À 8h20, l'écrivain américain Don Winslow est l'invité du Grand Entretien. Le maitre du polar publie "La Cité sous les cendres" (Harper Collins). Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-du-mardi-14-mai-2024-9149136
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00:00 Il est 8h23.
00:02 * Extrait de « France Inter » de Nicolas Demorand *
00:08 Et l'invité du grand entretien ce matin est un romancier américain.
00:13 Il est de passage à Paris pour la sortie de l'ultime volume de la trilogie consacrée au personnage d'Annie Ryan.
00:21 Le roman s'intitule « La cité sous les cendres » et il est publié aux éditions Harper Collins.
00:28 Vous pourrez dialoguer dans quelques instants avec lui au 01 45 24 7000 et sur l'application de France Inter.
00:36 Don Winslow, bonjour.
00:38 - Good morning, thank you so much for having me. - Merci de m'avoir invité.
00:41 - Et bienvenue à ce micro.
00:43 Impossible de citer tous les best-sellers que vous avez publiés, Don Winslow.
00:48 Je ne mentionnerai que la trilogie « La griffe du chien » sur les cartels et la guerre contre la drogue aux États-Unis.
00:56 C'est un monument, un chef-d'œuvre qui aura occupé près de 15 années de votre vie.
01:01 Parait donc en France « La cité sous les cendres » qui vient clore une autre trilogie sur laquelle au fond vous travaillez depuis 30 ans.
01:11 C'est votre dernier livre à tous les sens du terme, le dernier en date et le dernier tout court.
01:18 Puisque vous posez la plume, vous arrêtez d'écrire pour vous consacrer comme citoyen à la défense de la démocratie dans votre pays, les États-Unis.
01:29 On va en parler et en parler longuement.
01:31 Mais c'est vraiment fini l'écriture, Don Winslow ? Votre décision est prise et elle est irréversible ?
01:38 - Oui, c'est possible. C'est tout à fait certain.
01:46 J'ai pris cette décision parce que comme vous l'avez souligné, il m'a fallu 30 ans pour écrire cette trilogie.
01:53 C'est une œuvre d'une vie entière, c'est l'aboutissement de quelque chose que je...
02:00 que je suis très longtemps, et puis comme vous le soulignez, il y a des choses qui se passent dans mon pays qui nécessitent une action plus immédiate que l'écriture d'un simple roman.
02:13 Cela dit, attendez, je ne vais pas publier de nouveau roman, en revanche je continuerai d'écrire je pense.
02:23 - Alors, avant d'en venir à la politique, quelques mots tout de même sur cette trilogie,
02:32 autour du personnage de Danny Ryan, petit voyou du Rhode Island, qui va sans cesse, au fil des ans, décennie après décennie, volume après volume, dans la trilogie, sans cesse, en quelque sorte être débordé par son propre destin.
02:49 C'est une sorte de conscience malheureuse. Il aurait pu avoir une autre vie, une autre vie sans violence ?
02:57 - Peut-être. Il faut voir que ce que j'essaie de faire dans cette trilogie, c'est de raconter cette histoire qui nous vient des classiques, de l'Enneï, de l'Odyssée, de Virgile, d'Échille,
03:15 mais placée dans un contexte moderne qui peut se lire sans référence, bien sûr, aux classiques de la littérature grecque,
03:23 mais quand même, ce qu'on retrouve le thème, c'est l'homme contre le destin, contre les dieux, et le destin de Danny, c'est qu'il ne peut pas échapper à son passé.
03:34 - Donc, Don Winslow, les Grecs, les Latins ont inventé le polar ?
03:41 - On peut dire ça, oui, tout à fait.
03:44 - C'est quoi ? C'est la tragédie ? C'est le héros tragique ? Ou c'est autre chose aussi ?
03:50 - Ah ben, il y a d'autres choses aussi. Moi, effectivement, j'écris les polars, puisque mon cœur est là-dedans.
