Tous les jours de la semaine, invités et chroniqueurs sont autour du micro de Pierre de Vilno pour débattre des actualités du jour. Ce soir, les violences qui sévissent à Nouméa en Nouvelle-Calédonie alors que l'archipel fait l'objet d'un débat sur son avenir constitutionnel.
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00:00 (Générique)
00:04 Toujours entouré de Guillaume Bigot et de Nathan Devers pour commenter l'actualité de ce mardi 14 mai 2024
00:12 avec également, ça c'est un autre titre de l'actualité, vous avez suivi la vague de violence en Nouvelle-Calédonie.
00:18 Vague de violence imposée en tout cas à conséquence de cette réforme constitutionnelle du gouvernement
00:26 dans l'île qui poursuit d'ailleurs son chemin à l'Assemblée Nationale avec un vote toujours attendu dans la journée.
00:32 Bonsoir Nicolas Metzdorff.
00:34 Bonsoir.
00:36 Vous êtes député Renaissance de Nouvelle-Calédonie, il se trouve que vous êtes à Paris justement pour suivre ce vote.
00:42 Est-ce que vous-même étant à Paris, vous avez des nouvelles de Nouméa, comment ça se passe là-bas ?
00:48 Écoutez, on a eu une deuxième nuit difficile avec encore une fois plusieurs commerces et même des maisons de particuliers qui ont brûlé.
00:57 On note pas de blessés dans la population civile pour l'instant, à cette heure-là il y a une cinquantaine de gendarmes de blessés.
01:07 Voilà, ça a été une deuxième nuit difficile.
01:10 Est-ce que cette révision constitutionnelle est nécessaire selon vous ?
01:14 Oui, vous savez en Nouvelle-Calédonie aujourd'hui il y a le droit du sang qui est en place,
01:20 c'est-à-dire que tous les Français arrivés après 1998 en Nouvelle-Calédonie qui ont fondé leur famille sur place ne peuvent pas voter.
01:29 Et combien même ils auraient eu des enfants en Nouvelle-Calédonie qui n'auraient connu que la Nouvelle-Calédonie,
01:34 ces enfants-là ne pourraient pas voter également.
01:37 Donc ce que prévoit ce projet de loi constitutionnelle c'est qu'il va falloir désormais dix ans de présence en Nouvelle-Calédonie pour pouvoir voter aux élections locales.
01:45 Et ça fait grâce à la victoire des non-indépendantistes aux trois référendums pour ou contre l'indépendance.
01:52 Donc comme la Calédonie a trois fois choisi la France, il était normal de retrouver un corps électoral plus ouvert.
02:00 On n'est pas encore sur le suffrage universel comme dans tous les autres territoires d'outre-mer,
02:05 on a encore une durée de résidence nécessaire pour pouvoir voter en Nouvelle-Calédonie.
02:08 Et donc du coup c'est un pan entier de l'électorat qui est lésé si je comprends bien.
02:13 Aujourd'hui il y a 42 000 personnes sur une population de 270 000 qui sont exclues du corps électoral,
02:19 qui ne peuvent pas voter aux élections locales pour les institutions calédoniennes,
02:23 alors qu'ils participent à la vie économique, sociale, culturelle du pays,
02:27 qu'ils payent des impôts depuis plus de 20 ans en Nouvelle-Calédonie, qu'ils aient eu leurs enfants,
02:31 ils sont interdits de droit de vote.
02:32 Donc ce projet de loi leur permet de retrouver ce droit de vote.
02:36 Et qu'est-ce que disent vos adversaires politiques ?
02:40 Les adversaires politiques eux, ils veulent l'indépendance de la Nouvelle-Calédonie.
02:44 Donc ce qu'ils n'ont pas obtenu dans les urnes, ils veulent l'obtenir dans la rue.
02:49 Je tiens quand même à préciser que la délinquance sur laquelle on est aujourd'hui
02:54 n'est pas une délinquance purement politique.
02:57 On est sur ce qu'on a connu un petit peu en Métropole avec les émeutes,
03:01 on est sur une population très très jeune qui plie des magasins d'alcool, de multimédia, etc.
03:07 Donc on a quitté la protestation contre ce phénomène électoral,
03:11 ou en tout cas constitutionnel propre, pour aller dans autre chose,
03:15 dans le vol, dans la casse pure et simple.
