Pascal Praud revient pendant deux heures, sans concession, sur tous les sujets qui font l'actualité. Aujourd’hui, Pierre Douglas, journaliste et parrain de l'association ARGOS 2001, est invité pour parler de la journée mondiale des troubles bipolaires. Un Français sur 7 est concerné par cette maladie.
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00:00 - Europe 1 - Pascal Prohevo
00:02 - De 11h à 13h sur Europe 1 et avec nous notre invité, Pascal Pierre-Douglas.
00:06 - Et je le remercie, vous le connaissez évidemment Pierre-Douglas, depuis de nombreuses années,
00:10 la journée mondiale des troubles bipolaires, vendredi 29 mars de 9h à 17h.
00:15 Pourquoi, Pierre-Douglas, ce sujet vous touche-t-il ?
00:20 - Et bien depuis 3 ans, je suis le parrain de l'association Argos 2001,
00:24 qui comme son nom l'indique existe depuis 2001.
00:26 Et ma femme est conseillère médicale, puisqu'elle est médecin à la retraite.
00:32 Et nous sommes concernés parce que notre fils aîné qui a 56 ans, souffre de troubles bipolaires.
00:38 Et cela depuis de très nombreuses années.
00:41 Et il y a eu des progrès de fait, mais disons que quand on s'est aperçu qu'il avait un comportement
00:46 qui n'était pas traditionnel et qui était difficile à supporter pour lui comme pour son entourage,
00:51 c'était bien avant qu'il soit diagnostiqué.
00:54 Il a été diagnostiqué, il avait à peu près 40 ans,
00:58 mais il avait un comportement qui nous interrogeait depuis l'âge de 18 ans.
01:03 Et il a pu travailler un petit peu, mais très très peu.
01:06 Il touche le A à H pour les personnes handicapées,
01:13 et puis on fait notre métier de parent, on comble ce qui manque pour qu'il puisse vivre convenablement.
01:18 Ce qui est très important de dire, c'est qu'il y a eu des progrès de fait,
01:22 et que si cette maladie actuellement n'est pas guérissable,
01:27 on peut être rétabli, et on peut vivre à peu près normalement en souffrant de troubles bipolaires.
01:34 C'est la raison pour laquelle nous avons appelé cette journée de vendredi prochain,
01:38 "Souffre, comment dirais-je, troubles bipolaires et travaille".
01:42 Parce que c'est très important.
01:44 Ma femme a écrit un petit éditorial où elle dit que le travail pour tout individu est d'une extrême importance,
01:50 c'est la dignité, c'est un moyen d'existence et d'exister, c'est un signe de reconnaissance,
01:54 c'est une façon de se sortir de la maladie, une façon de croire en soi.
01:57 Et si vous voulez, Pascal, il y a beaucoup de bipolaires d'une quarantaine d'années
02:02 qui sont handicapés, parce que c'est un handicap,
02:05 et quand on leur dit "Qu'est-ce que vous faites ? Vous travaillez comment ?"
02:07 ils n'osent pas dire qu'ils ne peuvent pas, qu'ils ont des problèmes.
02:09 Alors ils mentent, ils ont honte, ils sont gênés, etc.
02:12 - Alors comment ça se traduit ? Par exemple pour votre fils,
02:15 quels sont les signes ? Vous disiez qu'il n'avait pas un comportement traditionnel.
02:19 - Il n'avait pas un comportement traditionnel.
02:20 Il y a deux phases quand on souffre de troubles bipolaires.
02:24 Il y a d'une part la phase d'anxiété, la phase de dépression,
02:29 ce que j'appellerais la phase "down", où là ça peut aller jusqu'à la tentative de suicide.
02:34 On est totalement désespéré, on a perdu l'espoir et la force en tout.
02:39 Et vous avez d'autre part la phase qui est "up", la phase qu'on appelle "maniac",
02:44 et là, mon fils un jour m'a dit "J'ai acheté une moto",
02:47 il n'avait pas les moyens de le faire, je ne sais pas comment il s'est débrouillé,
02:49 il a emprunté, etc. Il a fallu qu'on l'aide.
02:51 Il était le roi du monde.
02:53 - Et on est toujours dans l'une ou dans l'autre, ou parfois on peut être dans une phase intermédiaire ?
