Jugé pour prise illégale d'intérêts, le ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti a été déclaré "non coupable" et relaxé mercredi à Paris par la Cour de Justice de la République (CJR), une décision qui éclaircit son horizon politique. Pour en parler, Bruno Retailleau, président du groupe LR au Sénat et sénateur de la Vendée.
Regardez L'invité de RTL du 30 novembre 2023 avec Amandine Bégot.
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00:02 RTL matin
00:06 RTL 7h41, excellente journée à vous tous qui nous écoutez. Amandine Mégot, vous recevez donc ce matin le président du groupe LR au Sénat, Bruno Retailleau.
00:14 Eric Dupond-Moretti a donc été relaxé par la Cour de justice de la République.
00:18 Il va pouvoir continuer son action au sein du gouvernement, a dit dès hier soir Elisabeth Borne.
00:22 Que dites vous ce matin Bruno Retailleau ? Ça y est le débat est clos, la CJR a tranché, il est tout à fait légitime comme ministre.
00:28 Bien sûr, bien sûr que je reconnais la décision de la Cour de justice de la République.
00:33 C'est une formation très très solennelle qui mène à la fois des magistrats professionnels et puis des parlementaires.
00:40 Elle a tranché, elle a rendu sa décision et au terme de cette décision il a été blanchi.
00:44 Alors cette CJR, au delà du cas d'Eric Dupond-Moretti, elle est très critiquée régulièrement.
00:49 Hier des députés de la France insoumise réclamaient sa suppression, expliquant que c'est une juridiction d'entre soi,
00:55 systématiquement partielle, qui ne sert à rien sinon qu'à blanchir des ministres.
00:58 François Hollande voulait la supprimer, Emmanuel Macron s'était engagé à la supprimer.
01:02 Mais est-ce que vous y êtes favorable ?
01:04 Non, je ne suis pas favorable.
01:05 Pourquoi ?
01:05 Pour deux raisons.
01:06 La première raison c'est qu'on ne peut pas judiciariser la vie politique.
01:10 On ne peut pas porter des décisions, notamment sur des décisions politiques,
01:14 de la même façon qu'on juge au pénal le commun des mortels.
01:17 Pourquoi ?
01:18 Tout simplement parce que ça consisterait à soumettre tous les ministres, par exemple, à des plaintes pénales.
01:24 Et ça consisterait au bout du compte à soumettre les politiques publiques au regard des magistrats.
01:30 Mais vous reconnaissez que les auditeurs puissent se dire que les ministres ne sont pas au-dessus des lois ?
01:33 Non, mais d'ailleurs la preuve, il est jugé.
01:36 Simplement, ce que je veux dire c'est qu'on est une démocratie.
01:40 La démocratie ce n'est pas seulement le suffrage universel.
01:42 Sinon, M. Poutine ou M. Erdogan seraient des grands démocrates, parce qu'ils ont été élus au suffrage universel.
01:47 Mais vous voyez bien que ce ne sont pas des démocraties qu'ils dirigent.
01:49 La démocratie, il faut ajouter la séparation des pouvoirs.
01:52 Si, comme je le disais, vous soumettez à l'autorité judiciaire toutes les décisions politiques,
01:56 on a bien vu pendant le Covid, mais où va-t-on ?
01:59 La deuxième raison, c'est que cette judiciarisation, ça encourage la bureaucratie.
02:03 Pourquoi ?
02:04 Parce que chacun gère son risque pénal.
02:07 On ne fait plus rien.
02:08 On ne décide pas par tort d'être poursuivi.
02:09 Voilà, c'est-à-dire qu'à ce moment-là, la peur de la procédure l'emporte sur le résultat de la politique.
02:16 Et c'est ça, la France est en train de mourir de ça, de cette bureaucratisation.
02:20 Et je pense que la judiciarisation égale bureaucratisation,
02:24 où chacun ouvre le parapluie pour se protéger justement du risque pénal.
02:28 Donc ne faisons pas d'ailleurs cette erreur-là.
02:30 Le fait d'ailleurs que LFI, l'extrême gauche, le propose, ça devrait nous indiquer la boussole inverse.
02:35 – Je rappelais que Emmanuel Macron s'était engagé à la supprimer.
