• il y a 10 mois
Luc Ferry, philosophe, ancien ministre de l'éducation nationale et auteur de La Frénésie du bonheur, était l’invité de #LaGrandeInterview de Sonia Mabrouk dans #LaMatinale sur CNEWS, en partenariat avec Europe 1.

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Transcription
00:00 Et place donc à la grande interview sur CNews et Europe 1.
00:03 Bienvenue et bonjour à vous Luc Ferry.
00:05 Bonjour Sonia.
00:05 Vous êtes ancien ministre de l'Education nationale,
00:08 vous êtes philosophe, vous êtes un auteur prolifique.
00:10 Je vais citer l'un de vos derniers ouvrages,
00:12 "La frénésie du bonheur" aux éditions de l'Observatoire.
00:15 On va en parler du bonheur.
00:17 Alors, ce n'était pas vraiment le thème
00:18 lors de ses voeux au français du président de la République et pour cause.
00:21 Mais malgré tout, Luc Ferry, il a promis de rétablir, par exemple,
00:25 l'autorité, le chef de l'État, là où elle manque, le retour de l'autorité.
00:29 Est-ce que c'est une arlésienne ou est-ce que vraiment vous y croyez ?
00:33 Pas un millième de seconde.
00:34 Pourquoi ?
00:35 Il a promis aussi qu'il n'y aurait plus de SDF à la fin de son quinquennat.
00:39 Je n'en ai jamais vu autant à Paris de toute ma vie.
00:42 Non, non, je n'y crois pas un millième de seconde.
00:44 Je pense que la loi immigration, dont on a énormément parlé,
00:48 ne servira à peu près à rien parce que les deux sujets majeurs,
00:52 c'est la non application des OQTF,
00:54 donc des obligations de quitter le territoire français,
00:56 qui ne sont pas appliquées à 93%.
00:59 Vous le savez.
01:00 Et le deuxième sujet majeur, c'est le détournement du droit d'asile.
01:04 Et donc, ce n'est pas une question de loi, c'est une question de courage politique.
01:08 Et puis d'accord avec les pays d'immigration ou d'émigration,
01:12 pour parler plus correctement.
01:15 Donc, je pense que cette loi ne changera rien et que c'est une question de volonté politique.
01:18 Et je n'ai jamais vu que cette volonté politique était présente dans ce gouvernement.
01:22 Luc Ferry, vous parlez de volonté et de courage.
01:25 Où le trouve-t-on aujourd'hui, en tout cas en politique ?
01:27 Par exemple, tout à l'heure sur CNews, il y avait la maire de Romand-sur-Isère.
01:31 Elle est formidable.
01:32 Elle est incroyable, oui.
01:33 Elle a été menacée, rappelons-le, de mort pour avoir dénoncé des zones de non-droit dans sa commune.
01:37 Elle a décrit une France qui ne veut plus se taire, cette fameuse France silencieuse.
01:41 Est-ce que c'est à cette France qu'on fait des promesses et qu'il n'y croit plus beaucoup aujourd'hui ?
01:44 Oui, je la trouve extraordinaire.
01:46 D'abord, elle s'exprime dans un français magnifique.
01:49 Elle parle de manière extrêmement simple et très joliment, très élégamment, avec beaucoup de courage.
01:55 À chaque fois, j'en parlais hier avec ma femme, on était sidérés de voir à quel point...
01:59 Et je le disais, d'ailleurs, on se disait, mais voilà, quelqu'un dont on aimerait qu'il soit ministre,
02:04 qu'il soit au gouvernement ou même qu'il soit Premier ministre.
02:07 On voudrait entendre cette France-là.
02:08 Pourquoi on ne fait pas appel à ces personnes-là, justement ?
02:11 On va parler, parce qu'il y a un remaniement, possiblement, qui se prépare.
02:15 Pourquoi, justement, cette maire Courage, peut-être qu'elle va être appelée ?
