• il y a 9 mois
Grand témoin : Christophe Barbier, éditorialiste politique, conseiller éditorial à « Franc-Tireur » et auteur de « Peuple de colères » (Fayard)

GRAND DÉBAT / Dette : vers la fin de l'État-providence ?

« Le récap » par Valérie Brochard

Le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, a annoncé sa volonté de réaliser 10 milliards d'euros d'économies supplémentaires, dès cette année, afin de pallier une dette publique de plus en plus importante et une croissance en baisse. Le 20 mars 2023, le numéro deux du gouvernement est convié à un dîner organisé par Emmanuel Macron qui réunit les têtes de la majorité parlementaire, Gabriel Attal et le ministre chargé des comptes publics, Thomas Cazenave. Le but de ce dîner : déterminer la répartition des économies selon les ministères. Non remboursement des taxis médicaux, de certains médicaments et de certaines affections de longue durée... Quelles sont les pistes envisagées dans le secteur de la santé ? Ces coupes budgétaires risquent-elles de mettre mal le modèle, unique au monde, de la sécurité sociale à la française ?

Invités :
- Charles Rodwell, député Renaissance des Yvelines,
- Éric Coquerel, député LFI de Seine-Saint-Denis,
- Frédéric Bizard, professeur d'économie à l'ESCP et Président de l'Institut Santé.

GRAND ENTRETIEN / Christophe Barbier : révoltes et colères, l'ADN de notre histoire ?

Un peuple français révolté en permanence ? C'est le propos du journaliste et éditorialiste politique, Christophe Barbier, dans son livre « Peuple de colères ». Des Cabochiens en 1413 aux Gilets Jaunes en 2018 et des Bonnets rouges de 1675 à ceux de 2013, il n'y a qu'un pas. Le chroniqueur montre ainsi comment les révoltes d'aujourd'hui font écho à celles d'hier, tant dans leur forme que dans leurs racines. Après la récente crise agricole, un nouvel épisode de colère est-il donc inéluctable ?

Grand témoin : Christophe Barbier, éditorialiste politique, conseiller éditorial à « Franc-Tireur » et auteur de « Peuple de colères » (Fayard)

LES AFFRANCHIS

- Isabelle Lasserre, correspondante diplomatique au Figaro,
- Pierre-Henri Tavoillot, philosophe,
- « Bourbon express » : Elsa Mondin-Gava, journaliste LCP.

Ça vous regarde, votre rendez-vous quotidien qui prend le pouls de la société : un débat, animé par Myriam Encaoua, en prise directe avec l'actualité politique, parlementaire, sociale ou économique.
Un carrefour d'opinions où ministres, députés, élus locaux, experts et personnalités de la société civile font entendre leur voix.

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Transcription
00:00 [Générique]
00:06 Bonsoir et bienvenue, très heureuse de vous retrouver dans "Ça vous regarde"
00:09 Ce soir, la colère est-elle dans l'ADN des Français ?
00:13 Bonsoir Christophe Barbier.
00:14 Bonsoir Myriam.
00:15 Et merci d'être notre grand témoin ce soir.
00:17 Alors entre les plateaux de BFM TV et les colonnes de Francs Tireurs,
00:20 vous avez trouvé le temps de nous plonger dans l'histoire de nos révoltes.
00:25 Peuple de colère chez Fayard, c'est votre dernier livre.
00:28 "Singulier", "colère" au pluriel.
00:31 Vous nous racontez comment la France se distingue par la permanence de ses tensions,
00:36 qu'elles soient fiscales, sociales ou paysannes.
00:39 Le révolté d'aujourd'hui, gilets jaunes ou agriculteurs,
00:42 a-t-il à la fin gain de cause ?
00:44 Vous nous le direz tout à l'heure.
00:45 Notre grand débat ce soir, l'État providence à la française est-il trop généreux ?
00:51 "Oui" répond Bruno Le Maire.
00:53 Dans son dernier livre, le patron de Bercy veut réformer en profondeur
00:56 l'assurance maladie.
00:58 "La gratuité universelle est un mirage", dit-il.
01:01 Y a-t-il des dépenses de santé inutiles ?
01:03 Quels soins peuvent-ils être déremboursés sans sacrifier les plus vulnérables ?
01:08 Nous en débattons dans un instant avec mes invités.
01:10 Enfin, nos affranchis ce soir, l'International, Isabelle Lasser,
01:13 le billet Philo, Pierre-Henri Tavoyo et puis Bourbon Express, bien sûr,
01:17 d'Elsa Mondin-Gava.
01:19 Voilà pour le sommaire.
01:20 On y va, Christophe ?
01:21 C'est parti.
01:22 Christophe Barbier, ça commence tout de suite.
01:23 Ça vous regarde, top générique.
01:24 *Générique*
01:35 C'est une petite bombe politique qu'a lâché Bruno Le Maire en début de semaine.
01:38 L'Etat-providence coûte trop cher à la collectivité,
01:42 explique le patron de Bercy, au pied du mur budgétaire.
01:46 Emmanuel Macron réunit même ce soir à l'Elysée l'Etat-major de la majorité
01:50 au grand complet.
01:51 La chasse aux économies, vous l'avez tous compris, est ouverte.
01:54 Jusqu'à 50 milliards d'euros à trouver d'ici 2027,
01:59 avertit la Cour des comptes pour revenir aux 3% de déficit.
02:02 Bonsoir, Charles Rodwell.
02:04 Bonsoir.
02:05 Et bienvenue sur ce plateau, vous êtes député Renaissance des Yvelines.
02:08 Vous débattez ce soir avec Éric Coquerel.
02:10 Ravis de vous retrouver, député insoumis de Seine-Saint-Denis
02:13 et président de la Commission des Finances ici à l'Assemblée nationale.
02:17 Enfin, bonsoir, Frédéric Bizarre.
02:19 Merci d'être avec nous.
02:20 Vous êtes économiste de la santé, vous présidez l'Institut de santé.
02:24 Christophe Barbier, vous intervenez quand vous le souhaitez.
02:27 On va commencer par planter le décor.
02:29 Gouvernement recherche milliards désespérément.
02:31 C'est dans le récap de Valérie Brochard qu'on accueille tout de suite.
02:34 Bonsoir, chère Valérie Brochard.
02:44 Bonsoir, Myriam.
02:45 L'heure est donc aux économies.
02:46 Eh oui, l'Etat est endetté.
02:48 Myriam, la dette publique française atteignait 3 013 milliards d'euros en 2023,
02:53 ce qui représente 112,5 % de notre PIB.
02:57 Et comme la croissance est moins bonne que prévu,
02:59 pour renflouer les caisses de l'Etat, Bruno Le Maire propose de faire des économies.
03:03 Eh oui, le ministre de l'Economie veut faire bouger les choses
03:13 et pense trouver 10 milliards d'euros.
03:15 Où et comment ? Eh bien en partie dans les dépenses sociales, Myriam.
03:19 Comme il l'explique dans son livre qui sort aujourd'hui, "La Voix française",
03:23 il écrit "Nous pouvons être fiers de ce modèle,
03:25 nous pouvons aussi nous interroger sur sa soutenabilité financière sur le long terme".
03:30 D'après le ministre de l'Economie, notre modèle social pourrait être dégraissé.
03:34 En effet, 32,2 % de notre richesse nationale sont directement fléchées vers les prestations sociales.
03:40 C'est plus qu'en Italie, en Allemagne ou même que la moyenne européenne.
03:43 Mais attention, notre PIB est moins important que celui de l'Allemagne par exemple.
03:47 Donc si on rapporte ça en moyenne par habitant,
03:50 eh bien un Français perçoit moins de prestations sociales qu'un Allemand ou qu'un Danois.
03:54 Mais c'est toujours trop pour Bruno Le Maire.
03:56 Il en est convaincu, on peut continuer à soutenir les plus vulnérables
04:00 tout en rabotant le budget social.
04:03 Si nous voulons protéger les plus faibles, les plus fragiles, les personnes qui vieillissent,
04:07 les personnes en situation de dépendance, les personnes qui ont un accident de la vie très grave,
04:12 il faut que nous tous, sur nos dépenses de santé, nous fassions plus attention.
04:16 Quand nous doublons la franchise sur le médicament de 50 centimes à 1 euro,
04:20 ça rapporte plus d'un milliard d'euros.
04:22 Je pense que sur toutes ces dépenses du quotidien, il faut responsabiliser chacun.
04:26 Elle passe par quoi la responsabilité de chacun ?
04:29 Par une réforme de l'assurance maladie, peut-être par un déremboursement de certains médicaments,
04:33 peut-être par l'arrêt partiel de la prise en charge des transports médicaux
04:37 et pourquoi pas s'attaquer aux arrêts maladie.
04:39 Tiens, voilà une piste sur laquelle s'est penchée Bruno Le Maire
04:42 quand il était auditionné ici même à l'Assemblée nationale
04:45 par la Commission des finances le 6 mars ce dernier.
04:48 Est-ce que vous pensez qu'il est vraiment légitime,
04:50 est-ce qu'on peut encore se permettre que le nombre de jours d'absence
04:52 soit de 17 par an dans les personnels des collectivités locales,
04:56 12 dans le privé et 10 dans les services de l'Etat ?
05:00 Est-ce que vous trouvez ça juste ? Est-ce que vous trouvez ça raisonnable ?
05:04 Bruno Le Maire veut changer notre logiciel sur la protection maladie.
05:09 Il estime dans les colonnes du JDD que la gratuité de tout pour tous, tout le temps, c'est intenable.
05:15 Alors, intenable peut-être, mais pour Alexis Corbière, il y a sûrement d'autres pistes à explorer.
05:19 On l'écoute.
05:20 Je reprends M. Le Maire, il dit la gratuité, mais il n'y a rien qui est gratuit, amis.
05:23 On paye des impôts, c'est de l'argent public.
05:25 Vous savez, quand vous affaiblissez les recettes de l'Etat,
05:27 que vous baissez les impôts, y compris pour certains grands groupes,
05:31 qu'aujourd'hui les grands groupes des entreprises payent moins
05:33 que la petite entreprise du quartier du point de vue de l'impôt.
05:35 Quand vous supprimez l'ISF, après vous arrivez à une situation, évidemment,
05:38 où vous avez moins de rentrées dans les caisses de l'Etat.
05:41 Mais il ne faut pas… Ce n'est pas un gros mot l'impôt.
05:44 C'est ce qu'il y a de plus beau.
05:46 Sauf que problème, Bercy a promis de ne surtout pas augmenter les impôts.
05:51 Alors Bruno Le Maire développe plein d'autres idées dans son livre.
05:55 Bref, tout un programme brocardé par le président en personne,
06:00 le président de la République.
06:02 Moi qui cherchais une chute pour cette chronique, c'est Emmanuel Macron
06:05 qui me la serre directement dans les colonnes du canard enchaîné.
06:09 Bruno Le Maire a raison sur la relance économique et les réformes à faire.
06:12 Il devrait en parler à celui qui est ministre de l'Economie et des Finances depuis sept ans.
06:16 Franchement, Myriam, je n'ai pas mieux.
06:18 Merci beaucoup Valérie pour cette mise en bout.
06:21 Charles Rodwell, on va rentrer dans le détail des pistes d'économie dans les dépenses sociales.
06:26 Mais sur le diagnostic que fait Bruno Le Maire, je crois que vous êtes franco-britannique ?
06:30 Absolument.
06:31 Est-ce que notre modèle État-providence est trop coûteux ?
