• il y a 8 mois
Il est chargé de tenter d'élucider les plus grandes affaires criminelles ! 2 ans après la création du pôle cold case, Pascal Prache le procureur de la république de Nanterre, a choisi RTL pour dresser un 1er bilan. Il est l'invité d'Amandine Begot ce vendredi à 7H40 dans RTL Matin.
Regardez L'invité de RTL du 01 mars 2024 avec Amandine Bégot.

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00:02 RTL matin
00:06 RTL 7h44 à Maudinebégaud, vous recevez donc ce matin le procureur de la République de Nanterre Pascal Prache.
00:12 Le parquet de Nanterre qui est en charge notamment de ce qu'on appelle communément le "Pôle Cold Case".
00:17 Ce pôle créé il y a deux ans et chargé des affaires non élucidées.
00:20 Monsieur le procureur on va peut-être d'abord rappeler justement ce qu'est un "Cold Case".
00:24 D'autant que vous magistrat vous ne parlez pas de "Cold Case".
00:27 Non, on parle effectivement d'affaires non élucidées et le principe de la création du pôle c'est de traiter les affaires qui sont non élucidées, complexes,
00:35 qui sont non élucidées notamment depuis au moins 18 mois. Donc ce qui laisse évidemment un champ extrêmement large.
00:40 Et le législateur en plus a prévu toute une série d'infractions qui ont vocation à rentrer dans la compétence du pôle.
00:45 Les meurtres, les viols, les enlèvements, séquestrations.
00:48 Ce pôle je le disais il a été créé il y a deux ans tout juste en mars 2022.
00:52 Est-ce qu'on peut déjà dresser ce matin un premier bilan ? Combien d'affaires prises en charge ? Combien d'affaires élucidées aussi peut-être ?
00:58 Alors je pense qu'il y a deux dimensions qu'il faut garder présentes à l'esprit.
01:00 D'abord avant de saisir le pôle d'un certain nombre de procédures, il faut étudier ce qui existe sur le territoire national
01:06 de façon à déterminer les procédures qui ont réellement vocation à rejoindre le pôle.
01:10 Et c'est ainsi 385 procédures qui ont été étudiées par les services du parquet du pôle afin de déterminer au sein de ces procédures
01:18 celles qui avaient véritablement vocation au vu des critères qui existent à rejoindre le pôle.
01:22 Et aujourd'hui nous avons 105 procédures qui sont effectivement suivies, traitées par des magistrats du pôle,
01:29 notamment trois magistrats instructeurs et deux magistrats du parquet.
01:32 Et parmi elles 88 dossiers qui sont en information judiciaire.
01:36 - 88 dossiers en cours donc ?
01:39 - Absolument, plus un certain nombre de dossiers qui sont suivis par le parquet dans ce qu'on appelle des enquêtes préliminaires.
01:44 - Alors concrètement qu'est-ce que ça change ce pôle ? Pourquoi ce pôle arrive-t-il à faire ce que des enquêteurs n'ont pas réussi ?
01:50 - Alors je ne sais pas si on peut dire que ce pôle arrive à faire ce que des enquêteurs n'ont pas réussi.
01:54 Je pense que surtout ce qui est intéressant avec la création du pôle, la volonté, c'est de faire en sorte qu'on ait un service spécialisé.
02:01 Avec des magistrats qui sont pleinement investis à temps plein sur cette matière-là, contrairement à ce que l'on peut rencontrer dans d'autres juridictions
02:07 où ils sont confrontés à la nécessité de traiter le quotidien.
02:10 Et ils peuvent aussi également s'appuyer sur des services spécialisés, c'est le CRVP, c'est la division d'IAN de la gendarmerie par exemple,
02:16 mais d'autres services aussi, qui eux aussi ont une véritable spécialité qu'ils peuvent porter.
02:20 Et s'y ajoute le fait que, notamment, nous avons des compétences qui se développent au fur et à mesure,
02:25 et singulièrement depuis la création du pôle, en ce qui concerne les capacités techniques.
02:28 La connaissance que nous pouvons avoir par exemple de ce qu'on peut faire avec l'ADN.
02:32 - Alors justement, comment travaille-t-il ? Est-ce que vous avez des exemples concrets ?
02:36 Je sais que parmi les dossiers, il y a l'affaire de la tuerie de Chevaline, par exemple, qui reste l'un des grands mystères de ces dernières années.
02:43 Alors bien sûr, vous ne pouvez pas nous révéler tous les détails du pourquoi et du comment,
02:47 mais concrètement, comment on fait ? On reprend l'affaire depuis le début ? Non ?
02:50 - C'est exactement ça.
