Dans un contexte de hausse de la sinistralité d'origine naturelle, le secteur de l'assurance doit évoluer face au défi de la transition écologique. Pascal Chapelon, président d'agéa, fédération des agents généraux d'assurance, met en avant dans SMART PATRIMOINE les solutions et les points faibles que rencontre le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles.
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00:00 [Générique]
00:04 Comment le secteur assurantiel doit-il se préparer, doit-il intégrer le risque climatique ?
00:10 C'est un sujet que nous allons voir avec Pascal Chaplon. Bonjour Pascal Chaplon.
00:14 Bonjour.
00:14 Bienvenue sur le plateau de Smart Patrimoine. Vous êtes le président d'AGA, Fédération des agents généraux d'assurance.
00:20 Et si on traite ce sujet aujourd'hui, c'est parce que vous vous êtes posé la question
00:24 à la Fédération des agents généraux d'assurance lors de votre dernière convention climat,
00:28 qui s'est tenue fin mars 2024, il y a un peu plus de un mois et demi, deux mois.
00:32 C'est ça.
00:33 Le sujet inquiète, le sujet questionne aujourd'hui l'intégration, l'impact finalement du risque climatique sur le secteur assurantiel ?
00:41 Ah oui, le sujet inquiète. Le sujet questionne.
00:47 À l'heure actuelle, on voit bien que l'empilage des événements climatiques anormaux devient complètement fou.
00:59 Et on a une préoccupation majeure au sein de la Fédération, c'est de se dire comment peut-on maintenir une offre assurancielle
01:06 pour l'ensemble de nos concitoyens à l'échelle du territoire français et des territoires d'outre-mer, bien évidemment.
01:12 Quand on a dit ça, il convient de se poser un certain nombre de questions. La première question.
01:19 Comment aujourd'hui arriver à concilier l'ensemble des éléments liés aux acteurs privés,
01:26 que ce sont les assureurs, les pouvoirs publics, à savoir les dispositifs réglementaires,
01:30 que ce soit le Fonds Catastrofe Naturelle, le Fonds Barnier, tout ceci étant sur un équilibre financier précaire,
01:36 parce qu'aujourd'hui, on voit bien que le coût des événements climatiques ne fait que grandir.
01:43 Les événements 2003 nous ont emporté sur un montant sinistre de l'ordre de 4 à 5 milliards.
01:49 À l'heure actuelle, on sait que le Fonds Catastrofe Naturelle est doté d'environ 3,5 milliards.
01:56 Il est important de pouvoir pérenniser ce fonds pour pouvoir assurer la couverture des risques tels qu'ils existent aujourd'hui
02:03 et qui se développe de façon exponentielle sans aucune maîtrise.
02:08 – Quelles sont les pistes qui ont été évoquées, que vous gardez en tête à l'heure actuelle ?
02:12 Parce qu'effectivement, si le coût des catastrophes naturelles augmente,
02:17 est-ce que ça veut dire que la solution c'est d'augmenter peut-être les redevances
02:21 ou vous réfléchissez à peut-être une manière d'aborder les choses un peu différemment ?
02:26 – Je crois que la réflexion de dire "il faut augmenter les cotisations pour qu'on puisse couvrir"
02:32 ça ne marchera pas.
02:33 – Bien sûr.
02:34 – Ça ne marchera pas parce qu'on est dans une proportion qui n'est pas tenable pour nos clients.
02:38 Par contre, ce qui est important, c'est de bien analyser aujourd'hui le périmètre
02:43 qui est couvert par le Fonds Catastrofe Naturelle, le périmètre couvert par les assureurs
02:47 et puis c'est un ménage à trois, c'est-à-dire que le client, l'assureur privé, les pouvoirs publics.
02:53 C'est-à-dire qu'il faut qu'on arrive à faire fonctionner cette équation
02:55 de façon à ce que chacun puisse prendre sa part.
02:57 – Bien sûr.
02:58 – Ça veut dire quoi ?
