Pierre de Vilno reçoit le professeur des universités Gilles Kepel dans #LeGrandRDV, en partenariat avec Europe 1 et Les Echos
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00:00 Bonjour, bonjour à tous, bienvenue au Grand Rendez-vous Europe 1, C News, Les Echos.
00:05 Bonjour Gilles Kepel.
00:06 Bonjour.
00:07 C'est votre Grand Rendez-vous ce dimanche.
00:09 Vous êtes professeur des universités, politologue spécialiste du monde arabe et de l'islamisme radical.
00:13 Vous êtes auteur récemment de Holocaust aux éditions Plon.
00:17 Nous sommes maintenant huit mois après les pogromes du 7 octobre qui ont terriblement marqué l'histoire du monde.
00:24 Les cartes ont été rebattues après cette date.
00:27 Et vous analysez d'ailleurs dans votre livre très précisément le processus et les conséquences de cette guerre qui nous concernent tous.
00:34 Hier, la libération de quatre otages israéliens rendu possible par une opération de Tzahal remet à nouveau des éléments en perspective.
00:42 Ce conflit, ses conséquences, la montée des puissances du sud global et la crise des civilisations.
00:48 Sur toutes ces questions, ce matin, nous vous interrogeons avec Nicolas Barré du journal Les Echos.
00:53 Bonjour Nicolas.
00:54 Bonjour Pierre.
00:55 Et Mathieu Beaucoté, bonjour.
00:56 L'armée israélienne a donc réussi, Gilles Keppel, à libérer quatre otages lors d'une opération audacieuse qui a nécessité des semaines de renseignements,
01:04 qui a coûté la vie à un agent du renseignement israélien, Noah Argamany, Almog Meir-Jan, Audrey Koslov et Shlomi Ziv sont désormais libres.
01:16 Est-ce que cette opération, la plus significative depuis huit mois, est un tournant dans le conflit ?
01:22 Symboliquement, oui, puisque ça montre que Bibi Netanyahou, qui avait mené les bombardements sur Gaza sans véritablement de succès,
01:33 puisque ses objectifs, c'était libérer des otages et liquider Yair Yassinouar et les patrons du Hamas, jusqu'alors avait fait en grande partie chou blanc.
01:44 Et au contraire, ça avait dégradé terriblement l'image d'Israël dans le monde jusque parmi un certain nombre de ses soutiens,
01:53 et même des pays européens qui se sont aujourd'hui insurgés avec force contre lui.
01:59 Et là, désormais, il a quelque chose à mettre sur la table, c'est-à-dire la libération de quatre des otages.
02:06 On a vu la scène de l'IES en Israël hier, et cela conforte sa position, en tout cas temporairement,
02:13 au moment où le président Biden a insisté pour qu'il y ait une feuille de route visant à la cessation des combats,
02:21 qui est quelque chose qui est, vous l'avez dit tout à l'heure, ce conflit n'est pas seulement le conflit au Moyen-Orient,
02:27 mais concerne le monde entier, nous concerne, nous en France, on le voit avec les manifestations étudiantes, etc.,
02:34 mais concerne plus précisément, puisqu'il est à Paris en ce moment, le président Biden et le candidat Biden,
02:40 car pour la première fois sans doute dans l'histoire des États-Unis, sauf peut-être pendant la guerre mondiale,
02:46 un enjeu de politique intérieure est majeur pour l'élection ou la réélection ou non du président Biden.
02:55 Mais au-delà de la politique intérieure israélienne, du rôle évidemment très important de Benjamin Netanyahou
03:01 dans cette procession, dans ce process politique en Israël et la guerre contre le Hamas, par exemple,
03:10 sur ce mouvement terroriste, le Hamas, quelle réaction doit-on attendre ?
03:15 Est-ce que c'est une hydre à plusieurs têtes et au contraire, ce genre d'opération risque de décupler la violence du Hamas ?
03:21 Alors, pour le Hamas, évidemment, c'est quelque chose qui apparaît au premier chef comme un échec, puisque c'est un succès israélien.
03:29 Et une agression.
03:31 Mais en même temps, tout de suite, Hamas s'était forcé de recoder, puisque cette guerre est une guerre de l'image,
03:37 de la manipulation des réseaux sociaux, de l'information, etc.
03:41 Donc d'un côté, on a présenté en Israël ça comme une victoire extraordinaire, la libération enfin de quatre otages.
03:49 Malheureusement, il y en a un certain nombre qui reste.
03:52 Et la libération des autres, peut-être est-ce qu'il y aura des opérations de grande ampleur,
03:56 mais elle n'interviendra sans doute que s'il y a une négociation,
03:59 puisque le processus de négociation que M. Biden veut mettre en œuvre était un processus articulé sur les libérations graduelles d'otages.
04:08 Et Hamas recode immédiatement ça pour ses soutiens en disant "attention, c'est une opération extrêmement meurtrière,
04:16 puisque elle a causé 210 morts palestiniens". Donc si vous voulez, chacun essaye de mobiliser son camp
04:26 de manière à empêcher l'autre de bénéficier de l'effet médiatique, si j'ose dire, des choses,
04:32 aussi bien à l'intérieur de leur population, dans le monde arabe, etc., que ici, j'imagine que ces éléments de langage
04:41 seront repris comme tels par ceux qui sont plutôt du côté de la défense des Palestiniens ou ceux qui sont plutôt du côté d'Israël.
04:49 Mais du coup, Gilles Kepel, cette opération, quelle va être la conséquence sur la feuille de route présentée par Biden ?
04:57 Est-ce que cette opération risque de la compromettre ou au contraire d'accélérer les choses ? Comment est-ce que vous voyez le...
05:03 Je ne crois pas qu'elle la compromette véritablement parce qu'en fait, les deux, aussi bien les Israéliens que Hamas,
05:12 ont marqué leur intérêt pour une première phase. C'est dans l'intérêt de chacun. Alors évidemment, Netanyahou arrive en position de force.
05:22 Il a plus d'atouts dans sa manche, si vous voulez. Mais le Hamas vit aujourd'hui des moments assez difficiles
05:29 parce que même s'il se targue de la gloire d'avoir infligé à Israël le choc le plus terrible que l'État hébreu ait connu depuis 1948,
05:41 néanmoins, ce que subit la population de Gaza du fait, certes, des rétorsions, des représailles israéliennes,
05:49 mais c'est le Hamas qui les a provoquées, c'est d'ailleurs ce que dit l'OLP, ce n'est pas moi qui dis ça,
05:54 évidemment, ça fait que la popularité du Hamas est quand même en berne aujourd'hui dans la bande de Gaza.