02:58 - Il y a un petit peu de stabilité, mais c'est très rare.
03:00 On passe d'une phase à l'autre, ça peut durer 8 jours, ça peut durer un mois,
03:03 ça c'est malheureusement difficile à établir,
03:06 mais on est tout le temps prisonnier de ces deux phases-là.
03:10 Et c'est une véritable souffrance.
03:12 C'est une souffrance terrible pour celui qui en est pris,
03:16 mais ce n'est pas marrant non plus pour ceux qui sont autour.
03:19 J'ai trois garçons, et mes deux autres fils, ils ont souffert aussi de la maladie.
03:24 - Mais votre fils s'est marié, il a eu des enfants, donc il a quand même une vie affective,
03:28 il a eu une vie affective, il a rencontré une femme qui l'aimait,
03:31 et il a pu nouer une relation sentimentale.
03:35 - Il a réussi ça, c'est une belle réussite, parce que ma petite fille, sa fille est née à 26 ans.
03:40 - Et quand vous dites, on s'en est rendu compte à 18 ans,
03:43 on est N-A-I-T bipolaire ou on le devient ?
03:46 - Je ne le sais pas.
03:48 Est-ce que c'est génétique ?
03:50 Pas toujours.
03:53 Ça peut arriver comme ça, il peut y avoir dans l'hérédité des problèmes.
03:58 Ce qui nous a beaucoup frappé, c'est qu'avec trois garçons à la maison,
04:03 il y en avait un qui n'avait pas le même comportement que les autres.
04:06 - C'était l'aîné ? - C'était l'aîné, oui.
04:08 Parce que mon deuxième fils a 52 ans, et mon troisième fils il a 50 ans aujourd'hui.
04:12 - La solution, elle est chimique, évidemment, parce qu'on aurait le sentiment parfois
04:17 que c'est simplement en parlant, pourquoi pas en trouvant un problème
04:23 qui a pu exister ou dans l'enfance, etc.
04:25 Donc ça c'est le travail classique de la psychanalyse ou de la psychiatrie.
04:28 Mais là on est sur quelque chose de chimique, qui n'est pas forcément lié, j'ai envie de dire, au vécu.
04:35 - Vous avez tout à fait raison, mais c'est pas uniquement chimique.
04:39 C'est naturellement un trouble psychique, neurologique.
04:44 - Non mais la solution est chimique, c'est-à-dire, ce que je voulais dire, c'est qu'elle est médicamenteuse.
04:47 - Oui, elle est relative mais elle n'est pas complète.
04:50 C'est-à-dire qu'aujourd'hui on ne guérit pas.
04:52 On est soigné, et on peut, comme je le disais, c'est ça sur quoi je veux insister,
04:57 parce que c'est très encourageant pour ceux qui souffrent de tout ça, qui sont très nombreux,
05:01 c'est qu'on peut se réhabiliter, on peut travailler dans des conditions normales, vivre.
05:07 Mon fils aîné était bipolaire depuis longtemps, quand il s'est marié, et qu'il a eu deux enfants.
05:12 - Alors j'imagine aussi qu'il y a des échelons, Pierre, il y a des bipolaires de différents types,
05:16 tout le monde n'est pas bipolaire de la même manière.
05:18 - Mais c'est bien sûr, c'est pour ça que c'est très très très difficile à maîtriser.
05:22 Mon fils aîné n'a jamais envisagé de tentative de suicide, ni rien du tout,
05:27 ça a été très très difficile pour lui jusqu'à il y a cinq ans,
05:29 à partir du moment où il a bien voulu prendre du lithium, parce qu'il craignait les effets secondaires.
05:34 Le lithium n'est pas le médicament qui va soigner tous les bipolaires,
05:38 mais il se trouve que pour lui, ça a été une espèce de salut,
05:41 parce que quand il arrivait à la maison, avant qu'il prenne le lithium, on était angoissé,
05:46 maintenant quand il arrive à la maison, on est impatient de le retrouver.
05:49 - Alors je voulais que vous échangeiez avec Bernadette,
05:53 puisque le principe de cette émission, c'est parfois d'avoir un invité qui connaît particulièrement bien le sujet,
05:58 et puis parfois effectivement des témoignages de gens qui se sont confrontés à ce sujet.