02:58 Ça veut dire qu'un certain nombre de mesures sont nécessaires.
03:02 Vous savez que l'État a commandé un rapport auprès d'un éminent sachant
03:07 qui est Thierry Langrenet, qui a rendu un rapport sur l'assurabilité des risques
03:10 à Christophe Béchet et à Bruno Le Maire.
03:13 Dans ce rapport, il y a plusieurs sujets.
03:15 Il y a déjà la partie assurabilité, c'est-à-dire que
03:18 est-ce qu'il faut mettre en place une cartographie nationale des risques
03:23 pour connaître les communes à risque et quels sont les risques sur telle ou telle commune.
03:27 Ça permettra aux assureurs de dimensionner leurs tarifs.
03:30 Derrière, des fonds dédiés à la prévention, parce qu'aujourd'hui,
03:33 il va falloir se poser la question de la prévention des risques
03:35 qui sont à construire ou qui sont construits.
03:37 – Bien sûr.
03:38 – Et puis après, comment j'anonymise mon client, de quelle manière,
03:42 avec quelle méthode de réparation.
03:44 Tout ceci, bien sûr, il va falloir réfléchir au financement de ces opérations.
03:48 Et la partie finance verte est effectivement très importante dans ce projet
03:53 parce que la finance verte permettra la transition écologique, la décarbonation,
03:57 mais également de financer quelques opérations de prévention pour des privés,
04:02 puisqu'aujourd'hui, la prévention individuelle
04:04 ne fait pas partie du spectre des événements finançables.
04:07 On est dans le financement collectif à travers le fonds Barnier.
04:10 – Bien sûr.
04:10 – Le financement individuel, la prévention n'existe pas.
04:12 – Quand on assure les catastrophes naturelles, on assure quelque part l'incertitude.
04:17 L'incertitude grandit sur le sujet à l'heure actuelle.
04:21 Comment est-ce qu'on se positionne sur le sujet ?
04:23 Comment est-ce qu'on essaie de créer un cadre dans un contexte aussi incertain ?
04:27 – C'est compliqué parce qu'aujourd'hui, un tarif d'assurance,
04:30 il est fait à partir d'analyses actuarielles des années écoulées.
04:34 Quand vous regardez des crues centenales,
04:36 vous avez capacité à faire une projection tarifaire.
04:39 Quand vous avez, au cours des cinq dernières années,
04:42 déjà 30 ans d'événements climatiques empilés,
04:44 c'est très compliqué de faire un tarif.
04:45 – Bien sûr.
04:46 – Par contre, ce qu'il faut voir, c'est que,
04:49 on doit aujourd'hui se projeter sur le modèle assuranciel,
04:54 de façon à ce que l'ensemble des acteurs sur le territoire français soient présents,
04:59 parce que la seule solution sera la mutualisation des risques.
05:01 Aujourd'hui, si on ne mutualise pas des risques, ça ne fonctionnera pas.
05:04 – D'accord.
05:05 – Après, sur l'événement accidentel, on est confronté à un événement très simple
05:09 qui s'appelle l'érosion du trait de côte.
05:10 En clair, l'océan qui grignote la côte pour rentrer dans les terres.
05:14 Là, ce n'est plus un événement accidentel, puisqu'on sait que ça arrivera.
05:17 – Bien sûr.
05:17 – On ne sait pas quand, mais on sait que ça arrivera.
05:19 Donc, le risque aléatoire ou incertain, il n'existe plus.
05:22 Donc là, on se retrouve à un événement qui n'est pas assurable aujourd'hui.
05:26 Donc, il va bien falloir trouver une solution
05:28 pour que lorsque des gens vont se retrouver en période d'expropriation,
05:31 parce que le littoral aura été grignoté,
05:34 comment j'en ai mis ces gens qui n'auront plus d'habitation ?
05:36 – C'était justement une de mes questions.
