Luc Ferry : Le Grand Rendez-Vous (Émission du 02/06/2024)

  • il y a 3 mois
Pierre de Vilno reçoit Luc Ferry, philosophe et ancien ministre de l’Éducation nationale, dans #LeGrandRDV, en partenariat avec Europe 1 et Les Echos.

Category

🗞
News
Transcript
00:00 Bonjour, bienvenue sur le plateau du Grand Rendez-vous.
00:02 Bonjour Luc Ferry.
00:03 Bonjour.
00:03 Vous êtes philosophe, ancien ministre de l'Éducation nationale.
00:06 Vous publiez La Frénésie du bonheur aux éditions de l'Observatoire.
00:11 C'est votre Grand Rendez-vous ce dimanche.
00:13 Nous sommes à une semaine pile des élections européennes.
00:17 Le scrutin, c'est comme on dit, nationalisé.
00:19 Il a aussi été emprunt de la question du Proche-Orient
00:23 et intervient surtout dans un timing où,
00:24 au-delà de toute considération politique,
00:26 la préoccupation première des Français, ça reste le pouvoir d'achat.
00:31 Votre livre interroge sur l'individu face au monde,
00:34 sur l'individu face à lui-même.
00:36 Doit-il s'aimer plus pour accéder à un bonheur immédiat,
00:40 ouvert et offert par les réseaux sociaux,
00:43 le métaverse ou encore l'intelligence artificielle ?
00:45 L'éducation et la transmission sont-elles en péril ?
00:48 Vous posez la question et sur tous ces sujets,
00:50 nous vous interrogeons ce matin avec Nicolas Barré des Echos.
00:53 Bonjour Nicolas.
00:53 Bonjour Pierre.
00:54 Et Mathieu Bocoté.
00:55 Bonjour Mathieu.
00:55 Bonjour.
00:56 L'actualité immédiate, on vient de le voir et de l'entendre
00:59 sur Europe 1 et sur CNews,
01:00 huit mois de guerre entre le Hamas et Israël.
01:03 Et pour la première fois, cet accord de trêve qui est sur la table,
01:06 accord négocié conjointement par les Américains, les Qataris,
01:09 d'autres partenaires internationaux,
01:11 accord que le Hamas n'a pas encore accepté,
01:13 mais qu'il a jugé positif.
01:15 Question simple, est-ce que nous sommes sur la bonne voie, Luc Ferry ?
01:19 Oui et non.
01:20 Oui d'abord parce que c'est devenu un enfer.
01:23 Je crois que c'est Nicolas Sarkozy qui avait lancé l'idée
01:25 que Gaza était une prison à ciel ouvert.
01:28 C'est devenu un enfer à ciel ouvert.
01:29 C'est un double enfer, c'est un enfer pour les familles.
01:32 Imaginez-vous avoir un otage, une fille, un frère, une sœur,
01:38 un père dans les mains du Hamas aujourd'hui.
01:40 Donc c'est un enfer pour les familles israéliennes
01:44 qui ont un otage aux mains du Hamas.
01:46 Et puis c'est un enfer pour les Gazaouis.
01:48 Donc on est très heureux que les choses puissent s'arrêter
01:51 et que l'humanitaire reprenne ses droits
01:54 dans la ville de Rafah en particulier.
01:56 Maintenant, ça ne règle absolument rien.
01:58 J'ai vu qu'un certain nombre, même de mes amis,
02:00 ont été partisans de la reconnaissance d'un État palestinien,
02:06 y compris quelqu'un pour qui j'ai beaucoup d'estime,
02:08 qui est Elie Barnavi, par exemple,
02:09 qui est ancien ambassadeur d'Israël en France
02:12 et qui est un très grand historien, qui est un homme raisonnable.
02:15 Mais ça n'a pas de sens tant que cet État n'a ni un contour territorial
02:21 ni identifiable, qu'il n'a pas une représentation politique connue
02:24 et qu'il ne reconnaît pas l'État d'Israël.
02:26 C'est les trois conditions qu'on peut mettre
02:29 à la reconnaissance d'un État palestinien.
02:32 Moi, je suis comme tout le monde maintenant,
02:33 y compris les Américains, favorable à deux États.
02:36 Mais ça suppose quelque chose qui n'est absolument pas à l'ordre du jour.
02:40 C'est que les colons de Cisjordanie laissent la place, pour être clair.
02:44 Il y a environ 700 000 ou 800 000 colons en Cisjordanie.
02:47 Bon, ils sont là, ils sont là.
02:48 200 ou 300 000 sont très armés, sont extrêmement religieux,
02:52 sont absolument décidés à rester là éternellement.
02:55 Et donc, si on veut qu'il y ait deux États,
02:58 et c'est la seule solution pacifique aujourd'hui imaginable,
03:01 ça suppose deux conditions.
03:02 Un, qu'il y ait une représentation de l'État palestinien
03:04 qui reconnaisse l'existence d'Israël.
03:05 Et deux, que les colons de Cisjordanie laissent au moins en partie la place.
03:09 Et en même temps, vous avez vu que ce conflit de Gaza
03:12 est donc venu s'inviter dans cette campagne aux Européennes.
03:15 Stéphane Ciajornet, ce matin, dans le JDD, dit
03:18 que la France a réussi à empêcher son importation.
03:22 On peut juger cette déclaration.
03:25 Est-ce que ce conflit, vous le jugez présent,
03:27 très présent ou trop présent ?
03:30 Trop présent, mais c'est compréhensible.
03:33 On a évidemment, si je puis dire, une communauté musulmane
03:37 ou plusieurs communautés musulmanes,
03:38 estimées entre 5 et 8 millions de personnes en France.
03:41 Et il est évident que la réfraction, comme toujours,
03:44 des questions du Moyen-Orient est très, très forte en France.
03:48 Donc, c'est parfaitement normal que ça s'invite.
03:52 Mais je pense que j'ai eu cette discussion longuement hier
03:55 avec mon ami Elie Chouraki, qui est vraiment pour moi comme un frère,
03:59 le cinéaste, et beaucoup de Juifs français
04:02 pensent que c'est le retour de l'antisémitisme de toujours.
04:05 Voilà. C'est faux.
04:07 C'est un nouvel antisémitisme.
04:08 Oui, c'est un nouvel antisémitisme.
04:10 Et c'est faux parce que si vous prenez, par exemple,
04:12 C'est Journée a dit que, ou je ne sais pas si c'est Attal ou C'est Journée,
04:15 enfin, ça revient au même,
04:16 ils ont dit, là, les filles flirtent constamment avec l'antisémitisme.
04:19 Il y en a qui sont passées carrément de l'autre côté.
04:21 Mais c'est plus qu'un flirt.
04:23 Mais ce n'est pas l'antisémitisme ni catholique
04:26 qui était l'antisémitisme traditionnel,
04:27 qui accusait le peuple juif d'être le peuple déicide.
04:31 Ce à quoi Vatican II a tordu le coup
04:33 de manière extrêmement efficace et intelligente en 62-63.
04:38 Et puis, vous aviez l'antisémitisme racialiste qui disait
04:41 il y a une race juive.
04:42 Souvenez-vous, la grande exposition,
04:45 "Le juif et la France", sous Pétain, avec "Comment reconnaître le juif ?"
04:49 Le juif, il a un long nez, il a des oreilles décollées, etc.
04:52 Toutes les âneries.
04:53 Au fond, à la LFI, à l'extrême gauche,
04:56 aujourd'hui, on n'est ni catholique ni raciste.
05:00 Ce n'est pas le problème.
05:02 On est quoi ?
05:03 Eh bien, en fait, on est islamo-gauchiste.
05:05 Donc, c'est l'antisémitisme islamiste plus,
05:07 et c'est ça qui est nouveau, le sud global.
05:10 Si vous voyagez aujourd'hui au Brésil, en Argentine,
05:13 un peu partout en Afrique,
05:15 vous trouverez des gens qui détestent Israël
05:18 sans être du tout antisémites au sens traditionnel du terme.
05:21 Parce que pour eux, Israël, c'est...
05:23 Je vais juste terminer avec ça.
05:25 Pour eux, Israël, c'est le dernier avatar de la colonisation
05:28 blanche, patriarcale, capitaliste et américaine.
05:31 C'est ça.
05:31 - Alors, on connaît cette distinction qui est faite par plusieurs
05:33 entre antisémitisme et antisionisme.
05:36 Mais aujourd'hui, est-ce que l'antisionisme
05:37 qui est porté dans une partie du sud global
05:39 n'est pas simplement le nouveau visage de l'antisémitisme ?
05:41 - Non, je pense pas.
05:42 Je pense que justement...
05:42 Enfin, si.
05:43 Dans ce que vous dites, ce qui est important, c'est nouveau.
05:46 Si vous croyez que c'est la même chose, vous vous trompez.
05:48 Ce qui est important, c'est nouveau.
05:49 Alors, on peut dire antisémitisme si on veut,
05:51 puisque c'est le mot qui est...