06:34 Est-ce qu'il faut basculer vers un nouveau modèle, protecteur des plus vulnérables, mais pas pour tous ?
06:41 J'ai un point d'accord avec Alexis Corbière, c'est que la gratuité est un mirage.
06:45 À la fin, il y a toujours quelqu'un qui paye.
06:48 Soit les Français aujourd'hui, à travers leurs impôts,
06:52 soit les générations futures si notre modèle social s'effondre.
06:56 C'est la raison pour laquelle je pense qu'il y a des décisions importantes,
06:59 sorties de crise aujourd'hui, à prendre.
07:01 C'est ce que propose Bruno Le Maire, le passage d'un État-providence, un État protecteur.
07:06 Est-ce que vous pouvez donner un exemple concret ?
07:08 Des mesures très concrètes.
07:09 Parce que c'est des formules pour l'instant.
07:10 Les exemples très concrets, c'est d'avoir un système social avec des mesures, une solidarité,
07:16 des prestations sociales qui sont disponibles pour tous, mais qui sont soutenables sur la durée.
07:21 Aujourd'hui, notre déficit s'est accru parce qu'on a dû protéger les Français face à des crises,
07:26 protéger les Français face à des chocs qu'on n'avait pas connus depuis un siècle.
07:31 Si on veut continuer de pouvoir faire ça à l'avenir, finalement vous avez trois choix.
07:35 Premier choix, celui du Rassemblement national, c'est de ne rien faire.
07:39 Même si vous ne faites rien avec les déficits Davis, c'est plus de crédit ou des taux d'intérêt
07:45 qui explosent pour l'État, mais aussi pour les ménages et pour les entreprises.
07:49 Vous avez un deuxième choix, peut-être qu'EcoCreal en parlera, c'est le matraquage fiscal,
07:53 c'est la hausse des impôts.
07:55 On est l'État aujourd'hui dans le monde...
07:56 Alors ça dépend qui, on peut monter les impôts de certains et baisser d'autres.
07:59 On est actuellement aujourd'hui les pays dans le monde où les prélèvements obligatoires sont les plus élevés.
08:04 L'un des pays les plus élevés dans le monde, le plus élevé en Europe.
08:07 Donc ça restera une ligne rouge jusqu'à la fin du quinquennat, vous n'augmenterez pas
08:11 et vous allez même baisser les impôts des classes moyennes de 2 milliards.
08:14 Ce n'est pas notre sujet, mais vous le maintenez.
08:16 C'est la ligne de force de notre politique économique, pas de hausse d'impôts.
08:19 Troisième choix, c'est celui qu'on fait, réduire la dépense publique.
08:23 Il y a une gageure, un élément central, c'est que c'est d'abord l'État qui doit montrer l'exemple.
08:29 C'est la raison pour laquelle le gouvernement a pris la décision de réduire la dépense publique,
08:35 la dépense de l'État, déjà de 10 milliards d'euros, et une poursuite de la réduction de ces dépenses
08:40 en sortie de crise dans les débats qui vont se poursuivre à l'Assemblée.
08:43 Deuxièmement, c'est de sanctionner les acteurs qui ne respectent pas la loi.
08:48 C'est les mesures qui ont été prises, notamment avec les saisines record sur le fisc de 15 milliards d'euros.
08:54 Je me disais, peut-être en déhaussienne, parce que 15 milliards, c'est vrai,
08:58 la manne fiscale récupérée, c'est un record.
09:01 En 2023, on ne peut pas les flécher directement pour les déficits et ne pas piocher dans les dépenses sociales ?
09:09 C'est une question...
09:10 C'est déjà le cas pour plus d'un euro sur deux.
09:13 Est-ce que les 20 milliards à trouver, on ne les a pas déjà ?
09:15 On dépense plus d'un euro sur deux qu'on produit déjà.
09:17 Aujourd'hui, la France, c'est le niveau de dépense publique le plus élevé en Europe,
09:24 notamment sur le niveau des prestations sociales.
09:27 Donc les 15 milliards récupérés de la fraude, ça reste au désendettement ?
09:32 Les pistes qui ont été proposées par Bruno Le Maire et par le gouvernement que vous avez cité dans votre introduction,
09:38 elles sont courageuses et elles sont nécessaires.
09:41 Je crois même, surtout, qu'elles sont justes pour les générations actuelles et pour les générations à venir.
09:47 Alors, l'Etat est devenu une pompe à fric, dit encore Bruno Le Maire, Eric Coquerel.
09:51 Si on regarde dans le détail, il ne veut pas, comment dire, sacrifier les plus vulnérables.
09:57 Il dit très clairement, mon sentiment est celui de tous les Français, nous n'en avons pas pour notre argent.
10:03 Si nous voulons faire des urgences à l'hôpital une priorité, alors renonçons à d'autres dépenses moins prioritaires.
10:10 Est-ce qu'il n'a pas raison ? Est-ce que ce n'est pas l'heure des choix ?
10:13 Je vais vous répondre.
10:15 Juste sur la fraude, ce n'est pas historique, 16-2 en 2013, 15 et quelques années plus tard...
10:22 Je me laisse prendre par le narratif gouvernemental qui parlait d'une recorde.
10:27 Il y a le narratif, il faut aller vérifier les chiffres.
10:29 On peut les vérifier.
10:30 Voilà, allez les vérifier, il n'y a pas de souci.
10:32 Donc...
10:33 Faire des choix.
10:35 L'hôpital, l'école...
10:37 Déjà, une première chose, sur ce que dit Bruno Le Maire.
10:41 Moi, je n'estime pas qu'on ait...
10:43 L'Etat-providence, c'est en gros l'attaque qu'on a toujours fait sur l'Etat social.
10:48 On parle d'Etat-providence comme si, quelque part, un Français était toujours assuré,
10:53 et la société ne laisse pas tomber dans ces cas-là,
10:55 d'être soigné, d'aller à l'école, d'être logé, etc.
10:59 Malheureusement, c'est loin d'être une réalité.
11:01 Par contre, ce qui est attaqué de manière frontale depuis des années,
11:05 et plus encore depuis que M. Macron a été lu président de la République,
11:07 c'est ce qu'on appelle l'Etat social.
11:09 L'Etat social s'est caractérisé de manière économique.
11:11 C'est né à la Libération, ça a été renforcé en 1981,
11:15 c'est l'idée d'une redistribution fiscale,
11:17 c'est l'idée de services publics forts au nom de l'intérêt général,
11:20 c'est l'idée aussi qu'une grosse partie de l'activité économique,
11:23 qui est liée aux besoins fondamentaux, est sortie du marché.
11:27 Le gouvernement veut changer un peu cette philosophie en disant
11:29 qu'il n'est pas question que seuls les actifs participent entièrement à la protection sociale.
11:33 Moi, ce qui m'inquiète dans le projet, j'ai bien entendu ce que dit Bruno Le Maire.
11:36 D'abord, une première chose, il ne faut pas tout mélanger.
11:39 Malheureusement, on mélange un peu tout sur la manière dont on finance les choses depuis quelques années.
11:43 La protection sociale, théoriquement, ce n'est pas payée par l'impôt.
11:46 La protection sociale, je vous rappelle que, par exemple,
11:50 le budget de la Sécu, jusqu'au milieu des années 90,
11:52 ne passait pas à l'Assemblée nationale.
11:54 C'est une chose assez nouvelle.
11:55 C'est une caisse de solidarité entre les salariés, d'accord,
11:58 qui s'assoient sur ce que rapporte le travail,
12:01 et on estime qu'on met une partie de ce que rapporte le travail,
12:04 on le socialise... -Par les cotisations sociales.
12:06 C'est la différence entre le brut et le net sur le salaire.
12:09 -D'avoir une retraite, d'être assuré au niveau du chômage,
12:11 la sécurité sociale, etc.
12:13 Ça a été changé.
12:14 Aujourd'hui, ça passe devant l'Assemblée nationale.
12:16 Et le phénomène qu'on constate, c'est que c'est de plus en plus fiscalisé.
12:20 Et fiscalisé, d'ailleurs, de manière induse.
12:22 Vous avez une part de plus en plus importante de la dette de l'Etat
12:24 qui est transférée sur la sécurité sociale,
12:27 pour une bonne raison, vous allez comprendre.
12:29 On parlait des records en France de taux d'imposition,
12:32 mais on est aussi au record, en Europe,
12:34 des cadeaux aux entreprises, sans contrepartie.
12:37 Sur ces cadeaux aux entreprises, 200 milliards,
12:39 vous en avez plus de 71 milliards, si c'est des exonérations de cotisations.
12:43 Qui dit exonération de cotisations ?
12:45 Ça veut dire que c'est pris sur le système de la sécurité sociale,
12:48 et c'est compensé...
12:50 Ça n'a pas été compensé tout à fait jusqu'à maintenant,
12:52 mais globalement, c'est compensé par la TVA.
12:54 Donc on est en train de fiscaliser progressivement
12:57 le système de sécurité sociale.
12:59 -Vous dites que la protection sociale finance les entreprises, c'est ça ?
13:02 Les aides aux entreprises, indirectement ?
13:04 -Voilà, les aides aux entreprises... Laissez-moi continuer.
13:06 -Je vous laisse terminer. -Ça, c'est un premier constat.
13:08 Le deuxième, dans ce que propose Bruno Le Maire,
13:11 ce que j'entends, c'est qu'en réalité, il nous dit
13:14 qu'il faut pouvoir toujours faire en sorte
13:16 que les plus défavorisés se soignent.
13:18 Là, moi, j'entends une petite musique
13:20 qui ferait qu'on passe d'un système assurantiel,
13:22 c'est-à-dire d'un système universel
13:24 qui n'assure pas la gratuité totale,
13:26 mais on comprend le principe,
13:28 entre les gens qui travaillent,
13:30 pour permettre un système qui serait
13:32 de solidarité, dans le meilleur des cas,
13:34 de charité, si je suis un peu polémique,
13:36 vis-à-vis des plus défavorisés.
13:38 On change complètement notre système de santé.
13:40 -C'est-à-dire plus en globale ?
13:42 -On change complètement notre système de santé.
13:44 Là, c'est très grave, parce que je pense
13:46 qu'on a un excellent système, justement,
13:48 de solidarité nationale,
13:50 qui est assis sur le partage de la valeur ajoutée,
13:52 et surtout, qui permet de le faire
13:54 de manière universelle pour tout le monde,
13:56 ce qui fait que quand vous avez les moyens,
13:58 eh bien, vous acceptez quelque part ce système,
14:00 parce que vous en bénéficiez aussi.
14:02 Je pense que c'est une grave...
14:04 -Je vous donne la parole, Frédéric Dizar,
14:06 mais qu'est-ce que vous répondez à Ricochrel ?
14:08 On ne sait pas qui parle.
14:10 Est-ce celui qui veut se présenter
14:12 à l'élection présidentielle, Bruno Le Maire,
14:14 ou le ministre des Finances ?
14:16 Sur le changement progressif,
14:18 de philosophie, on voit bien
14:20 que la protection sociale
14:22 financée par les actifs, il s'agit
14:24 de la répartition aussi sur les inactifs.
14:26 -C'est vrai qu'il y a un vrai débat politique et philosophique
14:28 entre le parti d'Ericochrel et le mien.
14:30 Vous parlez du régime par répartition,
14:32 qui est une merveille française.