05:37 Est-ce qu'on va se retrouver, face à autant d'incertitudes,
05:40 à des zones qui ne pourront plus être assurables ?
05:42 – Justement, les travaux qu'on conduit aujourd'hui,
05:44 c'est pour éviter ces zones non assurables.
05:47 Et on ne peut pas se permettre aujourd'hui
05:49 de laisser des parties du territoire français sans assurance.
05:52 Ça veut dire qu'il faut faire de la prévention sur les risques à construire.
05:55 Ça veut dire qu'il faut faire de la prévention sur les risques existants.
05:58 Ça veut dire aujourd'hui qu'il faut aller chercher peut-être des contrats d'assurance
06:02 avec une évolution de garantie, tout bêtement.
06:07 Peut-être repenser notre modèle d'assurance habitation, ou dommage,
06:10 parce qu'on peut aussi être face à une entreprise
06:12 qui va se retrouver en bord de mer
06:14 et qui aura les mêmes difficultés qu'un particulier pour s'assurer.
06:17 Et puis, se poser la question des réparations.
06:20 C'est-à-dire qu'aujourd'hui, les réparations doivent aussi être avec un bilan énergétique.
06:26 – D'accord, oui, plus refaire effectivement comme c'était avant,
06:29 mais intégrer les dernières normes énergétiques en matière d'habitation ou d'immobilier.
06:32 – Exactement, et être sûr que la réparation qu'on va produire soit durable dans le temps.
06:38 Aujourd'hui, on a plutôt tendance à dire,
06:40 je répare un sinistre sécheresse avec des micropieux.
06:44 Les micropieux, ça peut être la solution, mais ce n'est pas forcément la solution.
06:48 Donc, il faut avoir en tête d'autres modèles de réparation
06:51 que l'on pourrait proposer à nos clients.
06:52 – Double question pour finir, la profession en France peut-elle répondre seule à cette évolution
07:00 ou a-t-elle besoin de travailler avec la profession d'autres pays
07:04 ou a-t-elle besoin du politique ?
07:06 – Alors, il y a deux questions effectivement.
07:09 Sur le modèle français, la France est un des rares pays au monde
07:12 à avoir le modèle d'indemnisation à travers le fonds catastrophe naturel,
07:16 qui n'existe pas dans d'autres pays européens.
07:18 Donc ça, c'est déjà un point important,
07:20 mais ça veut dire quand même qu'on doit travailler conjointement avec les pouvoirs publics.
07:23 L'assureur privé ne pourra pas porter seul l'indemnisation de ces dommages,
07:28 si tant est soit qu'on soit face à des événements de type catastrophe.
07:31 Par contre, la réflexion est ouverte aujourd'hui à l'échelle européenne
07:35 pour imaginer un dispositif d'indemnisation à l'échelle de l'Europe
07:38 calculé sur le modèle français.
07:40 Aujourd'hui, quand les Allemands ont eu à subir dans le nord de l'Allemagne
07:43 les gros glissements de terrain,
07:45 il n'y avait pas d'indemnisation pour les clients.
07:47 Ça a été à un moment, à un donné, une participation d'un lender
07:51 qui a débloqué des fonds d'urgence.
07:53 Donc le modèle, on voit bien qu'aujourd'hui, le modèle français, on peut le pérenniser,
07:57 on pourrait l'étendre à l'échelle européenne,
07:59 encore faut-il qu'on soit capable de mettre en harmonie les contrats d'assurance
08:02 sur lesquels les cotisations sont basées.
08:04 Et ça passe par le politique, du coup, d'harmoniser au noir.
08:07 Ça passe effectivement par la volonté politique de le faire.
08:09 Merci beaucoup, Pascal Chaplin, de nous avoir accompagné dans Smart Patrimoine.
08:12 Je rappelle que vous êtes président d'AGEA, la Fédération des agents généraux d'assurance.
08:16 Merci beaucoup.
08:17 Merci.
08:17 Et quand à nous, on se retrouve dans Enjeu Patrimoine.