• il y a 10 mois
À 9h05, les débatteurs du jour sont la journaliste et essayiste Christine Ockrent et le chef du bureau du New York Times à Paris Roger Cohen. Thème : "Présidentielle américaine : un pays à l'instant T." Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-debat-du-7-10/le-debat-du-7-10-du-jeudi-22-fevrier-2024-2906953

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00:00 France Inter, Léa Salamé, Nicolas Demorand, le 7/10
00:05 Débat ce matin sur le tic-tac, tic-tac, tic-tac du compte à rebours avant le 5 novembre prochain
00:13 et la cruciale présidentielle américaine.
00:16 Les derniers sondages donnent toujours 2 ou 3 points d'avance en faveur de Trump contre Biden.
00:25 Vous nous expliquerez pourquoi.
00:26 Alors que cette campagne ne passionne pas pour l'instant les américains qui auraient peut-être rêvé d'autre chose que de ce match retour.
00:34 On va en parler tout de suite avec Christine O'Krent, journaliste, auteure de l'Empereur et des milliardaires rouges aux éditions de l'Observatoire
00:43 et avec Roger Cohen, le chef du bureau du New York Times à Paris.
00:47 Bonjour à tous les deux.
00:48 Bonjour.
00:49 Bonjour à tous.
00:50 Merci d'être avec nous ce matin.
00:51 Il y a cet article il y a deux jours dans votre journal, Roger Cohen, dans le New York Times,
00:57 qui disait qu'une grande partie des américains étaient lassés par ce match retour,
01:01 que 70% des américains voudraient une autre affiche que Biden-Trump.
01:05 Bon, vous leur dites ce matin aux américains qui nous écoutent, ils l'auront pas.
01:09 Ce sera ça ou ce sera ça à quoi ?
01:11 Ben oui, ça va être ça.
01:12 Ça va être ça à moins qu'il y ait une grosse surprise.
01:15 Biden qui se retire ou Haley, Nikki Haley, qui je sais pas comment, à la nomination et non pas Trump.
01:23 Elle s'accroche, ceci dit.
01:25 Elle s'accroche, elle s'accroche.
01:26 Elle va continuer et elle a les fonds pour continuer.
01:28 Ça, aux États-Unis, c'est l'essentiel parce que sans les fonds, elle pourrait pas le faire.
01:33 Mais non, c'est la gérantocratie américaine, deux candidats, Biden avec 81 ans, Trump 77.
01:40 Ils sont connus aux américains.
01:44 Il n'y a rien de très nouveau dans ce rematch.
01:49 Et donc, les américains se désintéressent un peu.
01:52 Je pense que les Français en ont un peu assez de Macron-Le Pen.
01:56 Enfin, c'est deux fois maintenant.
01:58 Donc, ils en ont peut-être un peu assez aussi de Biden-Trump.
02:02 Sinon que ça nous fascine, en fait.
02:04 Et pour quelle raison ?
02:06 Parce qu'on a l'impression que c'est quand même une...
02:09 Pardon, parce que c'est cruel.
02:12 Mais on voit deux vieillards quand même relativement séniles.
02:16 Parce que Donald Trump...
02:18 Donald Trump, j'aime le relâchement.
02:20 Non, j'ai dit que ce serait cruel.
02:22 Ce serait cruel.
02:24 Non, mais écoute, vraiment, Trump commet presque autant d'impairs.
02:30 Il a presque autant de trous de mémoire que Biden.
02:33 Alors, Biden, c'est plus grave parce que c'est le président en exercice.
02:37 Et que par ailleurs, son bilan est plus qu'honorable.
02:41 Il est même tout à fait remarquable.
02:43 Et malheureusement, pas assez d'Américains pour le moment s'en rendre compte.
02:47 Mais on est tous fascinés par cette course.
02:49 Peut-être plus, en fait, que les Américains eux-mêmes.
02:53 Et comment vous expliquez, Christine O'Kraine,
02:55 vous avez dit en préparant ce débat,
02:58 ce système est une gérontocratie.
03:00 Comment vous expliquez qu'il n'y ait pas de relève ?
03:03 Qu'il n'y ait personne, ni au Parti démocrate, ni au Parti républicain ?
03:06 Alors, au Parti républicain, il y a une course.