05:52 Enfin, c'est pas une question de sémite, donc le mot est...
05:55 Il faut dire que c'est la haine des juifs.
05:57 Tagiev dit "judéophobie".
05:59 C'est déjà plus juste, vous voyez.
06:01 Parce qu'on a affaire à quelque chose...
06:03 Alors, disons antisémitisme si on veut, pour se faire comprendre.
06:06 Mais ça n'est ni l'antisémitisme catholique,
06:08 ni l'antisémitisme racialiste.
06:11 C'est un antisémitisme qui est accroché
06:13 à l'émergence du sud global.
06:15 Le sud global, on peut dire "ah, mais c'est n'importe quoi, le sud global".
06:18 C'est pas faux, c'est hétérogène.
06:20 L'expression apparaît dans les années 80
06:22 pour désigner, au fond,
06:23 tout ce qu'on appelait autrefois le tiers-monde,
06:25 plus les pays non-alignés, mais plus la Chine et la Russie.
06:28 Et c'est la haine de l'Occident qui est derrière.
06:30 C'est ça qui est nouveau.
06:31 - Alors, Yann Tissot.
06:32 Est-ce que, d'une certaine manière, pour la France insoumise,
06:36 le fait de mettre l'accent sur ce conflit israélo-palestinien,
06:40 c'est pas une manière de détourner le regard de l'autre guerre
06:43 qui est en cours sur le continent européen,
06:45 la guerre entre la Russie et l'Ukraine,
06:48 sur laquelle, sur ce plan,
06:51 la France insoumise a été plutôt complaisante
06:53 vis-à-vis de la Russie de Poutine ?
06:56 - Oui, alors je pense qu'ils peuvent jouer sur les deux tableaux
06:58 parce que ce qu'ils voulaient,
06:59 un des enjeux majeurs de la guerre en Ukraine,
07:02 et ça rejoint la question de Gaza et d'Israël,
07:04 c'est que que veut Poutine dans cette guerre ?
07:06 Il veut plusieurs choses, mais sur le plan géopolitique,
07:09 il veut être le leader du Sud global.
07:11 C'est ça, la nouveauté.
07:12 25 pays d'Afrique défendent aujourd'hui la Russie
07:14 dans la guerre en Ukraine.
07:16 Il a l'alliance de Modi, le président indien, plus les BRICS.
07:18 C'est ça qui est important.
07:20 La Chine, évidemment.
07:21 Et donc, au fond, Poutine se pose en leader du Sud global,
07:25 hostile à cet Occident en pleine décadence,
07:29 avec cette Europe qui s'est alignée,
07:31 dans la guerre en Ukraine, sur la position américaine.
07:33 Et donc, au fond, ce que dit Poutine,
07:35 c'est "je suis le leader du Sud global
07:37 contre cet Occident colonisateur, blanc, capitaliste, etc."
07:41 Et donc, ce Sud global, il doit se révolter contre cet Occident
07:45 qui, par ailleurs, est en déclin, qui ne croit plus à rien.
07:47 Pardon, je ne vais pas revenir à mon livre,
07:49 je ne suis pas là pour vendre un livre,
07:50 mais l'aphrénésie du bonheur, c'est l'effondrement de l'Occident
07:54 dans la quête du bonheur personnel,
07:56 et qui est liée à l'effondrement des deux grandes religions,
07:59 le communisme et le christianisme en Europe.
08:02 Je vous donne juste les chiffres pour qu'on ait...
08:04 En 1950, il y a 45 000 prêtres diocésains en France,
08:09 il en reste 4000 aujourd'hui.
08:11 Le communisme est à 30%.
08:13 Et donc, cet effondrement des deux grandes religions,
08:16 religion de salut terrestre et religion de salut céleste,
08:18 fait qu'à la place, on voit émerger la psychologie positive,
08:22 la théorie du développement personnel,
08:23 avec la quête narcissique du bonheur personnel.
08:26 Et ça, Poutine, il s'en réjouit, il se dit
08:28 "mais ces gens sont foutus".
08:29 Donc Ferry, je reviens juste à mon propos sur les Européens.
08:34 Le fait que ce conflit ait bousculé,
08:37 et notamment que l'EFI s'en serve d'une certaine manière
08:40 pour bousculer et pour ne pas aborder les sujets
08:42 qui sont les préoccupations,
08:43 je parlais notamment du pouvoir d'achat,
08:45 on parle beaucoup plus de Gaza que du pouvoir d'achat.
08:48 En même temps, la Fonde Apple,
08:50 la Fondation pour les études politiques,
08:52 nous montre deux chiffres.
08:53 Le souhait de quitter l'Union européenne est devenu marginal, 13%.
08:57 Et le soutien à l'euro est de 92%.
08:59 Est-ce que finalement, dans cette Europe qu'on essaie de construire,
09:02 qu'on essaie de défendre,
09:03 il n'y a pas plus de détournement de situation dans cette campagne
09:08 plutôt que de montrer le vrai visage
09:10 des vrais enjeux de l'Europe aujourd'hui ?
09:12 Oui, c'est tout à fait juste, mais ce n'est pas très étonnant
09:15 parce qu'au fond, l'Europe,
09:18 dès que vous parlez d'Europe dans une émission de télévision,
09:20 l'audimat chute, ça n'intéresse en vérité pas grand monde aujourd'hui.
09:24 C'est très loin, ça n'intéresse pas vraiment les Français.
09:25 Les Français réélirent des gens.
09:27 Ce qui est très nouveau dans l'enquête que vous citez,
09:30 qui a été faite par mon ami Dominique Régnier,
09:32 elle est remarquable.
09:33 82% des Français ne veulent pas quitter l'Union européenne.
09:37 C'est très nouveau.
09:37 Donc en fait, il n'y a plus de clivage, finalement.
09:39 Là-dessus, non.
09:40 Si, les clivages sont maintenant sur la conception de l'Europe.
09:43 Ils sont très importants.
09:44 Moi, par exemple, je suis pour une Europe à 10, pas à 27.
09:47 Donc ça ne veut pas dire qu'il faut virer les 27,
09:49 on est bien obligé de les garder.
09:50 Mais je suis pour un nouveau traité de Rome
09:52 avec une harmonisation fiscale et sociale.
09:55 Je pense que ce qui tue l'Europe aujourd'hui...
09:56 Une Europe fédérale à 10 ?
09:58 Oui, enfin, ou semi-fédérale, mais à 10.
10:00 Mais une Europe de vitesse, du coup.
10:02 Ah oui, bien sûr, absolument.
10:03 Mais les autres peuvent rentrer, mais quand ils acceptent les règles.
10:05 Et c'est ce que défend Christian Saint-Etienne, par exemple,
10:08 dans son très beau livre.
10:09 Vous croyez que quand les Français sont pour l'Europe,
10:10 ils sont pour une Europe à 10, quasi fédérale ?
10:13 Oui, je pense qu'ils seraient pour une Europe à...
10:15 Le projet n'est pas sur la table, donc c'est difficile d'en parler.
10:17 Mais il est un peu, le projet ne méroge pas.
10:19 On est quelques-uns à le défendre.
10:20 En tout cas, allons un tout petit peu plus loin.
10:23 L'idée, c'est que le dumping fiscal et le dumping social
10:27 sont en train de tuer l'Union européenne.
10:30 L'impôt sur les sociétés en Irlande est trois fois inférieur
10:33 à l'impôt sur les sociétés en France.
10:34 Pourquoi voulez-vous que Uber ou Google
10:36 aillent s'installer en France ?
10:37 Le rôle d'un chef d'entreprise n'est pas de bousiller sa boîte.
10:39 C'est idiot.
10:40 Et donc, il faut qu'il y ait une harmonisation.
10:42 Le SMIC, vous savez combien est le SMIC en Bulgarie ?
10:45 350 euros par mois.
10:47 Donc, évidemment que ça fait du dumping fiscal et du dumping social.
10:50 Donc, moi, je suis pour une Europe à 10.
10:52 Donc, les dix pays fondateurs, en gros, les dix pays de l'Ouest,
10:55 avec la possibilité pour les Polonais ou les Hongrois
10:58 de rentrer progressivement.
10:59 Et là, on pourrait avoir une Europe puissance
11:01 qui investit dans la troisième révolution industrielle.
11:03 Et ce n'est pas le cas.
11:04 Et qui retrouve une souveraineté aussi militaire.
11:06 Et je propose que vous nous donniez plus de détails
11:09 sur ce concept juste après une première pause
11:11 dans le Grand Rendez-vous d'Europe 1.
11:13 C News les écoute tout de suite.
11:14 Retour sur le plateau du Grand Rendez-vous d'Europe 1.
11:19 C News les écoue avec notre invité Luc Ferry
11:22 qui publie la frénésie du bonheur à l'Observatoire
11:25 et qui commande bien sûr l'actualité politique avec nous.
11:29 On parlait d'Europe, de ce scrutin européen
11:31 qui arrive maintenant à une semaine.