06:01 Et pour le Hamas, avoir un moment de respiration où, par exemple, l'aide humanitaire pourrait revenir,
06:09 où les bombardements incessants cesseraient, où les gens ne soient pas obligés de changer en permanence d'homicile,
06:16 de boire de l'eau non filtrée, etc., c'est pour eux, si vous voulez, un répit qui leur permettrait temporairement de se refaire une sorte de popularité.
06:26 Et du côté israélien, c'est aussi intéressant, surtout après que Netanyahou peut exciper de cette victoire d'hier,
06:37 parce qu'il y a un autre front qui est en train de se préparer en ce moment, et Israël ne peut pas être sur les deux à la fois,
06:45 c'est le Liban et le Hezbollah.
06:48 Et donc le général, le chef d'état-major, Herdia Levy, est allé faire la tournée sur le Hezbollah.
06:55 L'Iran, alors les gens ne sont pas tous d'accord sur cela,
06:59 moi mon sentiment c'est que l'axe de la résistance dirigé par l'Iran n'est pas dans une forme extraordinaire.
07:05 On va y venir après à l'Iran, parce qu'il y a effectivement tout un questionnement sur...
07:09 Mais dans l'immédiat, si vous voulez, le Hezbollah...
07:11 Sur ce qu'on appelle les proxys, et...
07:13 J'essaie de défendre la langue française, ce sont les mandataires en français, les proxys.
07:18 Et j'espère que le québécois sera à mon côté.
07:21 Et donc, vous n'êtes pas belge ?
07:25 Pas du tout.
07:26 Et donc ça c'est un enjeu, le Liban est un enjeu très important d'emblée.
07:33 Mathieu de mon côté.
07:34 Alors quand vous avez parlé de l'opération de libération des otages,
07:37 mais l'objectif de guerre générale d'Israël, nous dit-on, c'est d'éradiquer le Hamas.
07:42 Mais c'est une question qui tourne en boucle, je crois, dans l'espace public.
07:45 Qu'entend-on en Israël par « éradiquer le Hamas » ?
07:47 Ça veut dire éradiquer une structure militaire ?
07:49 Ça veut dire effacer finalement une structure politique ?
07:52 Assécher complètement le soutien des Gazaouis pour le Hamas ?
07:56 Que veut dire Israël lorsqu'il dit « anéantir le Hamas » ?
07:59 Alors, dans le vocabulaire de Netanyahou, c'est évidemment un objectif maximaliste.
08:04 Ce qui lui permet, lui, de rester là.
08:07 Puisque Netanyahou lui-même est en situation compliquée.
08:10 Il avait de très nombreux chefs d'inculpation.
08:13 Rester en fonction lui permet de ne pas aller devant les tribunaux israéliens.
08:18 Ne parlons pas de la Cour pénale internationale ultérieurement, éventuellement.
08:23 Mais chacun sait que cet objectif maximaliste ne peut pas être obtenu comme tel.
08:28 Il avait dit « on va tous les liquider par l'opération militaire ».
08:31 Ça n'a pas marché.
08:33 L'objectif aujourd'hui, c'est justement, et c'est là le débat sur la feuille de route de Biden,
08:41 le Hamas et Israël sont, disons, plutôt plus ou moins d'accord
08:46 pour qu'il y ait une espèce de trêve et de pause pour les raisons différentes que je viens d'évoquer.
08:51 En revanche, ils ne sont pas du tout d'accord sur la phase suivante.
08:54 Parce que le Hamas dit « très bien, on fait la trêve, ensuite on lâche quelques otages,
08:58 les dames, les vieux, les enfants, et puis ensuite Israël reste en dehors de la bande de Gaza,
09:05 nous on fera 50 trêves et on va intégrer l'État palestinien ».
09:09 Vu la différence de potentiel militaire entre Hamas et OLP,
09:13 on voit bien à quoi cet État palestinien pourrait ressembler.
09:16 Quelle est la différence entre justement les effectifs de Hamas et de l'Organisation de Libération de la Palestine ?
09:22 Surtout le Hamas étant surarmé et en état de marche avec des gens qui ont été entraînés, etc.
09:29 Et l'OLP à l'abandon ?
09:30 L'OLP est en état de délabrement avancé, en plus c'est une structure où Mahmoud Abbas préside
09:37 mais n'a plus vraiment de troupes, etc.
09:40 Est-ce que ce n'est pas ça que, justement, vers ce qu'on entend,
09:45 c'est-à-dire que la population, la communauté internationale, souhaite un nouveau visage pour la Palestine
09:51 et nous explique que la population palestinienne elle-même est victime du Hamas
09:55 puisqu'elle est tenue par ce mouvement terroriste ?
09:58 Est-ce que vous voyez un nouveau visage, vous, pour incarner la Palestine ?
10:02 Et quel est-il ?
10:03 Il y en a... Bon, je ne sais pas, je n'exprime pas de choix, mais je vous dis qu'il y en a.
10:08 Il y a un personnage que Netanyahou, bien sûr, a maintenu soigneusement en prison,
10:13 alors qu'il faut bien se rappeler quand même que c'est Netanyahou qui a fait sortir Sinua
10:18 sachant parfaitement qui il était et ce qu'il allait faire du Hamas.
10:22 Netanyahou et Sinua ayant ceci en commun, que ni l'un ni l'autre ne voulaient d'un processus de paix.
10:27 Et ensuite, Sinua a été financé par le Hamas, par le Qatar, avec l'aval du Mossad
10:35 qui faisait des échanges de valises et de billets, et la bénédiction américaine
10:39 au moment où les républicains, et Trump en particulier, ne voulaient pas qu'il y ait de processus de paix.
10:45 C'était l'idée, c'était les accords d'Abraham, pas d'État palestinien, oublions tout ça, mais enrichissez-vous.
10:51 On fait des accords entre la Start-Up Nation, on ne parle plus français, israélienne,
10:57 et la pétromonarchie émiratie. Il y a de l'argent qui ruisselle,
11:03 et les Palestiniens bénéficieront d'un certain nombre de miettes.
11:08 C'est ça qui a explosé. Alors, quelles sont les figures qui émergent ?
11:15 Je vous propose, après la pause, de nous donner le porté-robot des figures qui pourraient émerger en Palestine.
11:23 A tout de suite dans Le Grand Rendez-Vous.
11:25 Retour sur le plateau du Grand Rendez-Vous Europe Insight News avec Gilles Kepel et son livre Holocauste dont on parle.
11:34 Juste avant la pause publicitaire, nous parlions des éventuels nouveaux visages pour incarner la Palestine. Gilles Kepel.
