À 8h20, table ronde consacrée aux États-Unis avec Roger Cohen, éditorialiste du New York Times et du Herald Tribune, et Celia Belin, politologue, spécialiste de la politique étrangère des États-Unis. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20/l-invite-de-8h20-du-we-du-vendredi-09-fevrier-2024-1880270
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00:00 Cap sur les États-Unis ce matin, la campagne présidentielle s'intensifie, les primaires
00:05 républicaines semblent confirmer le comeback de Donald Trump et pourtant on se demande
00:10 s'il pourra se présenter puisqu'il doit répondre à des accusations très sévères
00:15 de la justice.
00:16 Joe Biden, lui, doit se justifier sur son état mental et physique, c'était encore
00:22 le cas cette nuit.
00:23 Tous les coups sont permis dans cette pré-campagne.
00:27 Une question, la démocratie américaine est-elle malade ? Intervenez, chers auditeurs, au
00:33 Zen1, 45, 24, 7000 ou sur l'application France Inter.
00:37 Deux invités dans le Grand Entretien avec Marion Lourdes, nous recevons Célia Belin
00:42 et Roger Cohen.
00:43 Bonjour à tous les deux.
00:44 Bonjour.
00:45 Célia Belin, vous êtes politologue spécialiste des États-Unis, autrice des Démocrates en
00:51 Amérique, l'heure des choix face à Trump, c'était en 2020 et le livre reste d'actualité,
00:56 vous dirigez le bureau français de l'ECFR qui est un think tank.
01:01 Roger Cohen, vous êtes le chef du bureau du New York Times à Paris.
01:05 Commençons par cette scène ahurissante qui a eu lieu dans la nuit, conférence de presse
01:10 du président américain pour se justifier publiquement de sa mémoire, de sa bonne
01:19 mémoire.
01:20 "My memory is fine", traduction Roger Cohen, "ma mémoire va bien".
01:25 "Marche très bien", oui.
01:27 C'est ahurissant de le voir se justifier parce qu'il devait répondre donc à des conclusions
01:33 d'un rapport de près de 400 pages dans lesquelles il était mis en cause et où on pointait du
01:40 doigt, un procureur spécial pointait du doigt un homme âgé avec une mauvaise mémoire.
01:45 Très étonnante scène, comment est-ce qu'on peut l'interpréter ? C'est quelque chose
01:50 qui serait impensable de ce côté-ci de l'Amérique, Roger Cohen.
01:54 Ce rapport finalement a été un cadeau pour Donald Trump parce que l'avocat qui était
02:00 chargé de faire ce rapport tout en exonérant en gros le président sur le fond a déclaré
02:09 qu'en gros le président Biden c'est un vieux, c'est un homme affaibli, dont la mémoire
02:16 ne fonctionne pas très bien.
02:17 Et ce qui a surtout énervé le président c'est quand il a dit que le président ne
02:23 se rappelait même pas de quand son fils Beau est mort.
02:27 Il est mort en 2015.
02:29 Et ça a rendu, le président Biden, on l'a vu hier soir, il était fou furieux.
02:33 Il était en colère, Célia Belin, comment est-ce que vous avez interprété ce moment-là ?
02:38 Le rapport l'accuse même de ne plus se souvenir du moment où il était vice-président.
02:44 Il faut comprendre que ça arrive dans le contexte d'une série de sondages très négatifs
02:51 pour Joe Biden.
02:52 Ça a commencé à peu près en octobre, novembre dernier avec une série de sondages
02:56 du New York Times qui le montraient très en recul dans un certain nombre d'États
03:01 basculent, ces États qui vont peut-être faire la différence.
03:04 Les swing states.
03:05 Les swing states.
03:06 Et pendant ce temps-là, on a Donald Trump qui est en train de gagner triomphalement
03:11 ses primaires, donc qui n'est pas menacé de ce côté-là.
03:15 Et donc c'est cette dynamique-là dans laquelle ce rapport vient s'insérer alors même qu'il
03:20 est, comme l'a rappelé Roger Cohen, exonéré.
03:22 Parce que ce dont on lui reprochait c'est d'avoir déplacé des documents classifiés
03:31 comme ceux qu'avait fait aussi Donald Trump.