03:08 Et manifestement, c'est Trump qui l'emporte.
03:10 Mais pourquoi est-ce qu'au Parti démocrate, personne n'ose défier de dire…
03:14 Il n'y a personne à la porte qui vient gratter en disant
03:16 « peut-être que je ferais mieux que Biden ».
03:18 Mais parce que le système, enfin, je connais ça évidemment de beaucoup plus près que moi,
03:24 mais le système est tel que vous ne pouvez pas affaiblir le président en exercice
03:29 à partir du moment où lui-même dit « je suis celui qui a battu Trump la dernière fois,
03:34 je suis le mieux placé ».
03:36 Et donc, si lui ne dit pas…
03:37 « J'ai fait une bonne présidence ».
03:39 « J'ai fait une bonne présidence, j'assume des crises internationales majeures,
03:43 j'ai un bilan économique remarquable, j'y vais ».
03:47 À partir de ce moment-là, dans leur système,
03:51 aucun candidat démocrate ne peut dire « moi, je vais me battre contre le président des États-Unis ».
03:58 Mais lui-même, Biden ne s'interroge pas sur ses propres capacités à faire…
04:05 à se représenter, à porter déjà une campagne avant même d'imaginer un autre mandat ?
04:12 Je suppose qu'il doit s'interroger.
04:14 Sa femme Jill croit fermement qu'il doit y aller.
04:19 Je pense que quelque part, il ressent qu'il a une responsabilité particulière
04:25 parce qu'en face de lui, il y a un candidat Trump
04:28 qui a fait en sorte de montrer que son respect pour la démocratie américaine n'existe pas,
04:35 a essayé de renverser les résultats de la dernière élection avec un assaut au Capitole.
04:40 Donc, je crois qu'il pense qu'il est capable de vaincre contre Trump.
04:47 Ceci dit, c'est grave quand il dit, comme récemment, qu'il vient de rencontrer Coal et Mitterrand.
04:53 Ce qui est plus grave peut-être, c'est que Trump n'a jamais entendu parler de Coal et Mitterrand.
04:58 Et c'est absolument pas qu'il sait.
05:00 C'est quelqu'un de complètement ahistorique.
05:03 Et on voit ça avec l'OTAN.
05:04 Il n'a aucune notion de pourquoi l'OTAN est importante dans le maintien de la paix.
05:09 Sa déclaration la semaine dernière sur l'OTAN,
05:13 "Je ne vous défendrai pas, on ne vous défendra pas si vous êtes attaqués",
05:16 Oui, et invitant les Russes de faire de leur pire.
05:18 Et invitant les Russes à faire ce qu'ils voulaient.
05:19 Et il est follement applaudi.
05:21 Il est follement applaudi parce qu'évidemment, sa base,
05:24 qui est convaincue qu'en gros, Jésus est assis à côté de Trump pour lui donner sa bénédiction.
05:33 Il y a cette dimension d'irrationnel.
05:35 Je lisais dans ton journal, Roger, que...
05:38 Oui, donc c'est forcément vrai.
05:41 Qu'un Américain sur cinq est convaincu que Taylor Swift,
05:48 donc ce phénomène mondialisé de la pop star,
05:53 qu'un sur cinq est convaincu que Taylor Swift,
05:55 oui, ça fait partie du complot.
05:59 Du complot contre Trump.
06:01 Donc l'élément complotiste, l'irrationnel dans cette campagne est tout à fait saisissant.
06:07 Le fait que Trump se compare à Navalny,
06:10 qu'il pense que cette amende de 450 millions de dollars,
06:13 et tous les cas, ça c'est un cas civil, mais les cas aussi criminels qu'il a contre lui,
06:19 c'est une forme de persécution qu'il compare.
06:22 Qu'il compare à Navalny.
06:24 Oui, à Navalny qui vient de mourir en Russie dans les prisons de Poutine.
06:29 Qu'il se compare démontre que...
06:33 Demontre que quoi ?
06:35 Qu'il est complètement à côté.
06:38 Il ne peut que voir les choses à travers de son ego.
06:41 Bon, premièrement, Navalny,
06:44 qu'est-ce que c'est Navalny ?
06:45 C'est un homme d'un courage extraordinaire.
06:50 Mais vraiment, retourner en Russie pour se confronter à Poutine,
06:53 certains diront qu'il n'aurait pas dû le faire.