02:38 Les édits généraux de la justice d'ailleurs le préconisent.
02:40 Autre sujet qui suscite de très nombreuses réactions ces derniers jours,
02:44 c'est bien sûr ce drame dans la Drôme, la mort du jeune Thomas, 16 ans, lors d'un bal.
02:48 Et puis ces manifestations de l'ultra-droite qui ont suivi, des oseaux inoffensifs,
02:52 nous disait hier ici même sur RTL Marion Maréchal.
02:55 Vous les condamnez, ces manifestations de l'ultra-droite ?
02:57 – Oui, je les condamne, bien sûr.
02:58 Moi je condamne l'extrême droite et l'extrême gauche, pourquoi ?
03:02 Parce que ce sont des mouvements qui vivent avec cette idée qu'une violence peut être légitime,
03:07 qu'on peut se faire soi-même justice, et ce sont des gens qui propagent de la haine.
03:12 L'extrême droite et l'extrême gauche, il ne faut pas oublier,
03:14 parce qu'on a bien vu la gauche qui a une indignation sélective,
03:18 elle pointe l'extrême droite, il faut pointer les deux, voilà.
03:21 – Éric Ciotti a eu du mal à condamner, dimanche il n'a pas condamné,
03:24 lundi il est revenu, sur ses propos, il a eu tort ?
03:27 – Non mais la nuit il lui a apporté conseil.
03:29 – Ça vous fait sourire ?
03:30 – Non mais vous savez bien que quand vous enchaînez des interviews,
03:34 il peut y avoir une expression…
03:36 – Sauf que c'est un sujet sérieux, et qu'il avait eu le temps d'y réfléchir, non ?
03:39 – On en a parlé ensemble, parce que le faux…
03:41 – Vous l'avez encore engueulé ou… ?
03:41 – Pas du tout, je vais vous dire, j'ai suffisamment à faire avec moi-même
03:45 plutôt que de donner des leçons au monde entier,
03:47 mais je pense que son intention était absolument claire, voilà.
03:51 Il a eu une hésitation, ça peut arriver, voilà,
03:53 il a acté très clairement lundi dernier qu'il condamnait,
03:58 là encore le problème si vous voulez, d'une partie de la classe politique,
04:01 y compris d'ailleurs de M. Dupont-Moretti,
04:04 c'est de chercher dans ces manifestations de l'extrême droite,
04:07 une sorte de diversion, voilà, pour ne pas parler des problèmes.
04:10 Est-ce que ce sont ces groupuscules que je viens de condamner, on est bien d'accord ?
04:14 Est-ce que ce sont ces groupuscules qui sont à l'origine de la mort de Thomas,
04:18 de la mort de Samuel Paty, de Dominique Bernard ?
04:20 – Mais on peut réclamer justice pour Thomas
04:22 et condamner ces manifestations de l'extrême droite ?
04:24 – Eh bien c'est ce que je dis. – Exactement.
04:25 – Absolument.
04:26 – C'est dans ce contexte que le projet de loi immigration
04:28 est débattu en commission à l'Assemblée Nationale depuis le début de la semaine.
04:31 Hier, Bruno Votaio, les députés ont, à une très large majorité,
04:35 supprimé l'amendement adopté au Sénat
04:37 qui prévoyait de supprimer l'aide médicale d'État,
04:39 en la replaçant, on le rappelle, par une simple aide médicale d'urgence.
04:43 J'imagine que vous le regrettez.
04:45 – Je le regrette. Alors on est en commission,
04:47 donc il va falloir attendre la fin de l'examen du texte en séance.
04:51 Ils n'ont pas fait que cela.
04:52 Ils ont détricoté les mesures de redurcissement sur le regroupement familial.
04:56 Ils ont détricoté aussi le dispositif pasquois,
04:59 parce que pour les Français, pour les jeunes Français nés de parents étrangers en France,
05:03 on ne voulait pas que, par hasard, ils deviennent Français.
05:06 C'était le dispositif pasquois que la gauche avait aboli.
05:09 Nous l'avions établi. Tout ça, c'est parti.
05:11 – Tout ce que vous avez fait au Sénat est en train d'être enlevé de ça.
05:13 – Exactement. Ils ont supprimé le délit de séjour illégal.