03:34 Chez lui, en gros, dans son garage, il y a des boîtes qui étaient utilisées, avec
03:38 des documents qui étaient utilisés notamment pour écrire sa biographie.
03:40 Mais en gros, on l'exonère, on dit que c'est pas grand-chose.
03:44 Mais dans le même temps, on le dit, en gros, c'est papy gâteux.
03:47 Et ça, c'est absolument terrible.
03:49 Ça devient un très mauvais moment pour Joe Biden.
03:51 Et Roger Cohen, est-ce que vraiment ça peut avoir une influence ?
03:54 Ça, c'est question sur la mémoire de Joe Biden, qui a encore fait des confusions cette
03:57 nuit.
03:58 Il a confondu le président mexicain avec le président égyptien.
04:00 Oui, il a dit que le président mexicain bloquait Gaza.
04:03 Il voulait dire le président…
04:05 Égyptien.
04:06 Oui, égyptien.
04:07 Est-ce que ça a une influence sur les électeurs ?
04:08 Ça n'aidait pas, disons.
04:09 Ben oui, c'est important dans le sens qu'une accusation fondamentale du parti républicain
04:16 et une inquiétude du public américain en général, c'est justement le fait que le
04:22 président Biden a 81 ans.
04:24 Et est-ce qu'il est en mesure d'avoir peut-être le job le plus dur qui existe ?
04:30 Il faut se rappeler que les âges combinés du président Macron et du premier ministre
04:35 Atal, ensemble, c'est moins que l'âge de Joe Biden.
04:40 Donc, à un certain niveau, oui, c'est inquiétant.
04:44 Et ce qui vient d'arriver n'aide pas le président.
04:46 Et Célia Belin, on a entendu une question d'une journaliste dans la conférence de
04:50 presse cette nuit qui disait « Why does it have to be you now ? » Pourquoi ça doit
04:54 être vous ? Est-ce que vraiment le parti démocrate n'a pas d'alternative ?
04:58 Le parti démocrate ne s'est pas choisi d'alternative à décider à peu près il
05:04 y a un an, on repart avec Joe Biden, parce qu'il y avait une forme de certitude.
05:08 Ce sera Donald Trump en face et seul Joe Biden peut le battre.
05:11 Et pourquoi ?
05:12 Parce que Joe Biden, c'est le centre de gravité de la gauche.
05:15 C'est-à-dire qu'à la fois les progressistes restent d'accord pour le soutenir et en même
05:18 temps, il représente plutôt le centre.
05:20 Donc, il y avait une décision rationnelle à laisser le président concourir pour sa
05:24 réélection ?
05:25 Bien sûr, d'abord parce qu'on affaiblit un président qui ne déciderait pas de lui-même
05:29 de ne pas concourir pour sa réélection.
05:31 Il aurait fallu que vraiment lui le décide et adoube quelqu'un.
05:34 Mais surtout, la personne qu'il aurait pu adouber, par exemple, sa vice-présidente
05:38 Kamala Harris.
05:39 On sait qu'elle n'était pas suffisamment populaire, pas suffisamment solide.
05:42 Mais je crois surtout que c'est la problématique du centre de gravité.
05:45 C'est-à-dire que personne n'est aussi, je crois encore maintenant, capable de représenter
05:51 cette grande coalition.
05:53 Mais les démocrates sont très déprimés par le fait que ce qu'ils croient être un
05:57 choix rationnel, finalement assez logique, est très risqué du fait de cet âge, du
06:02 fait de ce potentiel déclin.
06:04 Alors, il y en a un qui doit se justifier d'être encore assez en forme, c'est le
06:11 président en exercice.
06:12 Et puis, il y a le comeback de Donald Trump, ce qui paraît absolument sidérant quand
06:17 on considère qu'il a été mis en cause pour avoir mis en danger l'élection américaine,
06:24 qu'il avait couvert les émeutes du Capitol, qu'il avait caché, peut-être volé, des
06:29 documents confidentiels et qu'il les avait rangés dans sa résidence de Mar-a-Lago.
06:35 Lui aussi, Donald Trump, doit répondre de la justice.
