• il y a 7 mois
Vendredi 5 avril 2024, ART & MARCHÉ reçoit Laura Tsoukala (Directrice, Stefanidou Tsoukala gallery) , Yamina Benaï (Fondatrice et Directrice de la rédaction, GESTE/S) , Luna Laffanour (Fondatrice, Downtown +) et Camilla Rizzo (Studio Willy Rizzo)

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Transcription
00:00 *Générique*
00:08 Bonjour à toutes et à tous, bienvenue dans Art et Marché, votre émission hebdomadaire consacrée au marché de l'art.
00:13 C'est une semaine de foire et Bismarck s'est rendu au PAD, la foire consacrée, comme chaque année, au design.
00:19 Nous avons rencontré la relève des galeristes pour tenter de comprendre qui sont les nouveaux collectionneurs,
00:23 qu'est-ce qui les intéresse dans ce monde du design.
00:27 Vous allez voir tout ça dans notre reportage le début d'un an d'émission.
00:30 Ensuite, c'est l'interview de la semaine, focus sur l'artisanat d'art et sa place dans l'art contemporain,
00:36 alors que la foire Art Paris propose cette année un parcours Art & Craft.
00:40 Yamina Benaï, qui est fondatrice et directrice de la rédaction de Geste, sera notre invitée.
00:44 Bienvenue à toutes et à tous. Qui nous rejoignait tout de suite, c'est Art et Marché.
00:48 *Générique*
00:51 *Bismarck*
00:52 Bismarck s'est rendu au PAD, la foire consacrée au design qui a lieu à Paris, dans le jardin des Tuileries, du 4 au 7 avril.
00:59 Nous sommes allés à la rencontre de la nouvelle génération de marchands de pièces de design.
01:04 Cette nouvelle initiative, c'est la galerie d'Armantin de Plus.
01:09 C'est un nouveau département de la galerie de mon père, qui s'appelle François Lafanour,
01:13 qui a monté sa galerie il y a une quarantaine d'années.
01:16 J'ai décidé il y a un an de fonder ce nouveau département, qui vise à toujours continuer à proposer des pièces vintage,
01:24 vraiment dans la même identité de la galerie, mais tout en mêlant ces pièces-là avec des pièces contemporaines,
01:30 parce que je considère que c'est plus représentatif de l'époque dans laquelle moi je vis.
01:35 J'aime bien l'idée qu'il y ait vraiment une interdisciplinarité entre les deux milieux,
01:39 que ce ne soit pas forcément que du design ou que de l'art.
01:42 De m'adresser aussi à une clientèle qui pouvait être plus proche de mon profil,
01:46 pouvoir un peu aller au-delà des frontières avec le digital, et c'est fort comme on peut avoir.
01:52 L'idée de ce stand, c'était tout d'abord de faire un hommage à Gaëtan Opeché,
01:56 avec ses nouvelles méthodes, ses nouveaux matériaux, et quand même toujours en s'inscrivant dans un contexte du XXe siècle,
02:01 où en fait on commençait à avoir du design industriel.
02:03 Lui se situe vraiment à cheval entre le design et l'art.
02:09 Mon père a commencé à dessiner ses meubles à la fin des années 1960.
02:13 J'essaie d'apporter une touche un peu plus colorée à ces années 1970,
02:20 qui était très marron, orange, et j'adore le laiton, j'adore les couleurs,
02:26 donc j'essaie d'apporter une nouvelle touche un peu plus moderne,
02:29 mais tout en gardant cet esprit 70's que j'adore.
02:33 Par exemple, le bar qui est derrière vous, papa l'avait dessiné en marron,
02:39 avec une peau marron et avec des finitions à scier,
02:42 mais nous on l'a refait en laiton satiné avec une peau gris perle,
02:48 pour donner une touche un peu plus moderne, et pour attirer peut-être plus notre clientèle au jour d'aujourd'hui.
02:57 C'est des personnes plus jeunes qui sont attirées par ce style.
