Vendredi 6 octobre 2023, ART & MARCHÉ reçoit Laurent Fievet (Directeur, Lab’Bel) , Silvia Guerra (Directrice artistique, Lab'Bel) , Jacques Salomon (Amateur, collectionneur) et Olivier de Baecque (avocat, De Baecque Bellec)
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00:00 Bonjour à toutes et à tous, bienvenue dans l'émission Art et Marché, votre rendez-vous
00:12 hebdomadaire consacré au marché de l'art.
00:14 On commence par l'actualité de la semaine.
00:16 Tous les ans, le groupe BEL dévoile une boîte collector des fromages frais Vachkiri.
00:20 C'est la dixième édition cette année et nous sommes allés à la rencontre d'un
00:24 collectionneur et de la fondation.
00:26 On passera ensuite à l'interview de la semaine, nous recevions Olivier Debac, avocat et associé
00:31 au cabinet Debac-Bellec.
00:32 Lorsqu'il y a une erreur autour d'une vente, l'acheteur mais aussi le vendeur peuvent
00:37 agir mais tout cela bien entendu dans un délai imparti.
00:40 On vous en dit plus tout de suite dans Art et Marché.
00:42 Tout d'abord, nous commençons par l'actualité de la semaine.
00:50 Bismarck est parti à la rencontre de collectionneurs de boîtes de Vachkiri réalisées chaque année
00:55 en collaboration avec un ou une artiste d'art contemporain.
00:59 C'est tout de suite.
01:00 La BEL est un fonds de dotation qui a été créé en 2010 par le groupe BEL et qui a
01:13 vocation de soutenir l'art contemporain.
01:15 C'est une structure d'intérêt général qui organise à la fois des expositions mais
01:21 réalise aussi des éditions comme la boîte collector.
01:24 Dans cette série, on a choisi beaucoup d'artistes qui sont plutôt des artistes conceptuels
01:31 parce qu'on n'avait pas envie que ce soit juste une façon de décorer la boîte traditionnelle
01:41 de Vachkiri.
01:42 Avec Martha Wilson, on a vu son exposition récemment au Centre Pompidou et on a pensé
01:50 avec Laurent et Sylvie Boulanger qui est la commissaire de projet que ce serait une bonne
01:57 idée de l'inviter pour ce projet.
01:59 Et aussi mettre en question toute sa pratique qui était pour briser un peu le stéréotype
02:07 de la femme et toutes les questions de la performance, des questions féministes qui
02:13 sont mises en avant dans son édition.
02:16 Au départ, ça s'est fait un peu par hasard puisque c'est la directrice de la FIAC,
02:22 Jennifer Flay, qui a souhaité nous inviter.
02:24 Ça l'intéressait parce que l'art souffre souvent de cet arrière-plan du marché, des
02:31 excès du marché artistique.
02:34 Et ça l'intéressait de pouvoir prouver que l'art pouvait être aussi bon marché
02:38 et atteindre des collectionneurs qui avaient des petits budgets.
02:41 La boîte de Hans-Peter Fellmann se vend en second marché et elle dépasse les 3,50€
02:47 dans lesquels elle était proposée dans les supermarchés puisque nous n'étions pas
02:51 à la FIAC encore à cette époque-là.
02:53 Et oui, il y a un second marché pour les boîtes qui ont échappé à certains collecteurs
02:57 et chaque année, on a des collectionneurs un peu attristés d'avoir eu leur boîte
03:02 collector jetée par inadvertance.
03:04 Tout le projet joue sur des ambiguïtés de perception quant à l'usage de cet objet,
03:10 de ce que c'est cet objet, de son prix, du fil que propose le prix, de se demander
03:16 si c'est de l'art ou si ça n'en est pas, comment on le conserve, ce qu'on en fait,
03:20 si on a le droit d'ouvrir la boîte.
03:21 Voilà, toutes ces dimensions conceptuelles participent du projet.
03:24 Comme j'aime collectionner les choses un peu originales, et ceci depuis très longtemps,
03:35 j'ai pensé que l'initiative de Lavachkiri et de Laurent Fievet d'éditer des boîtes
03:43 qui sont archi-célèbres, mais de les faire conditionner par des artistes actuels était
03:50 une excellente idée.