03:19 Et goûter c'est vraiment, vraiment à mettre en lien avec les émeutes qu'on a connues en Métropole,
03:25 c'est-à-dire que oui, c'est du pillage de jeunes gens qui se motivent sur les réseaux sociaux,
03:29 sur TikTok, sur Instagram, sur Snapchat,
03:32 et qui vont piller les magasins les uns après les autres et mettre le feu à des entreprises.
03:37 Donc on n'est pas là du tout dans la revendication pour ou contre le dégel du corps électoral.
03:42 D'ailleurs la plupart des jeunes que l'on interroge sur le sujet ne comprennent même pas de quoi on parle.
03:46 Oui, et le gouvernement, lui que vous suivez puisque vous êtes député Renaissance,
03:50 insiste pour que le texte soit mis au vote, vous êtes confiant ?
03:53 Oui écoutez, on a voté l'article 1 il y a quelques instants maintenant,
03:58 et de manière conforme, c'est-à-dire dans les mêmes mots exacts que le vote au Sénat,
04:03 on devrait finir dans la nuit de ce soir.
04:06 Et ce que je veux vous dire c'est que c'est très attendu par la population qui sur place résiste,
04:10 qui fait le dos rond, qui subit les exactions, qui essaye de ne pas répondre,
04:15 qui voit ses outils de production brûlés, saccagés, qui voit leurs familles menacées,
04:20 donc c'est aussi pour eux qu'on le fait.
04:22 Merci beaucoup Nicolas Metzdorf, député Renaissance de Nouvelle-Calédonie.
04:27 Merci de vous être extrait justement de l'hémicycle de l'Assemblée Nationale,
04:31 et j'imagine que vous y retournez justement pour suivre ce vote sur la Nouvelle-Calédonie.
04:35 Ce sont des sujets assez techniques, Guillaume Bigot, on comprend assez aisément,
04:41 d'ailleurs M. Metzdorf nous l'a bien expliqué, c'est totalement clair.
04:47 On a du mal à se dire qu'en France, parce que c'est une partie de la France,
04:52 on a pu vivre comme ça pendant des années, des décennies, avec cette disposition-là.
04:59 De toute façon, dans ces territoires d'outre-mer et du Pacifique,
05:03 il y a des règles très étranges et très étonnantes pour la République française.
05:09 D'abord, on est dans un droit d'exception, il y a un droit coutumier, par exemple en Nouvelle-Calédonie.
05:14 Il n'y a quasiment que ce qui concerne le régalien, la justice, les affaires étrangères, etc.,
05:23 et la police et l'ordre public, qui relève à proprement parler de la République française.
05:28 Tout le reste, c'est un large statut d'autonomie qui a été voulu.
05:31 Pour autant, je pense que ce qui se passe est assez lisible malgré tout,
05:34 c'est-à-dire qu'on a eu trois référendums d'affilée,
05:38 pour trancher entre la question de l'indépendance ou la question de ce qu'on appelle le loyalisme sur place,
05:44 c'est-à-dire le fait de rester partie intégrante de la nation française,
05:48 et les trois référendums ont été gagnés par les loyalistes.
05:52 Et là, ce qu'on observe, c'est à la fois des mouvements comparables aux émeutes, c'est-à-dire en métropole,
05:58 liés à une montée de la violence, des inégalités sociales, etc.,
06:05 aggravées par les réseaux sociaux, mais aussi une sorte de quatrième tour,
06:10 ou d'appel à la rue ou à la violence de la part des partisans d'indépendance canaques.
06:15 Et là où le phénomène devient, à mon avis, encore plus complexe et dangereux,
06:19 c'est que par rapport à l'ordre public qui est déjà menacé en métropole,
06:25 le terrorisme, les émeutes, les Jeux Olympiques qui sont à risque,
06:30 la situation extrêmement tendue géopolitique,
06:32 le gouvernement peut être tenté de mettre un peu le holà à ce processus
06:37 qui normalement devrait aller jusqu'à son terme,
06:39 c'est-à-dire le Congrès se réunissant et adoptant la révision constitutionnelle des 3/5,
06:44 et donnant l'intégralité de leurs droits civiques à tous les habitants de la Nouvelle-Calédonie,
06:49 puisque finalement, dans la légalité, les habitants se sont prononcés pour le maintien du caillou,
06:56 comme on dit, de la Nouvelle-Calédonie dans la France.
06:58 - Nathan Devers - Oui, je suis tout à fait d'accord avec vous,
07:02 je pense qu'il y a un stéréotype qu'il faut éviter quand on parle de l'outre-mer,
07:05 en tout cas de ce qui se passe aujourd'hui en Nouvelle-Calédonie,
07:07 c'est le stéréotype de la métropole qui est complètement méprisante,
07:12 qui laisse ses territoires à l'abandon.