02:18 Oui, mais cette France-là n'est pas écoutée.
02:20 C'est ce qu'on a appelé la France périphérique.
02:22 On a appelé la France périphérique ou la France d'en bas, comme disait mon vieil ami Jean-Pierre Raffarin.
02:27 Mais cette France d'en bas, elle n'est pas représentée aujourd'hui.
02:30 Ou si elle est représentée, c'est par le Rassemblement national,
02:34 mais ce n'est même plus par la droite traditionnelle qui est morte aujourd'hui.
02:39 Les LR n'existent plus, ils ont fait 4,7 % à l'Assemblée nationale.
02:43 Malgré leur, quand même, certains disent, plus que leur habileté politique,
02:47 puisqu'ils ont réussi à imposer un texte sur l'immigration,
02:49 dont on verra ce qu'il en restera après les fourches codines du Conseil constitutionnel.
02:52 C'est un texte qui ne sert à rien.
02:53 Et s'ils avaient voulu exister, il fallait tendre le bras d'Emmanuel Macron, si je puis dire,
02:58 et rentrer dans un gouvernement d'union nationale.
03:01 Et c'était la seule chose à faire.
03:02 La seule solution aujourd'hui, Luc Ferry, c'est un gouvernement d'union nationale ?
03:05 Pour les trois ans qui viennent, oui.
03:06 Après, non.
03:07 Mais pour les trois ans qui viennent, évidemment.
03:09 Bien sûr que oui.
03:10 Les LR sont morts, donc le parti pratiquement n'existe plus, on ne les connaît plus.
03:15 Et donc, s'ils avaient accepté, ou en tout cas obligé, d'une certaine manière,
03:20 proposé à Emmanuel Macron de faire un gouvernement d'union nationale, c'était jouable.
03:25 Ça veut dire gouvernement, ça ne veut pas dire chercher des postes,
03:28 ça veut dire construire, comme en Allemagne, un programme.
03:30 Oui, mais pardonnez-moi.
03:31 C'est ce que fait l'Allemagne.
03:32 En quoi ça ne serait pas du débauchage, finalement, un par un, et des ministres,
03:37 des personnes qui n'accepteraient que, finalement, le lustre du peuple ?
03:40 Non, c'est exactement le contraire.
03:41 C'est le contraire.
03:42 Pour l'instant, c'est du débauchage.
03:44 Vous avez Darmanin, vous avez Bruno Le Maire, ils viennent de la droite.
03:47 C'est du pur débauchage.
03:49 Puis vous avez des gens de gauche, et puis vous avez une pâte à molder débauchage.
03:52 Non, ce n'est pas ça.
03:53 Il faut nommer un grand gaulliste à Matignon et une vingtaine de ministres LR,
03:58 ou une trentaine de ministres LR, allons-y carrément,
04:01 plus une dizaine de ministres sociaux-démocrates présentables.
04:04 Et là, vous avez un gouvernement qui représente en gros 40 % des Français.
04:08 Mais je croyais que l'on, en même temps, avait échoué.
04:10 Alors qu'un gouvernement d'union nationale,
04:12 est-ce que ça ne serait pas, en même temps, finissant ?
04:14 Sonia, je me tue à dire depuis six ans que c'est le contraire.
04:16 C'est dingue, les gens ne comprennent pas.
04:19 Vous avez du débauchage, ça consiste à prendre des gens de droite
04:22 et des gens de gauche dans un gouvernement, et les partis restent dehors.
04:25 Donc aujourd'hui, c'est ce qui se passe.
04:26 Vous avez des gens de droite et des gens de gauche dans le gouvernement,
04:29 mais les cinq courants politiques qui ne sont pas des centristes,
04:34 c'est-à-dire les LR, les socialistes, l'extrême droite, l'extrême gauche
04:37 et les écologistes, ne sont pas dans le gouvernement.
04:40 Donc la vérité, c'est que vous faites du débauchage, mais vous restez tout seul.