14:34 A la sortie de la Seconde Guerre mondiale,
14:36 en 1945, 1946,
14:38 et au début des années 50,
14:40 on était, me semble-t-il, à 6 à 7 actifs
14:42 qui finançaient
14:44 la protection sociale d'un bénéficiaire.
14:46 -Avec productivité bien moins grande.
14:48 -Aujourd'hui, on est à moins de 2 actifs
14:50 qui financent la protection sociale
14:52 d'un bénéficiaire.
14:54 Là, on a deux choix politiques.
14:56 Le premier, c'est d'augmenter les charges
14:58 et d'augmenter les impôts.
15:00 Je me réfère factuellement au programme présidentiel
15:02 de Jean-Luc Mélenchon.
15:04 Si on prend l'exemple d'un fleuriste
15:06 qui embauche un salarié au SMIC,
15:08 c'est plus 700 euros de charges.
15:10 Vous tuez l'emploi dans ce pays.
15:12 Ou alors, vous assumez de baisser
15:14 et de ne plus augmenter les impôts.
15:16 Vous assumez de créer près de 3 millions d'emplois
15:18 dans ce pays depuis 2017
15:20 et de créer plus de personnes qui travaillent
15:22 et qui contribuent davantage
15:24 au système social.
15:26 Ce sont deux visions politiques et économiques
15:28 très différentes.
15:30 Si c'est le ministre de l'Economie qui parle,
15:32 il faut qu'il le mette dans la loi de finances
15:34 de la sécurité sociale cet automne.
15:36 Si c'est le candidat pour 2027,
15:38 il n'a aucune chance d'être élu
15:40 s'il ne propose que ça,
15:42 parce que c'est un langage de vérité,
15:44 mais c'est une potion trop amère pour gagner.
15:46 -Comment vous comprenez cette petite musique
15:48 qui fait 1 milliard,
15:50 la Cour des comptes dit plus,
15:52 et cette protection sociale dont on comprend
15:54 que le gouvernement veut changer le mode de financement ?
15:56 -Il y a trois points dans ce débat.
15:58 Le premier,
16:00 et qui devrait faire consensus,
16:02 ou tout du moins,
16:04 qui devrait être posé sur la table.
16:06 Le premier, c'est qu'il y a une situation macroéconomique
16:08 qui est unique depuis 40 ans
16:10 sur le plan de la soutenabilité de la dette.
16:12 On peut considérer que la dette n'est pas trop élevée,
16:14 que ce n'est pas un problème,
16:16 mais c'est la question de la soutenabilité de la dette.
16:18 Vous avez trois éléments importants
16:20 pour la soutenabilité de la dette.
16:22 Le premier, c'est le niveau de déficit,
16:24 qu'on appelle déficit primaire,
16:26 qui est un niveau qu'on n'a pas eu depuis 40 ans,
16:28 c'est un peu le pible,
16:30 au-delà des 5 %, en dehors d'une crise économique.
16:32 Le deuxième, c'est le R,
16:34 en macroéconomique, c'est-à-dire le taux d'intérêt.
16:36 Il est à 4,5 %, ce qu'on n'a pas eu depuis 40 ans.
16:38 Et le troisième,
16:40 c'est cette variable G,
16:42 c'est le taux de croissance,
16:44 qui est autour de 1,3,
16:46 qui est quand même extrêmement faible en Europe.
16:48 -Donc, ça va très mal, d'un point de vue budgétaire.
16:50 -Donc, la soutenabilité de la dette,
16:52 c'est-à-dire éviter qu'il y ait un emballement de la dette,
16:54 la question se pose pour 2024.
16:56 -Ca veut dire quoi ?
16:58 Ca veut dire une attaque des marchés financiers
17:00 sur notre dette,
17:02 qui enchérirait le taux d'intérêt de la dette ?
17:04 Et une spirale d'austérité à la grecque ?
17:06 -Si on ne veut pas être dégradé
17:08 sur le plan de la note,
17:10 il faut être crédible dans le rétablissement
17:12 de la trajectoire budgétaire.
17:14 On ne demande pas l'impossible sur le court terme,
17:16 ce qu'on demande, c'est rétablir la trajectoire budgétaire,
17:18 qui n'a pas été garantie par les lois de finances,
17:20 qui sont quand même étonnants,
17:22 aussi bien de la Sécurité sociale que la loi de finances 2024,
17:24 on a une trajectoire budgétaire
17:26 qui est hors de contrôle.
17:28 -Là, il y a un diagnostic,
17:30 mais il y a un début de chemin, de réponse.
17:32 Comment vous le jugez ?
17:34 -Non, mais, attendez, vous n'êtes pas d'accord,
17:36 c'est les chiffres, c'est tout.
17:38 La deuxième chose, qui a été très bien posée par Yves Coquerel,
17:40 c'est que, posons le débat qui date
17:42 cette petite musique depuis Fillon,
17:44 depuis tout ça, où on veut changer le modèle social,
17:46 parce que, finalement, on se dit
17:48 que si on n'avait qu'un filet de sécurité
17:50 pour les plus défavorisés,
17:52 la classe moyenne supérieure et la classe supérieure
17:54 iraient dans un modèle privé,
17:56 avec une offre privée et un financement privé,
17:58 mais posons ce débat sur la table.
18:00 Pourquoi est-ce qu'il correspond bien aux Anglais ?
18:02 Parce que les Anglais sont des utilitaristes.
18:04 Pourquoi est-ce qu'il correspond ?
18:06 C'est-à-dire que c'est l'utilité globale,
18:08 c'est l'utilité des droits qui comptent en Angleterre,
18:10 c'est l'utilité globale, collective,
18:12 qu'on apprécie si les choses sont satisfaisantes.
18:14 Pourquoi est-ce que le système américain
18:16 plaît aux Américains ?
18:18 Parce que tous les systèmes de protection sociale
18:20 plaisent au peuple
18:22 parce qu'ils ont été faits en fonction d'une culture.
18:24 -Mais qu'est-ce que vous répondez
18:26 à l'argument qu'il y a moins d'actifs, donc moins de financement ?
18:28 -C'est que le débat caché
18:30 derrière ce débat
18:32 qui est posé par monsieur Lemaire
18:34 ou celui-là, c'est celui-là.
18:36 On dit en même temps qu'on conserve tout.
18:38 La sécurité sociale de chacun en fonction de ses moyens.
18:40 -Donc il y a une hypocrisie pour vous ?
18:42 -Non, mais voilà, on n'ose pas le dire.
18:44 Quand on connaît un peu
18:46 les modèles sociaux, c'est le modèle qu'il faut poser.
18:48 Moi, je ne dis pas que ce modèle français
18:50 doit perdurer, je dis que je pense
18:52 qu'il est adapté à la culture française
18:54 parce que c'est le seul qui permet de défendre l'égalité des droits,
18:56 que vous soyez pauvre ou que vous soyez riche.
18:58 Vous avez le même système de protection sociale.
19:00 -Alors, réponse là-dessus.
19:02 -Et le troisième juste système, qui n'est pas abordé non plus,
19:04 c'est la vraie refonte structurelle
19:06 de notre système de santé,
19:08 qui est toujours basé sur
19:10 la réparation, le curatif,
19:12 malgré un vieillissement de la population
19:14 qu'on a eu exceptionnel
19:16 depuis 2010,
19:18 malgré une révolution technologique
19:20 qui permet de faire bien d'autres choses.
19:22 -Il faut faire de la prévention.
19:24 -L'investissement social, c'est ce qu'on a fait pour le travail.
19:26 Le plan d'investissement compétence, 15 milliards d'euros,
19:28 comme par hasard, on a remis
19:30 un million de personnes au travail,
19:32 ce qu'on n'avait pas fait depuis 40 ans.
19:34 -L'espérance de vie s'allonge, mais il faut qu'on reste
19:36 en bonne santé plus longtemps.
19:38 -C'est pas très compliqué à comprendre.
19:40 Vous avez une demande sociale qui explose
19:42 parce que les gens vieillissent en mauvaise santé,
19:44 donc des soins qui explosent, et ça devient un contrôle.
19:46 -Il y a beaucoup de choses dans votre intervention.
19:48 Déjà, sur le modèle, qu'est-ce que vous répondez ?
19:50 Est-ce que c'est ça que vous êtes en train
19:52 de vouloir ouvrir comme débat ?
19:54 -Il y a un vrai débat, il se trouve,
19:56 sur le niveau de prestation,
19:58 sachant qu'aujourd'hui, vous avez un nombre d'actifs
20:00 bien moindre par bénéficiaire.
20:02 C'est le système par répartition.
20:04 -Non, mais là, vous parlez de...
20:06 -Permettez-moi de vous répondre.
20:08 Vous citez par exemple l'exemple britannique.
20:10 Je pense que vous pouvez faire un sondage dans la rue,
20:12 je ne suis pas persuadé que des millions de Britanniques
20:14 soient satisfaits aujourd'hui de la situation
20:16 de la protection sociale dans leur pays.
20:18 C'est un sujet que, à titre et personne, je connais un petit peu.
20:20 Si vraiment,
20:22 vous voulez garantir
20:24 un modèle social stable
20:26 pour les générations à venir,
20:28 vous devez répondre à une équation simple.
20:30 Comment est-ce qu'on finance
20:32 les prestations
20:34 qu'on délivre à leurs bénéficiaires
20:36 sur la durée ?
20:38 Et là, vous avez des choix politiques
20:40 qui se déclinent ensuite par des mesures techniques,
20:42 mais des choix politiques simples et clairs à faire.
20:44 Un, qu'est-ce qu'on finance ?
20:46 Un exemple très concret
20:48 qui a été donné par Bruno Le Maire
20:50 en commission des finances,
20:52 est-ce qu'aujourd'hui, il est normal
20:54 que l'assurance maladie prenne en charge
20:56 4 milliards d'euros de frais de transport
20:58 taxi pour venir à des rendez-vous médicaux ?
21:00 - Ils sont d'ailleurs défilés pour protester.
21:02 - Vous pensez sérieusement que le transport sanitaire,
21:04 c'est un problème essentiel ?
21:06 - Bruno Le Maire le considère, il l'a donné comme vous le voulez.
21:08 - Avec les fauteuils roulants, j'ai entendu...
21:10 Vous pensez vraiment que c'est ça, le problème ?
21:12 - Je considère que la différence entre 4 et 6 milliards d'euros
21:14 en l'espace de 3 ans,
21:16 c'est un vrai sujet.
21:18 - On y va sur les mesures. Les transports médicaux,
21:20 les arrêts maladies, parce que quand il parle du public privé,
21:22 c'est ça. Il y a trop d'absence
21:24 d'arrêts maladies dans le public.
21:26 - Donc, un, qu'est-ce qu'on finance ?
21:28 Deuxième sujet,
21:30 à quel niveau on rembourse ces prestations
21:32 et surtout, qui rembourse ?
21:34 Aujourd'hui, factuellement, vous avez
21:36 les charges sociales, les cotisations
21:38 ou l'imposition.
21:40 Nous, le choix politique que l'on fait, c'est bien simple,
21:42 c'est pas de hausse d'impôt.
21:44 Donc, un, on veut financer le millionnel
21:46 en accroissant le nombre de personnes qui travaillent,
21:48 le nombre d'actifs... - Pour qu'il y ait plus
21:50 de cotisations sociales pour financer le système.
21:52 - D'où la création de près de 3 millions d'emplois
21:54 depuis 2017,
21:56 avec, le point que je partage avec vous,
21:58 les investissements massifs de la réinsertion
22:00 sur le marché du travail.