11:42 Celui de quel on parle très souvent, c'est quelqu'un qui s'appelle Marwan Barouti,
11:47 qui était l'un des chefs militaires du FATA, donc qui n'est pas islamiste,
11:53 et qui a été emprisonné après la seconde intifada à laquelle il a participé,
11:59 depuis déjà une vingtaine d'années. Donc, si vous voulez, c'est à la fois quelqu'un qui n'est pas du Hamas,
12:05 mais qui bénéficie d'une aura parmi ceux des Palestiniens qui considèrent que
12:11 tous ceux qui n'ont pas combattu Israël à un moment ou à un autre sont des traîtres.
12:15 Et donc, il est parmi ceux qui incarnent une des possibilités.
12:20 Alors, il y en a d'autres, effectivement, mais c'est sans doute le plus connu aujourd'hui.
12:24 Alors, évidemment, il y a des gens qui ne l'apprécient pas, mais c'est…
12:28 – Notamment pour ce qu'il a fait.
12:30 – Bien sûr, puisqu'il a participé au combat pendant la seconde intifada.
12:35 Mais comme vous le savez, généralement, quand on veut faire la paix avec des gens qui ont combattu,
12:40 il faut trouver des combattants qui sont les plus acceptables.
12:44 Donc, on peut aussi choisir des personnes qui sont…
12:47 Il y a des intellectuels que je connais bien, Sahr-i-Nossaïbé, quelques autres,
12:52 des grands intellectuels, anciens patrons de l'université…
12:56 – Mais la population, qu'est-ce qu'elle veut ?
12:58 – La population, je crois qu'elle veut d'abord un État palestinien.
13:03 C'est-à-dire qu'elle veut… elle est nationaliste, me semble-t-il, à tout le moins.
13:08 Et ce n'est qu'à partir du moment, tel que je vois les choses en tout cas,
13:13 où on a… alors, maintenant, qu'est-ce qu'on met dans l'État palestinien ?
13:16 Ça, c'est la phase de la discussion et on n'a rien réglé.
13:19 – Elle veut un État en paix, je parle sous votre contrôle.
13:22 Est-ce que les Palestiniens veulent la paix ?
13:25 – Oui, ils veulent la paix, mais ils veulent la paix avec un État.
13:28 Or, ce qui avait été proposé, c'était de la paix et un « enrichissez-vous »
13:34 plus ou moins à la guiseau, si j'ose dire, sans État.
13:37 Or, vous aviez dans le quotidien israélien Aretz récemment,
13:42 un entretien avec l'ancien chef du Shin Bet, l'amiral Ayalon,
13:46 qui expliquait, et je crois que c'était assez réaliste,
13:49 au fond, tant qu'on n'a pas d'État,
13:53 on va toujours avoir des gens qui vont se battre pour ça
13:57 et ceux qui ne se battent pas seront considérés comme des collabos.
14:00 – Vous nous y conduisez, cela dit, il y a une petite dynamique
14:03 en ce moment dans le monde occidental où on reconnaît l'État de Palestine.
14:06 – Oui.
14:07 – De quelle manière cette reconnaissance est-elle accueillie
14:10 ou perçue par les Palestiniens eux-mêmes ?
14:12 Ils y voient une forme de guignol diplomatique ?
14:15 Ils y voient un geste sérieux qui peut accélérer les choses ?
14:18 – Non, je crois que c'est une revendication très importante.
14:21 Si vous voulez, elle prend le contre-pied des accords d'Abraham.
14:24 Et à mon sens, l'explosion du 7 octobre,
14:29 les conditions de possibilité ont été rendues là
14:35 parce qu'il y avait ces accords d'Abraham
14:38 qui considéraient qu'il n'y avait pas de solution politique.
14:41 L'État palestinien canalise les énergies vers une solution politique
14:46 et donc ne rend pas la violence comme quelque chose
14:49 qui va être acceptable pour un nombre de gens supérieur aux fanatiques, si vous voulez.
14:54 Et toute la question c'est qu'est-ce qu'on va faire de cet État palestinien ?
14:58 D'abord, où il va être ?
14:59 Il y a toujours le problème que les deux parties sont séparées
15:02 par comment ça n'avait pas été résolu à l'époque d'Arafat.
15:06 Deuxièmement, qui va le diriger ?
15:10 Vous avez d'un côté une autorité palestinienne,
15:12 vous en parliez à l'instant, qui est fatiguée et corrompue,
15:15 d'où les noms qui circulent pour l'instant.
15:17 Et le Hamas va sans doute vouloir la subvertir.
15:21 Est-ce qu'on a là-dessus, est-ce qu'on a encore une idée aujourd'hui
15:24 du soutien réel dont peut se préparer le Hamas à Gaza ?
15:29 Le Hamas est plus populaire en Cisjordanie qu'à Gaza.
15:33 Puisqu'en Cisjordanie, on ne subit pas la triste du Hamas.
15:37 Alors que, pour l'instant, il y a évidemment,
15:40 pendant la guerre on ne sait rien,
15:41 avant le déclenchement du 7 octobre, de mémoire,
15:45 on estimait à peu près 35% des gens de Gaza,
15:49 ceux qui avaient exprimé un soutien pour le Hamas,
15:53 ce qui n'est pas la majorité.
15:55 Et puis depuis, notamment à travers les archives
15:58 qui ont été trouvées par les Israéliens dans les tunnels,
16:02 on a pu documenter comment la montée au pouvoir de Sinoir
16:07 a utilisé des méthodes, notamment et compris avec ses proches
16:12 et ses rivaux, d'une brutalité absolument épouvantable.
16:15 Mais on peut poser la question aussi sur le mode occidental.
16:17 Est-ce que le Hamas aujourd'hui est plus populaire en Occident
16:20 qu'il ne l'était avant le 7 octobre ?
16:23 Le Hamas, je n'en suis pas sûr,
16:25 sauf chez un certain nombre d'extrémistes.
16:28 La cause palestinienne, en tant qu'elle représente
16:31 la victimisation, indéniablement, oui.
16:34 Alors c'est bien toute la difficulté,
16:36 c'est que le Hamas veut se servir des souffrances des Palestiniens
16:41 pour se défendre.
16:43 Par exemple, sur les universités américaines occupées,
16:47 vous avez le soutien à la cause palestinienne,
16:50 mais les frères musulmans en profitent pour s'infiltrer.
16:53 À Columbia et autres, vous avez vu les prières.
16:55 Nous n'en sommes pas encore là à Sciences Po,
16:57 ni à NormalSup.