06:39 Roger Cohen, expliquez-nous rapidement, parce que c'est compliqué en France, ce qu'on
06:42 lui reproche, ce qu'il doit montrer comme preuve qu'il est blanc comme neige.
06:49 Et la question, est-ce qu'il pourra se présenter ? Est-ce qu'elle est sérieuse ?
06:53 Oui, il va être nominé par le parti républicain, il a très peu de doute.
06:58 Il est presque sur qu'il va être le candidat.
07:02 Et tous les problèmes personnels qu'il a, que vous venez de décrire, parmi lesquels
07:07 le fait qu'il ne respecte pas la démocratie américaine, ce qui nie que Donald Trump puisse
07:14 être un danger pour la démocratie américaine, ne regarde pas les faits en face.
07:18 Mais au début du débat pour la nomination républicaine, il y avait huit candidats,
07:24 et on a posé la question, est-ce que si le président Trump est condamné comme criminel,
07:31 est-ce qu'il aura, s'il est nominé, votre soutien ?
07:35 Six des huit ont dit oui.
07:37 Ça démontre à quel point Trump a pris contrôle plus ou moins complètement du parti républicain.
07:44 Je voudrais juste rajouter que sur les progressistes démocrates, que le président Biden a largement
07:50 perdu leur soutien pour l'histoire d'avoir soutenu fermement l'Israël au Gaza.
07:56 Et ça va influencer un peu quand même l'élection.
07:59 Mais Célia Belin, effectivement, comment la comprendre, ce soutien du parti républicain
08:05 à Donald Trump ? Parce qu'effectivement, il y a l'assaut du Capitole le 6 janvier
08:08 2021, dont il est accusé d'avoir couvert.
08:12 Il va comparaître en mai pour une gestion négligente de documents.
08:15 Il y a encore des accusations d'agressions sexuelles.
08:19 L'affaire Stormy Daniels, est-ce que vous comprenez que les républicains continuent
08:24 de suivre Donald Trump ?
08:26 Déjà, il y a une problématique, c'est que les républicains, les soutiens de Donald
08:30 Trump rejettent toutes ces accusations et considèrent qu'on est là face à un complot
08:36 de la justice.
08:37 Tout simplement.
08:38 Et alors, il y a beau avoir quatre affaires maintenant, puisqu'il y a l'affaire des
08:40 documents, il y a l'affaire de l'insurrection du 6 janvier, il y a l'affaire de Stormy
08:45 Daniels, il y a toutes sortes de choses.
08:47 Mais ils considèrent que c'est une...
08:49 Ils accusent en fait le président Biden et le département de la justice d'instrumentaliser
08:55 la justice pour mettre l'opposant politique Donald Trump en prison avant l'échéance.
09:01 Et donc, la démocratie est au cœur de cette campagne.
09:04 Les deux adversaires politiques s'accusent l'un l'autre de vouloir corrompre la démocratie.
09:10 Mais pourquoi est-ce que les républicains continuent de soutenir Donald Trump ?
09:14 Parce que c'est lui.
09:15 Parce que ce dont on se rend compte, c'est que son idéologie a avancé.
09:19 « America first » a fait plein de bébés qui ne gagnent pas forcément individuellement
09:24 parce que c'est des candidats excessifs.
09:26 Beaucoup ont perdu aux élections de mi-mandat en 2022.
09:29 Mais Donald Trump, il y a un attachement vraiment spécial.
09:32 Il a une sorte d'emprise sur l'électorat républicain qui est absolument fasciné.
09:38 Il y a une forme de culte de la personnalité qui se poursuit, qui s'est ancrée.
09:42 On a bien vu, on a cru que peut-être quelqu'un allait le challenger.
09:46 Ce n'est pas le cas.
09:47 Et donc, le parti républicain, c'est vraiment le parti de Donald Trump.
09:50 Le mot « emprise », vous le reprenez Roger Cohen, c'est un mot qu'on emploie en général
09:54 dans les relations entre personnes et ça a une connotation psychologique.
09:59 Il a vraiment pris le contrôle du cerveau des républicains.
10:02 Oui, il a une emprise très très forte.
10:05 Et moi, quand je faisais des reportages en 2016 aux États-Unis, il y avait des gens,
10:11 pas mal de gens qui utilisaient des termes comme un dieu, il est venu du ciel, je veux
10:15 dire vraiment comme le sauveur du pays.