04:43 Ce gouvernement-là, il ne représente pas 20 % des Français.
04:46 Quand vous ne représentez que 20 % des Français,
04:49 vous courez à poil dans un champ de râteau pour dire les choses élégamment.
04:52 Et c'est exactement ce qui se passe.
04:54 Emmanuel Macron, aujourd'hui, n'a la majorité ni à l'Assemblée, ni dans le peuple.
04:58 Donc la seule solution, c'est de continuer à faire voter des lois,
05:01 sinon, vous dites que c'est le débauchage.
05:02 Il faut récupérer à la fois la majorité à l'Assemblée nationale,
05:06 et la majorité, ou en tout cas, une espèce de majorité,
05:10 ou une approche de majorité dans le peuple.
05:12 - Luc Ferry, pourquoi vous continuez à penser que la dissolution serait une absurdité ?
05:16 - Mais pour Macron, pas pour Marine Le Pen.
05:19 Pour Marine Le Pen, c'est un cadeau.
05:20 Donc c'est pour ça que pour Macron, ce n'est pas jouable.
05:22 - Ce qu'on n'arrive pas à comprendre, c'est pourquoi revenir au peuple
05:25 et devant le peuple serait une absurdité, même si c'est un mauvais calcul pour le président ?
05:28 - Je dis que c'est une absurdité pour Macron.
05:30 - D'accord, c'est un calcul politique.
05:31 - Évidemment.
05:32 Donc si j'étais à la place de Macron, je ne ferais pas la dissolution,
05:36 parce que ça veut dire quoi ?
05:37 Qu'il perdrait la moitié de ses députés,
05:39 et que Marine Le Pen obtiendrait le double des députés actuels.
05:42 Donc en effet, comme calcul politique, ce n'est pas génial.
05:45 Donc la dissolution, oublié.
05:47 Voilà, et c'est lui qui est président de la République,
05:48 ce n'est pas Marine Le Pen, ce n'est pas moi.
05:50 - Mais vous discutez avec des proches du président,
05:51 vous avez discuté tout à l'heure avec Jean-Pierre Raffarin et d'autres,
05:54 et vous vous disent-ils, est-ce qu'il écoute encore le président lui-même ?
05:57 - Non, non, je crois qu'il n'écoute personne, il n'écoute que lui.
06:00 Mais Jean-Pierre Raffarin est totalement d'accord
06:02 avec ce que je suis en train de vous dire sur le gouvernement de l'Union nationale.
06:04 C'est aussi ce que proposait des personnalités éminentes de la gauche,
06:08 comme Hubert Védrine.
06:09 Ça fait des années que Hubert Védrine et moi sommes d'accord là-dessus,
06:13 sur l'idée que dans l'état actuel de la France,
06:15 seul un gouvernement d'Union nationale pourrait avoir un semblant de majorité.
06:18 - Vous savez Luc Ferré, depuis tout à l'heure,
06:19 je suis en train de réfléchir à la personnalité grangoliste que vous avez citée,
06:23 qui pourrait être potentiellement Premier ministrable.
06:25 - Non mais vous ne me faites pas dire de non, ça c'est...
06:27 Non, je sais, je vous connais.
06:28 - Il s'impose, il est évident ? Il s'impose tellement ?
06:31 - Non mais il est...
06:31 - Parce que si j'ai bien compris,
06:32 ce n'est pas quelqu'un dans l'appareil forcément qui tient le haut du sommet des LR.
06:36 - Il faut que ce soit quelqu'un qui représente la famille gaulliste
06:39 et il faut mettre suffisamment, encore une fois,
06:41 de ministres gaullistes et de ministres sociodémocrates
06:44 pour que ce soit un semblant de gouvernement d'Union nationale.
06:48 Voilà, une espèce de cohabitation volontaire.
06:51 Mais si...
06:51 Moi je vous dis les choses très simplement, c'est une question de bon sens.