03:51 Ça sortait du sentier, des sentiers battus, des œuvres traditionnelles et le geste était
03:57 très intéressant, d'autant plus que les artistes choisis sont intéressants, à moi
04:04 et à mes yeux, sont parmi les meilleurs actuels.
04:07 Tout est collectionnable, je crois qu'en matière d'art, il n'y a pas de règle.
04:11 Je crois que tout est intéressant dès lors que l'idée et que le concept est fort.
04:18 Celle-ci par exemple a été éditée par Daniel Buren et ça c'est un travail qui
04:23 est évidemment tout à fait typique de lui.
04:26 Il met ses bandes de quatre couleurs dans des endroits où d'habitude on ne regarde
04:32 pas.
04:33 Je crois que la première et la deuxième année je ne le savais pas, donc j'ai manqué
04:38 les premières éditions.
04:39 Les suivantes, oui je les ai, j'en ai je ne sais pas cinq, six ou sept, mais il me
04:44 manque les deux premières et je souhaite évidemment les trouver un jour si c'est
04:49 possible.
04:50 Et c'était un reportage signé Pauline Grattel.
04:52 Tout de suite l'interview de la semaine.
04:54 L'acheteur ou le vendeur doivent-ils réagir rapidement lorsqu'il est insatisfait d'une
05:05 vente réalisée par le passé ? C'est la question que nous allons poser à Olivier
05:09 Debac, avocat et associé au cabinet de Bac Belec.
05:12 Bonjour.
05:13 Merci beaucoup d'être avec nous.
05:15 En ce moment même, il existe un litige entre un particulier et son marchand autour de la
05:19 vente d'un masque fang du Gabon.
05:21 Il a été vendu 4,2 millions d'euros aux enchères alors que les particuliers l'ont
05:25 cédé 150 euros aux marchands.
05:27 La vente auprès du spécialiste a eu lieu en septembre 2021 et la vente aux enchères
05:32 en mars 2022.
05:33 Le procès va avoir lieu dans quelques semaines.
05:36 Alors j'imagine que tous les délais ont été tenus.
05:38 Mais comment ça se passe dans ce cas ? C'est un litige assez classique.
05:42 J'imagine qu'il y a dû arriver dans le passé.
05:44 Quelles règles de délai s'appliquent dans ces cas-là ?
05:46 Oui, là on est vraiment dans les délais.
05:49 Donc à partir du moment où le propriétaire de l'objet qu'il a vendu pour 3 francs 6
05:56 sous découvre que c'est un chef-d'oeuvre, il a 5 ans pour assigner.
06:00 Au-delà de ce délai, l'affaire sera prescrite, il ne pourra plus agir en justice.
06:06 Et si jamais le moment où il découvre cette erreur sur l'authenticité est plus tardif,
06:13 il a un délai maximum de 20 ans à compter de la vente initiale pour agir.
06:18 Donc on a deux délais.
06:20 On a un délai qu'on appelle un délai glissant, qui est de 5 ans à compter du moment où
06:25 on a découvert le vice, ou on aurait dû découvrir le vice, je sais n'importe quoi,
06:30 mais c'est un indice, une expertise, là c'est une vente publique avec une autre attribution.
06:35 On a 5 ans.
06:36 Et ce délai, il est enfermé dans un délai maximum de 20 ans à compter de la vente initiale.
06:42 Donc par exemple, si vous découvrez l'erreur d'authenticité la 19e année, il vous reste
06:47 plus qu'un an pour agir.
06:49 Si vous agissez au bout de 20 ans et un jour, c'est terminé.
06:54 - Et justement la découverte, ça doit être associé quand même à une expertise.
06:59 Comment est-ce que ça se matérialise vraiment ?
07:02 - Alors il y a une part de subjectivité dans l'appréciation de la découverte du vice et
07:08 le jargon.
07:09 C'est pas simplement une rumeur, il faut qu'on ait un élément assez précis.