16:59 Les prières organisées par le CAIR,
17:02 c'est-à-dire les gens proches des frères musulmans américains,
17:06 qui ensuite diffusent des vidéos en disant
17:08 « après avoir vu l'ignominy de l'Occident,
17:11 les étudiants américains demandent à rejoindre
17:14 les frères musulmans et à se convertir à l'islam ».
17:16 Ça, c'est de la propagande.
17:18 Il y en a certainement quelques-uns.
17:20 Mais je ne pense pas qu'aujourd'hui,
17:22 le Hamas ait réussi à capturer l'essentiel des sympathies.
17:29 Parce que, si vous voulez, ce qui s'est passé,
17:32 ce qui est très frappant, c'est qu'au début,
17:34 en particulier en France, le 7 octobre,
17:37 a été quelque chose à quoi les Français
17:40 se sont immédiatement assez bien identifiés,
17:42 ne serait-ce que parce que nous avions vécu le Bataclan.
17:45 Et que les quatre otages libérés, justement,
17:48 ont été tous les quatre, faisaient partie des gens
17:51 qui étaient à la fête de la tribe of Nova.
17:54 - Tribu de Nova.
17:56 - Et donc, ça, ça a tout de suite fait...
18:00 - Écho.
18:01 - Écho, parce que vous aviez des gars,
18:03 des terroristes qui criaient « Allahu Akbar »
18:05 et qui mitraillaient des gens qui étaient inconscients.
18:07 Mais au fur et à mesure,
18:09 l'horreur de la radia pogromiste du 7 octobre
18:13 a été obnubilée, c'est-à-dire cachée par les nuages,
18:17 de ce qui s'est passé ensuite,
18:19 à savoir la répression sur Gaza.
18:23 - La riposte.
18:24 - Voilà, la riposte, les répréseils,
18:26 qui, du coup, a été qualifiée de génocide
18:29 par l'Afrique du Sud,
18:31 puis par un nombre de plus en plus importants
18:33 d'acteurs politiques, etc.
18:35 Et de ce fait, le génocide, entre guillemets,
18:38 c'est-à-dire l'hécatombe qui a eu lieu à Gaza,
18:42 d'une certaine manière, a fait oublier le 7 octobre,
18:45 comme si un lieu, c'est-à-dire Gaza,
18:48 avait supprimé dans la représentation des choses
18:51 une date, c'est-à-dire le 7 octobre.
18:53 Or, ce qui était très frappant, c'est que...
18:56 Moi, j'avais écouté le 3 novembre,
18:58 le cher Nasrallah, le patron du Hezbollah,
19:01 l'Axe de la Résistance, c'est-à-dire l'Iran,
19:04 et les autres, avaient attendu 3 semaines
19:07 pour parler du 7 octobre.
19:10 Et on n'est pas complètement sûr, encore aujourd'hui,
19:13 si c'est Sinoir qui a pris l'initiative,
19:16 tout seul, de ce jour-là,
19:18 parce que Netanyahou avait retiré les troupes opérationnelles
19:21 pour les envoyer faire la répression en Cisjordanie,
19:24 parce que c'était le 50e anniversaire du 6 octobre 73,
19:28 la guerre des 6 jours...
19:30 - C'est une faille sécuritaire qui a enlevé les soldats du sud.
19:33 - Oui, c'est ça.
19:35 Et également, si vous voulez, quelque chose qui,
19:38 dans l'imaginaire arabo-musulman, la guerre d'octobre
19:41 ou la guerre du Ramadan ou du Kippour,
19:44 c'est un peu la revanche arabe.
19:46 Et ça nourrissait aussi cet imaginaire.
19:49 A partir de ce moment-là, on ne sait pas très bien
19:52 dans quelle mesure les Iraniens ont donné le feu vert ou pas.
19:55 Alors, ils s'en sont disculpés au début,
19:58 parce qu'au début, le choc était épouvantable.
20:01 C'est-à-dire, l'horreur du 7 octobre était de plein fouet.
20:04 Et le Hezbollah a même dit que les morts,
20:07 c'est l'armée israélienne, c'était des tirs amis
20:10 qui ont, dans la panique, ils ont tué...
20:13 Et puis là, c'est différent. Depuis quelque temps,
20:16 j'ai suivi les obsèques, par exemple, des généraux israéliens...
20:19 Pardon, des généraux iraniens qui ont été tués
20:22 par les Israéliens à Damas.
20:24 Et à leurs obsèques, il a été dit que le général Zahedi
20:27 a été l'un des grands concepteurs du déluge d'Al-Aqsa.
20:30 C'était pas du tout le même propos qu'on avait aujourd'hui.
20:33 Et lors de l'anniversaire, 35e anniversaire de la mort de Roméini,
20:36 le 3 juin, Hamenei, le guide de la révolution, a dit
20:39 "Le 7 octobre, c'est formidable, c'est un grand moment, bravo,
20:42 ils ont très bien joué, et c'est en train de détruire Israël
20:45 à tel point que les Etats-Unis vont retirer leur soutien."
20:48 - Donc on sait pas s'ils récupèrent l'événement ou si c'est ça.
20:51 - Voilà, ça, c'est difficile.
20:53 - C'est là que ça commence à devenir très compliqué.
20:56 - C'est là que ça commence à devenir très grave.
20:59 Et d'ailleurs, dans votre livre qui, je crois, va être
21:02 updaté en bon français dans peu de temps,
21:05 vous allez avoir une nouvelle version avec les récents événements
21:08 parce que c'est vrai que ça bouge tout le temps,
21:11 vous dites dans votre chapitre "Aro sur l'accident"
21:14 "Le 11 et 12 janvier, la Cour internationale de justice
21:17 en janvier s'est réunie pour examiner la plainte
21:20 de l'Afrique du Sud contre Israël pour le génocide
21:23 qu'aurait commis l'Etat hébreu à Gaza."
21:26 Génocide ? Or, vous dites que la désignation d'Israël
21:29 comme génocidaire par la CIG causerait un préjudice
21:32 majeur de cet Etat justement voulu par les Nations-Unis
21:35 en 1947 pour protéger le peuple israélien hébreu
21:38 de la Shoah.
21:41 Donc le but non avoué des pays du Sud global,
21:44 c'est bien la destruction d'Israël.
21:47 - Peut-être pas tous les pays du Sud global,
21:50 mais en tout cas ceux qui sont derrière...
21:53 - Vous en avez donné quelques exemples à l'instant.
21:56 - Exactement. Ceux qui sont derrière l'accusation
21:59 d'un génocide d'Israël, le mot évidemment choisi
22:02 à dessein, c'est destiné à montrer qu'Israël
22:05 n'a pas de légitimité, puisque l'Etat qui a été créé
22:08 pour les survivants du génocide serait devenu
22:11 lui-même un Etat génocidaire et de ce fait,
22:14 ipso facto, il n'a plus de légitimité.
