Tous les jours de la semaine, invités et chroniqueurs sont autour du micro de Jacques Serais pour débattre des actualités du jour.
Retrouvez "Les débats d'Europe 1 Soir" sur : http://www.europe1.fr/emissions/l-invite-actu
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00:00 Je vois que vous avez envie de parler de la Nouvelle-Calédonie, on y est bien !
00:04 Il organise en ce moment même cette réunion à Matignon avec les comités de liaison.
00:08 La situation est toujours très critique sur place, on a eu nombreux témoignages sur l'antenne.
00:13 Mais je vous propose d'écouter attentivement celui-ci, c'est Jacques, il est médecin dans l'archipel.
00:18 Ces assaillants ce sont des gens qu'on croisait sans problème particulier il y a encore quelques jours.
00:24 Et ce sont ces personnes-là qu'on retrouve maintenant en face de nous.
00:27 Et qui vous veulent du mal, vous vous sentez menacé ?
00:30 Oui, oui, dans des propos très durs, des propos racistes.
00:35 On en subit tous, quelque soit notre couleur de peau malheureusement,
00:38 en disant "tu vas partir de la Nouvelle-Calédonie sinon ça va mal se passer pour toi".
00:43 Enfin bon, des choses comme ça.
00:45 Ça me fait mal au cœur parce que ce pays, j'y ai investi beaucoup de temps, beaucoup de travail.
00:50 Je n'ai pas l'impression d'avoir volé ma place ici, en tout cas je ne l'ai prise à personne.
00:54 Mon but étant d'essayer d'améliorer par mon travail le quotidien des personnes
01:00 et d'apporter un plus à la société qu'on essaye de bâtir jour après jour.
01:04 Il y a ces témoignages qui évoquent une forme de racisme anti-blanc.
01:08 Je crois qu'Yves Streap vous connaissez particulièrement bien ce dossier.
01:12 Est-ce que c'est quelque chose de factuel aujourd'hui en Nouvelle-Calédonie ?
01:15 Non, ce n'est pas nouveau, ça a toujours existé.
01:17 Il y a toujours eu un racisme anti-blanc, je dirais de la part des Kanaks,
01:26 contre ceux qui viennent de n'importe où.
01:28 Attention, on parle des Européens face aux Kanaks, mais ce n'est pas du tout la réalité.
01:32 Il y a les Européens, mais il y a aussi énormément, un tiers de la population qui est d'origine asiatique,
01:37 qui vient des Fidjis, qui vient de Wallis et Futuna,
01:42 et il y a un racisme anti-valysien ou anti-futunien qui est très très fort.
01:47 Il ne faut pas oublier ça.
01:48 Donc il y a un racisme général à l'intérieur de...
01:50 Parce qu'il y a aussi le racisme des Blancs vis-à-vis des Kanaks, il ne faut pas non plus...
01:53 [Rires]
01:55 Tout ça fait que c'est un cocktail explosif, racial explosif, et qui est malheureux.
02:02 Et qui aujourd'hui, si vous voulez, avait réussi à être quand même tempéré
02:08 grâce à ce qui s'était passé à la fin du siècle dernier,
02:11 grâce à Michel Rocard, grâce à un travail de fond qui a été fait,
02:15 mais qui n'a pas été accompagné, me semble-t-il, par suffisamment de mesures à caractère économique.
02:21 Et c'est ça aujourd'hui qui se passe, c'est que...
02:24 Si vous voulez, il y a des...
02:26 On ne va pas se cacher la face quand même, on ne va pas se voiler la face.
02:29 Il y a des inégalités absolument criantes et détestables dans ce pays.
02:35 Il y a malheureusement, je pense, un pouvoir central, la métropole,
02:43 qui n'a pas vu son intérêt d'investir beaucoup dans cette région.
02:46 Parce que je vous rappelle que c'est là que se joue l'avenir du monde.
02:50 Et c'est là où se joue une espèce d'opposition entre les États-Unis et la Chine,
02:56 la première et la deuxième puissance mondiale, si on lâche par exemple la France.
03:01 Et puis c'est là où on a encore une influence importante,
03:05 parce que je vous rappelle qu'on a une zone économique autour de cette archipelle qui est énorme.
03:11 Donc il y a un enjeu très important et on devrait le prendre avec beaucoup plus de sérieux qu'on ne le fait aujourd'hui.
03:19 Donc je suis assez inquiet pour vous dire la vérité,
03:22 parce que je suis inquiet de ce climat qui effectivement est un climat identitaire assez détestable.
03:28 Yves Tréhard, Jules Taurès, on reprend le débat dans un instant.
03:30 Je voulais juste vous signaler que jusqu'au 30 mai,
03:33 vous pouvez voter sur notre site europe1.fr pour les trophées Europe 1 de l'Avenir.
03:36 Chaque année, les trophées Europe 1 de l'Avenir récompensent les entreprises qui s'engagent dès aujourd'hui pour changer le monde de demain.