06:03 Bonjour Bernadette !
06:05 - Oui bonjour Pascal !
06:06 - Et merci d'être avec nous ! Est-ce que vous pouvez nous raconter votre parcours et votre histoire ?
06:14 - Eh bien mon frère était bipolaire, ça s'est découvert il avait 18-20 ans,
06:20 et on avait un très bon psychiatre à l'époque qui avait prescrit du lithium,
06:26 tant qu'il a eu ce médicament, ça allait à peu près,
06:30 c'était un peu contraignant parce qu'il y avait des prises de sang à faire, etc.
06:34 Et le problème de ces maladies chroniques, c'est que quand on se sent mieux, on abandonne les traitements.
06:39 Et donc quand il a eu une compagne, elle lui a dit "mais t'es pas fou, pourquoi tu prends ça ?" etc.
06:46 Et alors il abandonnait le traitement et tout.
06:48 Et ça a été assez chaotique, et en fait je l'ai beaucoup entouré, y compris mes parents,
06:55 c'était mon frère aîné, j'étais avec lui.
06:57 Il faut beaucoup d'empathie et d'écoute, mais c'est très difficile pour l'entourage,
07:03 et on l'a dit là tout à l'heure, difficile pour le malade mais difficile pour l'entourage.
07:09 - Mais sans dévoiler évidemment le drame qui est arrivé,
07:16 votre frère malheureusement n'est plus là Bernadette.
07:19 - Oui, il s'est suicidé à 56 ans.
07:24 Et donc il était suivi, quand il était trop mal en dépression,
07:29 on le mettait dans des structures, mais à l'époque, qui n'étaient pas forcément adaptées.
07:33 C'était dans la psychiatrie, tout mélangé, vous voyez ce que je veux dire ?
07:37 Je pense que ces personnes, il faudrait les mettre dans des antennes, dans des structures,
07:42 dans des services un peu particuliers.
07:44 - Alors ces deux millions de personnes... - Parce qu'il me disait des fois "je suis pas fou"
07:48 - Pardonnez-moi Bernadette, je vous ai coupé, excusez-moi.
07:51 - Non, je vous en prie.
07:53 - Vous disiez ?
07:54 - Oui, il me disait des fois "mais je suis pas fou quand on était en psychiatrie,
07:57 j'allais le voir en maison de repos".
07:59 Il faudrait des structures adaptées, parce qu'en fait c'est des troubles d'humeur,
08:03 comme on nous le disait tout à l'heure,
08:05 où on a une euphorie, on achète n'importe quoi,
08:08 même au-delà de ses moyens,
08:10 et parfois on est dans des phases très dépressives.
08:13 - Alors ces deux millions de personnes, ce n'est pas rien.
08:17 - Oui, mais justement il faudrait...
08:20 - Jadis on disait "maniaco-dépressif",
08:23 le mot bipolaire je sais pas s'il a 10 ans, 20 ans ou 25 ans...
08:26 - En tout cas maintenant on dit...
08:28 - Non, avant on disait "maniaco-dépressif".
08:31 - Exactement, ça touche plutôt...
08:33 - Je trouve que ce n'était pas tellement joli comme terme,
08:36 parce que "maniac" ça faisait...
08:38 c'était pas très beau pour eux, je sais pas comment vous dire.
08:41 - Bah oui, puis ça les écarte un petit peu de la société,
08:43 et c'est ça qui est dérive.
08:45 - Voilà, on les mettait à part, dans une case à part.
08:47 - C'est plus des hommes ou des femmes, ou c'est indifféremment hommes et femmes ?
08:49 - C'est indifféremment.
08:51 Je suis très impressionné par le témoignage de Bernadette.
08:55 Il s'est passé quelque chose,
08:58 à côté du suicide, il s'est passé quelque chose de dramatique,
09:01 c'est l'arrêt des médicaments.
09:02 Ça c'était une véritable catastrophe,
09:04 il ne fallait absolument pas arrêter les médicaments.
09:06 Il y a quelque chose sur quoi je voudrais insister aussi,
09:08 quand je vous entends Bernadette,
09:10 et quand j'écoute les questions de Pascal,
09:12 il y a un mot que je n'ai pas encore prononcé,
09:14 c'est le mot "amour".