22:02 Et enfin, la troisième chose qui se pose, c'est la durée
22:04 de cotisations sur l'ensemble
22:06 de ces prestations, en témoigne
22:08 notamment le débat fondamental... - L'assurance chômage.
22:10 - Sur la réforme des retraites et maintenant l'assurance chômage.
22:12 - C'est intéressant.
22:14 À ce stade du débat, je vous donne la parole.
22:16 Là, il y a vraiment deux visions qui s'affrontent.
22:18 - Oui, il y a deux visions qui s'affrontent.
22:20 On peut essayer de les faire converger.
22:22 D'un côté, justice sociale, et de l'autre côté,
22:24 quand même, surveillance des coûts.
22:26 Le déremboursement des médicaments
22:28 est au coeur de ces discussions.
22:30 On se souvient que, lors de la campagne de François Fillon,
22:32 ça a été un véritable souci politique,
22:34 ça l'a fait dégringoler avant même les affaires en 2017.
22:36 Est-ce qu'on pourrait arriver à un point de convergence
22:38 où on dirait "on va dérembourser
22:40 certains médicaments", alors évidemment pas
22:42 les hospitalisations graves, pas du tout
22:44 les maladies chroniques, type diabète,
22:46 non, ça, on continue à rembourser tout le monde à la même hauteur,
22:48 solidarité totale, mais sur les médicaments du quotidien.
22:51 Est-ce qu'on pourrait dire "on dérembourse,
22:53 mais pas tout le monde, en fonction
22:55 de votre tranche d'imposition sur le revenu".
22:57 Si vous êtes dans une tranche élevée d'imposition...
22:59 - C'est la fin de notre modèle social, c'est la fin de l'universalité.
23:02 - C'est clair, c'est clairement la fin de l'universalité.
23:04 - C'est pas la fin, c'est passer d'une carte vitale monocolore
23:07 à des cartes vitales de plusieurs couleurs.
23:09 Je suis taxé à une tranche d'impôt sur le revenu très élevé,
23:12 ça veut dire que j'ai des moyens...
23:14 - Oui, mais ça, ça pourrait vous parler.
23:16 - Vous qui voulez toujours faire contribuer...
23:18 - Non, non, ça ne part pas du tout.
23:20 - C'est pas non plus le système américain.
23:22 - Éric Coquerel, j'aimerais bien avoir votre avis.
23:24 - D'abord, aux Etats-Unis, comme on l'a dit,
23:26 il y a des filets de sécurité,
23:28 notamment, voilà, qui ont été faits,
23:31 et le système américain, il repose à peu près sur ce principe,
23:34 de manière plus inégalitaire, mais à peu près sur ce principe,
23:37 et d'ailleurs, entre parenthèses,
23:39 les frais de gestion privés de ce qui correspond à la sécurité sociale
23:42 sont plus importants que les frais de gestion de la sécurité sociale.
23:45 Je mets ça de côté, on ouvre un autre débat.
23:47 - Mais le déremboursement en fonction des revenus sur les médicaments...
23:50 - Non, je ne suis pas d'accord, je vais vous dire pourquoi.
23:53 D'abord, constatons un peu ce à quoi est arrivé notre système.
23:56 Le système fonctionne, a globalement pas mal fonctionné, quand même,
23:59 c'est-à-dire avec un système de santé dont je vous rappelle
24:02 que le monde entier nous l'enviellait il n'y a pas très longtemps.
24:05 Rappelez-vous le documentaire de Michael Moore,
24:07 il y a une vingtaine d'années,
24:09 qui mettait notre système en exemplarité.
24:11 Donc, ça a plutôt pas mal marché.
24:13 Donc, si ça a bien marché, une des raisons,
24:16 c'est justement parce qu'il est universel et qu'il est adossé
24:19 non pas sur quelque chose qui est...
24:21 On aide les défavorisés, mais quelque chose qui oblige,
24:24 parce qu'il y a les mêmes droits et devoirs pour toute la société.
24:27 Je pense que c'est une erreur de leur mettre en question.
24:30 Je vous remercie de dire qu'il y a une certaine hypocrisie,
24:33 parce qu'en réalité, c'est ce qu'on essaye progressivement
24:36 de nous mettre sur la table sans nous le dire.
24:38 - Sur les mesures qui sont un peu avancées.
24:40 - Je réponds à la question posée légitimement par Charles Redouelle.
24:43 Comment on fait, à partir du moment où il y a moins d'acquis ?
24:46 Le seul problème, c'est que par rapport à la libération,
24:49 on produit infiniment plus de richesses dans ce pays
24:52 qu'en même temps où la libération était en ruine.
24:55 Le taux de productivité des salariés n'a cessé d'augmenter.
24:58 En 30 ans, c'est x3, et je ne sais pas...
25:00 - On plafonne un peu, mais c'est très haut.
25:02 - C'est très haut. La question qui se pose,
25:04 à partir du moment où on produit plus de richesses,
25:06 c'est comment on répartit la richesse.
25:08 Qu'est-ce que, collectivement, on décide de mettre,
25:11 par exemple, pour la retraite, pour la santé, etc. ?
25:14 C'est ça, les choix qui nous sont posés.
25:16 De ce point de vue-là, je dis que notre société
25:19 a les moyens de continuer à assurer
25:21 une bonne santé pour tout le monde.
25:23 Je le dis, si je regarde.
25:25 Dans la question des répartitions des richesses,
25:27 il y a un élément qu'on n'a pas donné,
25:29 c'est que, par contre, ça, c'est le propre,
25:31 depuis une trentaine d'années, les revenus du capital
25:34 non investis, les dividendes et autres,
25:36 ils ont explosé, pas seulement en France.
25:38 - Il faudrait les flécher sur la protection sociale ?
25:40 - Comment ? - Si on les taxait,
25:42 on pourrait les flécher sur la protection sociale ?
25:44 - Il ne faut pas remettre en question
25:46 le système de la sécurité sociale,
25:48 mais que si, à un moment donné, on a à compléter,
25:50 plutôt qu'à aller fiscaliser,
25:52 pour permettre qu'il continue à fonctionner,
25:54 il faudrait très certainement aller s'intéresser
25:56 aux revenus du capital. - Je vous donne la parole,
25:58 parce que ce qui est intéressant, dans ce que dit Ricoquerel,
26:00 c'est la question des dividendes.
26:02 Vous le savez mieux que moi, dans votre propre parti,
26:04 dans votre propre famille, le MoDem, régulièrement,
26:06 Jean-Paul Matéi, le président du groupe,
26:08 revient avec des amendements en loi de finances
26:10 sur la taxation des superdividendes.
26:12 Est-ce qu'il n'est pas temps, il reste trois ans,
26:14 la situation est dans le rouge écarlate
26:16 au niveau des finances publiques,
26:18 d'ouvrir cette porte ?
26:20 - Ricoquerel soutient déjà un point important,
26:23 c'est certes le niveau de productivité.
26:25 Je souligne aussi que le niveau
26:27 et que l'assiette de protection, c'est elle aussi
26:29 largement élargie depuis la Libération,
26:32 et qui porte aussi sur le modèle social.
26:35 - Trop élargi, on vous comprend.
26:37 - Aujourd'hui, le niveau de fiscalité...
26:39 - Le fait qu'on a une population mieux soignée,
26:42 du coup, qui est plus aussi capable...
26:44 - Je ne remets pas du tout en cause le sujet,
26:46 au contraire, vous comme moi, je pense qu'on partage
26:48 une chose, c'est qu'on est extrêmement fiers
26:50 du modèle qui est le modèle universaliste français,
26:52 par contre, on a des divergences de fonds,
26:54 sur la manière dont on assure...
26:56 - Ca restera une ligne rouge, les dividendes,
26:58 les superprofits, vous n'y toucherez pas jusqu'à la fin.
27:00 - On est le pays au monde qui avons
27:02 le niveau de prélèvement obligatoire le plus élevé,
27:04 l'un des plus élevés au monde,
27:06 le plus élevé en Europe, sur les entreprises
27:08 comme sur les ménages. Je ne vous cache pas
27:10 qu'il est très personnel, je suis fier
27:12 d'appartenir à une majorité qui a baissé
27:14 les impôts sur les Français,
27:16 26 milliards d'euros sur les entreprises,
27:18 26 milliards d'euros sur les ménages,
27:20 y compris qui ont touché
27:22 l'ensemble des ménages sur le sujet.
27:24 Moi, je considère que le niveau
27:26 d'imposition est au maximal aujourd'hui
27:28 et que nous n'augmenterons pas...
27:30 - C'est peut-être d'ailleurs ce qui restera de ce quinquennat.
27:32 - Juste une chose, je vous ouvre un débat,
27:34 c'est que c'est plus vrai sur les ultra-riches
27:36 que vous dites. C'est le problème
27:38 qui se pose, le fait qu'on s'est retrouvés
27:40 en majorité, comme vous l'avez dit,
27:42 dans le monde mondial, c'est que depuis
27:44 quelques années, du fait notamment de la flat tax
27:46 et autres, il se trouve qu'en gros,
27:48 les milliardaires pour aller vite, mais ça coûte
27:50 des dizaines de milliards d'euros à l'Etat,
27:52 ne sont plus assujettis, comme vous le dites,
27:54 à l'impôt, comme les 10 %, ou même le pourcent
27:56 le plus riche. - C'est dit. Alors on va
27:58 réouvrir ce débat plus tard. - C'est un sujet intéressant,
28:00 mais on le fera... - Voilà, sur des superfonds.
28:02 Je vous donne la parole, Frédéric Bizarre. Je voudrais qu'on s'arrête,
28:04 et on va regarder le sujet d'Hélène Bonduelle,
28:06 et puis je vous donne la parole, c'est promis, sur l'une des pistes
28:08 d'économie envisagées par le gouvernement,
28:10 c'est sans doute celle qui va susciter le plus de polémiques,
28:12 les affections longue durée,
28:14 qui représentent les deux tiers des remboursements
28:16 de la Sécurité sociale. Alors, quels sont
28:18 les projets dans les cartons ?
28:20 Et les mots de réponse, Hélène Bonduelle, Frédéric Bizarre,
28:22 on vous parle juste après.
28:24 (Générique)
28:26 (Générique)
28:28 - Les ALD, pour affections longue durée.
28:30 Ce sont ces maladies
28:32 dont la gravité ou le caractère
28:34 chronique nécessitent un traitement
28:36 prolongé et souvent coûteux.
28:38 Cancer, diabète
28:40 ou encore insuffisance cardiaque,
28:42 les traitements de ces maladies
28:44 sont pris en charge à 100%
28:46 par l'assurance maladie, mais plafonnée.
28:48 13 millions de patients
28:50 sont concernés, soit 20%
28:52 des assurés. Mais les traitements
28:54 coûtent cher, 110 milliards d'euros
28:56 de remboursement par l'assurance maladie
28:58 en 2020.
29:00 Voilà pourquoi le gouvernement réfléchit
29:02 à revoir le dispositif.
29:04 - Ca représente les deux tiers
29:06 des remboursements par l'assurance maladie,
29:08 et donc il n'est pas illégitime, illogique,
29:10 comme ça a été fait régulièrement,
29:12 d'interroger, je le redis, la pertinence
29:14 de ces dispositifs.
29:16 On sait aussi que ces affections longue durée,
29:18 avec le vieillissement de la population, la montée
29:20 de la pathologie chronique, fait que
29:22 ces enveloppes-là ne vont faire
29:24 qu'augmenter.