04:01 Cela étant, lorsque l'on creuse dans les racines de ce genre du polar, et on remonte plus loin que d'habitude,
04:11 il faut voir que lorsque les Grecs et les Latins ont complété leur oeuvre, finalement, ils avaient fait tout ce que l'on fait maintenant dans ces romans.
04:21 - Don Winslow, la trilogie est construite autour de trois lieux clés, un lieu par volume, un lieu par roman.
04:28 Premier tome, on est dans le Rhode Island, divisé, fracturé par la guerre des gangs.
04:33 Deuxième volume, on est à Hollywood, et dans le dernier, tout s'achève à Las Vegas.
04:39 Rhode Island, Hollywood, Las Vegas, ces trois lieux sont-ils des lieux pour vous, des lieux symboles de l'Amérique ?
04:47 Est-ce qu'ils incarnent, je ne sais pas, le pire ou le meilleur du pays ?
04:52 - Sans aucun doute, ces trois lieux sont emblématiques, parce que l'histoire de l'Amérique, finalement, c'est un grand déplacement de l'Est vers l'Ouest.
05:02 C'est vraiment le grand mythe américain, on va vers l'Ouest pour se réinventer, et en particulier à Hollywood, qui est l'usine des rêves.
05:09 C'est là que l'on produit les images de nous-mêmes, que nous renvoyons au reste du monde, et par ailleurs, ce en quoi nous croyons, pour le meilleur ou pour le pire.
05:22 Et alors, il me fallait ce troisième volume, où Danny pouvait construire son empire, et où faire ça dans les années 90 en Amérique,
05:30 et j'ai enfin compris que ça devait être Las Vegas, parce que là, on peut construire tout ce que l'on veut, tant qu'on a l'argent pour le faire,
05:39 ce qui fait également partie du grand roman américain, encore une fois, pour le meilleur ou pour le pire.
05:45 Pour moi, Las Vegas est à la fois un rêve et un cauchemar.
05:49 - Et ce chemin vers l'Ouest, c'est aussi le vôtre, Don Winslow, vous l'avez fait vous-même, d'où le caractère très personnel de ce personnage.
05:59 - Oui, Nicolas, c'est curieux qu'on ne peut pas se rendre compte de ce que l'on écrit soi-même.
06:06 Moi, j'étais plongé dans l'écriture de ce troisième volume, avant que je me rende compte de ce parallèle entre la vie de mon personnage et moi-même.
06:15 J'ai quitté Rhode Island à l'âge de 17 ans, j'ai fait le tour du monde, je suis passé par ici d'ailleurs, à propos, j'ai passé des dizaines d'années à voyager,
06:22 essayer de trouver un peu de succès, essayer de trouver un endroit où poser mes valises, et je ne l'ai pas trouvé pendant des années.
06:30 Alors, je n'ai pas construit un empire de casinos, je ne suis pas encore millionnaire, bim, milliardaire, loin s'en fout, mais enfin, j'ai trouvé quand même un endroit où me poser avec ces romans,
06:43 et puis il y a de moi dans le Dany, et vice-versa.
06:46 - Pourquoi 30 ans, dans ces trois livres ?
06:50 - Parce que je ne suis pas très doué.
06:53 - Il a fallu bosser ?
06:55 - Mais oui, mais oui.
06:58 Et, blague à part, je ne voulais pas vous raconter d'histoire, je faisais d'autres choses en même temps.
07:04 Vous avez fait référence très gentiment à toute cette trilogie sur la guerre contre les drogues, contre les gangs, et ça m'a pris du temps,
07:12 mais j'ai eu beaucoup de mal à me dire comment cette trilogie allait s'articuler autour de Dany,
07:18 quels étaient les équivalents modernes de ces mythes de la mythologie grecque,
07:25 qui serait Didon à Carthage, quel serait l'empire que Dany pourrait construire, en parallèle à ce qui a été construit dans l'Antiquité grecque,
07:35 des parallèles, mais des difficultés à capter. J'ai jeté 400 pages du manuscrit parce que ça ne le faisait pas.