10:19 Et il faut dire, je pense que la situation mondiale aujourd'hui par rapport à 2016
10:26 est beaucoup plus dangereuse.
10:27 Il y a deux guerres et Pierre vient d'évoquer ce qui pourrait se passer en Ukraine.
10:33 Pierre Asky ? Oui, Pierre Asky.
10:35 Je pense que si Trump était dangereux en 2016, maintenant avec son ego renforcé du
10:42 fait qu'en dépit de tout, il serait réélu, il n'y aurait plus de limites, je pense,
10:50 à ce qu'il pourrait imaginer et faire.
10:52 On va bientôt aller au Standard où il y a de très nombreuses questions sur cette
10:56 campagne qui, comme toutes les campagnes américaines, passionne et passionne partout dans le monde,
11:01 pas seulement en France.
11:02 On a l'impression que c'est pour une bonne part l'avenir de la planète sur les quelques
11:09 années qui viennent qui est en train de se jouer.
11:10 Mais expliquez-nous une chose, Célia Belin, Roger Cohen, l'économie américaine se
11:15 porte plutôt bien.
11:16 Fort taux de croissance, faible chômage.
11:19 Biden n'en profite pas.
11:21 C'est étonnant quand on se souvient de ce slogan qui est rentré dans l'histoire politique
11:26 « It's the economy, stupid ». C'est l'économie, crétin, qui détermine tout en dernière instance.
11:32 Oui, ce n'est pas juste.
11:34 Roger Cohen.
11:35 Non, juste.
11:36 Je pense qu'on vit en époque la politique de l'émotion, la politique de la distraction,
11:44 une politique très directe via les réseaux sociaux.
11:48 Biden ne correspond pas à ça.
11:50 C'est un homme sérieux et les gens veulent que la politique les excite.
11:54 Donc, Biden n'est pas apprécié.
11:59 Donc, il devrait l'être.
12:01 Célia Belin.
12:02 Je pense qu'il y a eu deux phénomènes.
12:03 Il y a d'abord eu l'inflation qui a été très forte à un moment et qui a un peu cristallisé
12:07 une partie, notamment dans la jeunesse, d'un certain énervement vis-à-vis de cette administration.
12:14 C'est fini, mais ça a tellement fait flamber.
12:18 Ce sont aussi les paquets d'argent qui ont été mis post-Covid, qui ont fait un peu
12:22 flamber l'économie et avec des grandes difficultés pour la jeunesse de se loger,
12:27 de se nourrir, etc.
12:28 Et puis, la deuxième chose, c'est qu'il y a quand même une dégradation de l'environnement
12:31 sécuritaire très fort, que ce soit double guerre, Ukraine, Israël, sur des régions
12:38 qui intéressent énormément les Américains.
12:39 Plus des tensions très fortes sur la frontière sud, les tensions migratoires.
12:44 Et là, c'est là où la question de l'âge de Joe Biden a de l'importance, parce que
12:48 c'est un rappel que peut-être il est trop faible, peut-être il ne peut pas gérer.
12:52 C'est là où Donald Trump, il y a une espèce de souvenir nostalgique que potentiellement
12:58 lui, il serait un homme fort et pendant les quatre ans où il dirigeait, j'efface le
13:03 Covid, on n'avait pas forcément de grandes crises, etc.
13:06 Et donc, c'est cet argument-là qu'essaie de faire Donald Trump.
13:09 Ça porte un peu, on dirait, en ce moment.
13:11 La nostalgie, c'est un mot extrêmement important qui est dans l'esprit de nos auditeurs
13:16 ce matin.
13:17 Bonjour Béatrice !
13:18 Bonjour !
13:19 Vous nous appelez de Bordeaux.
13:20 Oui, en fait, j'ai une question simple.
13:23 Pourquoi Michel Obama ne se présente pas ?
13:25 Merci pour votre question.
13:28 Réponse, monsieur Ortel.
13:29 Parce qu'elle n'a pas envie.
13:30 Elle n'a pas envie.
13:31 Elle n'a pas envie.
13:32 Elle n'a pas envie.