06:54 Si on n'imite pas le modèle allemand,
06:56 moi si j'étais à la place du président Macron,
06:59 j'aurais mis la proportionnelle d'entrée de jeu.
07:00 - Ah bah oui.
07:01 - Bah évidemment.
07:01 - Oui mais ça, ça n'a pas été fait.
07:03 - Parce que la proportionnelle, c'est très profond la proportionnelle.
07:06 La proportionnelle, ce n'est pas simplement une question électoraliste.
07:09 C'est aussi une culture du compromis, c'est une culture du dialogue.
07:12 Voilà.
07:12 Et le modèle allemand est génial de ce point de vue-là.
07:14 - L'avons-nous en France par rapport au modèle allemand.
07:16 Et puis alors, les problèmes que nous avons, Luc Ferry,
07:18 insécurité, violence, immigration, France fracturée.
07:21 Est-ce que ce cocktail explosif constitue le gros sparadrap énorme d'Emmanuel Macron
07:26 qui ferait que certains de vos gaullistes et sociodémocrates
07:28 ne rentreront pas dans le gouvernement peut-être ?
07:30 - Non, non, non, il rentrerait.
07:31 J'en connais qui rentrerait à pieds joints et dans la seconde.
07:35 Non, non, c'est pas, ça c'est un autre sujet.
07:38 Mais encore une fois, il ne s'agit pas de dealer,
07:40 de déchanger des postes, pardon pour le mauvais français.
07:43 Il s'agit de construire un programme et ça, ça prend du temps.
07:45 Et donc un programme, les...
07:47 - Mais il faut être d'accord.
07:49 Il faut être d'accord pour rétablir l'autorité.
07:51 Il faut être d'accord pour supprimer les zones de non-loi.
07:52 - Emmanuel Macron n'a aucune espèce de conviction, d'aucune sorte.
07:55 Voilà, comme François Hollande.
07:57 Et donc c'est un centriste.
07:58 Par définition, un centriste, c'est prêt à aller à droite ou à gauche.
08:01 Comme disait François Mitterrand quand un journaliste lui avait posé la question
08:05 où est le centre, il a répondu au fond du couloir à droite.
08:07 Voilà. Et donc le centre, il est prêt à s'accorder avec la droite.
08:11 Et donc les LR auraient pu négocier un gouvernement d'union nationale
08:16 en disant voilà, sur la sécurité, on veut ça, sur l'immigration, on veut ça,
08:19 sur l'école, on veut ça et sur la dette publique, c'est le plus important, la dette.
08:24 On va dans le mur en klaxonnant.
08:25 Écoutez des gens comme Nicolas Baverez, comme Agnès Verdier-Molinier
08:28 qui disent la vérité.
08:30 On a une dette qui est faramineuse, on a des taux d'intérêt qui grimpent,
08:33 on a un déficit de la balance commerciale qui est abyssal,
08:36 un déficit des comptes publics qui est abyssal.
08:38 On va dans le mur en klaxonnant.
08:41 Et ça, les gens ne le comprennent pas parce que les questions budgétaires
08:44 sont des questions compliquées que les Français ne connaissent évidemment pas.
08:47 Moi-même, je dois le dire, je les ai découvertes quand j'étais ministre.
08:49 Au niveau de 3 000 milliards, je crois qu'on comprend tous que le fossé est là,
08:52 qu'on a fait un grand pas en avant.
08:54 Non, pardon, excusez-moi.
08:55 Vous pensez qu'on n'est pas conscient de la gravité de la situation ?
08:58 Non, non, non, non, non, non, non, non, non, non, non, non, non, non, non, non, non, non.
09:00 Non seulement ça, mais je pense que c'est l'inverse.
09:02 Moi, j'ai eu cette discussion avec des gens de gauche qui disent "mais non, tu vois bien,
09:04 on avait de l'argent, la preuve qu'on avait de l'argent, on pouvait le sortir
09:06 puisqu'on l'a sorti".