02:52 C'est exactement ça. Déjà, je pense que le point de départ du fonctionnement du pôle,
02:55 que ce soit d'ailleurs au stade de l'information judiciaire ou des enquêtes préliminaires,
02:58 c'est de reprendre le dossier depuis le début, précisément.
03:00 Avec des lectures croisées, c'est-à-dire en clair, des lectures soit qui impliquent plusieurs magistrats,
03:05 soit des lectures aussi qui impliquent les services de police qui sont désignés, spécialisés,
03:09 et de reprendre le dossier, revérifier toutes les pistes qui ont déjà pu être étudiées,
03:14 éventuellement en identifier d'autres, et surtout aussi, et on l'a vu dans un dossier récent,
03:18 qui était celui du meurtre de Caroline Marcel, revérifier...
03:22 - Une jogueuse qui avait été tuée dans le Loiret en 2008, et on n'avait jamais retrouvé le coupable.
03:28 - Absolument. Et en fait, dans cette affaire-là en particulier, le travail qui a nouveau été fait sur les scellés,
03:34 et la vérification de l'existence d'ADN, a permis sans doute de progresser de manière assez importante.
03:39 - Parce qu'à l'époque, on n'avait pas pu identifier l'ADN et des progrès ont été faits ?
03:42 - Exactement, parce qu'en plus, non seulement les compétences techniques ont augmenté depuis,
03:46 mais aussi les moyens mis à la disposition des services.
03:50 - Quand je vous écoute, on imagine du coup des magistrats dans un bureau avec des dossiers partout,
03:56 des couloirs avec des placards énormes où il y a les scellés, c'est comme ça ou... ?
03:59 Je fantasme !
04:00 [Rires]
04:02 - Non mais pour que les auditeurs se rendent compte, pas ?
04:04 - Plus concrètement, chaque cabine d'instruction est environ dotée d'une trentaine de dossiers, aujourd'hui.
04:10 Et par ailleurs, effectivement, le tribunal de Nanterre s'est doté d'un local des scellés,
04:14 parce que ça, c'est un enjeu décisif.
04:16 La conservation des scellés pour permettre une exploitation, y compris plusieurs années après,
04:20 c'est l'exemple qu'on vient d'évoquer à l'instant.
04:22 Parce que finalement, des résultats qu'on n'aurait pas pu obtenir il y a 10 ans,
04:25 on va peut-être pouvoir les obtenir maintenant, ça c'est un enjeu absolument décisif.
04:28 Et d'ailleurs, le législateur en a tiré les conséquences très récemment sur une loi de novembre 2023.
04:33 Donc c'est un sujet, notamment cette conservation des scellés, qui est absolument majeure.
04:36 Mais donc, pour répondre à votre question, bien oui, les magistrats de l'instruction sont regroupés au TGI de Nanterre,
04:42 avec un certain nombre d'armoires, certes, mais avec une volumétrie de dossiers qui est celle que j'ai rappelée.
04:47 Et pourquoi ? Vous me demandez.
04:50 Pourquoi simplement une trentaine de dossiers par cabinet ?
04:52 Mais parce que l'objectif, c'est qu'il y ait inévitablement une plus-value du pôle.
04:56 Le pôle n'a pas vocation à prendre toutes les affaires criminelles non élucidées.
05:00 Le pôle a vocation à prendre les affaires criminelles non élucidées sur lesquelles il pourra réellement apporter une plus-value.
05:05 Et pour cela, il est indispensable que les magistrats instructeurs aient le temps de se consacrer à la diffusion fine de ces dossiers.
05:12 Mais vous comprenez que ce soit très frustrant pour des familles de victimes qui attendent depuis des années
05:16 quand on leur dit qu'on ne peut pas prendre toutes les affaires.
05:19 C'est un enjeu majeur.
05:20 L'attente des victimes, elle est évidemment extrêmement importante.
05:24 Et quand on voit la situation dramatique de familles de victimes depuis des années
05:29 qui attendent une réponse et dont le quotidien, on peut l'imaginer, est en permanence axé sur cette problématique,
05:37 évidemment qu'on a conscience de ces attentes.
05:39 Mais pour autant, il faut aussi que nous soyons dans une perspective opérationnelle d'efficacité.
05:43 L'objectif, c'est d'élucider.
05:45 On sait que par définition, le pôle a trait des dossiers qui vont être complexes à élucider, puisqu'on n'a pas réussi à le faire ailleurs.
05:51 Et donc avec à la fois humilité, mais en utilisant aussi l'ensemble des dimensions techniques que j'évoquais tout à l'heure,
05:57 l'objectif, c'est de progresser en ce sens et d'essayer d'expliquer pourquoi tel dossier ne rejoindra pas le pôle,
06:03 peut-être aujourd'hui, peut-être viendra-t-il demain.