13:33 Elle a vu ce que c'est d'être président des États-Unis et je pense qu'elle ne veut
13:39 pas rentrer dans cette arène-là.
13:41 Pour le moment, il y a une espèce d'appréciation d'elle qui est très, très forte.
13:46 Elle ne veut pas que ce soit…
13:47 Célia Belin ?
13:48 Aussi, parce qu'elle sait qu'on est dans un moment ultra-partisan, ultra-politisé.
13:53 Donc en effet, instantanément, en fait, elle ne serait plus populaire.
13:56 Et on le voit, ça, je trouve, avec un élément hyper important, c'est Taylor Swift qui
14:00 est vraiment la chanteuse populaire que tout le monde, que les foules absolument adorent.
14:06 Mais si elle est soupçonnée d'être un petit peu partisane, immédiatement, elle
14:11 est victime de…
14:12 La scène américaine, la scène politique américaine est folle.
14:13 Je pense qu'il est assez clair qu'elle est, enfin qu'elle soutient Biden.
14:16 Oui, mais la scène américaine est complètement folle, cette campagne défi l'entendement.
14:21 Est-ce que Taylor Swift pourrait faire basculer l'élection d'un côté ou de l'autre ?
14:26 Vous y croyez ?
14:27 Basculer, je ne sais pas.
14:29 Mais influencer, oui, certainement, absolument, elle va l'influencer.
14:33 Celui qui va l'influencer, Marion, c'est 44.
14:36 Le 44ème président des États-Unis, Barack Obama, qui a soutenu Joe Biden.
14:41 Lui aussi, on se demande où il a disparu et pourquoi il ne s'implique pas davantage
14:47 dans la vie politique.
14:48 Certains souhaiteraient qu'il se représente, re-représente.
14:50 Personnellement, j'ai été assez déçu, je dois dire, par ce que Barack Obama a fait
14:55 depuis sa présidence.
14:57 Il se présente souvent avec des gens très très riches, Richard Branson et d'autres.
15:04 Le fondateur de Virgin.
15:06 Oui, voilà.
15:07 Et donc, je pense qu'il aurait pu faire plus.
15:11 Enfin, quel est un des problèmes qui a fait en sorte que Donald Trump émerge ?
15:17 C'est justement l'inégalité presque grotesque actuellement aux États-Unis, pas seulement
15:24 aux États-Unis, mais un peu partout dans le monde.
15:26 Et il faut comprendre que Trump fait partie de quelque chose de plus large.
15:31 On a vu un peu partout en France aussi le nationalisme émerger, les sentiments contre
15:38 les immigrants, etc.
15:40 Donc, ça fait partie d'un phénomène, une réaction à la globalisation.
15:45 Célia, on parlait tout à l'heure aussi de l'aspect international des choses et
15:49 du besoin d'une figure forte face à ça.
15:51 Cette nuit, la riposte d'Israël à Gaza a été excessive.
15:55 C'est ce qu'a dit le président Biden.
15:57 Est-ce que cette critique d'Israël par son principal allié, c'est inédit de la
16:02 part de la Maison-Blanche ? Et est-ce qu'il y a un calcul politique là-dessus ou est-ce
16:05 que c'est une erreur ?
16:06 En fait, la Maison-Blanche est en train de marcher sur une ligne de crête impossible
16:11 parce qu'elle perd des deux côtés.
16:13 Donc, à la fois, comme l'a rappelé Roger Cohen, le président Biden et l'Amérique
16:19 évidemment s'est montré en soutien à Israël.
16:21 C'est le principal allié et ça lui a été reproché par la base progressiste, la jeunesse
16:27 qui est devenue depuis une dizaine d'années en fait très pro-palestinienne et très heurtée
16:32 par ce qu'elle voit comme un combat commun contre une forme d'oppression et que les
16:38 Palestiniens seraient maintenant victimes d'une forme de racisme systémique.
16:42 Des échos avec un peu Black Lives Matter.
16:44 Cette population-là, le président Biden a perdu du terrain.
16:49 Mais de l'autre côté, il faut bien voir qu'on lui a fait le reproche de ne pas être
16:53 assez pro-israélien, de justement d'avoir des attermoiements, non pas, il a veillé à
16:58 ne pas appeler à un cessez-le-feu, mais de laisser entendre que peut-être ça allait
17:02 un peu loin.