07:14 Ce stéréotype est vrai dans beaucoup de sujets,
07:16 pendant la crise sanitaire par exemple, ça a été terrible,
07:18 la verticalité avec laquelle ont été traités les citoyens d'outre-mer,
07:22 mais là c'est absolument le contraire ce qui se passe.
07:24 C'est le contraire.
07:25 Il y a une vie démocratique qui a été respectée,
07:27 il y a eu une série de référendums qui ont été systématiquement gagnés,
07:30 il y a eu des consultations, il y a eu une proposition d'indépendance,
07:33 et puis il y a eu, là en la matière, je suis désolé,
07:36 mais estimer qu'un espace démocratique, un territoire démocratique,
07:41 c'est un territoire où tout citoyen peut voter,
07:44 où le corps électoral ne peut pas être mutilé,
07:46 tout le monde devrait être d'accord, y compris chez les indépendantistes.
07:49 Parce que si on se met dans la logique des indépendantistes,
07:51 à la limite pourquoi pas, qu'ils veuillent une Nouvelle-Calédonie indépendante,
07:54 pourquoi pas, mais ils ne vont pas exclure 40 000 personnes
07:57 qu'ils vont chasser, qui vivent ici depuis plus de 10 ans,
08:01 qui sont attachées à ce territoire, à ce pays si ça devenait un pays.
08:04 Vous voyez ce que je veux dire ?
08:06 Ce serait une forme d'apatride.
08:08 Tout à fait.
08:09 C'est l'annonce d'identité contre la démocratie.
08:11 Littéralement ce que je voulais dire, c'est que je pense qu'il y a une dimension identitaire
08:14 dans ce phénomène auquel on assiste,
08:16 et qui n'est pas seulement une logique décoloniale
08:18 ou indépendantiste, vraiment identitaire.
08:21 Je vous propose d'écouter deux sons de cloche différents en Nouvelle-Calédonie.
08:25 D'abord Sonia Baques, qui est présidente de la province sud de Nouvelle-Calédonie,
08:29 ensuite Virginie Ruffnak, présidente de Avenir en Confiance.
08:33 Ils ont brûlé une voiture au milieu du carrefour, en bas de chez eux.
08:36 Et en fait ils sont remontés, la maison est juste au-dessus,
08:40 ils sont remontés, ils les ont insultés quand ils les ont vus,
08:43 en voyant que c'était des blancs.
08:45 Donc ils les ont insultés, des insultes racistes,
08:48 pendant un certain temps, et ils ont balancé des parpaings
08:51 dans les vitres de la maison, ils ont mis le feu au portail.
08:54 À un moment donné, les cailloux, en fait, ils ont entré la porte d'entrée,
08:59 et donc le GIGN a dû les chercher, donc ils les ont sortis,
09:05 et une fois qu'ils les ont sortis, ils ont mis le feu à méditer.
09:07 C'est une vraie guérilla urbaine, c'est un comité de lutte
09:11 dont les indépendantistes sont à l'initiative,
09:14 et qui a été rejoint par des jeunes qui cassent tout ce qu'ils peuvent sur leur passage.
09:17 Ils pillent les supermarchés, ils ont complètement détruit
09:21 des entreprises automobiles qui sont parties en fumée,
09:23 ou tout un tas d'entreprises, une entreprise aussi de fabrication de boissons.
09:28 Mais aujourd'hui, ces jeunes qui s'adonnent à ces exactions,
09:31 ne répondent plus du tout à des revendications politiques,
09:33 mais sont dans une démarche de destruction pure et simple,
09:36 et de lutte contre les forces de l'ordre qui est extrêmement violente.
09:40 Bon, alors finalement, je disais deux sons de cloche très différents,
09:43 pas si différents que ça.
09:45 A cela près que Sonia Baques parle des Blancs et des Noirs,
09:49 donc ça veut dire quand même premièrement que le conflit,
09:52 quel qu'il soit, même si ce sont des casseurs des pierres,
09:55 appelez-les comme vous voulez, c'est quand même un conflit racisé.
09:58 Il y a encore ce relan terrible de la race qui revient au Nouvel-Calais de Niguem Begho.
10:04 Alors attention, c'est plus compliqué encore que ça n'en a l'air.