11:33 Et il y a un instant, vous aviez cette proposition
11:36 de réduire l'Europe à 10.
11:39 Alors, question quand même inhérente.
11:42 Là où Madame van der Leyen veut une Europe à 37,
11:45 vous voulez une Europe à 10.
11:46 Qu'est-ce qu'on fait des pays qui sont...
11:48 On les garde.
11:49 Les 17 restants ?
11:50 Non, on les garde, on les garde.
11:51 On les garde, on ne change pas le système actuel.
11:53 C'est un vaste espace plus ou moins libéral.
11:56 On le garde, mais on crée en plus un nouveau traité de Rome.
12:01 Mais ils n'ont pas la parole, c'est-à-dire ?
12:03 En Pologne, on dit les poissons et les enfants n'ont pas la parole.
12:06 Oui, je crois que vous êtes légèrement polonais.
12:08 Non, ce n'est pas ça.
12:09 Je parle en connaissance de vos,
12:11 qu'est-ce qu'on fait des Polonais ?
12:12 Non, on garde tout ça.
12:14 Il n'est pas question de virer qui que ce soit.
12:15 D'abord, c'est impossible.
12:16 Et puis, ce serait évidemment scandaleux.
12:18 Non, il s'agit de créer un nouveau traité de Rome
12:20 avec une Europe, je disais, à 10,
12:22 avec les pays fondateurs et les pays de l'Europe de l'Ouest
12:25 qui ont en gros le même niveau démocratique
12:27 et le même niveau économique,
12:29 pour faire en sorte qu'on ait une tête de série,
12:32 si je puis dire, où il y ait une harmonisation fiscale et sociale
12:35 pour qu'on puisse avoir une Europe puissante.
12:37 Évidemment, si la Pologne, que je connais bien aussi,
12:39 veut rentrer, ou si la Hongrie...
12:41 Je ne fais pas de frontalitisme.
12:42 Non, mais vous pouvez, ce n'est pas interdit.
12:45 Mais si la Pologne ou la Hongrie,
12:46 qui sont les deux pays les plus avancés économiquement
12:49 dans les pays de l'Est, veulent rentrer,
12:51 il faut qu'ils acceptent les règles d'harmonisation.
12:54 Sinon...
12:54 Mais vous parlez d'une Europe à 10,
12:56 donc avec une armée européenne, un exécutif européen.
12:58 Non, mais non, il n'y aura jamais d'armée européenne.
13:00 C'est une blague.
13:01 Je n'ai jamais cru un millième de seconde à la défense européenne.
13:03 La seule chose qu'on puisse faire, c'est fabriquer des armes en France,
13:06 ensemble, je veux dire, comme on fabrique des Airbus.
13:09 On peut avoir des Airbus dans différents domaines de l'économie.
13:12 Mais est-ce qu'on peut avoir, par exemple,
13:13 un conseil de l'Europe de Schengen,
13:16 comme le propose Nicolas Sarkozy dernièrement dans le Figaro,
13:19 pour justement lutter contre l'insécurité en Europe ?
13:23 On ne va pas rentrer là dans les détails,
13:24 ce serait trop compliqué.
13:26 Ce que je veux simplement vous faire comprendre,
13:28 c'est que l'Europe à 37 ou 36,
13:29 comme le propose madame von der Leyen,
13:31 c'est la pire catastrophe qu'on puisse inventer.
13:33 Pourquoi ?
13:34 Parce que c'est la désunion européenne,
13:35 parce qu'il n'y a pas d'harmonie.
13:37 Et donc vous aurez du dumping fiscal
13:39 et du dumping social à tous les niveaux.
13:41 Et donc les nations s'écarteront.
13:43 Giscard avait une formule, il disait
13:45 "la finalité de l'Europe, c'est de dégager le bien commun européen".
13:49 Il avait fait un très bon travail en 2005.
13:51 Excellent travail.
13:52 Et madame von der Leyen n'y est pas parvenue ?
13:54 Mais non, c'est exactement le contraire.
13:56 Là, on est complètement désunis,
13:57 chacun cherche son intérêt particulier,
13:59 chacun a sa petite nation avec ses problèmes économiques à soi,
14:03 ses problèmes fiscaux à soi,
14:05 ses problèmes de sécurité, d'immigration à soi.
14:08 Et donc on n'a pas une Europe commune.
14:10 Et surtout, ce qui m'inquiète énormément,
14:12 on parlait tout à l'heure,
14:13 vous avez évoqué l'expression "intelligence artificielle",
14:16 nous sommes entrés dans une troisième révolution industrielle.
14:19 Il ne faut pas dire quatrième, c'est idiot, il n'y en a que trois.
14:21 La troisième révolution industrielle,
14:23 c'est celle de l'intelligence artificielle.
14:25 La robotique ou le data sans IA, c'est rien.
14:28 C'est un tas de ferraille, un robot sans IA.
14:31 Et donc c'est l'IA qui est le cœur du cœur
14:33 de cette troisième révolution industrielle.
14:35 Et pour l'instant, nous sommes des sous-traitants,
14:36 nous sommes une colonie des États-Unis.
14:38 Je parlais, j'ai eu la chance d'avoir comme vice-président
14:42 dans un conseil que je présidais, l'amiral Béraud,
14:44 qui est un type formidable.
14:45 Il m'a fait rencontrer tout ce qui compte
14:47 comme généraux et amiraux dans l'armée française.
14:50 J'ai fait d'ailleurs une conférence sur l'IA
14:51 à côté du général Burckhardt,
14:53 qui est là il y a trois semaines,
14:55 devant 700 militaires, avec des colonels,
14:57 des généraux, des amiraux devant moi.
14:59 Et l'un d'entre eux me disait très justement,
15:02 si les États-Unis voulaient clouer l'armée française au sol,
15:06 ils pourraient le faire en un quart d'heure.
15:07 On dépend d'eux.
15:08 Et il faudrait 40 milliards, me disait-il,
15:10 pour qu'on redevienne souverain sur le plan militaire.
15:13 Je parle de la France, je ne parle même pas de l'Europe.
15:15 Donc là, il faut qu'on ait une Europe à 10
15:17 pour pouvoir investir dans la souveraineté européenne
15:20 et notamment dans la question de l'intelligence artificielle.
15:22 Ce qui est fascinant, c'est que tous ces sujets-là
15:24 qui sont passionnants...
15:25 Zéro dans la campagne.
15:26 Ils ne sont pas dans la campagne,
15:28 qui est devenue une campagne finalement...
15:29 Politique, politicienne.
15:31 ... ou contre Emmanuel Macron.
15:32 Voilà.
15:33 Est-ce que ce qui fait la popularité aujourd'hui
15:36 du Rassemblement national en particulier,
15:39 avec des scores dans les sondages de moins de 30 %,
15:41 est-ce que c'est surtout une motivation,
15:45 disons un vote protestataire,
15:47 anti-président de la République
15:48 ou est-ce qu'il y a quelque chose de plus profond ?
15:49 Non, c'est bien plus profond.
15:51 Je regardais les chiffres que donnait mon ami Jérôme Jaffray.
15:54 J'écoute toujours Jérôme parce qu'il est très bon sur ces sujets-là.
15:58 Et il rappelait qu'en 2009,
16:00 l'ensemble de la droite, qu'on peut dire extrême,
16:02 sur le plan de l'échiquier,
16:03 c'est Rassemblement national, reconquête et patriote,
16:07 représentait 27 % en 2009.
16:09 Ils sont à plus de 40 % aujourd'hui.
16:11 Ils disent c'est un rouleau compresseur.
16:12 Pourquoi ?
16:13 Il y avait quelqu'un qui, d'ailleurs chez vous,
16:15 disait l'autre jour que Glucksmann avait été,
16:19 pendant sa campagne, interpellé par une dame
16:21 qui votait Rassemblement national.
16:23 Et Glucksmann lui a posé la question
16:25 « Pourquoi vous votez Rassemblement national ? »
16:27 La réponse dit tout.
16:28 Cette dame a répondu
16:29 « C'est le seul parti qui n'a pas honte de nous. »
16:32 Génial comme réponse.
16:33 Tellement vrai.
16:34 Donc il y a ça en dessous.
16:36 La droite républicaine a perdu le peuple
16:38 et la gauche a perdu la question sociale.
16:40 Et donc aujourd'hui, qui représente le peuple,
16:44 comme dirait notre ami Onfray,
16:47 le peuple « old school »,
16:49 c'est le Front national,
16:50 c'est le Rassemblement national.
16:52 Et ça, c'est beaucoup plus puissant
16:53 qu'un vote protestataire.
16:54 Ça n'est plus un vote protestataire.
16:56 Vous avez dit dernièrement que Marine Le Pen
16:59 n'était pas d'extrême droite.
16:59 Évidemment pas.
17:01 Je ne suis pas le seul à le dire.
17:03 J'ai cité mon ami Marcel Gauchet
17:04 qui disait la même chose.