03:03 Nous avons ouvert cette galerie depuis 2018,
03:10 et c'était en fait une continuation de mon travail de mère, qui est une designeuse intérieure.
03:15 Je pense que je suis venue avec le fait que je veux toujours avoir des artistes jeunes et d'avenir
03:21 qui ne pourraient pas être dans le spotlight au début,
03:26 donc j'ai toujours essayé de voir comment je peux promouvoir et interdire des jeunes artistes
03:32 avec quelque chose de plus classique ou de plus riche en héritage.
03:36 Dans ce spectacle particulier, parce que ce n'est pas un artiste d'avenir,
03:40 c'est un artiste très accrédité, son nom est Constantin Kakanias.
03:44 C'est aussi quelque chose que je pense que je prend beaucoup à la galerie,
03:47 c'est de faire des collaborations, c'est quelque chose que j'adore vraiment,
03:51 c'est de faire des collaborations avec des gens qui n'ont pas fait de l'artifice avant,
03:55 comme Constantin ne l'a pas fait avant, et c'est ce qui s'est passé avec cette galerie aujourd'hui.
04:01 C'était notre reportage consacré au PAD, et tout de suite, c'est l'interview de la semaine.
04:05 Art Paris a également ouvert ses portes cette semaine.
04:13 Ce rendez-vous important pour l'art contemporain propose un parcours Art & Craft au sein de la Foire.
04:20 C'est un parcours qui est pensé par le commissaire d'exposition Nicolas Tremblay,
04:23 et c'est l'occasion pour nous de revenir sur les liens de plus en plus forts
04:27 entre l'artisanat d'art et l'art contemporain.
04:30 Yamina Benaï est fondatrice et directrice de la rédaction de la revue Geste,
04:34 et notre invitée pour creuser cette question. Merci beaucoup d'être avec nous.
04:37 Merci pour votre invitation.
04:39 Alors ce que je disais, c'est que Art Paris propose ce parcours Art & Craft.
04:43 De quoi est-ce le signe ? Est-ce que c'est un indicateur que le secteur de l'artisanat d'art
04:50 peut-être se structure encore plus, ou alors que l'art contemporain s'intéresse de plus en plus
04:56 à l'artisanat d'art ? De quoi est-ce le signe en fait ?
05:00 Alors je vous répondrai en vous disant que historiquement, en fait,
05:04 l'art moderne et l'art contemporain, c'est toujours irrigué de l'artisanat d'art,
05:10 quoique de manière pas directe, c'est-à-dire que les plasticiens utilisant les matériaux
05:19 tels que le textile, l'argile avec la céramique, le métal, le bois,
05:26 se sont un petit peu tenus à l'écart des artisans d'art, faisaient appel à eux,
05:32 sans forcément revendiquer la part de l'artisanat d'art.
05:38 C'est vrai que depuis peut-être une vingtaine d'années, l'artisanat d'art s'est un peu plus imposé
05:46 au grand public, notamment via un certain nombre d'initiatives,
05:51 et que justement Art Paris, par finalement ce thème qui est sans détour "Art and Craft",
05:58 donc "Art et artisanat", montre justement les capillarités très fortes
06:02 et qui sont de plus en plus présentes sur ces thématiques autour des matériaux,
06:08 que ce soit le textile, la laine, le métal, etc.
06:11 - Justement, vous avez fait un petit tour déjà à Art Paris, est-ce qu'il y a certaines œuvres,
06:16 certains artistes qui vous ont interpellé, peut-être soit dans le fait que ça s'inscrit
06:21 dans une tendance actuelle, ou juste par simple goût ?
06:26 - Alors, je me récitais trois artistes que j'apprécie particulièrement.
06:31 Jean-Marie Apriou, qui est un jeune artiste d'origine bretonne, d'ailleurs,
06:35 qui est né dans le milieu des années 80, donc il doit avoir 35 ans, relativement jeune,
06:39 qui présente sur le stand de la galerie Perrotin une tête qui est extraite d'une série,
06:46 une tête en verre, qui est hommage aux écrivains.