06:05 Mais l'objectif, encore une fois, c'est de conserver la capacité opérationnelle de traitement du pôle pour essayer d'obtenir des résultats.
06:10 Dans les affaires non élucidées, emblématiques, il y a celle du petit Grégory.
06:14 Pourquoi, par exemple, cette affaire n'est pas traitée par le pôle ?
06:17 Je vais vous répondre d'une manière un peu générale.
06:19 En fait, l'objectif, lorsqu'on essaie de déterminer si tel ou tel dossier va rejoindre le pôle,
06:24 c'est déjà de vérifier quel est le niveau de suivi localement de ce dossier.
06:28 Parce que le pôle a récupéré un certain nombre de dossiers pour lesquels il n'y avait plus d'enquête en cours.
06:32 Là, en l'occurrence, pour le petit Grégory, il y a encore une enquête en cours ?
06:34 Absolument. Et dans ce cadre-là, il y a des échanges très réguliers avec les parquets locaux notamment,
06:38 afin de déterminer si, encore une fois, le pôle peut apporter une plus-value.
06:42 L'autre mission de ce pôle, c'est de retracer les parcours de vie de certains grands criminels déjà condamnés.
06:47 On en a parlé avec l'affaire Nordal-Lelandais. Combien de parcours de vie sont aujourd'hui en cours de reconstitution ?
06:52 Alors aujourd'hui, il y a 12 parcours criminels qui sont au pôle.
06:56 Alors le parcours criminel, c'est intéressant parce que c'est une innovation juridique.
06:59 C'est quelque chose qui a été créé par la loi de décembre 2021.
07:02 Et le parcours criminel, c'est une procédure qui d'ailleurs ne peut être conduite qu'au sein du pôle.
07:07 Et l'objectif, c'est de prendre le problème à l'envers par rapport au mode de fonctionnement habituel.
07:10 Habituellement, on part de fait, d'un fait, qui donne le sens à un dossier.
07:14 Et dans le cadre de ce dossier, on va évidemment s'intéresser, notamment en matière criminelle, au parcours de la personne.
07:20 Là, c'est l'inverse. On va identifier des personnes, soit qui ont été condamnées,
07:24 soit contre lesquelles il existe des charges sérieuses.
07:27 Et on ne va pas partir de fait, mais on va partir de leur parcours de vie pour essayer de vérifier.
07:31 - De leur emploi du temps, en quelque sorte. - Absolument, c'est exactement ça.
07:34 - Et vous vérifiez s'il y a des victimes qui matchent. - C'est tout ça.
07:36 - Est-ce que Michel Fourniret est dans la liste de ces 12 parcours de vie ? - Absolument.
07:40 - Pascal Prache, vous êtes procureur de la République de Nanterre, je le disais,
07:43 et c'est votre parquet qui est entre autres en charge de ce qu'on appelle l'affaire PPD à Patrick Poivre d'Arvor.
07:49 Vous avez annoncé cette semaine l'élargissement de l'information judiciaire à trois nouveaux cas,
07:53 deux viols et une agression sexuelle.
07:55 Est-ce qu'on peut imaginer encore d'autres cas, d'autres séries de plaintes ?
08:00 - Je n'en ai pas la moindre idée. En tout cas, ce qui est certain, c'est qu'aujourd'hui,
08:04 l'ensemble des plaintes ou des signalements qui ont été adressés au parquet ont été traités,
08:08 avec les modes de réponse qui ont été évoqués, soit des classements sans suite,
08:11 soit effectivement un réquisitoire supplétif dans le cadre de l'information judiciaire.
08:15 - Il n'y a pas eu d'autres plaintes récemment ? - Pas à ma connaissance pour l'instant.
08:18 - Dans ce volet, 19 autres cas, on le rappelle, ont été classés, souvent parce que prescrits.
08:25 Cette affaire et d'autres ont relancé ces derniers jours le débat autour de l'imprescriptibilité des faits.
08:30 Eric Dupond-Méretti, le ministre de la Justice, a expliqué hier qu'il n'y était pas favorable.
08:34 Je sais bien que vous ne pouvez peut-être pas vous prononcer, mais à titre personnel,
08:38 vous seriez favorable à ça ?
08:40 - Je pense que c'est un enjeu qui est avant tout un enjeu porté par le législateur,
08:44 c'est un choix de société, et donc là-dessus, mon avis personnel compte peu.
08:48 Je pense que le sujet, c'est plutôt d'identifier l'efficacité réelle de la réponse judiciaire
08:52 si on venait à faire évoluer les textes, sachant que déjà la jurisprudence a permis,
08:56 dans un certain nombre de cas, notamment avec le critère de la sérialité,
08:59 d'apporter quelques limites au principe de la prescription.
09:02 - Merci beaucoup.
09:04 [SILENCE]

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