03:43 Nous sommes ensemble jusqu'à 21h. A tout de suite sur Europe 1.
03:45 19h21, Europe 1 soir.
03:49 Et on débat ensemble jusqu'à 21h.
03:51 À mes côtés Yves Tréhard du Figaro, Jules Taurès du JDD.
03:55 On débat de ce dossier, la Nouvelle-Calédonie,
03:58 qui a écumé toute cette semaine et où la situation est très critique encore sur le terrain.
04:03 Jules, est-ce que ce qui se passe en Nouvelle-Calédonie révèle d'une certaine manière ou pas une mauvaise gestion de l'exécutif ?
04:11 Est-ce que tout cela a été mal embarqué ?
04:14 En tout cas, il y a des crispations qui sont encore existantes.
04:17 Yves Tréhard, tout à l'heure, le rappelait, il y a une situation identitaire que semble-t-il l'exécutif a omis ou en tout cas a manqué de vigilance sur ce sujet-là.
04:28 C'est-à-dire qu'il faut quand même comprendre qu'on est sur un territoire où il y a des réalités historiques et identitaires.
04:35 Et que le simple fait de voter un référendum ne peut pas les faire disparaître.
04:43 Donc évidemment, il y a du ressentiment. Et le ressentiment est en effet créé de toutes parts.
04:47 Les Canacs n'aiment pas les Blancs, les Européens n'aiment pas les Canacs, les Wallis et Foutouniens n'aiment pas les Canacs.
04:53 Donc on est dans une sorte de "melting pot", de grand bouillon qui peut exploser à tout moment.
05:00 Et c'est en ce sens qu'à mon avis l'exécutif, sauf peut-être Sébastien Lecornu qui avait campé, souvenez-vous, à Nouméa pendant un mois il y a quelques années,
05:09 avait compris Gérald Darmanin, depuis le début, on sent très bien que ce n'est pas vraiment son sujet, qu'il le délaisse plutôt pour se concentrer sur la politique intérieure.
05:18 Il a le droit, mais il aurait fallu peut-être que l'exécutif s'investisse un petit peu davantage dans cette question-là sur les derniers mois qui ont précédé.
05:26 - Et en même temps il y a aussi ce reproche que le gouvernement est allé trop vite, parfois c'est ce qu'on dit.
05:32 C'est le côté, Jules, le côté "pas d'engagement" et en même temps ce reproche d'être allé un peu trop franchement.
05:39 - Il est allé trop vite, parce qu'il est incontestable si vous voulez que la majorité de la population ne veut pas sortir de la France.
05:45 C'est incontestable et on peut avoir deux interprétations du dernier référendum qui a été beaucoup boycotté par les canards,
05:54 les canards qui ne sont pas allés voter parce qu'ils avaient peur de perdre.
05:56 - Ils étaient sûrs de perdre.
05:58 - Donc ça c'est quand même la chose, mais ce n'est pas pour ça qu'il ne faut pas les traiter, sinon vous ne sortez pas de cette histoire-là.
06:05 Donc il faut impérativement donner du temps.
06:08 - Comment vous les traitez, on voit les images, vous êtes complètement dévasté aujourd'hui.
06:12 - Vous savez, si la France n'a pas su y faire avec une grande partie de l'Afrique aujourd'hui,
06:19 ne s'est pas y fait, c'est que là on est un peu dans la même configuration.
06:23 C'est-à-dire que ce sont des gens qui répondent et qui obéissent à une autre temporalité que nous.
06:29 Vous savez ce qu'on dit en Afrique, en Afrique on dit "vous avez des montres, nous on a le temps".
06:32 Là c'est pareil.
06:34 - Les 19h46, c'est au revoir.
06:38 - Exactement, c'est une autre façon de faire, d'être.
06:42 Et il fallait, écoutez sincèrement, le président de la République n'était absolument pas obligé de convoquer le congrès d'ici à l'été,
06:50 puisque l'objectif c'est qu'une élection provinciale, des élections provinciales aient lieu,
06:56 et on a le temps encore jusqu'à la fin du mois, jusqu'à la fin de l'année 2025 pour les organiser.
07:04 Donc ça laisse plus d'un an et demi.
07:06 Pourquoi il se presse comme ça, alors qu'en plus il a les Jeux Olympiques qui vont arriver,
07:11 alors qu'en plus il a les élections européennes qui sont devant lui ?
07:14 - Comme s'il y avait des problèmes.
07:16 - Exactement, et au lieu de laisser la place au dialogue, parce qu'il y a moyen, si vous voulez,
07:22 peut-être de garantir certaines contreparties, notamment sur le plan économique, sur le plan éducatif,
07:29 sur le plan, voilà, il y a plein de choses à faire.
07:31 - Cette situation suscite beaucoup de réactions politiques,
07:34 mais il y en a une qui était relativement discrète depuis le début de cette crise en Nouvelle-Calédonie,
07:38 c'est Marine Le Pen.