22:17 C'est pour ça que j'ai intitulé ce livre
22:20 "Holocauste" au pluriel, pour montrer comment
22:23 ces enjeux symboliques sont extrêmement importants
22:26 pour comprendre ce qui se joue aujourd'hui
22:29 bien sûr sur le terrain, mais également
22:32 dans la représentation qu'on s'en fait
22:35 et dans la redéfinition du monde contemporain.
22:38 - On va en parler juste après une nouvelle pause
22:41 dans Le Grand Rendez-Vous européen.
22:44 Avant de retrouver le professeur Gilles Kepel
22:47 sur les questions d'antisémitisme en France,
22:50 je voudrais qu'on parle quelques instants du Qatar.
22:53 Le Qatar est abordé également dans votre livre.
22:56 Plusieurs process sont liés à ce cheminement,
22:59 le rôle occidentalisé des frères musulmans,
23:02 leur emprise sur les populations et ce Qatar
23:05 qui intervient à la fois en tant qu'intermédiaire,
23:08 en tant que mandataire, pour reprendre le mot français,
23:11 pour la négociation des otages,
23:14 et qui est quand même un financier du Hamas
23:17 par plusieurs intermédiaires.
23:20 Que recherche exactement le Qatar ?
23:23 Que veut-il exactement ?
23:26 - Il veut d'abord se protéger.
23:29 C'est un tout petit Etat richissime,
23:32 livré à la convoitise de ses voisins
23:35 s'il ne construit pas un grand réseau de protection.
23:38 Il a un immense champ gazier
23:41 que seul le Qatar utilise vraiment
23:44 parce que l'Iran est sous sanction.
23:47 Les trains de liquéfaction du Qatar
23:50 sont à portée de missiles iraniens
23:53 qu'il n'a jamais attaqués.
23:56 En revanche, les Iraniens ou leurs mandataires
23:59 ont déjà fait attaquer les terminaux pétroliers
24:02 de l'Arabie Saoudite à Abqaiq et à Khouraïs
24:05 et à Abou Dhabi et à Moussala.
24:08 On est dans une région où les petits pays
24:11 richissimes, qui n'ont pas d'armée,
24:14 même s'ils achètent beaucoup d'armement
24:17 à la France et à d'autres,
24:20 sont soumis au chantage de l'Iran
24:23 qui est une puissance surarmée de la région
24:26 et qui a même fourni des drones et des missiles
24:29 à Poutine pour attaquer l'Ukraine.
24:32 - C'est du reste l'une des faiblesses de l'Iran.
24:35 Quand ils ont attaqué Israël
24:38 en envoyant tous ces missiles,
24:41 j'étais d'ailleurs assis à la place
24:44 de Mathieu Bocoté pendant cette nuit-là,
24:47 j'étais venu ici, et ça a duré jusqu'à 2h du matin,
24:50 c'était tout à fait étonnant
24:53 parce que l'Iran a envoyé tous les missiles
24:56 possibles qu'il avait à disposition sur Israël.
24:59 - La majorité des pays armés de l'ère israélienne,
25:02 mais les Américains, les Anglais,
25:05 même les Français et les Jordaniens
25:08 sont tous venus à la rescousse.
25:11 - Mais plus de 90 % ont été maîtrisés.
25:14 - C'est un spectacle pyrotechnique
25:17 dans le ciel de l'Orient.
25:20 Ça a terrorisé immédiatement les Saoudiens,
25:23 les Emiratis et les autres
25:26 qui étaient à l'esprit de la rescousse.
25:29 Si les Iraniens se sentent tellement désinhibés
25:32 qu'ils peuvent attaquer Israël,
25:35 même s'ils n'y ont pas réussi,
25:38 parce que les Occidentaux sont venus immédiatement
25:41 à la rescousse, ils peuvent aussi attaquer
25:44 l'Arabie saoudite, les Emirats, le Qatar,
25:47 si le Qatar n'est pas comme il faut.
25:50 Ce qui explique que les Saoudiens,
25:53 ils veulent gagner au plus vite possible
25:56 un pacte militaire avec les États-Unis.
25:59 Un pacte militaire qui est très important
26:02 parce que vous avez parlé tout à l'heure
26:05 de la reconstruction de Gaza.
26:08 Qui va payer? Les seuls qui peuvent payer,
26:11 c'est les Saoudiens. Ils y sont intéressés.
26:14 Pourquoi? Parce qu'ils veulent faire
26:17 cette immense ville, cette Alexandrie du futur
26:20 qui est le pays de l'Orient.
26:23 C'est le projet phare de MBS.
26:26 - MBS était rapproché d'Israël juste avant le 7 octobre.
26:29 Les négociations ont été rompues depuis.
26:32 - Pour l'instant, les Saoudiens sont d'accord
26:35 pour reconnaître Israël à condition
26:38 que Israël reconnaisse l'État palestinien.
26:41 C'est la différence entre eux et les Emirats
26:44 qui ont signé avec Israël dans le cadre
26:47 de la reconstruction de Gaza.
26:50 - Qui va reconnaître d'abord l'État d'Israël
26:53 ou l'État palestinien?
26:56 - Pour les Saoudiens, il faut d'abord
26:59 que l'État palestinien soit reconnu.
27:02 Mais reconnaître l'État palestinien,
27:05 c'est formel puisque d'une certaine manière,
27:08 il n'existe pas. L'idée, c'est de le reconnaître
27:11 formellement et ensuite de le construire.
27:14 C'est ce qu'on a fait avec le processus aujourd'hui.
27:17 - Donc de financer la reconstruction de Gaza.
27:20 - Oui, et or, il est impensable que les Saoudiens
27:23 acceptent de financer la reconstruction de Gaza
27:26 si les mandataires de leur ennemi l'Iran,
27:29 c'est-à-dire le Hamas, sont en position de force.
27:32 On est dans un jeu assez complexe
27:35 qui se mêle avec l'enjeu présidentiel américain
27:38 puisque Biden, l'autre jour,
27:41 quand il a annoncé sa feuille de route,
27:44 a dit ça juste après avoir...
27:47 Peu de gens l'ont remarqué.
27:50 Il est venu faire une déclaration.
27:53 Il a d'abord parlé de Trump qui avait été condamné
27:56 la veille pour le procès du "hash money"
27:59 pour Stormy Daniels,
28:02 l'argent qu'il avait payé pour taire l'affaire avec elle.
28:05 Donc Trump était un peu confus.