09:08 Donc vous avez toute une partie des Français qui sont keynésiens.
09:11 Peut-être qu'ils pensent que l'argent est mal utilisé, c'était autre chose.
09:15 Peut-être sur CNews, oui, mais dans l'immense majorité de la population française,
09:21 le réflexe est l'inverse, c'est de dire "mais voyez bien, il y avait de l'argent
09:24 puisqu'on a pu le sortir quand il fallait, donc on nous cachait l'argent".
09:28 Et donc les Français sont fondamentalement keynésiens.
09:31 Ce qu'ils aiment, c'est l'argent public, c'est la dépense de l'État.
09:34 Et ils ne voient pas qu'avec des taux d'intérêt qui montent,
09:36 et puis il y a des effets collatéraux qui sont terribles,
09:40 les Allemands nous prennent pour des clowns.
09:42 Pour des clowns ? Nous sommes pris la France et puis il y a quelques semaines,
09:46 ici, le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, venait se féliciter de chiffres.
09:50 Ça vous fait sourire ?
09:52 Oui, ça me fait hurler de rire même.
09:54 C'est très rare qu'un ministre ne vienne pas se féliciter.
09:57 Moi je me souviens d'un ancien Premier ministre qui avait dit que l'État était en faillite.
10:00 Oui, il avait raison. Mais c'est très rare.
10:02 Il arrivait, il disait "il faut faire un certain nombre de choses",
10:05 François Fillon a dit la vérité, et l'État est beaucoup, beaucoup, beaucoup plus en faillite aujourd'hui qu'à l'époque.
10:10 Qui profite de tout cela, Luc Ferry ? Marine Le Pen ?
10:12 Marine Le Pen !
10:13 Et surtout Jordan Bardella dont vous avez vu la percée ?
10:15 Non, pas surtout, Marine Le Pen...
10:17 Je dis "surtout" en termes d'image, pour parler de lui.
10:20 Sa percée dans le journal du dimanche, ses classements...
10:23 Tout le monde le sait, il y a deux jeunes qui montent aujourd'hui, c'est Jordan Bardella à droite,
10:27 et c'est Gabriel Attal dans le gouvernement.
10:29 Je sais vers qui votre cœur penche.
10:31 Non, moi j'ai du respect pour les deux, parce que ce sont des gens extrêmement intelligents tous les deux,
10:35 très talentueux, moi je ne suis pas sectaire.
10:37 Je ne pense pas que Marine Le Pen soit fasciste, je la connais un peu,
10:40 je sais très bien qu'elle n'est ni raciste ni antisémite.
10:42 Je suis désolé de dire ça à mes amis intellectuels de gauche,
10:45 qui veulent à tout prix dire que c'est le nazisme qui revient.
10:48 Regardez Madame Belloni en Italie, ce n'est pas le fascisme qui est revenu en Italie.
10:52 Donc tout ça est assez ridicule.
10:54 Marine Le Pen, c'est la droite populaire et républicaine.
10:57 J'ai l'impression que vous me décrivez Jacques Chirac.
11:00 Mais elle est moins à droite que Pendreau et Pascua en 1970.
11:03 Voilà, c'est la vérité.
11:04 Et ça n'a rien à voir avec l'extrême droite.
11:06 L'extrême droite, elle était antisémite, elle était raciste...
11:09 C'est quoi votre définition de l'extrême droite d'ailleurs ?
11:11 L'extrême droite, c'est comme l'extrême gauche,
11:13 l'extrême droite était révolutionnaire.
11:15 - Factieuse ?
11:16 - Elle était factieuse, elle assassinait les opposants,
11:19 elle voulait prendre le pouvoir par les armes et par la violence.
11:21 Elle était antisémite et raciste.
11:23 Ce n'est absolument pas le cas de Marine Le Pen,
11:25 qui n'est ni antisémite ni raciste et qui est évidemment républicaine.