17:05 Marcel, qui a toujours le sens de l'humour,
17:08 disait « mais elle est moins à droite
17:09 que le RPR des années 70 », c'est vrai.
17:11 Et l'extrême droite, c'était quoi ?
17:12 C'était d'abord l'antisémitisme et le racisme.
17:15 Je parle des années 30.
17:16 Bon, elle n'est ni raciste ni antisémite.
17:19 C'était la violence.
17:20 La violence à l'État chimiquement pur.
17:22 On prenait le pouvoir par la violence,
17:23 comme les bolcheviques, c'était l'équivalent.
17:25 Marine Le Pen est absolument républicaine.
17:27 C'était la haine des Lumières,
17:29 de l'héritage des Lumières.
17:30 On était conservateur,
17:31 on était romantique au sens philosophique du terme.
17:33 On voulait revenir avant la Révolution française.
17:35 C'était ça, la droite de Maurras.
17:36 Bon, et l'extrême droite ?
17:38 Ce n'est pas du tout le cas de Marine Le Pen,
17:39 qui est absolument républicaine.
17:40 Donc, elle est dans une droite souverainiste,
17:43 nationaliste, populaire, populiste, si vous voulez.
17:46 Mais elle n'a aucun rapport
17:48 avec l'extrême droite des années 30.
17:49 Alors, on y revient ?
17:50 Même s'il y a une histoire derrière ça.
17:51 Évidemment, c'est ce que me dirait un historien de gauche.
17:54 Il me dirait « mais il y a une histoire du parti derrière ».
17:55 C'est vrai.
17:56 Et un entourage, vous dirait son opposition,
17:59 un entourage autour d'elle qui peut...
18:00 Oui, voilà.
18:02 Mais cela dit, juste un point, Mathieu, je vous laisse la parole.
18:06 Mais elle a rompu avec l'AfD.
18:08 Eux, c'est vraiment les fachos, l'AfD.
18:10 Pardon, excusez-moi, mais j'ai fait mes études en Allemagne.
18:12 Je parle allemand comme le français,
18:13 donc je sais de quoi je parle.
18:14 L'AfD, Alternative für Deutschland, c'est vraiment des fascistes.
18:18 Bon, c'est des néonazis.
18:19 Elle a rompu Marine Le Pen avec eux sur la question de la remigration.
18:23 Et aussi avec le gars...
18:24 C'est tout récent.
18:26 Mais évidemment que c'est récent.
18:27 Mais c'est ça, la question de la remigration de Nicolas Maraud.
18:30 Et quand il y a un gars de l'AfD qui a dit qu'un SS est un type bien,
18:35 elle a dit "ça, j'accepterai jamais".
18:36 Mais elle n'a pas tardé à rompre.
18:38 Est-ce qu'elle n'aurait jamais dû s'allier avec eux?
18:40 Jérémie, la politique est la politique.
18:42 Il faut bien que vous vous alliez avec quelqu'un.
18:43 Quand Mitterrand s'est allié avec le PCF, ce n'était pas mieux.
18:46 Alors, on arrive au concept d'extrême droite.
18:47 Vous dites, Marine Le Pen n'est pas d'extrême droite.
18:49 Je ne sais pas si vous classez reconquête à l'extrême droite.
18:52 Oui, plutôt, oui.
18:53 Alors, de quelle manière reconquête?
18:55 Elle est très raciste, violente, antisémite?
18:58 Je ne pense antisémite certainement pas,
19:01 puisque d'abord, Zemmour est juif et ce n'est quand même pas...
19:04 Bon, on ne va pas l'accuser d'être antisémite, c'est ridicule.
19:07 Mais qu'il y ait du racisme là-bas, oui.
19:09 Si vous demandez par exemple à mon amie Malika Sorel
19:11 ce qu'elle pense de reconquête, elle vous dira "c'est des racistes".
19:13 Voilà, donc le débat est ouvert.
19:15 Je ne pense pas que ce soit le cas de Marion Maréchal.
19:17 Il y a eu quelques passes sur Twitter qui étaient malheureuses de la marge de Zemmour.
19:19 Donc, ce n'est pas le cas de Marion Maréchal.
19:20 Non, je ne pense pas.
19:21 C'est pour ça, d'ailleurs, je pense que le sens de l'histoire,
19:24 c'est que Marion Maréchal se rapproche de Marine Le Pen.
19:27 Moi, ce n'est pas ma famille politique.
19:29 Pardon ?
19:29 Ou de Bélamy ?
19:30 Après le clash jeudi soir au débat européen, c'est lui.
19:34 Je ne suis pas sûr que ce soit...
19:35 Soyons clairs, parce que moi, les gens confondent toujours.
19:38 Quand on donne une analyse, ils confondent toujours entre l'analyse
19:41 et le choix politique qu'on fait.
19:43 Ce n'est pas mon choix.
19:43 Moi, je suis un vieux gaulliste de toujours.
19:45 Je ne changerai pas.
19:46 Moi, mes candidats, c'est Xavier Bertrand, c'est David Lysnard.
19:49 C'est des gens comme ça.
19:51 Je pense que le parti LR est mort parce qu'ils sont trop bêtes
19:53 pour comprendre ce qui se passe.
19:54 Trop bêtes, c'est-à-dire ?
19:55 Ils sont d'une bêtise cosmique.
19:57 Et donc, ils auraient dû faire un deal avec Macron
20:00 quand Macron n'a pas eu la majorité absolue à l'Assemblée nationale.
20:04 Ils pouvaient tordre le bras, comme on fait en Allemagne.
20:07 Ils pouvaient construire un programme sur les sujets
20:10 qui importent à la droite républicaine,
20:12 c'est-à-dire sur l'immigration, sur la sécurité,
20:14 sur la dette publique et sur l'éducation, par exemple.
20:16 Et quand ils le font en retour ?
20:18 Pardon ?
20:18 Et quand ils le font en retour ?
20:19 Ils ont dit "on ne veut pas être les supplétifs de Macron",
20:21 alors qu'ils le sont devenus.
20:23 Voilà, donc...
20:23 J'ai dit à l'époque, on voit bien,
20:24 on voit bien l'archer, on voit bien...
20:25 Et donc, quand on est à 4,7% avec Valéry Pécresse
20:30 à la présidentielle, vous savez, moi j'ai une comparaison,
20:33 c'est comme le chevalier noir dans Monty-Picton, en sacré grain.
20:36 Il perd un bras, il perd l'autre bras, il perd une jambe,
20:38 il perd les deux jambes et il continue à insulter le voisin.
20:40 Mais il faut arrêter.
20:41 Donc, il pouvait revenir,
20:43 il pouvait avoir un premier ministre à Matignon,
20:45 il pouvait avoir une quinzaine de ministres,
20:46 il pouvait avoir surtout un programme
20:48 et réexister dans le paysage politique.
20:50 Ils n'ont pas voulu.
20:51 Je l'aurais dit cent fois.
20:52 Je l'ai dit à Ciotti, je l'ai dit à Reteyo, je l'ai dit...
20:54 - Est-ce qu'on vous répond ?
20:55 - On ne veut pas être les supplétifs de Macron,
20:57 mais ils le sont devenus.
20:58 Ils n'ont même pas été foutus de déposer
20:59 une motion de censure qui passe.
21:01 Voilà, et maintenant,
21:02 ils essayent de rattraper les choses
21:04 parce que l'archer n'est pas idiot,
21:05 mais c'est vraiment, c'est trop tard.
21:07 Voilà, et donc ils auraient dû...
21:08 - Alors que le reste utile, c'est les trotards.
21:10 - Rien, mais c'est foutu.
21:12 C'est comme le Parti socialiste, c'est mort.
21:13 - Donc, autrement dit, l'affrontement est inévitable
21:15 entre d'un côté la Macronie et de l'autre côté le RN.
21:17 - Mais bien sûr, c'est une évidence.
21:18 - Donc les LR vont se casser en deux ?
21:20 - Mais bien sûr, mais c'est déjà le cas.
21:21 C'est la même chose pour le Parti socialiste.
21:23 Le Parti socialiste se casse en deux
21:25 entre Macron d'un côté et la LFI, la NUPES de l'autre.
21:29 - Et vous parlez de Paris-Luxembourg ?
21:30 - Pardon ?
21:30 - Paris-Luxembourg est à 15 %.
21:32 - Oui, mais pourquoi il est à 15 %,
21:35 parce qu'il récupère...
21:36 Vous avez noté quand même que l'écologie s'est effondrée.
21:40 Bon, et donc il récupère une partie des écologistes
21:42 qui sont pas totalement barjots.
21:44 Il en reste encore quelques-uns.
21:45 Et puis une partie de la social-démocratie,
21:48 du socialisme traditionnel
21:50 que représentaient des gens comme Cazeneuve ou comme Delga.
21:53 Donc c'est pas très compliqué à comprendre.