06:56 Mais c'est un courage extraordinaire.
06:58 Trump, il n'y a pas un petit morceau de courage dans cet homme,
07:03 enfin, que moi j'ai pu détecter.
07:05 C'est vraiment une comparaison grotesque.
07:08 Mais il y a tant de choses que Trump fait ou dit qui sont grotesques,
07:12 qu'à la fin on ne s'en souvient plus.
07:13 Oui, mais enfin, comme dit Christine Ockrent,
07:16 il a tout ça, tout est grotesque, comme vous dites, ou la plupart des choses.
07:20 Et il a ces 30%, je ne sais pas combien d'Américains qui sont fous de lui.
07:26 Il y a une action mondiale contre l'immigration vers des systèmes plus autoritaires,
07:31 une insécurité chez les gens, économique et autre.
07:35 Et des gens comme Trump qui se présentent comme sauveurs de la nation,
07:40 ont un impact.
07:42 Il y a une dimension qui pour nous aussi, je crois, est toujours stupéfiante,
07:46 c'est l'argent.
07:49 Des sommes absolument obscènes dans la politique américaine,
07:53 depuis que la Cour suprême a déplafonné les dépenses de campagne.
07:58 Et donc, Trump maintenant a subi à peu près 530 millions de dollars
08:08 qu'il doit payer en dommages d'intérêt ou en jugement divers.
08:15 Et donc, toute la manière dont la famille, même si sa fille avait fait fortune
08:22 en vendant des marques de prêt-à-porter quand son père était à la Maison-Blanche,
08:27 le mari, donc le gendre de Trump qui obtient 2 milliards de dollars de l'Arabie Saoudite,
08:32 c'est aussi une usine à fric.
08:34 Et quand Trump a été élu la première fois, il a tout simplement doublé
08:40 le taux d'entrée dans son club en Floride, à Mar-et-Lacombe.
08:43 Il a renoncé à son salaire de président, mais il a fait tout ça.
08:46 Et donc, il a fait énormément d'argent.
08:49 Et là, il a introduit la dernière chose, c'est des baskets en or
08:53 qu'il vend pour des centaines de dollars.
08:55 Et Nikki Haley a eu une très bonne réponse.
08:58 Elle a montré des baskets blancs avec le drapeau russe.
09:03 Alors, elle fait un combat assez dur.
09:06 Elle a dit une chose extraordinaire.
09:08 Elle a dit Donald Trump représente tout ce qu'on enseigne aux enfants de ne pas être.
09:16 Et c'est vrai.
09:17 - Elle reste en jeu pour quoi, selon vous ? Pour témoigner de quoi ?
09:23 - Ben, Nicolas, je crois qu'elle pense réellement qu'elle a des chances.
09:26 Elle a eu une victoire en Caroline du Sud en 2010, où elle était loin, loin, loin derrière.
09:33 Et elle venait, elle était outsider.
09:35 Personne ne la connaissait bien.
09:37 Et au dernier moment, elle a gagné.
09:38 Et ce n'était pas la première fois qu'elle s'est présentée aussi.
09:42 C'était comme ça.
09:43 Donc, je pense.
09:44 Et elle a des gens très riches, très riches qui la soutiennent.
09:48 - Parce qu'ils ne veulent pas laisser totalement le Parti républicain.
09:51 Le grand Parti républicain.
09:54 - Ils ne sont pas d'accord.
09:56 - Qui garde une forme de rationalité.
09:59 Non, vous n'êtes pas sûr, Christine Lecret.
10:02 - Qui pense autrement.
10:03 - Qui pense autrement.
10:04 Et notamment les frères Coffre, qui sont des richissimes rois de l'acier, etc.
10:09 Et qui soutenaient Trump financièrement.
10:12 Et qui sont passés chez Haley et qui le demeurent.
10:17 Mais Trump est en train de perdre quelques 200 000 soutiens financiers, semble-t-il.
10:24 Tellement ces excès, quand même, horripiles des gens qui restent raisonnables.
10:30 Mais il n'empêche la ferveur du noyau dur des trumpistes qui agissent à la Chambre des représentants.
10:38 Même s'ils n'ont que quelques sièges de majorité.