06:51 Là, en l'occurrence, il s'agit de l'écrivain des Fleurs du Mal, Baudelaire.
06:58 Je citerai également Michele Cacciofera, qui est d'une autre génération, né fin des années 60,
07:06 qui travaille également le verre à la galerie Michelrin.
07:10 Et puis, qui d'autre ? Peut-être un artiste un peu plus ancien, qui est décédé il y a une trentaine d'années.
07:21 C'est Giuseppe Go Gariga, qui, lui, travaille le textile et qui présente une tapisserie, en fait,
07:30 très structurée, très en volume, très matiériste.
07:35 - Et là, vous les avez choisis, justement, c'est vos propres goûts ou c'est parce que vous pensez que ce sont,
07:40 par exemple, des matériaux qui sont particulièrement utilisés par les artistes contemporains ?
07:44 - Je trouve que l'usage qu'ils font des matériaux, justement, donc vraiment du fer, F-I-R-E,
07:50 est particulièrement prégnante et elle est frontale, d'une certaine manière,
07:54 mais que par ce modus operandi, ils parviennent, justement, à transférer leur idée artistique
08:04 avec des matériaux qui ne sont finalement pas particulièrement nobles,
08:09 que ce soit considéré comme pas noble, que ce soit le textile, le fil, le verre.
08:16 Ça donne, en fait, à leur pratique, une dimension charnelle qui est particulièrement intéressante, je trouve.
08:23 Et je citerai également Jeanne Vissérial, qui est une jeune artiste, qui, elle, travaille le fil, chez Templon,
08:30 et qui crée comme ça des sculptures tout de noir. Elle ne travaille que le noir, qui sont là aussi extrêmement frappantes.
08:40 - Et qu'est-ce qu'on peut dire du secteur ? Alors, je sais que les chiffres ne sont pas très récents,
08:45 mais quand même, ça peut nous donner quelques ordres de grandeur.
08:49 Quels sont les chiffres clés de ce secteur et est-ce qu'il est bien structuré
08:54 ou aujourd'hui, il y a encore une évolution à trouver, en ce sens ?
08:58 - Alors, les chiffres, effectivement, comme vous le dites, sont là d'être récents et sont là d'être complets,
09:03 puisqu'ils datent de 2019. Donc, ce sont des chiffres parcellaires qui, en fait, nous indiquent qu'il y a 60 000 entreprises en France,
09:12 EPV comprise. Donc, EPV, ce sont les entreprises du patrimoine vivant. C'est un label qui a été créé par l'État en 2005,
09:18 qui est attribué pour 5 années, donc qui est remis en cause chaque 5 ans.
09:24 Donc, 60 000 entreprises, 150 000 professionnels, EPV comprise. Donc, là, on voit vraiment la sphère extrêmement large,
09:33 c'est-à-dire qu'on passe des entreprises unipersonnelles. Donc, ça rassemble vraiment...
09:40 Ça manque de précision. Ça rassemble énormément, énormément de types d'entreprises,
09:46 avec un chiffre d'affaires cumulé de 18 milliards en France, dont un peu moins de 9 à l'international.
09:55 Alors, ces chiffres, donc, depuis 2019, bien évidemment, non seulement ils sont incomplets, mais ils sont anciens.
10:02 Et donc, justement, l'Institut national des savoir-faire français travaille dans le cadre d'une cellule qu'il a mise au point,
10:09 qui s'appelle "Les Éclaireurs", à ces chiffres qui vont être dévoilés à l'automne 2024 et qui seront donc beaucoup plus proches de la réalité du terrain.
10:19 Parce que j'imagine qu'entre 2019 et aujourd'hui, des gens, même sans en être connaisseur,
10:26 on voit qu'on entend beaucoup plus parler d'artisanat d'art, que c'est quelque chose qui se structure. Est-ce que vous confirmez tout ça ?