29:26 - La liste des ALD date
29:28 des années 80. Et selon le ministre
29:30 de la Santé, elle ne serait plus pertinente
29:32 et mériterait donc d'être mise à jour.
29:34 De quoi inquiéter
29:36 les associations de malades chroniques.
29:38 25 d'entre elles viennent d'écrire
29:40 une lettre en ce sens au ministre
29:42 de la Santé.
29:44 - Nous refusons d'être désignés à la
29:46 Vindicte Populaire comme responsable
29:48 des déficits du système de santé,
29:50 de nous excuser d'être de plus en plus
29:52 nombreux, d'être de plus en plus malades.
29:54 Une mission sur les ALD
29:56 vient d'être confiée à l'Inspection
29:58 Générale des Affaires Sociales
30:00 et l'Inspection Générale des Finances.
30:02 - Frédéric Bizarre,
30:04 c'est un ballon d'essai que fait le gouvernement.
30:06 Comment être populaire quand
30:08 on dit qu'on va moins bien rembourser
30:10 les diabétiques,
30:12 ceux qui ont des pneumopathies ou qui souffrent
30:14 du VIH ? - Et en même temps,
30:16 on a fait la politique du reste à charge
30:18 sur les lunettes, les prothèses dentaires
30:20 et l'audioprothèse. C'est-à-dire qu'on dit
30:22 qu'il faut que les assurés
30:24 participent au financement des maladies
30:26 graves, dont la protection sociale.
30:28 C'est le coeur du bouclier solidaire
30:30 de 45, si on veut le garder, c'est ça.
30:32 Vous êtes protégé de tout
30:34 risque élevé,
30:36 de tout risque de dépenses récurrentes
30:38 et élevées. Vous pouvez dormir tranquille,
30:40 vous ne serez jamais paupérisé pour des problèmes
30:42 de santé. - Donc il y a une forme
30:44 d'incohérence pour vous ? - Ce n'est pas une forme,
30:46 c'est une totale incohérence
30:48 entre le premier quinquennat et le deuxième.
30:50 Dans la logique, je ne dis pas que
30:52 j'ai raison, je dis juste que si on veut conserver
30:54 le modèle social français, ce système
30:56 d'ALD avec remboursement à 100%,
30:58 comme le remboursement à 100%
31:00 des personnes les plus défavorisées,
31:02 comme le remboursement à 100% des femmes enceintes,
31:04 c'est le coeur du bouclier
31:06 solidaire. Donc quand vous touchez
31:08 à ça, et qui a déjà été fait
31:10 avec la franchise médicale, ou quand vous touchez
31:12 au fait que peut-être que les riches vont,
31:14 en fonction des revenus payés,
31:16 vous sortez du modèle. Moi, je ne dis pas,
31:18 mais il faut en accepter de sortir le modèle.
31:20 Je vais vous donner trois solutions
31:22 qui permettent, sans un euro d'argent
31:24 public, où vous rentrez dans la transformation
31:26 du modèle. - On vous écoute.
31:28 - Le premier, c'est que vous créez un service public territorial
31:30 de santé. Vous savez que le problème
31:32 de passer d'un modèle où vous étiez
31:34 uniquement sur des soins individuels et avec
31:36 plutôt des pathologies aiguës que chroniques,
31:38 c'est que tout était centré sur l'hôpital.
31:40 Aujourd'hui, il faut centrer
31:42 l'ensemble des soins sur l'ensemble des lieux de vie.
31:44 Donc ce service public hospitalier, il faut le transformer
31:46 en un service public territorial de santé
31:48 en définissant des territoires et en considérant
31:50 que vous soyez un médecin libéral ou un médecin
31:52 du secteur public,
31:54 vous appartenez à un service public.
31:56 Et vous rendez le plus autonome
31:58 possible ces territoires pour que
32:00 les gens qui ont Bac +12 ont l'impression
32:02 d'avoir un droit au chapitre.
32:04 Deuxièmement, parce qu'on a tué
32:06 notre système de santé aussi par un Etat
32:08 ultra présent et ultra bureaucratique
32:10 où on a tué la démocratie,
32:12 ce qu'on appelait la démocratie sociale et sanitaire.
32:14 En 45, on a créé quelque chose d'ultra visionnaire,
32:16 c'est de dire, on va créer un Etat
32:18 avec un système représentatif,
32:20 mais on veut qu'il y ait une participation
32:22 des citoyens à la gestion de la protection sociale.
32:24 Au XXIe siècle,
32:28 croyez-moi qu'il y a un besoin énorme.
32:30 Comme il n'y a plus de démocratie sociale et sanitaire,
32:32 il n'y a plus que l'Etat qui décide.
32:34 Donc on a asphyxié dans les hôpitaux,
32:36 dans les villes, dans les écoles...
32:38 -Et la troisième piste ?
32:40 -On a essayé l'agentification de l'Etat
32:44 avec 17 agences régionales de santé.
32:46 -ARS ? Il faut arrêter avec ça,
32:48 la bureaucratie sanitaire ?
32:50 -Rétablissons une direction
32:52 de services publics dans les préfectures,
32:54 ça marche pas mal, plutôt que d'avoir
32:56 créé un énorme machin qui a soulicité...
32:58 -Bien compris.
33:00 Trois solutions qui coûtent zéro
33:02 plutôt que d'aller "taper"
33:04 sur les malades de longue durée.
33:06 -Alors moi, je déplore que vous utilisiez
33:08 ce terme, j'en suis désolé.
33:10 Je considère que les ALD font la fierté...
33:12 -Donc, vous ne m'y toucherez pas ?
33:14 -Je pense qu'ils font la fierté
33:16 de notre modèle social
33:18 à partir du moment où on sait
33:20 comment financer, un,
33:22 l'accroissement du nombre de bénéficiaires
33:24 et deux, l'accroissement du coût
33:26 de la prestation.
33:28 Et donc, plutôt que d'expliquer
33:30 qu'on va taper sur les ALD...
33:32 -J'ai mis des guillemets.
33:34 -Je considère que le fait qu'on ouvre d'abord
33:36 un débat technique, avec des experts
33:38 comme vous l'êtes, et avec les missions
33:40 qui sont menées, et un débat politique
33:42 à l'Assemblée nationale, au Parlement
33:44 et aux rencontres de Bercy du 28 mars prochain
33:46 où l'ensemble des forces politiques sont réunies
33:48 pour plancher sur les pistes
33:50 d'économie publique et sur l'avenir
33:52 du modèle social.
33:54 Je considère que le débat, il est fondamental
33:56 qu'il soit posé pour l'avenir
33:58 du financement de notre modèle social
34:00 pour les générations actuelles,
34:02 mais les générations à venir.
34:04 Si vraiment on veut que le système des ALD existe
34:06 pour les générations futures, il faut se pencher
34:08 sur la question fondamentale
34:10 aujourd'hui, c'est qui et comment
34:12 nous finançons. Je crois que c'est le débat
34:14 fondamental qu'on a eu ce soir.
34:16 -C'est la question de la survie
34:18 du remboursement de ces ALD qui est en jeu.
34:20 Vous aurez mot d'affin rapidement, puisque ce débat s'achève.
34:22 -Non, mais je suis assez d'accord avec au moins
34:24 les pistes de retour à une démocratie sociale.
34:26 Voilà. Je pense aussi
34:28 qu'il faut revoir les systèmes d'ARS.
34:30 -OK. -Ca, c'est clair.
34:32 Maintenant, attention à une chose,
34:34 c'est qu'à vouloir faire des économies,
34:36 je vous rappelle qu'à mon nez, Macron,
34:38 un an avant le Covid, il y a cinq infirmières
34:40 qui viennent lui dire que l'hôpital public
34:42 est en train de craquer. Il a dit qu'il n'y avait pas
34:44 d'argent magique. Il a bien fallu en trouver
34:46 en catastrophe. -On s'arrête là.
34:48 -Il faut qu'on fasse des économies.
34:50 -Il ne fait que commencer ce débat budgétaire.
34:52 Il va y avoir plein de rendez-vous,
34:54 et vous reviendrez, je l'espère.
34:56 -Christophe Barbier, dans une dizaine de minutes,
34:58 les partis pris de nos affranchis.
35:00 Ce soir,
35:02 Pierre-Henri Savoyaud va revenir sur
35:04 la démocratie attaquée
35:06 de toutes parts. Isabelle Lacerque, qui n'est pas là,
35:08 mais qui est en retard, viendra nous parler
35:10 de la guerre à Gaza. Les Américains
35:12 ont-ils perdu leur influence
35:14 dans cette guerre ? Et puis,
35:16 quel est le menu de Bourbon Express ce soir,
35:18 Elsa Mondingava ? -Je vais vous parler du texte
35:20 sur la fin de vie, l'aide à mourir.
35:22 L'Assemblée s'organise notamment autour
35:24 de la composition de la commission spéciale.
35:26 -A tout de suite, les amis. Mais d'abord,
35:28 on va plonger dans votre livre,
35:30 "Peuple de colère", chez Fayard.
35:32 Il fallait votre talent d'observateur
35:34 de notre histoire politique pour réussir
35:36 à publier un livre à la veille de la colère
35:38 des agriculteurs.
35:40 Vous montrez comment la matrice de la révolte
35:42 traverse les siècles. On regarde ça
35:44 dans l'invitation de Dario Borgogno
35:46 et Marco Pommier. Interview
35:48 juste après.
35:50 Musique de tension
35:52 Si on vous invite,
35:54 Christophe Barbier, ce n'est pas pour votre
35:56 talent d'éditorialiste politique.
35:58 Non, ce soir, c'est l'amoureux
36:00 de l'histoire que nous recevons
36:02 pour votre nouveau livre, "Peuple de colère",
36:04 300 pages pour raconter
36:06 les grognes françaises.
36:08 Avec cette conclusion, notre
36:10 ADN est fait d'insurrection.
36:12 -La France s'est faite par un chapelet
36:14 de révolte, et de temps en temps,
36:16 par une révolte qui réussit, et là, on l'appelle "Révolution".
36:18 -Christophe Barbier, vous êtes éditorialiste,
36:20 figure médiatique
36:22 à l'éternel écharpe rouge,
36:24 biberonné très jeune au journalisme
36:26 politique, à la tête de
36:28 L'Express pendant 10 ans, et auteur
36:30 d'une dizaine d'ouvrages, des livres
36:32 politiques bien sûr, mais aussi sur le théâtre.
36:34 Votre passion. -Qu'est-ce que tu
36:36 espères, Christophe ? -J'espère que nous sommes
36:38 des acteurs en train de jouer une pièce.
36:40 -De la dramaturgie, il en fallait
36:42 pour étudier les révoltes passées
36:44 de notre société. Dans votre
36:46 dernier livre, vous constatez des
36:48 similitudes entre les jacqueries du
36:50 Moyen Âge et les manifestations
36:52 sociales de ces dernières années.
36:54 Alors oui, aujourd'hui, les tracteurs et les gilets
36:56 ont remplacé les fourches d'hier,
36:58 mais les affrontements entre
37:00 le peuple et le pouvoir demeurent.
37:02 -On fait payer aux pauvres les allègements d'impôts des plus riches.
37:04 -On n'est pas contre les taxes, les impôts,
37:06 tout ça, on comprend, mais
37:08 c'est pas possible qu'au bout d'un moment, ce soient toujours
37:10 les mêmes qui payent. -Pour les couleurs sociales,
37:12 il y a toujours un démarrage fiscal.
37:14 On augmente une taxe, on crée un nouvel impôt.