07:39 Elle a pris la parole, pour mémoire le RN a approuvé mardi la révision constitutionnelle de l'archipel à l'Assemblée Nationale,
07:45 alors qu'historiquement le RN a toujours défendu les loyalistes,
07:48 et bien Marine Le Pen plaide cette fois pour trouver un compromis.
07:52 Ecoutez l'analyse d'Alexandre Chauveau du Service politique d'Europe 1.
07:55 - Oui, le RN revendique une forme de pragmatisme face à la situation en Nouvelle-Calédonie.
07:59 Le parti défend, plus que le simple dégel du corps électoral,
08:02 un accord global avec des perspectives économiques et institutionnelles pour l'île,
08:07 et notamment la tenue d'un nouveau référendum sur l'indépendance dans 40 ans.
08:10 Marine Le Pen se dit moins dogmatique que ne l'était le Front National sur le sujet,
08:14 avec, dit-elle, le souci de ne blesser personne.
08:17 En cas d'accession à l'Elysée en 2027, elle promet ainsi un compromis,
08:21 en tenant compte des aspirations, des traditions des Kanaks et de leur attachement à leur terre.
08:26 La prise de position peut surprendre, mais Marine Le Pen se défend d'avoir changé d'avis.
08:31 - Être pour les loyalistes, ça voudrait dire, en réalité, ne pas écouter les Kanaks
08:35 et prendre le risque de la guerre civile.
08:37 Si c'est ça, je crois qu'il y a beaucoup de loyalistes qui n'ont pas envie de cela.
08:40 Ils veulent trouver un chemin, et pour ça, il faut prendre du temps.
08:44 Et cette volonté d'afficher une forme de modération est déjà critiquée par les adversaires du RN.
08:49 Au nom de l'apaisement, ils se soumettent en réalité à la violence, réagit ainsi Éric Zemmour sur X.
08:55 - Alors Alexandre Chevaudieu, de repas, Jules Torres du JDD,
09:00 c'est un virage à 180° qu'opère Marine Le Pen ?
09:03 - Oh non, c'est la stratégie de Marine Le Pen poussée jusqu'à l'excès, si on peut dire.
09:08 C'est la grande normalisation, c'est celle qui va apaiser le peuple français.
09:13 Et elle a compris qu'en fait, les Kanaks étaient quand même des citoyens français,
09:17 et donc qu'elle était un petit peu celle qui allait pacifier tout ce marasme ambiant qu'il y a en Nouvelle-Calédonie.
09:27 C'est très intéressant la stratégie de Marine Le Pen,
09:29 c'est-à-dire qu'elle est sans doute la seule aujourd'hui sur la scène politique à tenir cette ligne-là,
09:34 quitte à mettre parfois les Européens et les Kanaks sur le même plan,
09:38 en proposant en effet ce grand référendum dans 40 ans.
09:44 Mais il y a quand même un petit risque, et c'est le tweet d'Éric Zemmour,
09:48 c'est qu'elle paraisse pour un certain nombre d'électeurs, notamment les électeurs les plus à droite,
09:53 comme celle qui sera la présidente du déni, en fait, et du changement de politique à chaque fois.
10:01 Ils se disent que si elle est capable de changer de cette manière-là sur la question de la Nouvelle-Calédonie,
10:06 elle pourrait potentiellement l'être sur la question de la dette, sur la question de l'immigration, sur la question de la sécurité.
10:12 Je crois que c'est Vincent Trémolet ce matin qui avait assigné un édito sur Europe 1,
10:17 où il disait qu'elle se comportait un petit peu comme Chirac, et bien je pense que c'est assez juste.
10:21 Yves Tréhard du Figaro, sur ce dossier, Marine Le Pen s'est convertie en même temps ou pas du tout ?
10:26 On ne l'avait jamais trop entendu là-dessus, mais je crois qu'il n'y a qu'un mot qui résume tout, c'est l'Élysée.
10:31 C'est-à-dire qu'elle est opportuniste comme ce n'est pas possible,
10:34 et je pense que là on est assez surpris de sa position sur ce dossier-là,
10:38 on va être surpris sur d'autres dossiers.
10:41 Évidemment, si elle veut gagner l'Élysée, elle est obligée d'être plus apaisée
10:46 que dans la radicalité prônée par Zemmour par exemple, c'est évident.
10:52 Donc là on n'a pas fini d'être surpris avec elle,
10:56 l'intérêt c'est de savoir si ça troupe,
10:59 et ses proches collaborateurs vont la suivre,
11:03 et ça c'est un gros point d'interrogation quand même.
11:06 Ce qui est intéressant c'est les réactions parfois médiatiques,
11:10 quand Jean-Michel Apathy loue la position de Marine Le Pen,
11:13 quand Marine Le Pen a des bons papiers par exemple dans la presse de gauche,
11:16 c'est quelque chose qu'elle a théorisé, qu'elle souhaitait depuis longtemps,
11:20 mais en effet il y a ce risque-là quand même.
11:23 Est-ce qu'elle a plus à gagner en faisant ça que le contraire ?