05:16 Donc ils sont en train de tout déconstruire.
05:19 Mais pour l'instant, c'est la commission.
05:21 Moi, j'attends le final.
05:22 Mais on voit bien qu'il y a ce grand détricotage.
05:27 Et s'il y a un détricotage,
05:28 ce sera impossible pour nos députés de voter ce texte-là.
05:31 – Les députés, c'est ce que vous nous dites ce matin,
05:33 les Républicains ne voteront pas ce texte
05:35 si, par exemple, l'aide médicale d'État n'est pas à nouveau supprimée par un abattement ?
05:39 – Pas seulement. Il y aura…
05:41 – Ce n'est pas une ligne rouge, l'AME ?
05:42 – Si, simplement. Ce que je veux dire, c'est qu'il y a un chaos migratoire.
05:45 Les Français, 75% des Français nous demandent de reprendre en main
05:49 la maîtrise, justement, de ces flux migratoires.
05:51 On ne peut le faire que par une politique globale.
05:53 Donc il n'y a pas seulement une panace, c'est une solution.
05:56 C'est un ensemble de solutions.
05:58 Et c'est au vu, justement, de ce qui adviendra dans le texte final,
06:02 du décricotage, tout petit ou très grand, qu'ils prendront la décision.
06:05 Mais on voit bien, d'ores et déjà, au moment où on se parle,
06:07 au vu de ce que la Commission des lois a fait, qu'il y a un grand détricotage.
06:11 – En l'état, il ne faut pas qu'ils le votent ?
06:12 – Certainement pas. Certainement pas.
06:14 On sera dans le "en même temps".
06:16 Et le "en même temps", on sait où ça nous mène.
06:18 Notamment en matière de politique migratoire.
06:20 – Alors, le député LR Aurélien Pradié avait prévenu qu'il ne voterait pas ce texte.
06:25 A prévenu en tout cas, il ne le trouve pas assez dur.
06:27 Je parle du texte qui a été voté au Sénat.
06:29 Il n'est pas, dit-il, celui des Républicains, mais celui des centristes.
06:32 Est-ce que vous avez réclamé son exclusion ?
06:34 – Moi, je n'ai rien réclamé du tout.
06:36 – Plusieurs sénateurs l'ont fait ?
06:37 – Oui, oui. Non.
06:38 Ce qui agace les sénateurs, mais aussi les députés,
06:42 c'est que des individus se retournent systématiquement
06:45 contre leur propre famille politique, qui est déjà affaiblie.
06:49 Plutôt que de se retourner vers nos adversaires politiques.
06:51 Tout simplement pour exister.
06:53 Aurélien Pradié, souvent, c'est un petit cri existentiel
06:56 dans le vide de la réflexion, vous voyez.
06:58 – Et vous lui dites quoi ? "Tais-toi, du coup."
07:01 – Peu importe.
07:02 Je pense qu'à un moment donné, surtout quand on est affaibli,
07:05 comme nous le sommes, on a fait moins de 5% à la dernière présidentielle,
07:08 il y a une règle en politique.
07:10 Quand vous êtes un parti nombreux, vous pouvez, si j'ose dire,
07:14 vous aiguiller dans une forme de diversité.
07:16 Mais quand vous êtes plus réduit en nombre,
07:19 il faut une cohérence de la pensée.
07:20 Parce que sinon, dès qu'il y a une voix dissonante,
07:22 ce qu'entendent les gens, à travers vous, à travers les médias,
07:25 c'est que cette voix dissonante est créée une division.
07:28 Peu importe que ce ne soit qu'une seule voix.
07:30 Mais le problème, c'est que ça affaiblit toute la famille politique.
07:32 – Et vous iriez jusqu'à dire qu'en se comportant comme ça,
07:34 le risque, c'est qu'il tue les LR ?
07:37 – Qu'il continue à les affaiblir.
07:38 Donc, il y a eu l'épisode des retraites, il y a cet épisode migratoire.
07:43 Mais jusqu'à quand, voilà, faudra-t-il attendre pour prendre une décision ?
07:48 Si ça doit continuer, bien sûr qu'il faudra prendre des décisions.
07:51 – L'exclure.
07:51 – La vie politique, mais bien sûr.
07:53 En tout cas, prendre des décisions.