17:03 On se souvient qu'il a fait des parallèles entre la réaction des Israéliens après
17:08 le 7 octobre et les égarments des Américains après le 11 septembre.
17:13 Et donc ça lui a été aussi reproché de l'autre côté.
17:15 Et donc là, je crois qu'ils essayent avant tout de traiter la situation internationale
17:20 pour ce qu'elle est, c'est-à-dire d'essayer de trouver quand même une sortie de crise,
17:23 pas seulement la sortie politique, mais vraiment la sortie internationale.
17:26 Roger Cohen, il n'appelle pas un cessez-le-feu ouvertement Joe Biden, mais malgré tout,
17:31 on dit qu'il y a des tractations en coulisses.
17:33 Il augmente la critique d'Israël quand même.
17:36 Et je dirais qu'auparavant, soutenir Israël en termes domestiques, politiques américains,
17:43 c'était, comme on dit en américain, « no-brainer ». C'était évident parce qu'on aurait
17:48 le soutien, par exemple en Floride, le vote juif est très important et Floride est très
17:55 important.
17:56 Puis les églises évangéliques, etc.
17:59 Donc soutenir Israël était évident.
18:01 Maintenant, c'est moins évident parce qu'il y a ce développement du côté progressiste
18:07 que Célia vient de décrire qui fait en sorte que c'est plus clair.
18:12 D'ailleurs, j'aimerais que vous nous aidiez à y voir plus clair sur un sujet qui est régulièrement
18:18 évoqué dans le débat public en France.
18:21 Les universités seraient grenées par le mouvement Woke et des mouvements pro-palestiniens, antisémites.
18:29 Ce serait aussi le cas d'une partie importante de l'électorat démocrate.
18:34 Est-ce qu'on peut mesurer l'ampleur de ce phénomène ? Vu de France, beaucoup d'éditorialistes
18:40 avancent cet argument comme une évidence et comme un phénomène d'ampleur.
18:44 Célia Belin ?
18:45 C'est assez complexe, c'est difficile à traiter en 30 secondes comme ça.
18:50 Ce qu'on a vu, c'est quand même qu'il y a eu une forme… Je fais le lien avec le
18:56 mouvement Black Lives Matter et l'espèce de prise de conscience généralisée aux Etats-Unis
19:01 qu'on a vu à partir des années 2020, de la présence d'un racisme structurel dans
19:06 la société, des implications que cela peut avoir.
19:10 Et en particulier au sein de la jeunesse, en particulier au sein de la jeunesse universitaire.
19:14 Et maintenant, cette jeunesse réfléchit à ce que ça peut vouloir dire sur l'ensemble
19:19 du champ politique, y compris la politique internationale.
19:22 Est-ce que dans les Etats-Unis, dans leurs alliances, dans le type de puissance qu'ils
19:28 soutiennent, est-ce que d'une certaine manière, ils ne valorisent pas les vies de la même
19:32 manière que ce soit les vies israéliennes ou les vies palestiniennes ?
19:35 Et donc, ce qu'on a entendu, c'est ce type de revendications qui parfois sont allées
19:40 très loin et excessives et peut-être mènent à rejeter, à complètement négliger la
19:46 souffrance des Israéliens suite au 7 octobre.
19:51 Mais ce qu'on a vu aussi, c'est une très forte instrumentalisation, pour le coup, non
19:56 seulement des républicains, mais de ceux qui essaient de reprendre la main, le mouvement
20:01 ultra-conservateur qui essaie de reprendre la main sur le mouvement progressiste.
20:04 Donc, il y a une forme d'accusation hyper excessive de l'autre côté de ce que sont
20:10 ces revendications.
20:11 Ce qu'on voit surtout, c'est une espèce d'hystérie collective.
20:14 Et d'ailleurs, sur le banc des accusés, il y a aussi le New York Times, Roger Cohen,
20:18 régulièrement.
20:19 Il faut dire que couvrir le conflit israél-palestinien, c'était très, très difficile parce que
20:28 chaque mot a la capacité d'être explosif.
20:32 On parle de, je ne sais pas, de colonialisme ou quoi que ce soit.
