers potentiellement une France toujours plus assurable.
10:39Qu'est-ce que France Assureurs appelle de ses voeux ?
10:42En fait, il n'y a pas un seul levier, c'est-à-dire que c'est vraiment une pluralité d'actions.
10:48Au niveau de la prévention, on en a parlé.
10:50Au niveau des réflexions qu'on doit avoir sur l'évolution du régime des catastrophes naturelles,
10:54nous on a par exemple une proposition qui consiste à moduler le taux de cession que les assureurs peuvent faire vis-à-vis de la CCR,
11:01donc le réassureur public, en fonction de leur propre exposition au risque,
11:05pour permettre sur le long terme qu'il reste dans les zones les plus exposées.
11:09Je ne dis pas que c'est la seule solution, mais ce genre de mesures, de réflexion doit être sur la table de manière ouverte,
11:15justement si on veut que ce qui est assurable aujourd'hui leur reste demain.
11:20Et enfin, je terminerai par là, il y a des actions concrètes qu'on essaye de mettre en oeuvre au niveau de France Assureurs,
11:27par exemple quelque chose qui s'appelle Initiatives Climat.
11:29On teste, c'est un projet assez ambitieux, sur 5 ans, on regarde sur 300 maisons qui ont été sélectionnées,
11:36en fonction de leur exposition au risque de sécheresse,
11:39si on peut trouver des techniques de prévention ou de réparation durable,
11:43qui soient plus efficaces, plus efficients que ce qui existe aujourd'hui.
11:46Donc on va tester différentes méthodes, en lien avec un certain nombre d'assureurs.
11:51Donc de méthode de bâti, quelque part, si je comprends bien, de réparation ?
11:55Je ne vais pas rentrer dans les détails, très honnêtement je ne les maîtrise pas moi,
11:58mais ça consiste par exemple à hydrater les sols,
12:01en retrait et gonflement des sols argileux, ça vient de sols qui ne sont pas suffisamment hydratés,
12:06ça peut être aussi des traitements des sols, ça peut être aussi des renforcements avec des micropieux,
12:13et c'est précisément, on regarde une série de mesures, sans a priori,
12:17et on va regarder au bout des 5 ans, qu'est-ce qui est le plus efficace,
12:21et on essaiera de généraliser ou d'inciter en tout cas la réparation en fonction des mesures qui seront avérées les plus efficaces.
12:26Dans cet objectif de prévention plutôt que de précaution, si je comprends bien.
12:29De prévention et de réparation plus durable.
12:31Merci beaucoup Paul Esmain de nous avoir accompagné dans Smart Patrimoine,
12:34je rappelle que vous êtes directeur général de France Assureur, merci beaucoup.
12:36Merci Nicolas.
12:37Quant à nous, on se retrouve tout de suite dans l'œil du CGP.