21:54 Mais néanmoins, la droite,
21:57 elle est comme une feuille de papier à cigarette
21:59 entre d'un côté ceux qui vont aller vers Marine Le Pen
22:02 et ceux qui vont aller vers Édouard Philippe,
22:04 si c'est lui le candidat.
22:05 C'est ça qui se passe aujourd'hui.
22:05 - Luc Ferry est l'invité du Grand Rendez-Vous ce dimanche.
22:07 On se retrouve dans un instant sur nos deux antennes.
22:09 À tout de suite.
22:11 Retour sur le plateau du Grand Rendez-Vous européen.
22:13 CNews en partenariat avec Les Echos.
22:15 Notre invité, le philosophe et ancien ministre Luc Ferry
22:18 qui vient de publier "La frénésie du bonheur" à l'édition.
22:20 L'observatoire, on est, je le disais,
22:23 à une semaine du scrutin européen.
22:26 Beaucoup de questions et on les a énumérées.
22:28 Il y a une question évidemment qui est la question de l'insécurité.
22:31 La sécurité en Europe, au-delà des frontières.
22:34 La question aussi du flux migratoire et des frontières Schengen.
22:38 Beaucoup de candidats proposent des choses assez différentes.
22:42 Notre sondage hebdomadaire CSA pour Europe 1 CNews et JDD
22:45 montre que 68% des Français pensent qu'il existe un lien
22:49 entre l'insécurité et l'immigration en France.
22:53 Est-ce que vous êtes dans les 68% ?
22:54 C'est une évidence.
22:55 Et mettez-vous à la place des gens qui arrivent chez nous
22:57 et qui viennent du tiers-tiers-monde, du quart-monde.
23:00 Qu'est-ce que vous voulez qu'ils fassent ?
23:01 Ils viennent chez nous parce que des saloperies de passeurs
23:04 leur ont donné l'idée que c'était l'âge d'or qu'ils allaient trouver,
23:08 que c'était un pays de cocagne.
23:09 Ils trouvent évidemment la situation qui est la nôtre,
23:13 à savoir un chômage très élevé.
23:15 Quoiqu'en dise le président Macron,
23:16 on est à 2, 3, 4 points de plus que l'Allemagne
23:20 en termes de chômage aujourd'hui.
23:21 Et donc, ils trouvent un chômage.
23:23 Qu'est-ce que vous voulez qu'ils fassent, ces gens-là ?
23:24 Comment voulez-vous qu'au bout d'un certain temps,
23:26 ils viennent avec leur famille ?
23:28 Ils ne sombrent pas quasi inévitablement dans la délinquance
23:32 parce qu'il faut bien vivre.
23:33 Moi, je serais à leur place, je ne sais pas,
23:34 je serais Syrien ou j'y viendrais d'Afrique
23:37 et j'arriverais avec trois enfants.
23:38 Qu'est-ce que vous voulez que je fasse ?
23:39 Et je ne trouve pas de travail.
23:41 Donc, il y a un moment où il faut absolument arrêter l'immigration.
23:43 Je vous signale tout à l'heure...
23:45 - Et comment vous faites pour arrêter l'immigration ?
23:46 Vous vous fermez comme le propose Jordan Bardella ?
23:49 - Je vous propose deux choses.
23:51 D'abord, je pense qu'ils ont recruté quelqu'un
23:53 qui sait de quoi il parle, le troisième sur la liste.
23:55 - Ah oui, c'est Jerry, le ancien patron de Frontex.
23:57 - Moi, je propose simplement deux choses.
23:59 93 % des OQTF ne sont pas appliqués.
24:02 C'est un scandale, c'est immonde.
24:04 Ça rend les Français cinglés.
24:05 C'est pour ça qu'ils votent pour Marine Le Pen.
24:07 Ils ont raison de dire que ce n'est pas normal.
24:10 Et deuxièmement, il y a un détournement constant du droit d'asile.
24:14 Donc, ça veut dire quoi ?
24:15 Il faut tordre le bras au pays d'origine.
24:18 Et on a les moyens de le faire.
24:20 C'était dans le programme de Xavier Bertrand.
24:21 Il avait tout à fait raison.
24:22 Il ne s'est pas du tout un fasciste.
24:24 C'est ce que fait d'ailleurs le Danemark, Social Democracy.
24:28 - Qui a eu droit à des dérogations dès le début de son entrée dans l'Union.
24:31 - Mais bien sûr, il faut qu'on obtienne ces dérogations, nous aussi.
24:34 Il faut appliquer...
24:36 Quand un Français pas du tout raciste apprend qu'un OQTF a assassiné quelqu'un,
24:41 a égorgé un prof, il dit "mais ce n'est pas possible".
24:44 S'il n'avait pas été là, mais...
24:45 - Mais vous entendez, lorsqu'on entend votre discours de quelqu'un qui reprend ça,
24:49 une partie du système médiatique va dire "c'est du racisme"
24:52 que de mentionner qu'elle a figure le criminel.
24:54 - C'est le contraire.
24:55 Je viens de vous expliquer exactement l'inverse.
24:58 Je viens de vous expliquer exactement le contraire,
24:59 puisque le départ de mon analyse, c'est que si j'étais à leur place,
25:02 je ferais la même chose.
25:03 Je veux dire les gens qui viennent chez nous.
25:05 Donc c'est le contraire du racisme, ce que je viens de dire.
25:07 Je comprends parfaitement que des gens qui viennent chez nous,
25:11 qui ne trouvent pas de travail,
25:12 tombent dans la délinquance parce qu'il faut bien vivre.
25:14 Donc ce n'est pas ça que je dis.
25:15 Je dis qu'il faut stopper l'immigration.
25:17 Vous disiez tout à l'heure que le pouvoir d'achat était en tête.
25:20 Maintenant, depuis cette semaine, l'immigration est passée juste devant.
25:25 Et donc je pense que les Français veulent qu'on renvoie les OQTF chez eux,
25:28 les obligations de quitter le territoire français,
25:31 et qu'on applique vraiment, de manière honnête, le droit d'asile.
25:35 Et donc je pense que là-dessus, on a un boulevard devant nous.
25:39 Et ce qui est quand même dingue,
25:40 c'est que toute la gauche a taxé ce que je dis là de racisme.
25:43 Et une partie du centre aussi.
25:45 Oui, mais ils ne sont pas mieux.
25:47 Oui, mais le centre n'est ni de gauche ni de gauche, disait Mitterrand.
25:49 Oui, non, il disait mieux que ça.
25:51 Quand on lui avait demandé...
25:52 Oui, mais il disait mieux que ça.
25:53 Je n'ai pas dit qu'il ne disait pas ça, il disait mieux que ça.
25:55 Quand un journaliste, je crois que c'était du Hamel,
25:57 je ne me souviens plus, lui avait demandé,
25:58 "Monsieur le Président, où est le centre ?"
26:01 Il avait répondu, "Au fond du couloir à droite."
26:02 [Rires]
26:04 Nicolas Marais, question sur l'économie.
26:06 Vous évoquez la situation économique du pays, Luc Ferry.
26:09 Elle est catastrophique, oui.
26:10 La dette de la France vient d'être dégradée par l'agence Standard & Poor's.
26:14 Mais quand on prend un peu de recul,
26:15 est-ce qu'au fond, finalement, toute la classe politique
26:18 n'est pas un peu coupable de cette situation
26:20 pour ne pas avoir traité ce sujet sérieusement depuis des décennies ?
26:23 Non, non, pardon, c'est non seulement faux,
26:26 mais c'est un mensonge qui circule partout.
26:28 Raffarin, quand j'étais au gouvernement,
26:30 d'abord, la dette de la France était à 60% du PIB.
26:33 Elle est à 115 ou 110, 112.
26:36 Elle était à 60%, donc c'était quand même moins grave.
26:38 L'obsession de Jean-Pierre Raffarin,
26:41 c'était la réduction du nombre de fonctionnaires,
26:44 c'était la réduction de la dette, la réduction des déficits publics.
26:47 C'est pour ça que nous avons passé les TOS,
26:49 les techniciens ouviéturats,
26:51 c'était quand même pratiquement 130 000 ouvriers,
26:54 à la territoriale. Souvenez-vous de ça.
26:57 Et après, mon ami Thierry Breton a continué à faire un travail remarquable
27:01 entre 2005 et 2007, remarquable.
27:03 On a eu une diminution... -2007, mais depuis ?
27:05 -Mais depuis, oui, mais là... -On va faire presque 20 ans ?
27:08 -Ah non, alors, ce qu'a toujours dit d'ailleurs Thierry Breton,
27:11 c'est que Nicolas Sarkozy lui a mis un coup d'arrêt
27:13 à ce travail que nous avions fait,
27:15 et il a été le président le plus dépensier qu'il soit,
27:19 jusqu'à Macron, qui est encore plus dépensier que Nicolas Sarkozy.
27:23 Soyons clairs, pendant la pandémie, il fallait aider les entreprises.
27:27 Il fallait absolument les aider.
27:28 Donc les PGE, tout ça a été très utile,
27:30 bien sûr, le quoi qu'il en coûte.