28:08 Biden l'a enfoncé en disant
28:11 que personne n'est au-dessus de la loi aux Etats-Unis.
28:14 Et tout de suite, il est passé à la question du Moyen-Orient.
28:17 Pourquoi? Parce que cette affaire plombe
28:20 la réélection de Trump.
28:23 D'un côté, il a la gauche du Parti démocrate
28:26 et un certain nombre de minorités musulmanes
28:29 dans certains états bascule comme le Michigan
28:32 qui peuvent lui faire perdre les 2 %
28:35 ou le demi % de grands électeurs
28:38 qui l'empêchera de gagner.
28:41 Et s'il va trop dans leur sens,
28:44 il va perdre l'électorat juif qui ira voter pour Trump.
28:47 Pour lui, la feuille de route,
28:50 ce qui va se passer au Moyen-Orient,
28:53 lui importe relativement peu.
28:56 Ce qui lui importe tout de suite,
28:59 c'est que pendant les 5 mois,
29:02 tous les éléments d'électorat qui lui manquent,
29:05 c'est-à-dire la jeunesse, les universités,
29:08 les minorités qui s'identifient au sud d'un côté
29:11 et l'électorat juif de l'autre,
29:14 se disent finalement que Biden "does a good job"
29:17 au Canada anglophone.
29:20 - Mais ne lui parlez pas de Canada anglophone,
29:23 ça va le mettre en colère.
29:26 - Il a une question à vous poser.
29:29 - Il y a un rapport entre les pays du Moyen-Orient
29:32 et les Palestiniens.
29:35 On disait au moment des accords d'Abraham
29:38 que les Palestiniens étaient des grands sacrifiés.
29:41 Est-ce que le regard des pays du Moyen-Orient
29:44 a changé sur la question palestinienne depuis 8 mois?
29:47 Est-ce que finalement, il y a une sympathie nouvelle
29:50 qui apparaît? Est-ce que la question palestinienne
29:53 a regagné sa place chez les pays du Moyen-Orient?
29:56 - Il y a une situation arabe qui s'identifie aux Palestiniens.
29:59 Finalement, les Palestiniens sont l'image
30:02 des populations anciennement colonisées.
30:05 Israël étant présenté aujourd'hui
30:08 comme le dernier pays colonial.
30:11 On parlait tout à l'heure avant la pause
30:14 de la question du génocide.
30:17 Ça veut dire aussi qu'on substitue au génocide des Juifs
30:20 pendant la Seconde Guerre mondiale.
30:23 On peut dire que c'est une vieille histoire.
30:26 Le négationnisme est passé par là.
30:29 On ne sait pas trop qui l'a fait.
30:32 De toute façon, ce sont des blancs entre eux, des Européens.
30:35 En fait, le grand génocide de l'histoire de l'humanité,
30:38 c'est la colonisation, c'est la traite négrière.
30:41 Un certain nombre disent que les responsables de la colonisation
30:44 sont les Juifs parce qu'ils finançaient les bateaux.
30:47 Mais les capitaines étaient chrétiens.
30:50 Les yézidis étaient souvent des tribus musulmanes.
30:53 Tout le monde a participé à la traite négrière,
30:56 chacun dans sa spécialité.
30:59 Mais l'idée, c'est de dire aujourd'hui que le vrai génocide,
31:02 c'est la colonisation dans l'histoire de l'humanité.
31:05 Et ce qui se passe en Israël, c'est de nouveau un génocide colonial.
31:08 C'est l'enjeu politique et culturel très important
31:11 qui est en train de se jouer.
31:14 Pour les États, c'est présent.
31:17 C'est ce qui nourrit, c'est le fond,
31:20 la sauce du Sud global.
31:23 Mais pour les États, c'est beaucoup plus ambigu.
31:26 Puisque les États, au Moyen-Orient,
31:29 un certain nombre sont désireux pour créer un grand Moyen-Orient,
31:32 que Israël soit présent.
31:35 Parce qu'Israël, c'est un pôle de richesse,
31:38 un pôle technologique. Le calcul saoudien, c'est tout à fait ça.
31:41 Il faut que les Israéliens soient là.
31:44 C'est la tech, c'est tout ce que les Saoudiens ne font pas.
31:47 Et ils ont beaucoup d'argent.
31:50 C'est aussi le calcul de l'Égypte.
31:53 L'Égypte est dans une situation différente.
31:56 Vous parliez du Qatar, de l'Arabie Saoudite et des Émirats
31:59 qui sont richissimes et donc très inquiets,
32:02 obsédés par leur sécurité,
32:05 puisque l'Iran les regarde comme le chat
32:08 qui regarde une grosse souris.
32:11 Alors que l'Égypte, elle, n'est pas riche,
32:14 mais elle est grosse parce qu'elle est submergée,
32:17 elle est trombosée par une croissance démographique gigantesque.
32:20 L'Égypte est plutôt dans une situation
32:23 où elle essaie de dire "retenez-moi, aidez-moi,
32:26 sinon si je m'effondre, ça va très mal pour vous".
32:29 Par exemple, quand on a craint en Europe
32:32 que les Palestiniens de Gaza fuient à travers le Sinaï,
32:35 et aillent en Égypte, et ensuite s'embarquent
32:38 sur des navires de fortune pour venir dans l'Union Européenne,
32:41 Madame von der Leyen,
32:44 on ne parle pas des élections européennes d'aujourd'hui,
32:47 dans le passé, Madame von der Leyen, dans son rôle,
32:50 est allée voir le maréchal Sisi avec un chèque
32:53 de 7 milliards et demi d'euros.
32:56 Et de même, dans l'affaire des tunnels,
32:59 c'est ça qui est très frappant,
33:02 les tunnels qui amènent toutes les armes à Gaza,
33:05 ils viennent d'où ? Ils viennent du Sinaï,
33:08 du Sinaï égyptien. Pourquoi est-ce que les Égyptiens
33:11 ne les ont pas contrôlés ? Parce que le Sinaï
33:14 est une province irrédentiste, et les gens d'une île,
33:17 la Vallée du Nile, ont énormément de mal avec eux,
33:20 et la seule manière de calmer le Sinaï,
33:23 où il y avait une province de Daesh, etc.,
33:26 c'est de les laisser gérer la contrebande
33:29 et de s'enrichir avec ça.
33:32 - Merci beaucoup, Gabrielle Attal,
33:35 au prochain édition Plomb.
33:38 On se retrouve juste après pour parler
33:41 notamment de l'antisémitisme en France,
33:44 qui est une conséquence directe de ce conflit
33:47 entre Hamas et Israël.
33:50 A tout de suite.