11:28 Non, on peut avoir...
11:29 Moi, j'ai des désaccords avec le Rassemblement national,
11:32 mais beaucoup plus sur le plan économique que sur le plan moral ou politique.
11:36 Il faut arrêter de dire que c'est le fascisme et que c'est l'immoralité.
11:39 Ce n'est pas vrai, c'est simplement faux.
11:41 Et les 42% qui ont voté pour elle savent que c'est faux.
11:44 Et donc, quand on insulte ces gens-là, on les renforce.
11:47 À la limite, on va les rendre racistes si on continue.
11:50 C'est idiot comme raisonnement.
11:51 Cette espèce de moralisme débile des intellectuels de gauche est fascinant pour moi.
11:55 - Qu'est-ce qui les pousse à tenir ce genre de discours alors que le RN ne cesse de monter ?
12:00 Est-ce qu'il y a une forme de panique d'ailleurs aussi
12:02 chez les intellectuels de gauche qui se disent "Mon Dieu, elle arrive au pouvoir, que faire ?"
12:05 - Oui, absolument.
12:06 En même temps, l'extrême gauche, ça l'arrange.
12:08 Évidemment, Mélenchon, ça l'arrange.
12:10 Comme ça arrangeait Mitterrand, c'est Mitterrand qui a fait monter l'extrême droite.
12:13 On le sait, c'est une stratégie très connue.
12:15 Je ne pense pas que ce soit le cas des intellectuels que j'appelle intellectuels de gauche un peu méchamment.
12:20 Mais c'est vrai qu'ils ont ce souvenir toujours du nazisme.
12:24 Ils pensent que c'est la même chose.
12:26 Non, ce n'est pas la même chose.
12:27 Ça a changé et il faut être un peu sensible aux évolutions de la société.
12:32 Aujourd'hui, tout le monde est républicain, de Mélenchon à Marine Le Pen.
12:35 Après, on peut avoir des désaccords énormes avec les uns ou avec les autres.
12:39 - Donc l'arc républicain, c'est quelque chose de ridicule ?
12:42 - La preuve que ça ne sert à rien, c'est que ça ne réconforte personne.
12:47 Et le pire du pire aujourd'hui, c'est le centrisme.
12:49 C'est ça la vraie catastrophe.
12:51 Parce que le centrisme au pouvoir, il a comme effet dramatique, tragique, pathétique, même à certains égards.
12:57 C'est que la seule alternance possible est avec les extrêmes.
13:01 Et donc la catastrophe absolue, c'est le centrisme.
13:04 Et ce centrisme du débauchage.
13:06 Jamais je n'aurais accepté d'être ministre d'Emmanuel Macron si je venais de la droite.
13:12 - J'avais gardé la question, j'allais vous la poser.
13:15 - Mais pour rien au monde.
13:16 Mais quand vous venez de la droite, ces gens ont vendu leur âme pour un plat de lentilles.
13:20 Ce n'est pas bien de faire ça.
13:22 - Et le bonheur dans tout ça, Luc Ferré ?
13:24 Vous avez publié la frénésie.
13:25 Je vous avoue que la transition est une grosse ficelle.
13:29 - La ficelle est grosse, mais c'est très gentil de revenir à mon livre.
13:33 - Bonheur aux éditions de l'Observatoire.
13:35 Bonheur est un mot qui a dû être utilisé dans les familles ces dernières heures.
13:41 On se souhaite du bonheur pour la nouvelle année.
13:43 Mais est-ce qu'on sait vraiment ce que signifie le bonheur ?
13:46 - Non, c'est une idée absurde.
13:48 Les marchands de bonheur sont à mes yeux des imposteurs.
13:52 Ce que j'explique dans ce livre, c'est la raison pour laquelle l'effondrement
13:56 des deux grandes religions, le communisme, religion de salut terrestre
14:00 et la religion catholique, l'effondrement de ces deux grandes religions en France
14:04 et plus généralement en Europe, ça a conduit à l'explosion des idéologies du bonheur,
14:10 c'est-à-dire la psychologie positive et les théories du développement personnel,
14:12 qui ont pris la place des grandes religions.