10:07 Il y a les Kanaks d'un côté, il y a les Kaldosh qui sont les Européens,
10:11 les fameux Blancs, mais il y a aussi des populations,
10:15 Wallis et Futuna, des populations du Pacifique qui ne sont ni Kanaks, ni Européennes.
10:20 Et puis dans les Kanaks, tout le monde ne soutient pas la Kanaki libre par ailleurs.
10:25 La plupart des Européens sont tout à fait loyalistes,
10:28 mais il y a aussi une majorité de Kanaks qui sont loyalistes aussi.
10:31 Donc là, le risque, si on discute avec les gens violents,
10:35 il y a non seulement le mécanisme d'émeute et de violence gratuite,
10:38 le fameux appel à la rue et à la violence pour corriger le résultat du référendum contre la démocratie,
10:43 mais il y a un troisième mécanisme dont on ne parle pas, qui à mon avis est très important,
10:46 c'est que c'est une réserve naturelle de nickel à l'échelle mondiale colossale
10:52 et que le FLNKS, à l'heure qu'il est, les services de renseignement ont tiré la sonnette d'alarme depuis longtemps,
10:56 est financé par la Chine.
10:58 Et la Chine lorgne évidemment sur ce nickel et en réalité...
11:03 N'attend que l'indépendance de la Nouvelle-Calédonie pour manger la Nouvelle-Calédonie.
11:06 Exactement. Et donc ce conflit, ce qu'il se passe, est à lire dans un phénomène de désoccidentalisation du monde
11:11 où la Chine et la Russie d'un côté poussent leur pion.
11:14 Ce qui se passe à Mayotte par exemple, vous avez les Comores et la Russie agitées par les Comores
11:17 qui essayent d'envahir Mayotte et de l'autre côté, à l'autre bout du monde,
11:20 vous avez la Chine derrière le FLNKS qui probablement essaye d'exciter ses émeutiers.
11:24 Les Comores, comme s'il ne manquait plus que ça, il y a en plus le choléra qui arrive et qui s'étend d'ailleurs à Mayotte.
11:30 Nathan Devers, c'est quand même assez hallucinant, j'allais dire,
11:34 à chaque fois qu'on propose un brin de démocratie à des populations,
11:37 il y a des émeutiers qui sont là pour piétiner cette démocratie,
11:42 pour dire que cet élan démocratique n'existe plus, on vous propose un vote, on vous propose de vous prononcer,
11:47 et bien non, il y a toujours des gens qui vont faire diversion pour la patte du gain,
11:51 pour aller braquer des magasins et prendre des téléviseurs et des smartphones.
11:55 Oui, bien sûr, vous avez raison, c'est extrêmement grave,
11:58 parce que là, il s'agit de gens qui ont en fait une volonté de purifier le corps électoral,
12:04 c'est littéralement ça.
12:05 Ils refusent radicalement l'idée qu'il puisse y avoir un droit du sol qui soit accepté en matière de démocratie.
12:13 Autrement dit, ils salissent profondément leur cause.
12:18 Il est vrai, il ne faut pas mentir, qu'il y a eu une domination historique des Européens en Nouvelle-Calédonie,
12:24 comme dans énormément de territoires.
12:26 Mais il y a deux problèmes qui sont énormes.
12:28 Le premier problème, je pense que là on peut avoir du recul sur le phénomène de la décolonisation,
12:32 où des pays avaient une domination, c'est qu'à un moment on a le choix,
12:35 quand on mène une lutte décoloniale, ou bien comme ça vouloir purifier le corps social,
12:39 ou bien faire un scénario à l'Afrique du Sud, un scénario de réconciliation,
12:43 surtout quand là on parle de descendants, on parle de gens qui ne sont pas les colons, mais les descendants.
12:47 Et deuxièmement, c'est exactement ce que vous disiez,
12:50 c'est qu'il y a un paradoxe qu'on a vu beaucoup en Afrique, qu'on a vu beaucoup au Mali,
12:54 quelle est la légitimité de gens qui se prétendent décoloniaux,
12:59 en agitant des drapeaux russes pour huer l'influence française ?
13:03 Encore une fois, moi je suis absolument partisan d'un regard autocritique sur l'histoire de France,
13:07 mais on ne peut absolument pas le faire en donnant les mêmes territoires à des colonies qui sont beaucoup plus agressives.
13:13 - Cela près que les Sud-Africains sont des Anglo-Saxons,
13:17 et donc ils ont une culture, une tradition très très différente des Français de Nouvelle-Calédonie,
13:23 Mais c'est un débat qu'on pourra poursuivre une autre fois.