10:41 Avec le patron des républicains à la Chambre qui exécute ce que Trump lui dit de faire.
10:48 - Et puis, il y a la base dans le papier du New York Times que citait Léa.
10:54 On peut lire que la base républicaine semble à ce stade plus mobilisée que l'électorat démocrate.
11:01 À ce stade de la campagne.
11:03 Est-ce le cas, Roger Cohen ?
11:06 Le New York Times décrit les militants démocrates en "burnout".
11:10 Épuisés, ceux de 2020.
11:13 Ceux qui ont...
11:15 - Ferraillé contre Trump.
11:18 - Pendant les années Trump, ils ont un sentiment d'immense fatigue politique aujourd'hui.
11:22 - Je pense que c'est vrai.
11:25 Les trumpistes ne sont plus motivés.
11:29 Pour des jeunes Américains, avoir un jeune démocrate, avoir un candidat qui a 80 ans,
11:36 qui ne connaît pas leur monde du tout, qui ne connaît pas le monde de réseaux sociaux, le monde digital.
11:42 - Il est sur TikTok maintenant.
11:44 - Il est sur TikTok, mais vous pensez qu'il y comprend quelque chose ?
11:49 - Et en plus, l'histoire, enfin, ce qui se passe en Israël-Gaza,
11:55 avec le soutien très ferme du président Biden pour l'Israël,
12:00 a aliené une partie progressiste du parti démocrate,
12:06 au point où Biden a envoyé le numéro 2 de Jake Sullivan, en sécurité nationale, à Michigan,
12:14 parce qu'il y a beaucoup d'Américains d'origine des pays arabes,
12:20 et ils n'en peuvent pas en Michigan, c'est un swing state.
12:24 - Mais ça peut se jouer sur ça, ce qu'on entend au fond sur ce manque de motivation des électeurs démocrates,
12:30 et de démocrates qui sont déçus par Biden, soit la jeunesse qui ne le trouve pas assez "woke", pour être clair,
12:36 soit ceux qui ne lui passent pas son soutien à Israël, puisqu'on voit ce qui se passe dans les campus américains,
12:42 et c'est massif, le soutien pro-palestinien, on ne l'a pas vu depuis longtemps comme ça, aux Etats-Unis.
12:46 - Certes, et dans certains cas, c'est extrêmement choquant, néanmoins,
12:50 on est tellement habitué chez nous à des élections au suffrage universel direct,
12:57 et surtout pour le président, qu'on ne comprend pas que dans le système américain, en fait, il y a quoi ?
13:05 - Tout se joue dans 6 États.
13:07 - Qui font la différence, et dans ces 5-6 États, il y a 10% des électeurs
13:11 qui basculent, qui sont en fait ceux qui sont les indécis, et ce sont eux qui font la différence.
13:18 - Et malgré tout, vous ne pensez pas que Trump sera réélu ? Roger Cohen ?
13:21 - Moi, personnellement, je ne le pense pas, parce que je crois quand même aux capacités de raisonner des Américains,
13:30 et que l'ego de Trump, déjà immense, si réélu, il n'aurait plus de limites, à mon avis.
13:36 Il a les institutions américaines qui restent assez fortes, mais quand même, on n'est pas en 2016,
13:43 il y a deux guerres, il y a une guerre au Moyen-Orient, on ne sait pas combien ça va durer,
13:48 la guerre en Ukraine, à mon avis, va durer probablement encore des années,
13:52 c'est une situation d'instabilité assez grave dans le monde,
13:56 et donc Trump, à ce moment-ci, par rapport à 2016, c'est beaucoup plus dangereux,
14:02 parce que c'est un homme, on ne peut pas vraiment prévoir ce qu'il pourrait faire.
14:06 - Christine O'Krent ?
14:07 - Oui, d'autant qu'il a déjà dit qu'il serait dictateur absolu, en tout cas pendant une journée,
14:13 et quand on lit le programme qui a été concocté pour lui par la Heritage Foundation,
14:19 évidemment, on est glacé des froids, puisqu'il veut supprimer un certain nombre de ministères,
14:25 mais il veut surtout se venger, il veut retourner à la maison de banque pour se venger.
14:29 - Il l'a dit clairement.
14:30 - Christine Ockren, Roger Cohen, merci d'avoir été à ce micro ce matin.

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