14:15 Le communisme était une grande religion de salut terrestre.
14:17 Le communisme passe de 30 % en 1950 à 2 % aujourd'hui.
14:22 95 % des Français étaient baptisés en 1950.
14:27 Ils sont 30 % aujourd'hui.
14:29 Il y avait 45 000 prêtres diocésains en France en 1950,
14:32 il en reste 4 000 aujourd'hui.
14:34 Donc quand vous n'avez plus de deuxième vie après la révolution ou après la mort,
14:39 c'est ici et maintenant qu'il s'agit d'être heureux.
14:42 C'est ça le thème de mon livre.
14:43 S'il n'y a plus de deuxième vie, alors un, je déteste le travail,
14:46 ne touche pas à ma retraite et je veux être heureux ici et maintenant,
14:50 d'où l'explosion, ça nous vient des États-Unis évidemment,
14:53 de la psychologie positive, des théories du développement personnel
14:56 et des marchands de bonheur qui prennent la place des grandes religions de la deuxième vie.
15:01 On était le troisième petit cochon, on est devenu le premier.
15:04 Voilà, si vous voulez, ça, ça dit tout.
15:06 Le troisième petit cochon, il commence par travailler et puis il s'amuse après.
15:10 Le premier, il veut s'amuser tout de suite.
15:12 Parce que si je n'ai pas de deuxième vie après la révolution ou après la mort,
15:15 encore une fois, c'est ici et maintenant que je vais être heureux.
15:18 Et c'est ça qu'on vit aujourd'hui.
15:19 Et c'est dramatique parce que le reste du monde ne vit pas comme ça.
15:23 La Chine ou la Russie ne vivent pas comme ça.
15:25 - Pascal Praud va en parler tout à l'heure.
15:27 Aimer la France, comment on peut faire aimer la France ?
15:29 Ça ne se décrète pas, mais comment on fait des Français de désir ?
15:33 - D'abord, il ne faut pas dire qu'il n'y a pas de culture française,
15:35 comme l'a dit bêtement Emmanuel Macron.
15:37 - Il s'est rattrapé. Il a dit que la France était une culture, non une histoire.
15:40 - Mais en même temps, ça ne marche pas.
15:42 Non, je pense qu'il faut d'abord réhabiliter cette histoire de France,
15:45 cette culture française et que ça, c'est un très gros travail
15:50 parce que ça passe aussi évidemment par l'école,
15:53 mais ça passe par la télévision, ça passe par les médias.
15:56 Et donc, il faut réhabiliter ce que fait Stéphane Bern est formidable,
16:00 par exemple, sur le patrimoine.
16:01 Il faut réhabiliter ce que les Français peuvent comprendre
16:04 de magnifique dans notre histoire et dans notre culture.
16:07 Tout n'est pas magnifique. Il faut garder un regard critique.
16:09 Il y a des zones d'ombre, mais il faut garder ce regard critique sur l'histoire.
16:13 Mais il faut mettre en valeur ce qui a été grandiose dans notre histoire.
16:16 Par exemple, l'histoire littéraire française, elle est à nul autre pareil.
16:21 Il n'y a aucun équivalent. Il y a des très grands écrivains dans le monde entier,
16:24 mais il n'y a aucune histoire littéraire qui soit dans un autre pays
16:27 comparable à celle de la France, par exemple.
16:29 - C'est un philosophe et un ancien ministre de l'éducation nationale
16:32 qui nous le dit. Merci Luc Ferry.
16:34 - Merci à vous, cher Sonia.
16:35 - Je vous souhaite la frénésie du bonheur, du bonheur,
16:38 et à nos téléspectateurs et auditeurs également.
16:40 (Générique)

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