33:53 Dernière partie du Grand Rendez-vous
33:56 Europe 1C News, les échos avec le professeur
33:59 de la France, qui a fait notamment en France
34:02 l'état d'une progression de 300 % des actes antisémites.
34:05 La question, c'est comment est-ce que la propagande
34:08 se fait-elle en France, et aussi rapidement ?
34:11 - À partir du moment où vous avez ce conflit,
34:14 effectivement, ça nourrit d'une certaine manière
34:17 les fantasmes d'un certain nombre de gens
34:20 qui avaient déjà une détestation des Juifs
34:23 et qui vont trouver dans d'autres registres
34:26 des éléments qu'ils vont mettre
34:29 sur les réseaux sociaux, etc.
34:32 Et en même temps, si j'ose dire,
34:35 vous avez également des utilisations de ça.
34:38 Vous avez vu, par exemple, à la fois
34:41 les étoiles de David Bleu qui avaient été mises
34:44 au pochoir un peu partout, et ensuite les mains rouges
34:47 sur le mémorial de la Shoah, dont,
34:50 autant que je sache, on sait maintenant
34:53 qu'il y avait des agents venus...
34:56 - On soupçonne que ce soit la Russie.
34:59 - Oui, pour le moment, ça semble assez probablement.
35:02 Je ne suis pas dans la justice,
35:05 mais voilà. Donc vous avez ces éléments-là,
35:08 c'est-à-dire que vous avez aussi un usage
35:11 de l'antisémitisme au service de causes
35:14 qui sont parfois... qui l'utilisent, de leur fin.
35:17 - C'est-à-dire que l'antisémitisme,
35:20 vous allez dire, de la France rance des années 30,
35:23 des salons de quelques hôtels particuliers parisiens,
35:26 tout cela, c'est de l'histoire ancienne.
35:29 Il y a un nouvel antisémitisme qui est directement
35:32 la détestation de l'État d'Israël
35:35 par des populations qui sont des populations
35:38 de cette zone-là du monde.
35:41 - Vous avez les deux... Enfin, il reste encore...
35:44 Enfin, je ne suis pas spécialiste de cette question,
35:47 mais vous avez des gens, je vais dire, en France
35:50 qui considèrent que les Juifs ne peuvent pas s'assimiler,
35:53 qu'ils ne seront jamais français, qu'ils font leurs choses
35:56 entre eux et qu'il ne faut pas leur faire confiance.
35:59 Et vous avez aussi un antisémitisme qui vient
36:02 du monde musulman, alors qui est à la fois porté
36:05 par un antisionisme, mais qui peut aussi passer
36:08 à l'antisémitisme. Quelle est la différence?
36:11 Le sionisme, c'est une des visions de la réalisation
36:14 qui passe par la construction de l'État d'Israël.
36:17 Et vous aviez des visions concurrentes, par exemple,
36:20 chez les ashkénazes d'Europe, le bouddhisme
36:23 qui voulait rester sur place. Et puis, vous avez aussi
36:26 quelque chose dans le judaïsme qui oppose
36:29 d'un côté la dimension diasporique, qui après tout
36:32 a été l'histoire... La majorité des siècles
36:35 d'histoire du peuple juif s'est passée en diaspora.
36:38 Et la question du sionisme, à partir de 1848,
36:41 la naissance de l'État d'Israël.
36:44 Et justement, ce qui est frappant avec le 7 octobre,
36:47 d'une certaine façon, c'est que, alors que,
36:50 disons que le sionisme était complètement prévalent
36:53 dans l'identité juive mondiale, les juifs en diaspora,
36:56 généralement, pas tous bien sûr, mais soutenaient
36:59 l'État d'Israël de diverses manières, en y allant,
37:02 en ayant de la famille. Et là, le 7 octobre,
37:05 d'une certaine façon, il y a eu une élection
37:08 et là, le 7 octobre, d'une certaine façon,
37:11 indique que le Havre, le refuge
37:14 que représentait Israël, tel que vous l'avez
37:17 mentionné tout à l'heure, tel que créé en 1947 par l'ONU
37:20 pour faire un État juif qui protégerait les juifs
37:23 de tout pogrom, soudain, il y a le pire pogrom
37:26 qui se soit produit depuis la fin de la Seconde Guerre.
37:29 - Dès qu'à voir les déclarations des Nations Unies aujourd'hui.
37:32 - Exactement. Et du coup, ça me semble-t-il,
37:35 c'est très controversé, cette affaire,
37:38 mais à l'intérieur du monde juif aujourd'hui,
37:41 le fait que Israël soit le pôle principal
37:44 est parfois remis en cause par certains
37:47 qui disent "mais la diaspora est importante aujourd'hui".
37:50 J'ai juste un petit mot pour vous dire,
37:53 parce que j'étais, on me considérait très souvent,
37:56 par exemple, j'étais très souvent au Royaume-Uni
37:59 dans ma carrière, et français donc laïcité
38:02 égal antisémitisme et islamophobie,
38:05 c'est-à-dire la France est assimilationniste,
38:08 donc les juifs sont des cemsières,
38:11 et ce qui est frappant, c'est que...
38:14 - C'est-à-dire que la laïcité, pardon, était un alibi.
38:17 - Laïcité, non, apparaissait comme quelque chose
38:20 qui était assimilationniste. Donc, on s'assimile,
38:23 du coup, on est obligé de renoncer à une partie
38:26 de son identité juive, musulmane, etc.
38:29 - C'était perçu assez négativement dans le monde anglo-saxon.
38:32 Or, depuis le 7 octobre, et peut-être parce que
38:35 ce qu'on a évoqué tout à l'heure, c'est-à-dire l'identification
38:38 spontanée d'un grand nombre de français du fait du Bataclan
38:41 aux victimes du 7 octobre,
38:44 j'étais il y a quelques semaines au Royaume-Uni,
38:47 où on m'a dit "mais c'est formidable, en France,
38:50 les juifs ont l'air d'être beaucoup moins peurs
38:53 que ça n'est le cas en Angleterre".
38:56 Et je me disais que la société multiculturelle,
38:59 finalement, qui juxtapose des identités,
39:02 n'a pas eu la même fonction protectrice
39:05 que la société française pour l'ensemble de ses composantes.
39:08 Et ça, c'est quelque chose qui me semble très frappant,
39:11 c'est-à-dire qu'en France, quelle que soit
39:14 votre religion ou votre identité, si vous voulez,
39:17 le pacte laïque fait que vous êtes français.
39:20 Après, vous êtes résident sur le territoire aussi.
