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  • il y a 5 jours
Anne Fulda reçoit Jean-Paul Enthoven pour son livre «Je me retournerai souvent» dans #HDLivres

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Transcription
00:00Bienvenue à l'heure des livres Jean-Paul Enthoven.
00:02Bonjour Anne.
00:03Alors vous connaissez, vous êtes un ancien éditeur, vous êtes un critique littéraire, vous êtes un auteur bien sûr.
00:10Et vous venez de publier, je me retournerai souvent, un livre qui est paru chez Grasset, aux éditions Grasset.
00:14Et c'est un très beau livre qui est érudit sans être pesant, lumineux sans être nié.
00:20Un vrai bonheur de lecture, c'est élégant, drôle, voilà vous pouvez partir.
00:23Alors ce qui est intéressant, c'est que c'est un livre qui mêle des souvenirs, des évocations de personnages vivants, mais majoritairement disparus, beaucoup d'écrivains.
00:37Et c'est un livre qui emprunt de gratitude, non pas une gratitude béate, mais sincère.
00:42A l'image de ces portraits d'écrivains que vous avez accrochés dans votre appartement, d'auteurs importants, il existe vraiment ce mur avec Montaigne, Stendhal ?
00:51Et pour vous c'est quoi ? C'est comme une pristerre, une manière de vous dire ceci qu'on pensait ?
00:54C'est comme un hôtel, un hôtel, oui, où je fais mes prières de mes créants.
01:02Mais juste pour vous reprendre, il n'y a que deux personnes vivantes dans ce livre.
01:07Votre bien-aimé ?
01:08Oui, et un ami très cher.
01:10Et un ami cher.
01:11On est plus libre quand on parle des morts, vous savez, c'est plus facile.
01:20Et ce n'est pas leur portrait finalement que j'ai voulu faire, mais le mien.
01:23Parce que je ne saurais vraiment pas qui je suis si ces figures m'avaient aidé à me connaître un peu.
01:34Alors des figures, vous en évoquez beaucoup, il y a Camus, évidemment, par qui vous commencez, ce Casanavoire un peu voyou des faubourgs d'Alger.
01:45Il y en a un qui a beaucoup compté, notamment dans votre choix d'écrire, c'est Philippe Solers.
01:51Oui.
01:52Qui vous encourage à écrire en utilisant une argumentation assez déconcertante.
01:58Oui, parce que je tardais à publier.
02:00Et il me dit, un jour, après un déjeuner à Montparnasse, il me dit, tu devrais vraiment écrire quelque chose.
02:07Parce que tu sais, un livre, finalement, c'est le seul endroit où on a son nom tout seul, sans rien autour.
02:13Et puis, il se reprend et me dit, mais non, il y a un autre endroit, c'est une tombe.
02:17Et d'ailleurs, c'est à la même forme, c'est un parallèle épipède, c'est à la même forme.
02:24Et il ne pouvait pas savoir que les premiers mots que j'ai lus dans ma vie, que j'étais un enfant,
02:32c'était le nom de mon frère qui était mort avant ma naissance et qui s'appelait Jean-Paul comme moi.
02:39Et donc, j'avais vu mon nom tout seul sur une tombe et alors j'ai voulu le mettre sur un livre.
02:46Et Solaire, ça compte, et oui, beaucoup.
02:49Alors, vous évoquez ce prodigieux virtuose de lui-même, écrivez-vous,
02:54allègre par principe, perpétuellement agile et habile, ondoyant avec plaisir.
02:58Plus dans la noirceur, il y a Sioran, je le disais à la Roumaine,
03:04avec qui vous avez toujours l'impression d'être dans l'intimité du pire, comme vous écrivez joliment.
03:09Puis alors, vous évoquez aussi le figure de Florence Malraux, Françoise Giroux, son regard triste et son sourire lumineux.
03:14Françoise Sagan et ses prescriptions littéraires.
03:17Bien sûr, très important pour moi, oui, très important.
03:20Parce que quand on avait un chagrin, elle considérait que les livres étaient comme des médecines,
03:26comme des médicaments en fonction.
03:28Alors, si on avait un chagrin d'amour, c'était évidemment Proust matin et soir pendant 15 jours.
03:34Et si on était heureux, c'était autre chose.
03:36Si on était mélancolique, c'était Tchékov.
03:38Les ordonnances littéraires de Françoise Sagan, c'est une merveille.
03:42Alors, et puis, comment ne pas évoquer, il y a ces pages magnifiques sur Kundera, sur Milan Kundera.
03:48Vous commencez par décrire ces manières de faire des allers-retours en papillon, en brasse-papillon dans une piscine.
03:55La première fois que je l'ai rencontrée, c'était dans un club de sport de la rue de Vaugirard.
04:01Et il était un homme, il nageait en papillon, effectivement, en nage-papillon.
04:07Et il éclaboussait tout le monde.
04:09Je ne savais pas qui c'était, je ne savais pas qu'il venait d'arriver de Prague.
04:13Et il était tellement fort, tellement prêt à se battre contre le destin, indifférent aux gouttes d'eau dont il aspergeait les gens pas contents autour de lui,
04:26qu'après, j'ai appris à connaître autre chose de lui, bien sûr.
04:30Une incarnation de forme de vigueur, d'énergie, d'indifférence à autrui, écrivez-vous, une certaine brutalité.
04:37Et en même temps, quelle virtuose de la délicatesse et de toutes les insoutenables légèretés.
04:48Il y a aussi, dans le livre, des observations de ci-de-là sur la littérature, sur le métier d'éditeur.
04:54Vous avez quelques mots un peu durs sur les auteurs.
04:57J'étais content de ne plus faire ce métier.
04:59Oui, visiblement.
05:00Et cette méfiance instinctive que vous avez envers les volubiles.
05:03Vous écrivez, dès qu'un écrivain brille en société, dès qu'il étincelle par ses saillies et son esprit,
05:09je devine, même si je ne l'ai jamais lu, que ses livres sont médiocres, ou en tout cas peu à mon goût.
05:13C'est-à-dire que devant les gens extrêmement volubiles, nous en connaissons en commun quelques-uns,
05:19je me demande toujours qu'est-ce qu'ils essaient de ne pas dire quand ils déversent comme des cataractes,
05:27des paroles et des paroles et des paroles.
05:29Il y a quelque chose de mystérieux, oui.
05:33Alors, enfin, dernière question, vous vous évoquez Georges Pérec.
05:37Oui.
05:37Et ce magnifique conseil qu'il vous donne, vous savez...
05:39Dans un ascenseur.
05:40Dans un ascenseur, vous savez, jeune homme, ce qu'il faudrait dans la vie,
05:43c'est écrire ou prononcer au moins une fois chaque mot du dictionnaire.
05:46Ce serait la moindre des choses, vous ne croyez pas.
05:48Il ajoutait que les mots ont froid si on ne les réchauffe pas
05:53en tournant notre langue autour d'eux au moins une fois dans la vie.
05:57Et est-ce que vous utilisez ce conseil ?
06:00Est-ce que vous l'avez mis ?
06:01J'essaye. Tous les jours, je prononce un mot pour la première fois.
06:05En tout cas, vraiment, je vous conseille de lire ce livre.
06:07Je me retournerai souvent.
06:09C'est paru chez Grasset.
06:10Merci beaucoup Jean-Paul Enthoven.
06:11Merci Yann.
06:12Sous-titrage Société Radio-Canada

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