27:32 Mais il fallait en profiter pour réduire massivement
27:36 le nombre de fonctionnaires,
27:37 en ne faisant pas des renouvellements de départ à la retraite,
27:40 ce qui ne flingue personne, ne fait de mal à personne.
27:43 Et quand vous ne renouvelez pas des départs à la retraite,
27:45 ce ne sont pas des personnes qui vont envahir le marché du travail.
27:47 Macron n'a pas eu le courage, Bruno Le Maire n'a pas eu le courage de faire ça.
27:51 -Mais la gauche dit, si on enlève les fonctionnaires,
27:54 c'est les fonctionnaires dans les hôpitaux,
27:55 dans les services publics de première nécessité.
27:58 Et dans ce cas-là, on se retrouve...
28:00 -Non, non, non, excusez-moi, je connais l'argument.
28:02 Bien sûr, vous avez tout à fait raison.
28:03 -Vous savez bien que je ne parle pas de moi, je vous le livre.
28:05 Parce que c'est celui de...
28:06 -Vous avez tout à fait raison de poser la question.
28:08 Mais c'est évidemment faux.
28:10 Je vous donne un exemple que j'ai souvent pris.
28:11 Si j'étais resté six mois de plus, au ministère, c'était fait.
28:14 On a une administration en département qui gère les collèges.
28:18 On a la même administration qui, en région, gère les lycées.
28:21 Vous fondez les deux administrations,
28:23 vous économisez 150 000 postes de fonctionnaires,
28:26 on ne renouvelle pas des départements.
28:28 Et ça marche bien mieux.
28:29 C'est bien plus efficace.
28:30 -Vous noterez cela, la critique de la surcharge bureaucratique.
28:32 La critique de la surcharge bureaucratique en France,
28:35 de 40 ans, 50 ans, 60 ans,
28:37 et la tendance, politiquement,
28:39 on n'a jamais connu cette inversion du poids de la bureaucratie.
28:41 -Si, on a connu cette inversion précisément entre 2004 et 2009.
28:45 -On va dire qu'on a ralenti la croissance.
28:46 -Non, non, non, non.
28:48 Avec nous, politique, on a mis...
28:51 -C'est la même chose.
28:52 Pierre Moscou, qui est aujourd'hui le patron des cours des comptes,
28:54 dit, vous le souvenez, sous le gouvernement Jospa,
28:57 on avait eu le budget le plus faible et le défi le plus faible.
29:00 -Ce n'est pas le problème.
29:01 Le problème, c'est de savoir où est la vérité.
29:02 Ce n'est pas ce que racontent les politiques.
29:04 On s'en fout de ce qu'ils disent.
29:05 Le problème, c'est la vérité.
29:07 Donc, la décentralisation, c'est nous qui l'avons faite.
29:11 Les tausses, elles sont passées à la territoriale.
29:13 Souvenez-vous, quand j'étais ministre,
29:14 c'était le leitmotiv de la gauche.
29:17 Il est en train de privatiser l'éducation nationale.
29:19 J'ai entendu ça des dizaines de milliers de fois dans la rue.
29:23 D'abord, pour privatiser l'éducation nationale,
29:24 il faudrait qu'il y ait quelqu'un qui veuille l'acheter.
29:26 Donc déjà, c'était assez comique.
29:28 Mais tout ça parce qu'on passait des personnels
29:31 de la fonction publique d'État à la fonction publique territoriale.
29:33 Mais c'était toujours de la fonction publique.
29:36 Mais néanmoins, ça permettait de faire des économies considérables.
29:39 -Vous voyez donc bien qu'il y a des résistances partout contre ces économies.
29:42 -Bien sûr.
29:42 -Quand le gouvernement propose 20 milliards d'économies cette année,
29:46 toutes les oppositions sont contre ?
29:48 -Non, non, pas la droite.
29:49 Mais d'ailleurs, moi, c'est pour ça que je vais vous dire quelque chose.
29:52 Ce qui me gêne dans le programme de Marine Le Pen, c'est ça.
29:56 C'est que son programme, il est très dépensier aussi.
30:01 Et sur le plan budgétaire, pourquoi c'est une catastrophe la dette ?
30:05 Parce que les gens ne comprennent pas, comme on voit,
30:06 les Français comprennent ça, c'est très abstrait.
30:09 C'est une catastrophe pour deux raisons.
30:11 C'est une catastrophe parce que quand vous êtes endetté,
30:13 la Com' remplace l'action politique.
30:16 Parce que comme on n'a plus les moyens d'agir, on fait de la Com'.
30:19 Macron ne fait que de la Com'.
30:20 Il va faire des commémorations.
30:21 Il n'en fait pas 26 commémorations.
30:23 Quand Sarkozy en a fait cinq et Hollande trois ou quelque chose comme ça.
30:27 Je ne veux pas être méchant, mais un ancien ministre qui me disait
30:30 mais il n'a plus besoin de gouvernement.
30:31 Il lui faut une maquilleuse et un éclairagiste.
30:33 Il va nous faire encore des manifestations sur la guerre,
30:36 sur le débarquement.
30:40 Mais on s'en fiche.
30:40 Ce n'est pas ça qu'on attend d'un président de la République.
30:42 On n'attend pas qu'il parle, qu'il parle, qu'il parle.
30:44 On veut qu'il agisse.
30:45 Mais quand vous n'avez plus, quand la dette est à 3 000 milliards d'euros
30:49 un passé, et que l'étau d'intérêt remonte, vous ne pouvez plus rien faire.
30:52 Mais à part David Lyssenaar, qui parle comme vous dans la classe politique?
30:55 Écoutez, c'est pour ça que je voterai pour David Lyssenaar.
30:58 Voilà ce que je vous dis.
31:00 Mais Xavier Bertrand dit la même chose.
31:01 Il y a quelques personnes à droite qui disent la même chose.
31:04 Mais droite républicaine, voilà.
31:06 Et ce qui m'inquiète encore...
31:07 Quand vous dites droite républicaine, qui n'est pas républicain à droite?
31:10 Non, non, je parle des LR, c'est leur nom.
31:12 D'accord, les LR, pardon.
31:13 Oui, mais c'est pour ça que j'appelle...
31:15 D'ailleurs, j'étais contre cet intitulé, que je trouve qu'il est une imitation
31:17 des États-Unis, qui est fâcheuse.
31:19 C'est Nicolas Sarkozy.
31:19 Vous parlez d'éclairagiste.
31:21 En attendant, celui qui fait la com' c'est Bruno Le Maire, qui encore hier,
31:24 devant les chiffres qu'on lui présente, dit mais...
31:28 Et devant l'abaissement de la notation par Standard & Poor's, dit
31:31 "j'ai sauvé l'économie française".
31:34 Non, mais c'est honteux de dire ça.
31:36 C'est honteux, c'est une honte, c'est un énorme mensonge.
31:39 Donc, il fallait, encore une fois, j'y reviens, soutenir les entreprises
31:43 pendant la pandémie, bien sûr.
31:44 Mais il fallait faire ce que je vous disais en même temps.
31:50 On va arriver à 6 millions de fonctionnaires.
31:52 Et pendant le mandat de Bruno Le Maire, si je puis dire,
31:57 on a augmenté le nombre de fonctionnaires de plusieurs centaines de milliers.
32:01 Il se fout du monde, pardon, excusez-moi, c'est une blague.
32:03 On n'a pas le droit de mentir comme ça.
32:05 C'est honteux.
32:06 Non, pas des centaines de milliers.
32:06 Et donc, il est soutenu l'économie très bien, mais pas la dette.
32:10 Alors, qu'est-ce qui se passe quand la dette augmente ?
32:12 Je vous disais, la com' remplace la politique.
32:15 Et deuxièmement, on s'occupe du sociétal.
32:18 Alors l'euthanasie, l'avortement, la guerre.
32:21 La guerre, c'est pas le sociétal, mais s'il n'y a pas de syndicat anti-guerre.
32:24 Et donc, on s'occupe de la com' et on ne fait pas de la vraie politique.
32:27 Et par ailleurs, on passe pour des clowns auprès des Allemands.
32:31 Ce n'est pas une bonne chose.
32:31 Ce serait quoi de la vraie politique ?
32:34 Réponse de Luc Ferry juste après la pause.
32:35 Immigration, pouvoir d'achat, école.
32:37 Non, attendez, on va garder les deux auditeurs et les deux spectateurs.
32:42 Je vais vous apprendre les règles du teasing.
32:44 Oui, pardon, pardon.
32:45 Juste après la pause.
32:46 A tout de suite avec Ferry.
32:47 Je suis passionné.
32:48 Luc Ferry, le philosophe et ancien ministre, est notre invité.
32:56 La frénésie du bonheur, c'est votre dernier livre.
32:58 Parlons de ce livre.
32:59 Frénésie du bonheur, contre laquelle vous mettez en garde,
33:03 comme la pomme dans le jardin d'Éden.