39:23 Si un juif est attaqué en France,
39:26 il est perçu comme un français qui est attaqué,
39:29 d'abord et avant tout, par l'ensemble de ses concitoyens,
39:32 aussi comme un juif, si vous voulez.
39:35 Mais le sentiment d'appartenance à la nation
39:38 est très important en France, quel que soit votre...
39:41 - Mais pourtant, dans la communauté juive en France,
39:44 il y a un sentiment d'inquiétude très vif qui s'est développé
39:47 depuis bien avant le 7 octobre, entre Vandalia, le centre de Sarcelles.
39:50 - Oui, avec, notamment avec Daesh.
39:53 Mais Daesh n'a pas seulement attaqué des juifs.
39:56 Moi, j'ai été condamné à mort aussi, même si certains croyaient
39:59 que j'étais juif, je ne le suis pas.
40:02 Et d'une certaine manière, la police, les institutions,
40:05 la société française ont réagi avec une très grande vigueur
40:08 contre ces opérations, les assassinats de juifs par Daesh, si vous voulez.
40:14 Et d'une certaine manière, nos institutions
40:17 ont été d'une certaine façon équipées pour répondre,
40:22 parce que nous avions déjà expérimenté sur notre sol
40:25 du fait du terrorisme islamiste sous la forme d'Daesh principalement,
40:28 ce genre de choses, ce qui n'était pas nécessairement le cas
40:31 chez un certain nombre de nos voisins, qui pensaient qu'au fond,
40:35 la juxtaposition communautaire permettrait que tout le monde
40:39 se retrouverait au supermarché, mais que finalement,
40:44 chacun était en son coin.
40:46 Et d'une certaine façon, il me semble qu'aujourd'hui,
40:49 ce modèle français qui est étant décrié par nos voisins communautaristes
40:54 apparaît comme plus efficient, notamment pour la protection
41:00 de tous ceux qui sont sur notre sol et tous ceux en particulier
41:04 qui sont citoyens de la France, pas seulement les citoyens,
41:07 parce que c'est ça qui prime et il me semble que comme Français,
41:12 nous considérons que quel que soit celui d'entre nous qui est attaqué,
41:16 nous devons le défendre, si vous voulez.
41:18 Et ça, c'est quelque chose qui m'a beaucoup frappé cette année,
41:21 où au Royaume-Uni, on me demandait, avec intérêt d'expliquer davantage
41:25 ce qu'était la loyerité française, avec plutôt de la sympathie,
41:27 alors que jusqu'alors, j'étais montré aux doigts
41:29 comme un affreux assimilationniste.
41:31 - Alors, il y a un mot qui est revenu en fait dans le vocabulaire,
41:34 le terme "sioniste", qui appartient à l'histoire de la pensée politique,
41:36 mais qui revient souvent comme une insulte aujourd'hui
41:39 dans le vocabulaire d'une partie peut-être de la gauche radicale,
41:41 comme si, et vous me corrigerez si la formule est exagérée,
41:44 mais sioniste est une nouvelle manière de dire "juif" négativement
41:47 et de stigmatiser une communauté.
41:49 - Alors, vous en avez eu un exemple, mais sur lequel je ne veux pas trop
41:53 m'avancer parce que je crois que c'est fait l'objet d'un recours en justice,
41:59 à Sciences Po, vous savez, ça a été l'un des scandales
42:02 quand l'amphiboutmi, où j'avais enseigné tant d'années
42:06 dans un silence absolu à 500 étudiants sur le Moyen-Orient,
42:10 aujourd'hui c'est devenu l'amphigaza, et après le seul qui a pu y parler
42:14 vraiment, c'est Mélenchon qui a fait sa harangue.
42:17 Mais donc, dans cet amphithéâtre occupé, il y a eu une étudiante
42:23 qui a été interdite d'accès et elle a été dénoncée
42:26 comme "c'est une sioniste".
42:28 Alors après, ça a fait toutes sortes d'histoires,
42:31 certains ont dit qu'elle faisait partie de telle organisation,
42:33 de telle autre, mais effectivement, dans l'usage qui en était fait,
42:37 on ne peut pas interdire à quelqu'un d'entrer en se référant
42:44 à des opinions qui sont liées à une origine,
42:48 parce qu'à partir de ce moment-là, on ne sait plus si c'est l'origine
42:51 ou les opinions qui sont incriminées.
42:53 - Il y a eu une confusion volontaire, en quelque sorte.
42:55 - Je pense que je n'étais pas dans la bouche de celui qui a formulé
42:58 cette accusation, mais on peut imaginer que c'était effectivement
43:01 ce qu'il avait en tête.
43:03 - Mais quand je n'entends pas les sionistes ici,
43:05 alors ça dépend comment c'est formulé.
43:09 - Dans le contexte que vous évoquiez.
43:12 - À Sciences Po, je n'y étais pas, mais je pense qu'effectivement
43:18 les deux étaient certainement confondus.
43:20 - En tout cas, il y a quelque chose qui est commun,
43:23 et vous le dites dans le livre, et les commentateurs que nous sommes
43:27 le constatons, c'est qu'il y a une crise civilisationnelle,
43:31 il y a ce conflit qui a décuplé beaucoup de choses,
43:36 et notamment un autre couloir de nage qui est celui du wokisme.
43:40 Et là, à l'intérieur des universités, vous en êtes victime vous-même,
43:45 comment est-ce que cette violence-là s'arrête ?
43:49 - Effectivement, là c'est un véritable conflit culturel
43:53 qui se produit dans les universités.
43:55 L'école normale supérieure, où je suis encore pour quelques mois,
43:58 et où on me priait de partir à la retraite un an avant terme,
44:02 effectivement, les études sur le monde arabe et musulman
44:06 ont été supprimées, parce que c'est inutile,
44:08 il ne s'y passe rien, comme chacun sait,
44:10 et vont être remplacées par un programme qui s'appelle
44:13 Sud au pluriel, c'est-à-dire Sud global,
44:16 et on voit bien en quoi l'idéologie est aujourd'hui en train de remplacer
44:21 le savoir, ce qui est véritablement, ce sera peut-être mon dernier combat.
44:25 - Ça vous donne une idée de ce qui se passe,
44:27 et en tout cas vous reviendrez bien sûr pour en parler,
44:29 pour commenter tout ça.
44:30 Merci beaucoup Gilles Kepel,
44:31 - Merci pour votre invitation.
44:32 - à Holocauste, avant une nouvelle version bientôt à l'automne.
44:35 Rendez-vous tout à l'heure, 17h sur CNews pour la soirée électorale,
44:38 19h sur Europe 1, très bonne journée sur nos deux antennes.
44:41 Merci à tous !
44:43 Merci à tous !