07:13 Donc par exemple, si vous avez vendu une rumeur que votre objet devrait avoir une autre authentification,
07:19 vous avez intérêt à faire faire une expertise et c'est l'expertise elle-même qui est un
07:24 élément beaucoup plus précis, beaucoup plus probant, qui fera partir le délai.
07:28 - Et ça, ça s'applique dans n'importe quelle situation ? Quelles sont les situations qu'on
07:32 voit le plus régulièrement dans ce genre de prescriptions ?
07:35 - Ça c'est le délai de prescription complètement standard qui pourrait s'appliquer à des
07:40 litiges complètement étrangers au marché de l'art.
07:43 Le contentieux très classique, c'est l'erreur d'attribution.
07:46 Donc on croit vendre une croûte et que c'est un chef-d'oeuvre.
07:49 Ça on est du côté du vendeur ou l'inverse, on achète un chef-d'oeuvre et il s'avère
07:56 que c'est un mauvais tableau.
07:58 - C'est ça, quand c'est un faux, c'est pareil ?
08:00 - Oui, ça marche dans les deux sens en fait.
08:04 On a l'erreur, c'est un vice du consentement, on pensait vendre quelque chose avec une définition
08:11 précise et en fait c'est complètement différent.
08:13 - Et ça, ça s'applique quand on est un particulier, est-ce que c'est la même chose de l'autre
08:19 côté ? Par exemple, la situation peut exister d'un marchand qui a fait une erreur, etc.
08:24 Est-ce que pour un professionnel, ce sont les mêmes règles ?
08:27 - Alors, sur les règles de prescription, ce sont les mêmes règles.
08:30 Il y a un cas particulier, c'est celui de la vente aux enchères ou de la prisée par
08:36 une maison de vente ou un commissaire de justice.
08:39 Là, la responsabilité professionnelle de cet acteur, elle est beaucoup plus courte,
08:46 elle est de 5 ans à compter de la vente.
08:48 Donc 5 ans après une vente aux enchères, vous ne pouvez plus agir contre le commissaire-priseur.
08:54 - Mais ça c'est si le particulier se rend compte ?
08:58 - L'acheteur, le vendeur...
09:01 - Quand n'importe qui s'en rend compte, en fait.
09:03 Et comment est-ce que ça se passe ? Vers qui se crée le litige entre le marchand et le particulier ?
09:15 Parce que dans le cas du Masque-Feng, il y a quand même aussi un expert, il y a aussi
09:19 la personne qui a acheté l'œuvre d'art.
09:22 Il y a quand même 4 personnes en jeu.
09:25 Dans ce dossier-là, ce qui est un peu compliqué, c'est qu'il y a un particulier qui vend un brocanteur.
09:31 Donc c'est une première vente.
09:33 Et ensuite, le brocanteur confie l'objet à un commissaire-priseur et le vend.
09:38 Pour moi, le vendeur initial, il a une action en annulation de la première vente contre
09:46 le brocanteur qui lui a acheté.
09:47 Alors là, ils ont fait, si j'ai bien compris, quelque chose d'un petit peu différent.
09:51 Ils demandent juste des dommages à intérêt, c'est-à-dire participer au produit de la vente.
09:55 Puisque par définition, l'objet a été revendu en vente et il y a un collectionneur qui doit l'avoir.
10:00 Ça crée un niveau de relation juridique en plus.
10:03 Oui, c'est ça.
10:05 Et comment ça se passe si on a un procès ? On a quoi ? On a un remboursement ?
10:11 Quelles sont les situations, les issues possibles ?
10:15 L'issue traditionnelle dans un contentieux d'annulation de la vente pour erreur, c'est d'annuler la vente.
10:21 Donc le vendeur rend l'argent et l'acheteur rend l'objet.
10:27 On remet les parties dans la situation antérieure au contrat de vente.
10:31 Parfois, quand par exemple, il y a un commissaire priseur qui a été un intermédiaire dans la vente
10:35 et qui aurait fait une erreur dans son estimation, en authentification,
10:41 lui, il va devoir rembourser les honoraires.