33:05 Les réseaux sociaux, le métaverse, l'intelligence artificielle
33:08 et qui sait, demain, le quantique,
33:09 sont des facilités vers lesquelles les individus pourraient se tourner.
33:13 Pourquoi ? Par précaution, par envie, par désir, par mégarde ?
33:17 Non, si vous comprenez, je vous disais tout à l'heure
33:21 que les deux grandes religions, communisme et christianisme,
33:23 s'étaient littéralement effondrées en Europe.
33:26 Je vous citais les chiffres, 45 000.
33:27 Du coup, on cherche une nouvelle religion.
33:28 Non, ce n'est pas seulement ça.
33:30 Ce n'est pas seulement ça.
33:31 C'était des religions, si je puis dire, de la deuxième vie.
33:35 Le bonheur, c'était après.
33:37 Après, après.
33:38 Après la Révolution, après la mort.
33:40 Le vrai bonheur pour un croyant,
33:41 c'est quand même après la mort, dans la lumière de Dieu.
33:43 Dans la vie, il faut travailler, il faut souffrir.
33:45 Réfléchissez à ça.
33:46 Si vous n'avez plus qu'une seule vie,
33:48 c'est ici et maintenant qu'il s'agit d'être heureux.
33:51 Après, il n'y a plus d'après à Saint-Germain-des-Prés.
33:53 Nous étions le troisième petit cochon, on est devenu le premier.
33:56 Le troisième petit cochon, c'est celui qui travaille d'abord,
33:59 il s'amuse après.
34:00 Le premier, c'est celui qui veut s'amuser tout de suite.
34:03 D'où le fait qu'il construit une maison en paille.
34:05 Et du coup, ça explique le "big quit", le "quiet quit",
34:08 la démission tranquille.
34:09 47% des Français disent pratiquer la démission tranquille,
34:13 c'est-à-dire je garde mon job parce que j'ai besoin du salaire
34:16 à la fin du mois, mais j'en fais le moins possible
34:19 parce que ça m'embête.
34:20 Je n'ai pas de grossier.
34:22 Et donc, on a vécu...
34:23 50 millions d'Américains ont quitté leur job.
34:25 C'est incroyable. Pendant la pandémie.
34:26 Parce qu'ils se sont dit, mais si...
34:28 Pardon, il y a un site qui s'appelle VDM.
34:29 Je vais être grossier, j'y peux rien.
34:30 Ça s'appelle "Vie de merde".
34:31 Si j'ai une vie de merde,
34:33 c'est pas la peine, je vais pas perdre ma vie pour la gagner.
34:36 Il manque aujourd'hui 200 000 personnes
34:39 dans l'hôtellerie et la restauration.
34:40 Pourquoi ? Parce que ce sont des métiers très difficiles,
34:43 pas forcément formidablement bien payés
34:44 ni formidablement bien reconnus dans la société.
34:47 Et donc, vous avez un phénomène massif
34:49 qui s'est passé pendant la pandémie.
34:51 C'est que les gens se sont mis à réfléchir
34:53 au sens de leur vie, question philosophique.
34:55 Ils se sont dit, mais je suis en train de perdre ma vie
34:57 pour la gagner.
34:58 Parce que si je n'ai qu'une seule vie,
35:00 c'est ici et maintenant.
35:01 Mais il y a toujours eu des gens qui n'étaient pas croyants,
35:03 qui ne croyaient pas au-delà.
35:04 Non, non, non.
35:05 Vous n'êtes pas croyant ?
35:06 Non, non. En 1950, 95 % des Français étaient baptisés.
35:10 Ça veut dire les communistes aussi.
35:11 On sait jamais.
35:12 Ah bah en Pologne, il y en a eu des communistes baptisés,
35:15 je peux vous le dire.
35:16 Vous avez trouvé une cible quand même.
35:17 Donc vous voyez, ça, c'est le point de départ de mon livre.
35:19 Et après, j'analyse comment la psychologie positive,
35:21 les marchands de bonheur en 15 leçons
35:23 ont vendu le bonheur ici et maintenant.
35:25 Fabrice Midal, par exemple.
35:26 Ah bah c'est terrifiant.
35:28 Fabrice Midal, il écrit un livre,
35:29 "Devenez narcissique et sauvez votre peau".
35:31 Et alors, le livre commence par cette phrase qui est incroyable.
35:34 Je suis hypernazique, pardon.
35:35 Je ne change pas une virgule.
35:38 Je suis génial, absolument génial.
35:40 Et j'ai tous les jours l'occasion de m'en apercevoir.
35:43 Et ce n'est pas une fausse pudeur qui va m'empêcher de vous le dire.
35:46 Attends, ça m'arrive de penser ça, mais je ne l'écris pas.
35:49 Non, mais vous présentez donc une forme de prévisible du bonheur,
35:52 mais est-ce qu'on pourrait aussi voir une forme de fuite, autrement dit ?
35:54 L'Occidental moyen ne veut plus être contemporain de sa propre vie.
35:58 Donc, il veut rester chez lui, virtualiser,
36:00 fuir un jour dans le métaverse et fuir l'existence.
36:02 Et quand les métaverses vont exister,
36:04 puisque c'est un héritage, pardon pour l'anglicisme et du gaming,
36:06 je sais qu'au Québec, on n'aime pas ça, mais des jeux vidéo,
36:09 mais c'est très puissant.
36:10 Le métaverse finira par marcher parce que avec les lunettes Oculus en 3D,
36:15 vous serez en immersion complète dedans et vous êtes vieux et moches.
36:18 Vous pourrez être jeune et beau.
36:19 Vous êtes un homme, vous pourrez être une femme.
36:20 Vous êtes noir, vous pourrez être blanc ou le contraire.
36:22 Et donc, vous pourrez vous construire une vie extraordinaire.
36:25 Et ce sera pire qu'un shoot de cocaïne.
36:28 Ce sera une drogue.
36:29 Voilà, c'est ça que j'analyse.
36:31 C'est très dangereux.
36:32 Moi, je ne suis pas du tout comme mon ami Onfray ou comme Finkielkraut,
36:34 un autre de mes amis, je ne suis pas du tout décadentiste.
36:37 Je pense que...
36:38 Vous savez pourquoi ?
36:39 Parce que mon père s'est évadé quatre fois des camps nazis.
36:41 Et donc, je pense que le monde va quand même mieux aujourd'hui.
36:44 Maintenant que Hitler est mort, que Staline est mort,
36:47 que Franco est mort, que Mussolini est mort, etc.
36:51 Donc, je pense que ça va quand même mieux aujourd'hui.
36:52 Mais néanmoins, ça, cette frénésie du bonheur m'inquiète énormément.
36:56 Ça va encore un peu mieux, sauf que vous parlez quand même
36:59 du capitalisme mondialisé qui encourage l'hyperconsommation.
37:03 Et on a l'impression que vous devenez presque anticapitaliste.
37:06 Non, non, non, non, je suis un libéral.
37:09 Simplement, je suis comme Victor Hugo.
37:10 Victor Hugo, il y a un texte qui est magnifique de Victor Hugo.
37:13 Il est génial, Victor Hugo.
37:15 Je vais vous le citer, là encore, je suis hypermésique, pardon.
37:17 Politique, deux problèmes.
37:19 Premier problème, produire la richesse.
37:21 Deuxième problème, la répartir.
37:23 L'Angleterre résout admirablement le premier problème,
37:26 très mal le second.
37:27 Le communisme prétend résoudre le premier problème,
37:30 mais c'est le partage du boucher qui tue ce qu'il veut partager.
37:36 Il tue l'économie.
37:37 Tout est dit.
37:38 Moi, je suis totalement libéral, donc pro-capitaliste en économie,
37:42 parce que je pense que pour partager la richesse,
37:44 il faut d'abord la produire.
37:46 Mais après, je suis social-démocrate.
37:47 Moi, je suis un gaulliste de toujours,
37:48 mais j'aimais bien Michel Recard.
37:50 Voilà, tout est dit.
37:51 Quand on parle des modes de vie,
37:53 je parlais de l'humain, de l'individu face à la société.
37:56 Dans mon introduction, c'est le fil rouge de la frénésie du bonheur.
37:59 Vous citez Fabrice Midal et vous dites,
38:01 bon, il dit en gros, soyons narcissiques et tout ira bien.
38:03 On vient d'en parler.
38:05 En même temps, pardonnez-moi, mais il y a quand même plusieurs narcissiques
38:07 qui ont été des chefs d'État, des chefs de guerre.
38:11 Et on se demande d'ailleurs si
38:15 les derniers présidents de la République n'avaient pas une forme de narcissisme.
38:20 Immense, bien sûr.
38:21 Il faut être d'ailleurs, pour arriver là-haut,
38:22 il faut être d'un narcissisme délirant.
38:24 Donc le narcissisme est positif.
38:26 Mais non, vous trouvez ça positif ?
38:27 Moi, je ne trouve pas que ça ait été formidable.
38:29 Vous dites que c'est une imposture intellectuelle.