09:16 Je crois qu'il faut absolument être...
09:19 Pardonnez-moi, je suis très très ému,
09:21 mais il faut absolument que tous ceux qui souffrent de troubles bipolaires
09:25 se sentent aimés.
09:27 Parce que l'association Argos 2001,
09:29 elle est faite pour les aimer,
09:31 pour les entourer, pour les soutenir,
09:33 pour les accompagner, pour les tenir,
09:35 pour les encourager,
09:37 et ça c'est quelque chose d'irremplaçable.
09:39 Et je suis content que mon fils,
09:41 qui est à l'âge du vôtre, qui nous a quittés,
09:43 Bernadette, bien lui il est toujours vivant,
09:45 il n'a pas envisagé de disparaître,
09:47 et bien il a toujours eu l'amour,
09:49 avant de divorcer de sa femme avec qui il s'entend encore bien,
09:52 il a toujours eu l'amour de ses enfants et de ses parents.
09:54 - Justement, excusez-moi de vous couper,
09:56 tant qu'il a été avec sa famille célibataire,
09:59 mon frère, ça allait parce qu'on avait beaucoup beaucoup d'écoute,
10:02 sa fille c'était pareil,
10:04 mais dès qu'ils ont été en ménage,
10:06 je pense que la personne qui est en face
10:08 doit avoir la même empathie, la même écoute,
10:10 sinon c'est une catastrophe.
10:12 - Tout à fait.
10:13 - Merci beaucoup Bernadette,
10:15 mais c'est très intéressant aussi ce que vous dites,
10:17 parce que dans le témoignage de Bernadette,
10:19 il y a cette femme qui dit "tu n'es pas fou,
10:21 n'écoute pas forcément ton entourage".
10:23 Et évidemment que le bipolaire n'est pas fou,
10:25 mais prendre des médicaments,
10:27 ce n'est pas être fou, il n'y peut rien.
10:29 - Mais bien sûr, il faut faire très attention
10:31 à la stigmatisation.
10:33 - Mais bien sûr.
10:34 - Il faut jamais dire "il est cinglé, il est fou, il dit n'importe quoi",
10:36 pas du tout, il est malade, il n'y a pas de honte à être malade.
10:38 - Bon, merci beaucoup d'être passé par ce studio,
10:41 Pierre-Douglas,
10:43 et puis que maintenant que vous avez retrouvé
10:45 le chemin d'Europe 1, également de Cénis,
10:47 vous pouvez venir nous voir régulièrement
10:49 pour parler même pourquoi pas d'autre chose.
10:51 - J'ai décidé à vous soumettre.
10:53 - Vous êtes un accident génétique,
10:55 on le disait avec Monsieur Boubouk,
10:57 parce que vous demandez à notre ami Olivier
10:59 de dire votre âge.
11:01 - Moi je vous donnais franchement 70 ans.
11:03 - Moi je vous en donne beaucoup moins.
11:05 - Et vous en avez 80 d'euros.
11:09 - Vous êtes de quelle année ? 37 ?
11:11 - 41, j'aurais 83 ans au mois d'août.
11:13 - Vous êtes un lion ?
11:15 - Je suis un lion à 100 dans le lion.
11:17 - Ah, ça va.
11:19 - 10 secondes parce qu'après on est en retard.
11:21 - L'association Argos a besoin de dons.
11:24 Nous sommes à argos2001.net
11:29 Des dons, on en a beaucoup besoin.
11:31 Et puis un petit truc personnel,
11:33 j'ai une actualité, je joue une pièce de théâtre
11:35 qui s'appelle "L'abîme fait par le kyr",
11:37 c'est un thème de la scène, et je la reprends à Vichy
11:39 à partir du mois de juin.
11:41 Je suis prêtre, je suis le chanoine qui est l'ancien maire de Dijon,
11:43 et l'auteur Sylvain Beltran,
11:45 qui est un ami,
11:47 joue mon secrétaire.
11:49 - Quand vous reprendrez cette pièce,
11:51 et peut-être même avant,
11:53 vous viendrez nous en parler.
11:55 Sur C News et sur Europe.
11:57 C'est dit, il est 12h26.