10:43 Comme la vente est annulée, il n'y a pas de raison qu'il ait des honoraires.
10:46 Et s'il a fait une erreur professionnelle, il peut être actionné en responsabilité.
10:51 Et si on s'en rend compte dans le délai des 20 ans, mais qu'il y a eu des ventes entre temps,
10:56 est-ce qu'on peut quand même avoir un procès ?
10:59 Est-ce que ça annule les ventes suivantes ? Comment ça se passe ?
11:03 La difficulté, évidemment, c'est que l'objet aura mené sa vie, passé de propriétaire en propriétaire.
11:09 Donc au lieu d'annuler la vente et d'obtenir une restitution, par exemple,
11:14 on va substituer la restitution matérielle de l'objet à une indemnisation.
11:18 Donc on va rembourser le prix de vente perçu à la revente.
11:23 Et justement, quand vous parlez de restitution, ça fonctionne aussi, par exemple,
11:26 pour des restitutions liées aux spoliations ?
11:30 Ça, c'est des cas complètement différents.
11:32 Justement, vous, en tant qu'avocat, quel est le cas le plus fréquent que vous avez assisté ?
11:38 Parce que vous avez des exemples concrets à nous partager.
11:42 Le cas le plus fréquent, c'est l'erreur d'attribution.
11:45 Donc il peut être qu'on attribue mal un objet exceptionnel ou on attribue trop bien un objet banal.
11:54 Donc on peut agir à la fois pour le vendeur, on peut agir pour l'acheteur.
11:58 Mais c'est rare ou pas ?
11:59 Non, c'est relativement fréquent.
12:02 Nous, on a plusieurs dossiers actifs en permanence au cabinet sur des tableaux, des meubles, des antiquités.
12:08 Non, non, ça arrive. Je ne vais pas vous dire que c'est tous les jours.
12:11 Mais c'est un contentieux assez usuel en matière d'art.
12:15 Et quand vous parliez des professionnels qui avaient une règle un petit peu différente,
12:20 vous parliez seulement des commissaires-priseurs,
12:23 pourquoi ne pas l'avoir ? Pourquoi est-ce que ça ne concerne pas les autres professionnels ?
12:28 Alors, c'est tout le paradoxe de cette règle.
12:32 C'est que les néophytes confient leurs objets à un commissaire-priseur ou à un opérateur de vente volontaire.
12:38 Ils sont responsables pendant 20 ans, tandis que le professionnel à qui ils ont délégué finalement...
12:42 Qui a l'intention d'avoir un œil expert.
12:44 ...s'en sort au bout de 5 ans.
12:46 Et son expert bénéficie de la même règle de prescription.
12:50 Mais c'est assez commun en matière de responsabilité des professionnels.
12:54 Par exemple, les huissiers, les avocats, les notaires ont aussi des règles de prescription spécifiques à leur métier.
12:59 Et est-ce que, dernière question, est-ce que c'est possible de négocier le délai de prescription ?
13:05 Si on a des doutes, peut-être ?
13:06 Oui, il y a eu une réforme de la prescription en 2008 qui permet de négocier les délais de prescription.
13:12 Avec pas mal de limites.
13:14 Un commissaire-priseur ne pourra pas réduire sa prescription.
13:18 Et un professionnel ne pourra pas imposer à un particulier de négocier la prescription.
13:24 Par contre, entre deux particuliers ou entre deux professionnels, dans le cas d'une vente par exemple,
13:29 on peut aménager la prescription soit plus courte, soit plus longue.
13:32 Merci beaucoup d'avoir répondu à nos questions, Olivier Debac.
13:36 Je rappelle que vous êtes avocat et associé au cabinet de Bach-Bellec.
13:40 Merci à vous d'avoir suivi l'émission et vous pouvez nous retrouver bien sûr sur le site de Bismarck.
13:45 N'hésitez pas également à vous inscrire à notre nouvelle newsletter consacrée au marché de l'art qui s'appelle Hors Cadre.
13:51 Et quant à nous, on se retrouve la semaine prochaine pour un nouveau numéro d'Art & Marché.
13:56 [Musique]