20:35 Donc, c'est extrêmement difficile.
20:37 Je dirais qu'aux États-Unis, on voit une réaction contre cette poussée pour la diversité
20:47 dans les universités et on ne voit pas où ça va exactement.
20:52 Les Français, je trouve, parfois sur le wokisme, en lisant les principaux journaux français,
20:58 on a l'impression que ce mouvement a complètement envahi les États-Unis, qu'il n'y a plus
21:02 personne qui pense d'une façon indépendante.
21:05 C'est quand même un peu exagéré.
21:08 Donc, trouver une description juste de ce qui se passe, oui, il y a de ça, c'est sûr.
21:16 Mais ce n'est pas qu'il n'y a pas mille opinions aux États-Unis.
21:21 Vous venez de dire qu'on vit l'élection américaine comme si le planète…
21:27 On est dépendé !
21:28 Et on parle en même temps, tout le temps, du déclin des États-Unis.
21:33 Alors, comment mesurer ça ?
21:34 Célia Beland, dans les paradoxes et les mystères de cette campagne, quelle est la part des
21:39 réseaux sociaux ? On pense à 2016, par exemple, où l'élection avait été remportée par
21:43 Trump, aussi avec l'aide de Cambridge Analytica, l'entreprise qui avait récupéré des
21:47 données personnelles sur Facebook.
21:49 Est-ce qu'aujourd'hui, ça exacerbe ou ça explique les mystères de la campagne ?
21:54 Les réseaux sociaux et la technologie dans cette campagne sont des éléments tellement
21:59 mouvants qu'en fait, on ne peut même pas comparer à 2016, on ne peut pas comparer à 2020.
22:02 Il faut voir que Twitter est devenu X et dans le même temps a perdu une partie de son
22:08 appui plus démocrate, alors que les Républicains s'en sont réemparés.
22:13 Dans le même temps, on a d'autres réseaux sociaux, par exemple Truth Social, qui est
22:16 le réseau social de Donald Trump, qui ont explosé, avec aussi des chaînes d'information
22:21 en continu, comme Newsmax, qui maintenant sont de nouveau suivies.
22:24 En fait, ça va extrêmement vite.
22:27 Ce qu'on sait juste, c'est que ça aura de l'importance.
22:30 Comment on sait que ça aura de l'importance ? Un seul exemple, Nikki Haley, Ron DeSantis,
22:34 les deux concurrents de Donald Trump aux primaires républicaines, ont fait le travail de terrain
22:40 nécessaire dans l'Iowa, sont allés serrer les mains, etc.
22:43 Et on a vu que Donald Trump est arrivé et a cassé la baraque sans avoir fait beaucoup
22:48 l'effort de faire la campagne sur le terrain, juste un ou deux rallies.
22:52 Pourquoi ? Parce qu'en fait, les gens le suivent sur les réseaux sociaux, les gens
22:55 le suivent sur les chaînes d'information, ils entendent sa parole et ils le suivent
23:00 grâce à ça.
23:01 Et donc, on comprend que les campagnes politiques ne se passent plus forcément de visu, mais
23:06 elles se passent sur le web.
23:08 Vous êtes journaliste Roger Cohen, vous n'êtes pas prophète, mais est-ce que les
23:12 jeux sont faits ?
23:13 Non, je voulais le dire justement, on parle comme si l'élection de Donald Trump était
23:19 inévitable.
23:20 Ce n'est pas du tout le cas.
23:21 L'élection reste très, très ouverte.
23:23 Et moi, personnellement, je ne crois pas que Donald Trump va gagner.
23:27 Mais je me trompe peut-être, mais on verra bien.
23:30 Célia Belin, d'un mot ?
23:32 Je suis vraiment d'accord avec Roger Cohen.
23:34 C'est encore long la campagne et peut-être que cette peur qui saisit le camp démocrate
23:38 va aussi les mobiliser.
23:39 En tout cas, c'était passionnant de vous entendre et de revenir sur cette campagne
23:44 folle.
23:45 On peut employer ce mot de Roger Cohen ? Célia Belin ?
23:49 Oui, folle.
23:50 Folle ! On n'a pas fini d'en parler.
23:52 Merci à tous les deux.