07:55 Éric l'a déjà fait, Éric Ciotti l'avait déjà fait,
07:58 en le délégageant de toutes les instances de responsabilité,
08:01 notamment au sein du parti.
08:02 Mais il est toujours dans un autre groupe.
08:04 Et il ne faut pas simplement qu'il tire systématiquement dans son camp.
08:07 On peut avoir, ça m'est arrivé aussi, des avis divergents ponctuellement.
08:11 Mais quand ça devient une règle, une règle récurrente, une règle répétée,
08:15 eh bien, on risque tout simplement de s'affaiblir à un point
08:18 où on ne sera plus du tout audibles par nos compatriotes.
08:20 – Autre élu Bruno Taillieu,
08:22 dont on a beaucoup parlé ces derniers jours pour d'autres raisons,
08:24 c'est Joël Guerriaud, ce sénateur qui est accusé
08:27 d'avoir drogué une députée.
08:28 Il a été mis en examen, exclu de son parti Horizon.
08:30 Est-ce que comme Gérard Larcher, le président du Sénat,
08:32 vous l'appelez, a quitté ses fonctions de sénateur ?
08:35 – Bien sûr.
08:36 En tout cas, Gérard Larcher, soignant précis,
08:38 Gérard Larcher lui a demandé de se mettre en retrait.
08:41 La présomption d'innocence vaut pour tout le monde.
08:43 Simplement, il y a eu quand même flagrant délit.
08:46 La preuve, c'est qu'un parlementaire ne peut pas être mis en garde à vue,
08:50 qui est une mesure de privation de liberté,
08:53 sans avoir une levée de l'immunité parlementaire.
08:55 Or là, il a été mis en garde à vue, pourquoi ?
08:57 – Parce que c'était en flagrant délit.
08:59 – Donc il y a des éléments qui pèsent.
09:00 Mais attention, il y a quand même, on est dans un état de droit,
09:03 pas d'emballement, la mise en retraite, oui, il n'a rien à faire au Sénat.
09:07 – Il évoque une erreur de manipulation, lui, Joël Guerriaud,
09:10 il explique s'être procuré un sachet d'ecstasie auprès d'un membre du Sénat.
09:14 Elle est complètement folle, cette histoire,
09:16 il y a de la drogue qui circule au Sénat ?
09:18 – Je n'ai jamais vu, écoutez, franchement, quel crédit a porté…
09:22 – Je vous pose la question en souriant, mais ça nous a tous hallucinés.
09:26 – Moi aussi, évidemment, moi aussi.
09:27 – On sait comment il s'est procuré cette drogue, vous avez enquêté ?
09:30 Non mais il n'y a pas une enquête au Sénat ?
09:31 Non, pas vous, Bruno Rottano, yo, mais…
09:33 – En tout cas, ce que je peux vous dire,
09:34 c'est que, comme a dit Gérard Larcher, qui a eu le procureur,
09:36 qui a eu un certain nombre de contacts, il a tout ouvert.
09:39 Il a dit, écoutez, vous venez, puisque vous savez que pour perquisitionner,
09:43 pour faire un certain nombre de recherches dans une assemblée,
09:45 il y a des procédures, il faut l'autorisation du président de l'Assemblée, etc.
09:48 Et Gérard Larcher a dit, voilà, carte blanche, carte blanche, venez, pas de problème.
09:53 – Il ne faut pas une enquête interne ?
09:55 Une enquête interne au Sénat, ça serait possible ?
09:56 – Non, c'est trop grave, ça concerne la justice,
09:58 ça c'est vraiment la justice, et la justice le verra,
10:01 il y a des investigations, c'est d'ailleurs encore en cours,
10:04 donc j'attends sereinement, mais franchement,
10:07 cet individu, si ce qu'il s'est produit est exact,
10:10 et ça semble quand même corroboré,
10:13 c'est déshonorant pour un parlementaire, mais aussi pour un individu.
10:17 – Merci beaucoup Bruno Rottano.
10:18 – C'est moi qui vous remercie.
10:19 – On est rassuré puisque vous n'avez pas vu circuler de la chenouffe au Sénat, Bruno Rottano.
10:22 – Non, non, sauf si on fumait de la moquette.
10:25 [Rires]
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