37:16 -Pour les gilets jaunes. -Et c'est vrai, des pitots
37:18 en 1548, quand on leur impose la gabelle
37:20 qu'ils ne payaient pas, dans le Sud-Ouest français.
37:22 Le détonateur fiscal.
37:24 -Des Gaulois réfractaires toujours en ébullition,
37:26 mais Christophe Barbier,
37:28 sont-ils encore capables
37:30 de mener une vraie révolution ?
37:32 -Réponse, tiens.
37:34 -Je ne crois pas. Je crois,
37:36 justement, qu'on aura d'autant plus de révolte,
37:38 c'est-à-dire ces colères, ces explosions
37:40 volcaniques, pour un point très précis,
37:42 sur un territoire précis ou une corporation précise,
37:44 que l'on n'est plus capable de faire des révolutions.
37:46 C'est quoi, une révolution ? C'est cette révolte
37:48 qui aboutit au changement complet de régime.
37:50 On remonte, on remonte, on remonte, et on fait tomber
37:52 le roi ou la République. Et ça, je crois
37:54 que notre pays, pour des raisons démographiques,
37:56 on est un pays qui vieillit, pour des raisons aussi
37:58 sociales, on le voit, notre système social
38:00 fait qu'on a tous quelque chose à perdre,
38:02 à renverser la table, et donc ce sacrifice-là
38:04 n'est plus possible. Et puis peut-être aussi
38:06 parce que le pouvoir a trouvé quelque chose de formidable,
38:08 c'est la société de l'entertainment,
38:10 comme disent les anglo-saxons,
38:12 de la distraction, avec de la télévision,
38:14 de la culture, des parcs d'attraction,
38:16 on finit par distraire le peuple
38:18 du pain... -Les colères sont noyées
38:20 dans les réseaux sociaux et Netflix.
38:22 -Du pain et des jeux, le pain, on le garantit à peu près,
38:24 on meurt plus de faim dans notre pays, et les jeux,
38:26 il y en a plus qu'il n'en faut pour se distraire,
38:28 et je crois que ça, c'est un peu l'antidote aux révolutions.
38:30 -Alors, on va y revenir à la fin de cet entretien.
38:32 Vous remontez le temps pour raconter ces colères
38:34 qui secouent le pays régulièrement, ce qui frappe,
38:36 c'est les correspondances. Ça, c'est forcément
38:38 toujours très, très surprenant,
38:40 le passé, le présent qui se répondent.
38:42 Les Gilets jaunes, 2018, par exemple,
38:44 c'est la résurrection de la révolte
38:46 des cabot-chiens, 1413.
38:48 Les voilà, les cabot-chiens
38:50 et les Gilets jaunes. Qu'y a-t-il de commun ?
38:52 -Ce qu'il y a de commun, c'est d'abord
38:54 le détonateur fiscal, on augmente une taxe,
38:56 ça passe pas. Ensuite, c'est pas
38:58 les plus pauvres, les miséreux, qui se révoltent,
39:00 c'est les gens qui travaillent et qui en ont marre
39:02 qu'on leur prenne le fruit de leur travail.
39:04 Les bouchers, à ce moment-là, à Paris, sont une corporation
39:06 assez prospère, assez décriée,
39:08 pas très noble, mais prospère.
39:10 Et là, on veut s'en prendre à leur argent,
39:12 ils se révoltent. Et puis, très vite,
39:14 on se dit, tiens, en fait, le problème, c'est les institutions.
39:16 Alors, les Gilets jaunes, c'était
39:18 le référendum d'initiative citoyenne,
39:20 le RIC. Les cabot-chiens, ça va être
39:22 l'édit cabot-chien, ils le rédigent
39:24 avec des juristes, ils sont pas les seuls
39:26 à la manoeuvre, on pense pour eux.
39:28 Et y a un juriste, par exemple,
39:30 qui est l'évêque Cochon, qui va être célèbre
39:32 pour le procès de Jeanne d'Arc, qui travaille aussi
39:34 sur cette affaire, et ça donne
39:36 l'invention d'un nouveau régime
39:38 qui ressemble à une sorte de monarchie parlementaire.
39:40 Alors, évidemment, la vraie monarchie, elle,
39:42 elle va arrêter tout ça, et ça va finir dans le sang et la répression.
39:44 - L'écolaire agricole, qui ritme l'ancien régime,
39:46 après, on le comprend toujours,
39:48 une taxe, la fameuse taxe de trop,
39:50 de mauvaise récolte. Aujourd'hui,
39:52 on parle des traités de libre-échange,
39:54 de la mondialisation, mais le fond
39:56 des combats reste le même,
39:58 la guerre des farines. Turgot,
40:00 18e siècle, le rejet du Mercosur,
40:02 aujourd'hui. - Ah, on y est toujours.
40:04 - Qu'essaye Turgot ?
40:06 Il essaye de libéraliser le commerce du blé.
40:08 C'est plus l'Etat qui fixe combien
40:10 on va vendre et quelle quantité
40:12 on va pouvoir vendre dans quel territoire. Allez,
40:14 le marché s'organise. Evidemment, ça tourne mal.
40:16 D'abord parce qu'il y a des météos différentes
40:18 entre les régions, ceux qui ont du blé
40:20 le gardent en espérant que les cours vont monter.
40:22 Ça crée des tensions, ça crée même du complotisme.
40:24 On soupçonne le roi d'être au centre
40:26 d'une manipulation pour priver le peuple
40:28 de farine, et donc, ça donne
40:30 une contestation contre le libéralisme
40:32 qui dure aussi aujourd'hui. Si la France
40:34 est le pays dans les sondages qui déteste
40:36 le plus le capitalisme, qui se méfie le plus
40:38 du libre-échange, parfois même plus
40:40 que des peuples comme la Corée ou les Chinois,
40:42 eh bien, on le doit à cette mémoire
40:44 de la guerre des farines.
40:46 La guerre des farines, c'est le tout début de la Révolution.
40:48 Ça ne cesse de s'envenimer de 1775
40:50 à 1789, et ça se termine
40:52 par les Parisiennes qui vont à Versailles
40:54 réclamer du pain, et elle ramène à Paris
40:56 le boulanger, la boulangère et le petit mitron.
40:58 - C'est passionnant. On apprend énormément
41:00 de choses dans cet ouvrage.
41:02 La répression a beaucoup évolué.
41:04 Dieu merci, on ne meurt plus de faim
41:06 après la guerre des farines.
41:08 - Et on ne massacre plus comme on faisait avant.
41:10 Il y a des débats légitimes sur
41:12 l'emploi des LBD ou des grenades lacrymogènes,
41:14 mais avant, on tuait, on assassinait,
41:16 on dépessait, on écartelait,
41:18 on exposait les membres des révoltés dans tous les coins de la ville.
41:20 - La plus ancienne des colères agricoles
41:22 remonte à 1358.
41:24 Première jacquerie menée
41:26 par un paysan, un pauvre paysan,
41:28 Guillaume Calet, qui était-il ?
41:30 - Guillaume Calet est un paysan d'Ile-de-France
41:32 qui se retrouve un peu contre sa volonté,
41:34 entraîné à la tête d'une révolte de paysans.
41:36 Là aussi, parce qu'on veut imposer
41:38 les provinces, pourquoi ?
41:40 Pour payer la rançon du roi qui est prisonnier en Angleterre.
41:42 Et c'est un chroniqueur qui, ne se souvenant pas
41:44 de son nom, au lieu de l'appeler Guillaume Calet,
41:46 va l'appeler Jacques Bonhomme.
41:48 Bonhomme, parce que c'était le nom commun
41:50 des dépaysants. Et ça va donner
41:52 Jacques des Jacqueries.
41:54 Vous voyez, ça a marqué toute notre histoire.
41:56 Et on parlait encore il y a quelques semaines de la grande jacquerie des paysans.
41:58 - D'ailleurs, c'est fatignant de voir qu'à chaque fois
42:00 que le monde rural s'embrase,
42:02 immédiatement,
42:04 il y a un soutien de l'opinion,
42:06 la société se sent tout entière
42:08 concernée, et les pouvoirs publics
42:10 lâchent du lest.
42:12 - Ils ont peur. - Et c'est une continuité.
42:14 - Ils savent très bien qu'une colère rurale,
42:16 ça peut avoir l'appui de l'opinion,
42:18 et même si aujourd'hui, les paysans ne représentent plus
42:20 une part importante de la population,
42:22 ça peut aller jusqu'à la contestation politique.
42:24 Il n'y a pas si longtemps, dans les années 50,
42:26 on part du rural et ça donne le mouvement poujadiste.
42:28 Dans les années 30, les chemises vertes
42:30 rassemblent des dizaines de milliers de personnes
42:32 pendant la crise, au nom de la défense
42:34 de la ruralité. C'est toujours
42:36 un volcan redouté du pouvoir.
42:38 - L'invariant, c'est l'impôt de trop. Il faut bien comprendre
42:40 qu'il ne s'agit pas d'une allergie
42:42 à l'impôt des Français
42:44 dans toute cette histoire des révoltes, simplement
42:46 un impôt qui, pour telle ou telle raison,
42:48 sera incompris comme injuste.
42:50 - Oui. Les Français considèrent qu'il faut
42:52 payer l'impôt pourvu qu'en échange, on en ait
42:54 pour son argent. Dans le temps passé,
42:56 on demande au roi la protection, avec ses armées
42:58 contre les armées étrangères, contre les bandits
43:00 de grand chemin, et puis on demande aussi au roi de protéger
43:02 contre la peste ou contre la famine, puisqu'il est
43:04 roi de droit divin. Mais quand le roi dit
43:06 "je vais vous envoyer un impôt de plus",
43:08 non, ça ne passe pas.
43:10 La taille, c'est l'impôt de l'individu
43:12 en contrat avec le roi. Tout le monde
43:14 l'accepte. La gabelle, l'impôt sur
43:16 le sel, dans les régions où le sel on le produit,
43:18 près de la mer, c'est un impôt qui est
43:20 considéré comme injuste et injustifié.
43:22 On se révolte tout de suite.
43:24 Quand Colbert invente la taxe sur le papier
43:26 timbré, donc une sorte de taxe administrative,
43:28 en 1675, sans respecter
43:30 les accords entre la monarchie et les
43:32 provinces, révolte en Bretagne.
43:34 C'est une atteinte fiscale, c'est une atteinte
43:36 au droit du Parlement breton. Eh bien, la
43:38 petite noblesse et le peuple breton se révoltent
43:40 et ils décident d'adopter comme symbole
43:42 de ralliement un bonnet rouge. - Alors justement,
43:44 c'est la filiation la plus incroyable,
43:46 puisque là, on les voit, on a
43:48 le premier révolté
43:50 des bonnets rouges,
43:52 1675, c'est un dessin,
43:54 bien évidemment, les bonnets rouges bretons.
43:56 Le symbole est là.
43:58 Et la filiation historique revendiquée.
44:00 - Les trois points communs, c'est que
44:02 ça s'adresse à une Bretagne qui est en crise économique,
44:04 au XVIIe, c'est la crise des toiles
44:06 pour les voiles des bateaux,
44:08 et au XXe siècle, c'est la crise, au XXIe siècle,
44:10 la crise de la
44:12 production de porcs et des abattoirs.
44:14 Tissus fragilisés, l'impôt de trop,
44:16 la taxe sur le papier de teint près,
44:18 ou l'éco-taxe pour les bonnets rouges,
44:20 et puis le mépris identitaire.