10:35 Absolument, oui, tout à fait. Je crois qu'il y a un moment clé, c'est la Covid. C'est-à-dire que la Covid,
10:42 avec tout ce que ça a entraîné de questionnements personnels, de recherche de sens, etc.,
10:47 et puis de recentrage, en fait, sur le domicile, sur le chez-soi, que fait-on chez soi ? On prend soin de son intérieur.
10:56 Ça a justement mis en lumière tous ces artisanats. Et d'ailleurs, on le voit par le chiffre des reconvertis,
11:04 donc des personnes qui, après avoir fait une carrière dans la finance ou autre, s'intéressent soit à la boulangerie, soit à la céramique, soit à la tapisserie.
11:17 Donc ça, c'est vraiment un moment clé. Et c'est vrai que ça remet vraiment au bout du jour ces pratiques.
11:22 Qu'est-ce qu'on peut dire du coup de cette tendance qui mêle artisanat et art contemporain ? Comment regarder ça ?
11:29 Est-ce que c'est les artistes contemporains qui vont se tourner justement vers des artisans, qui vont faire un double travail,
11:36 ou au contraire, c'est vraiment ces artistes qui vont se former, qui vont retrouver un goût du geste particulier, proche de l'artisanat ?
11:45 Alors, il y a deux types d'artistes quand on parle d'artisanat. Il y a ceux qui réalisent eux-mêmes leurs pièces,
11:54 et d'autres qui font appel à des artisans dont c'est vraiment le travail. Mais l'idée première, elle est issue du plasticien, de l'artiste.
12:02 Donc le lien qui se tisse, qui est souvent un lien très fort d'ailleurs, on pense à des artistes comme Johan Cretten,
12:10 qui est céramiste, donc qui a un lien très fort avec les fonderies, les ateliers de céramique, etc.
12:18 Donc à partir de son idée, va faire réaliser, va donner une partie de son idée, parce que ce n'est pas forcément l'ensemble de la pièce,
12:27 de façon à ce que les artisans puissent lui donner forme. Donc effectivement, il y a ce lien très fort de respect, de compréhension aussi,
12:38 parce que l'artisan doit être missionné pour mettre en forme l'idée de l'artiste. Il doit comprendre véritablement la nature des attentes de l'artiste.
12:49 Et très ravinant, ma dernière question, ce sera sur l'investisseur, le collectionneur.
12:53 Quand il fait ce tour du parcours Art&Craft à Art Paris, à quoi doit-il faire attention ?
12:58 Justement, est-ce qu'il doit prêter attention à cette dualité, à ces deux acteurs qui sont allés sur une même œuvre ?
13:04 Qu'est-ce que ça va changer sur la valeur de l'œuvre ?
13:07 Alors, encore une fois, ces capillarités ont toujours existé. D'un côté, effectivement, il y a les artistes plasticiens, de l'autre côté, les artisans.
13:17 Donc le collectionneur d'art contemporain, il va aller vers la pièce qui l'intéresse, qui l'inspire, qu'elle soit une pièce complètement conceptuelle ou une pièce travaillée et nourrie d'artisanat.
13:33 Donc je ne pense pas que ce soit un marqueur particulier, sachant qu'il y a quand même des domaines qui reviennent au goût du jour,
13:41 comme la tapisserie, qui fait un grand retour dans les salons, dans les foires d'art et dans les salons d'art.
13:49 Donc, effectivement, elle connaît un petit peu un regard d'intérêt, mais le collectionneur ira toujours vers, disons, soit l'artiste qu'il connaît,
13:58 soit la pièce qui va lui parler sans forcément se soucier du matériau utilisé.
14:03 Merci beaucoup, Yamina Benaï. Je rappelle que vous êtes fondatrice et directrice de la rédaction de Geste.
14:09 Et c'est la fin de cette émission. Merci de nous avoir suivis. On se retrouve la semaine prochaine pour un nouveau numéro d'Art et marché.
14:14 (Musique)