38:30 Non, non, ce n'est pas ça.
38:31 Je trouve que les trois derniers présidents ont été...
38:33 Pardon, je ne pense pas qu'ils ont été des grands présidents.
38:36 Pour moi, les grands présidents...
38:36 Vous prenez l'actuel aussi ?
38:37 Pardon ?
38:38 Quand vous dites les trois derniers, vous prenez l'actuel aussi ?
38:41 Évidemment, oui.
38:42 Encore plus.
38:43 Et je pense que le narcissisme, justement,
38:45 c'est aussi l'envie d'être aimé.
38:48 Je pense qu'un grand président, c'est quelqu'un qui a le courage
38:50 de faire des réformes qui ne sont pas aimables.
38:53 Je pense que Raymond Barre, voilà, il n'a pas été président.
38:56 Mais je pense que, voilà, si j'admire des gens à gauche,
38:59 c'est Emmanuel Valls, par exemple, ou c'est Chevenement pour l'école.
39:02 Ce sont des gens qui ont eu le courage d'être à contre-courant.
39:05 Mais si vous êtes narcissique, si vous voulez à tout prix être aimé,
39:08 comme c'est le cas de nos derniers présidents,
39:10 eh bien, vous ne pouvez pas faire des réformes qui soient non populaires.
39:14 Mais quelquefois, on a besoin de faire des réformes qui ne sont pas populaires.
39:17 Et moi, je n'étais vraiment pas mitterrandien.
39:19 Mais je trouve que s'il a fait une chose qui était grande avec Badinter,
39:23 c'est la suppression de la peine de mort,
39:25 parce que 75 % des Français étaient contre.
39:27 Là, vous avez du courage politique.
39:29 Et Dieu sait que je ne suis pas mitterrandien.
39:31 Aujourd'hui, où est le courage politique, mon ami ?
39:32 Donc le courage grandit.
39:33 Mais évidemment.
39:34 Et en plus, le courage permet de faire des choses qui sont bonnes pour le pays.
39:39 C'est de ça qu'on a besoin.
39:40 Quand Bruno Lemaire dit qu'il a sauvé l'économie
39:42 alors qu'il l'a fait plonger comme jamais...
39:44 J'ai regardé les chiffres ce matin.
39:46 7,4 % de chômage en France contre 3,2 % en Allemagne.
39:49 Formidable !
39:50 - Mais quand il fait la réforme des retraites et que personne n'en veut,
39:52 ça réclame du courage quand même.
39:53 - Mais elle est toute petite, la réforme des retraites.
39:55 Elle est minimaliste.
39:56 Attendez, moi, j'ai fait celle de 2003.
39:58 Excusez-moi.
39:59 - Néanmoins, plein de gens n'en voulaient pas.
40:00 - Excusez-moi, j'ai fait celle de 2003.
40:02 C'était autre chose.
40:03 Voilà, avec Fillon.
40:04 J'ai fait celle de 2003 qui consistait à passer les fonctionnaires
40:07 de 37 ans et demi à 40 ans, puis 42 ans.
40:10 Je peux vous dire, il y avait 60 % de grévistes dans l'éducation nationale.
40:14 Ça, pardon, je ne vais pas me mettre en avant,
40:16 mais ça, c'est le courage.
40:17 - Alors, je reviens sur le thème de votre ouvrage.
40:19 La frénésie du bonheur, mais de l'autre côté,
40:21 c'est une existence qui se consomme de moins en moins à froid.
40:23 Donc, les médicaments, les pilules, les drogues,
40:28 la virtualisation de l'existence.
40:29 Donc, c'est un bonheur finalement qui fait penser un peu à un bonheur à la Hoxley.
40:33 - Oui, tout à fait.
40:34 Et c'est d'ailleurs pour ça que le thème de mon livre,
40:36 moi, je cite beaucoup Sir Emmanuel,
40:38 qui était ma meilleure amie dans cette génération, évidemment,
40:40 que j'aimais vraiment et que c'était réciproque.
40:44 Et donc, Sir Emmanuel avait écrit un livre qui s'appelait
40:46 "Le paradis, c'est les autres".
40:47 Je pense que si vous ne vous intéressez qu'à votre nombril,
40:50 le paradoxe, c'est que cette quête du bonheur nombriliste et narcissique,
40:53 vous le citiez, ça rend malheureux, évidemment.
40:55 En fait, dès que vous n'avez pas une grande cause supérieure à vous,
40:59 que ce soit une cause humaine, les autres,
41:01 comme par exemple un humanitaire, un kouchner,
41:04 si vous n'avez pas une grande cause extérieure à vous,
41:06 si vous n'avez que votre nombril et on vous dit en 15 leçons
41:10 "vous êtes heureux parce qu'il faut s'occuper que de vous-même
41:12 et que de votre nombril",
41:13 en fait, la vérité, c'est que ça se renverse en son contraire.
41:16 C'est une dialectique au sens hégélien.
41:18 On devient malheureux quand on n'a que soi à s'occuper,
41:21 si je puis dire. Pardon, ce n'est pas du beau français.
41:23 Mais donc, je pense que...
41:24 Et d'ailleurs, je cite des enquêtes d'opinion qui montrent
41:26 que la quête frénétique du bonheur
41:28 rend systématiquement les gens malheureux.
41:32 Et les sociétés médiocres ?
41:33 Allez-y, expliquez-moi.
41:36 Non, non, non, ça rend malheureux,
41:37 mais par ailleurs, une société qui est centrée
41:39 sur l'individu auto-centré,
41:41 ça fabrique une société médiocre, finalement ?
41:42 Oui, bien sûr, bien sûr.
41:43 Et donc, c'est pour ça qu'on a besoin aujourd'hui de grandes causes.
41:46 Et moi, tout le thème de mon livre, c'est à la fin du livre,
41:49 c'est de dire voilà, en 68, quand j'étais gamin,
41:53 qu'est-ce qu'il y avait comme grande cause politique ?
41:55 Revenons à ça.
41:56 À droite, c'était la nation, à gauche, c'était la révolution.
41:59 Tous mes amis étaient révolutionnaires.
42:00 André Comtes-Ponville était communiste,
42:02 mes meilleurs amis, Finkelkraut, Bruckner,
42:05 tous ces gens-là étaient 68 ans révolutionnaires.
42:07 Et à droite, c'était la nation, la nation, la nation.
42:09 Le journal des Gaullistes s'appelait La Nation,
42:11 était dirigé par Pierre Charpy, si vous vous souvenez,
42:13 qui était un type très bien, d'ailleurs.
42:15 Aujourd'hui, moi, ce que je dis,
42:17 c'est qu'on a vécu la révolution de l'amour,
42:19 c'est-à-dire l'invention de la famille moderne,
42:20 l'invention du mariage d'amour.
42:22 Et je pense que la grande cause politique,
42:24 elle n'est pas personnelle, c'est quel monde, nous, les adultes,
42:27 nous allons prendre la responsabilité
42:29 de laisser à nos enfants, nos enfants, ce n'est pas les miens,
42:31 c'est l'humanité qui vient.
42:33 C'est la question de la dette, est-ce qu'on va leur laisser une arme ?
42:35 C'est la question de la guerre avec l'islamisme.
42:37 C'est la question de la mondialisation.
42:39 C'est la question de la protection sociale.
42:40 C'est la question de l'écologie. C'est la question de l'école.
42:42 Toutes les grandes questions, pour moi,
42:44 elles se posent par rapport à mes filles.
42:46 Mais mes filles, ce n'est pas juste mes filles, je ne suis pas cinglé.
42:48 Même si, évidemment, je les aime mieux que les vôtres,
42:50 mais c'est les miennes.
42:51 C'est patif, vous, c'est des gars.
42:53 C'est pareil.
42:54 Il y a des différences que je connais aussi.
42:56 Mais voilà, c'est nos enfants.
42:58 C'est l'humanité qui vient.
43:00 Et c'est le seul point sur lequel les écologistes ont touché juste, en vérité.
43:04 Cela dit, vous dites...
43:05 Les générations futures.
43:06 Vous dites qu'il ne faut pas parler de déconstruction, mais de reconstruction.
43:10 Bien sûr.
43:11 Mais si je n'avais pas une grande cause dans la tête,
43:14 si je n'avais pas quelque chose de supérieur à moi,
43:16 bien évidemment qu'on est tous narcissiques,
43:18 évidemment qu'on est des animaux, donc on pense d'abord à sa survie,
43:21 à persévérer dans son être, comme dit Spinoza.
43:24 Mais si on n'a pas quelque chose de supérieur à soi comme cause dans la vie,
43:28 on est malheureux, on est mort, on ne vaut rien.
43:30 Merci beaucoup Luc Ferry d'avoir été au Grand Rendez-Vous Europe 1C News,
43:34 la frénésie du bonheur, chez l'Observatoire.
43:37 Très bonne journée sur nos deux antennes.
43:39 Un grand merci à vous.

Recommandée