44:22 C'est quoi, ces Parisiens, ces énarques, ces technocrates,
44:24 qui ne savent même pas comment on vit dans nos provinces ?
44:26 Et ça, on le retrouve tout au long de l'histoire,
44:28 particulièrement dans des régions qui ont du caractère,
44:30 comme la Bretagne. - Alors c'est vrai
44:32 qu'on a cette colère chevillée au corps,
44:34 on la retrouve, mais est-ce qu'elle est
44:36 véritablement, spécifiquement
44:38 française ?
44:40 D'autres pays en Europe,
44:42 vous y consacrez d'ailleurs un chapitre,
44:44 on a connu des périodes de tensions,
44:46 y compris après la Révolution française,
44:48 1789, 1848, également.
44:50 Est-ce que c'est pas un peu exagéré
44:52 de nous vivre comme ça,
44:54 comme des râleurs, comme des grogneurs,
44:56 comme des colériques révoltés ?
44:58 - C'est pas exagéré. Oui, il y a des révoltes ailleurs.
45:00 La révolte des rustos en Allemagne,
45:02 la révolte des faucheurs en Catalogne espagnole,
45:04 la révolte de Tyler et des paysans
45:06 britanniques, oui.
45:08 Mais chez nous, c'est notre ADN.
45:10 Nous sommes une longue chaîne de révoltes dans notre histoire.
45:12 Pourquoi ? Parce que nous nous sommes
45:14 construits comme état-nation avec un pouvoir central
45:16 qui étendait son territoire
45:18 et son pouvoir, de plus en plus loin,
45:20 de plus en plus fort, jusqu'à la monarchie
45:22 absolue ou bien la Troisième République
45:24 qui s'est imposée partout. Les autres pays, c'est pas ça.
45:26 C'est des principautés en Allemagne,
45:28 c'est plusieurs nations qui font un Royaume-Uni en Angleterre,
45:30 en Italie, en Espagne, ce sont des
45:32 Etats qui se sont constitués tardivement
45:34 à partir d'autonomie. Nous sommes le seul
45:36 pays en Europe à avoir vraiment cette histoire
45:38 qui irradie du centre vers les marches.
45:40 Et le modèle central impose
45:42 son système fiscal, son système judiciaire,
45:44 ses valeurs, son pouvoir. Et donc,
45:46 il y a des révoltes régulières. Le pouvoir central
45:48 réprime, puis il écoute. Après la répression,
45:50 on écoute, on calme, on cherche d'autres
45:52 chemins, on apaise, et puis on avance.
45:54 Nous avons donc constitué l'ADN
45:56 de notre nation par ce moteur à
45:58 explosion, révolte, répression,
46:00 révolte, répression. Parfois, c'est bref,
46:02 c'est pas si violent, et ça fait avancer
46:04 les choses. Et parfois, le sang coule.
46:06 - Oui. Révolte, répression, compte tenu aussi
46:08 pas seulement de la question fiscale, la question des territoires.
46:10 Dans un Etat si vertical
46:12 et jacobin, les Girondins
46:14 se font entendre, et il y a encore,
46:16 souvent, par les territoires,
46:18 par les pays, comme on dit aujourd'hui,
46:20 des montées de colère. - Bien sûr.
46:22 Il y a un mélange de révolte
46:24 économique. Quand Louis XIV annexe,
46:26 après la fin de la guerre de succession
46:28 d'Espagne, la Catalogne française,
46:30 il impose la fiscalité française sur
46:32 ses nouveaux territoires. Et donc, la révolte, elle est d'abord
46:34 pour refuser de payer ses impôts,
46:36 mais aussi parce qu'ils sentent bien, ces Catalans,
46:38 que c'est leur identité qui va être écrasée
46:40 par ceux qui viennent du Nord,
46:42 par ces Français. Et donc, ils se révoltent aussi
46:44 pour assurer la survie
46:46 de leur spécificité. Et on a très souvent cela
46:48 dans les révoltes, un fond identitaire.
46:50 - Il y a des révoltes qui ont débouché, mai 68,
46:52 par exemple. C'est une révolte
46:54 qui aboutit à une libération ?
46:56 Une révolution ? - Oui. Beaucoup de révoltes,
46:58 même quand elles échouent, c'est-à-dire qu'elles ne renversent pas le pouvoir,
47:00 qu'elles sont réprimées, elles laissent des traces.
47:02 - Oui. - Ça change un peu la donne.
47:04 Et puis, certaines révoltes ont plus d'influence
47:06 que d'autres. Par exemple, vous avez mai 68
47:08 qui a changé la culture, mais vous avez
47:10 un jour les Sabotiers de Solonne qui se révoltent.
47:12 Pourquoi ? Parce qu'on les oblige à utiliser
47:14 une petite monnaie qui n'a pas beaucoup de valeur,
47:16 le liard, que le pouvoir central a décidé
47:18 de mettre en circulation pour essayer
47:20 de contrôler la frénésie monétaire.
47:22 Bon, ils l'utilisent, ils sont obligés,
47:24 mais ils le déprécient. Quand on dit
47:26 "Aujourd'hui, ça vaut pas un liard",
47:28 ça vient de cela. Donc, notre méfiance
47:30 vis-à-vis des manipulations monétaires
47:32 par le pouvoir central, elle vient aussi de cela.
47:34 C'est une révolte qui a échoué, les pauvres
47:36 Sabotiers Solonneux, mais dans la mémoire,
47:38 ça laisse une petite trace. - Pour boucler la boucle,
47:40 vous dites que ces révoltes sont
47:42 civilisées, d'une certaine façon,
47:44 à l'heure des réseaux sociaux,
47:46 de la mondialisation, de l'Etat-providence.
47:48 Vraiment ? Vous pensez ?
47:50 - Oui, ça va plus vite. Ça se répand
47:52 beaucoup plus vite, mais dans un
47:54 espace, peut-être, qui est accessible
47:56 maintenant au débat démocratique.
47:58 Et le passage à la violence, notamment la violence
48:00 létale, "je vais tuer l'officier
48:02 qui représente l'Etat", ou "moi, policier, je vais
48:04 tuer celui qui se révolte",
48:06 c'est devenu un tabou, un interdit.
48:08 Ca pose un problème, d'ailleurs. La répression est limitée,
48:10 on l'a vu avec la ZAD de Notre-Dame-des-Landes,
48:12 et puis les révoltés n'osent jamais vraiment
48:14 aller jusqu'à prendre le pouvoir
48:16 et faire des dégâts humains. Tant mieux !
48:18 Nous avons fait un énorme progrès de civilisation.
48:20 Mais ce moteur à explosion,
48:22 commence à être enfermé dans ce carburateur.
48:24 On va continuer à avancer comme ça.
48:26 - Merci beaucoup, c'est passionnant,
48:28 et c'est la plume de Christophe Barbier que vous allez
48:30 savourer, parce qu'on plonge
48:32 vraiment avec ce livre "Peuple
48:34 de colère" chez Fayard,
48:36 au sein de nos grandes colères
48:38 qui ont jalonné notre histoire.
48:40 Vous restez avec moi ? C'est l'heure d'accueillir
48:42 nos affranchis pour leur parti pris, tout de suite.
48:44 ...
48:53 Isabelle Lasserre, la correspondante
48:55 diplomatique du Figaro, Pierre-Henri
48:57 Tavoyau, du Collège de philosophie.
48:59 Allez, tiens, on commence avec vous.
49:01 Vous souhaitiez, Pierre-Henri,
49:03 partager votre inquiétude sur
49:05 l'état des processus électoraux dans le monde
49:07 et sur le recul des démocraties.
49:09 - Oui, je voulais mettre en parallèle
49:11 trois faits récents. D'abord,
49:13 l'élection de Trump... Pardon,
49:15 de Poutine,
49:17 à 87 %,
49:19 deuxième fait, la phrase
49:21 de Trump, justement, qui a dit
49:23 il y a quelques jours, "Si je ne suis pas
49:25 élu, il y aura un bain de sang",
49:27 et puis, ça peut paraître
49:29 bizarre, en février 2024,
49:31 cette action nouvelle d'activistes
49:33 qui vont jeter de la soupe sur
49:35 un tableau de monnaie au
49:37 Musée de Lyon. - Ça n'a rien à voir.
49:39 - Mais il y a quand même un point commun.
49:41 C'est, dans le premier cas,
49:43 une mise en cause, en fait,
49:45 de l'idée même d'élection. Dans le premier
49:47 cas avec Poutine, c'est l'idée que
49:49 pour une bonne élection, il vaut mieux qu'il n'y ait
49:51 pas de campagne, il faut mieux
49:53 évacuer toute forme d'opposition en amont.
49:55 Avec Trump,
49:57 c'est l'idée que pour une bonne élection,
49:59 il vaut mieux faire en sorte que, si le résultat
50:01 est défavorable, de toute façon, il n'aura pas
50:03 lieu, soit qu'on fasse une petite émeute
50:05 au Capitole, soit qu'on promette
50:07 un bain de sang après. Et puis, dans le troisième
50:09 cas, les activistes, c'est l'idée que,
50:11 au fond, l'élection n'a même plus
50:13 d'objet, parce que le patient
50:15 travail qui consiste à convaincre
50:17 ses contemporains, ses concitoyens
50:19 qu'on a raison et qu'on veut
50:21 faire passer ses idées, eh bien,
50:23 se substitue à ce patient travail
50:25 l'idée qu'on va faire des coups d'éclat permanents
50:27 et qu'on va faire simplement des activistes.
50:29 Ça démonétise le vote.
50:31 -Il y a une forme d'inquiétude, il faut
50:33 rester en éveil par rapport à ça,
50:35 parce que vous nous dites que la menace n'émane pas seulement
50:37 des dictatures, des autocrates,
50:39 comme Poutine, mais
50:41 du coeur même de la démocratie. -Oui, c'est ça,
50:43 c'est qu'on a une sorte d'hésitation nous-mêmes
50:45 sur la question de la démocratie. Alors, les démocraties
50:47 américaines, bien sûr, parce que c'est la première
50:49 grande démocratie, mais cette démonétisation
50:51 du vote est vraiment très importante. Et le vote,
50:53 il faut le rappeler, l'élection est fragile en démocratie,
50:55 c'est une fragilité qui est structurelle,
50:57 parce qu'il faut rappeler, en philosophie politique,
50:59 selon la typologie habituelle,
51:01 il y a trois régimes pour désigner
51:03 les gouvernements. Il y a le premier régime, c'est la monarchie,
51:05 gouvernement d'un seul, et c'est
51:07 la succession qui permet
51:09 de désigner le chef.
51:11 En démocratie, je rappelle,
51:13 c'est pas l'élection, c'est le tirage
51:15 au sort. Dans l'Antiquité, c'est le tirage au sort.
51:17 Et l'élection est considérée
51:19 comme le mode de désignation
51:21 de l'aristocratie. Pourquoi ? Parce que
51:23 élire, c'est choisir, choisir, c'est en général
51:25 choisir le meilleur, et le meilleur,
51:27 en grec, ça se dit "aristos", ça veut dire
51:29 "aristocratie". Donc, l'élection est
51:31 aristocratique par principe, mais elle est
51:33 devenue démocratique en principe,
51:35 grâce à trois changements qui sont absolument essentiels
51:37 et qu'il faut bien avoir toujours
51:39 à l'esprit. D'abord, le fait
51:41 qu'on ouvre la base électorale,
51:43 le fait que tout le monde peut
51:45 voter, et tout le monde
51:47 peut être candidat, très important.
51:49 C'est un premier changement qui transforme
51:51 l'élection aristocratique en démocratie.
51:53 Deuxième changement, la théorie de la représentation,
51:55 qui fait que l'élu n'est pas
51:57 simplement le représentant de ceux qui ont voté
51:59 pour lui, mais le représentant de l'intérêt général.
52:01 Très important, c'est pas le mandat impératif
52:03 d'ancien régime. Et puis, troisième changement essentiel,
52:05 une campagne ouverte, jadis,
52:07 dans l'ancien régime, pas de campagne,
52:09 et un vote public.
52:11 Dans les démocraties modernes, campagne
52:13 ouverte et vote secret.
52:15 Ça s'en change tout. Conclusion,
52:17 une démocratie qui ne respecte aucune
52:19 de ses conditions n'a rien d'une élection
52:21 démocratique. C'est un masque et une façade.
52:23 Donc l'élection ne suffit pas
52:25 à faire la démocratie, mais en même temps,
52:27 pas de démocratie sans élection. -Merci beaucoup.
52:29 Pour ce parti pris, un petit mot de réaction ?
52:31 -Je vois que de plus en plus,
52:33 nos concitoyens sont tentés par la démocrature.
52:35 Ils veulent voter, ils veulent choisir leur chef,
52:37 ça, on peut pas leur enlever, mais une fois qu'on l'a choisi,
52:39 allez, carte blanche. À la Orban,
52:41 à la Erdogan, à la Poutine,
52:43 ils se rendent compte que c'est trop tard,
52:45 qu'après, on leur vole leur vote,
52:47 parce qu'on transforme ça en parodie de démocratie.
52:49 -Merci, Christophe Barbier, pour la conclusion.
52:51 On enchaîne avec Isabelle Lasserre.
52:53 Le Canada a décidé d'arrêter
52:55 ses livraisons d'armes à Israël,
52:57 compte tenu de la réalité de la situation à Gaza.
52:59 Est-ce que les Etats-Unis pourraient suivre ?
53:01 -Non, on en est encore très, très loin,
53:03 et pourtant, c'est la seule chose
53:05 qui pourrait aujourd'hui freiner
53:07 la virulence de l'offensive militaire israélienne
53:09 à Gaza. Pourquoi ? Eh bien, d'abord,
53:11 parce que 90 % des armes fournies
53:13 à Israël le sont par
53:15 les Etats-Unis, qu'il s'agisse de la défense
53:17 antiaérienne ou même de certains
53:19 obus, et puis, l'autre raison,
53:21 c'est parce que depuis
53:23 le début de la guerre,
53:25 enfin, depuis plusieurs semaines,
53:27 Joe Biden a intensifié ses
53:29 avertissements à l'endroit
53:31 de Benjamin Netanyahou,
53:33 mais que l'influence des Etats-Unis
53:35 est à peu près proche de zéro.
53:37 C'est-à-dire que Joe Biden considère
53:39 que la stratégie israélienne
53:41 fait fausse route, il demande
53:43 une autre approche à Netanyahou
53:45 vis-à-vis du Hamas,
53:47 et il n'y a absolument aucune réaction.
53:49 Aujourd'hui, Biden essaye
53:51 vraiment d'empêcher Israël
53:53 de lancer son offensive
53:55 terrestre sur Rafa,
53:57 mais la seule chose
53:59 que puisse faire aujourd'hui Biden
54:01 est de promettre une aide humanitaire
54:03 en construisant un pont
54:05 éphémère. -Mais alors,
54:07 comment vous expliquez, c'est une forme de tournant,
54:09 la fin de l'influence américaine sur Israël ?
54:11 -Ecoutez, alors,
54:13 Joe Biden n'y met pas
54:15 tout son poids. Il est coincé,
54:17 en fait, Joe Biden, des deux côtés.
54:19 D'abord, il est des trois côtés, parce que d'abord,
54:21 il est à six mois des élections présidentielles,
54:23 il sait qu'il peut perdre les élections
54:25 à cause de la crise à Gaza, et il est coincé
54:27 sur son aile gauche, les démocrates,
54:29 l'aile gauche des démocrates,
54:31 et l'aile "woke" aussi des démocrates,
54:33 qui critiquent fortement
54:35 son soutien apporté à Israël, mais de l'autre côté,
54:37 il est coincé par
54:39 l'alliance traditionnelle presque sacrée
54:41 entre les Etats-Unis et Israël,
54:43 et puis par le vote juif
54:45 aussi. Par ailleurs,
54:47 il n'y a jamais eu aucune confiance
54:49 entre Netanyahou et Biden.
54:51 -Conséquences, alors, de cette impuissance ?
54:53 -Elles ne sont pas bonnes.
54:55 Le vent pourrait commencer
54:57 à tourner pour Israël,
54:59 la décision du Canada est
55:01 quand même assez symbolique,
55:03 mais la principale conséquence de ce manque
55:05 d'influence des Américains,
55:07 hormis le malheur des Palestiniens
55:09 de Gaza, c'est d'accentuer encore
55:11 la révolte des pays du Sud global
55:13 contre les Occidentaux.
55:15 C'est-à-dire que depuis plusieurs mois,
55:17 ils affirment,
55:19 enfin, ils reprochent à l'Occident
55:21 le deux poids, deux mesures
55:23 qui fait, en fait,
55:25 critiquer la Russie de Vladimir Poutine
55:27 et qui entoure
55:29 d'un silence consentant
55:31 ce qui se passe
55:33 à Gaza. Alors, ça a aussi
55:35 des conséquences négatives pour les Ukrainiens
55:37 parce que pour les pays du Sud global,
55:39 les territoires occupés
55:41 de Palestine
55:43 sont beaucoup, beaucoup plus importants
55:45 que les territoires occupés
55:47 d'Ukraine par la Russie.
55:49 -Très rapidement, une réaction. Je sais que vous suivez
55:51 beaucoup ces questions-là.
55:53 Ca s'explique comment Benjamin Netanyahou
55:55 n'a plus du tout,
55:57 du tout, du tout, du tout le regard
55:59 retourné vers Washington ? -La fin de la guerre,
56:01 pour Benjamin Netanyahou, c'est le début des ennuis.
56:03 C'est la perte du pouvoir, c'est le début
56:05 de problèmes judiciaires, de comptes à rendre sur le 7 octobre.
56:07 -Donc, il fonce tête baissée. -Et pour lui,
56:09 très, très important. Maintenant,
56:11 pour que cessez le feu arrive là-bas
56:13 vite et qu'on arrête de bombarder, il y a plus simple
56:15 que les circonvolutions du débat politique
56:17 américain, c'est la réédition du Hamas.
56:19 Si le Hamas rend les otages et se rend,
56:21 les bombardements s'arrêtent immédiatement.
56:23 Mais ça n'a pas l'air d'être leur intention.
56:25 -On termine avec les coulisses. La petite,
56:27 la grande histoire à l'Assemblée, c'est dans Bourbon Express.
56:29 Bonsoir Elsa. -Bonsoir.
56:39 -Elsa Mondingava, quelle est votre histoire du jour à l'Assemblée ?
56:41 -Je vais vous raconter l'histoire de 70 députés
56:43 qui vont plancher sur le texte
56:45 de 2024, le texte sur la fin de vie,
56:47 l'aide à mourir. Alors, on en connaît
56:49 un peu plus sur le calendrier. Je vous le rappelle,
56:51 10 avril, présentation au Conseil des ministres.
56:53 27 mai, ce sera dans l'hémicycle
56:55 et entre les deux, le texte
56:57 sera étudié par une commission
56:59 spéciale, c'est-à-dire que c'est pas une des commissions
57:01 habituelles qui va l'examiner,
57:03 mais bien une commission mise sur pied,
57:05 exprès. Cette commission, il va falloir l'organiser.
57:07 Myriam, ce que je peux vous dire, c'est qu'il y aura
57:09 plus de candidats que de places.
57:11 C'est un texte emblématique et donc, évidemment,
57:13 tout le monde veut y participer. -Oui, bien sûr.
57:15 Et les deux postes les plus convoités de cette commission
57:17 spéciale, c'est le président et le rapporteur général.
57:19 -Oui, et je vais vous parler donc de deux députés
57:21 qui ont été cités nommément par le Premier ministre
57:23 Gabriel Attal lors des questions au gouvernement
57:25 pour leur implication sur le sujet.
57:27 Pour la présidence, certains poussent
57:29 Agnès Firmin-Lebaudot.
57:31 Elle est légitime puisqu'elle avait conduit
57:33 les négociations quand elle était ministre
57:35 déléguée aux professions de santé.
57:37 Inconvénient, elle a été, on le rappelle, sortie
57:39 du gouvernement sur fond de cadeaux
57:41 reçus par Urgo, quand elle était...
57:43 reçus par elle, donnés par Urgo,
57:45 quand elle était pharmacienne. Pour le poste de rapporteur
57:47 général, on parle d'Olivier Falorni,
57:49 le député modem de Charente-Maritime.
57:51 Lui, il s'y virait très bien,
57:53 à ce poste. Depuis des années,
57:55 il est en pointe sur le sujet. En 2021,
57:57 on le rappelle, on le voit à l'image,
57:59 il avait défendu à l'Assemblée une proposition
58:01 de loi avec des milliers d'amendements.
58:03 Problème aussi, certains députés craignent
58:05 qu'ils veulent aller un peu au-delà
58:07 du texte initial. Sauf que tout ça,
58:09 ça nous donne une présidence horizon,
58:11 un rapporteur général du modem. Ça voudrait dire que
58:13 Renaissance, le groupe majoritaire de la majorité,
58:15 fait un très beau cadeau
58:17 à ses partenaires. En politique,
58:19 on s'en fait pas beaucoup, c'est donc
58:21 pas du tout acté. Il y aura aussi des rapporteurs
58:23 thématiques. On aimerait peut-être un rapporteur
58:25 des oppositions, de la gauche.
58:27 Pourquoi pas Caroline Fiat ?
58:29 La députée insoumise est très investie
58:31 sur cette question. Certains trouvent l'idée formidable,
58:33 mais il y a aussi une levée de bouclier
58:35 chez d'autres, chez Renaissance.
58:37 - Oui, ce qui est sûr, c'est que même à l'intérieur
58:39 de chaque groupe, il s'agira de respecter
58:41 toutes les sensibilités. - Oui, tous les groupes
58:43 sont divisés sur cette question très intime.
58:45 Des députés de droite sont favorables
58:47 à l'être actif, à mourir. Des députés de gauche
58:49 sont défavorables. Donc, dans chaque groupe,
58:51 on va essayer de représenter un petit peu les pour,
58:53 les contre et les millions de nuances qui existent
58:55 entre ces deux positions. - Merci beaucoup,
58:57 Elza Mondingava, Bourbon Express. D'ailleurs, on suivra
58:59 en direct et en exclusivité ce débat
59:01 parlementaire sur la fin de vie.
59:03 Merci, Eleza Franchier et merci, Christophe Bardet.
59:05 - Merci à vous. - Peuple de colère, c'est-à-dire
59:07 chez Fayard. Très belle soirée sur LCP,
59:09 bien sûr. A demain.
59:11 (indicatif musical)
59:13 ♪ ♪ ♪
59:15 ♪ ♪ ♪
59:17 ♪ ♪ ♪
59:19 ♪ ♪ ♪
59:21 ♪ ♪ ♪
59:23 [Générique de fin]

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