07:42 - Il a fallu que vous reveniez aussi dans le Rhode Island, Don Winslow, au chevet de votre mère, peut-être, pour libérer l'écriture ?
07:54 - Eh oui, il est toujours difficile de faire de la musique,
08:00 Thomas Wolfe a écrit, on ne peut pas revenir chez soi, ce n'est pas vrai.
08:07 Avec mon épouse, nous sommes retournés au chevet de ma mère,
08:13 c'est quelque chose qui arrive souvent dans les familles, vous avez des personnes âgées qui ont besoin de cette aide,
08:19 mais pendant ce voyage, je suis retombé sur le chevet de ma mère,
08:24 mais là, j'ai vu ce lieu sous un nouvel angle, on m'a rarement accusé de maturité,
08:31 mais quand même, il y avait une certaine maturité qui s'est installée, une certaine compassion,
08:37 et c'est ce qui m'a permis de ramener le livre avec moi.
08:43 - Dans ce dernier roman, vous faites donc, Don Winslow, une réunion avec la mère de Don Winslow,
08:49 et vous vous dites à ceux qui vous ont accompagné pendant ces décennies d'écriture,
08:55 à ceux qui vous ont lu aussi, les adieux sont difficiles, écrivez-vous,
09:01 après une longue et formidable carrière que je n'aurais jamais osé imaginer,
09:07 je peux juste adresser un simple et sincère merci à vous tous.
09:13 Donc voilà, vous arrêtez d'écrire, vous l'avez dit, c'est une décision qu'on ne prend qu'une fois dans sa vie,
09:22 a-t-elle été facile à prendre ou avez-vous hésité ?
09:28 - Non, c'était une décision extrêmement difficile à prendre,
09:32 ce n'est pas une décision prise du jour au lendemain, une décision prise à la légère.
09:38 Il faut voir que j'ai eu une carrière infiniment meilleure que ce que j'aurais pu imaginer,
09:45 que ce que je mérite sans doute d'ailleurs,
09:48 et tout ce que j'ai pu produire, tout ce que j'ai dans la vie,
09:53 c'est grâce à mes lecteurs, aux éditeurs, aux librairies, aux journalistes, aux critiques,
10:01 on dit que l'écriture est une activité très solitaire,
10:05 mais en fait rien ne saurait être plus faux, puisqu'il faut beaucoup de gens autour d'un projet,
10:12 et dès que j'allume la lumière pour écrire, j'ai une dette de gratitude envers des milliers,
10:18 des millions de personnes que je ne rencontrerai peut-être jamais.
10:21 Quand j'ai commencé à écrire le troisième volume, il y avait comme une espèce de distorsion de perception,
10:29 c'est-à-dire que normalement je me vois à la fin du livre, là c'était le livre qui arrivait vers moi,
10:35 c'était une autre perception, donc je me suis dit que pendant longtemps,
10:40 je doutais de mon talent pour pouvoir justement réaliser cette trilogie,
10:45 et quand je me suis rendu compte qu'effectivement, elle arrivait à son terme,
10:49 je me suis dit, ben voilà, peut-être que le moment est venu de poser la plume,
10:53 lorsque la vie vous a donné tout ce dont vous avez rêvé.
10:59 Peut-être que cela manque d'élégance, de vouloir toujours plus ou encore plus,
11:08 et puis en même temps, l'ère Trump arrive, il y a eu la sélection du 6 janvier,
11:19 qui était un des événements les plus choquants de mon existence,
11:24 et je me suis dit que le moment est venu de laisser de côté la fiction et de traiter de la réalité.
11:29 Ça veut dire que le roman n'a pas d'efficacité politique pour vous,
11:33 qu'il n'est pas la bonne arme pour lutter contre celui qui est à vos yeux l'ennemi de la démocratie américaine,
11:42 à savoir Trump et le trumpisme ? Votre geste, je le redis, est radical.
11:48 Vous ne croyez pas en la puissance du roman ?
11:52 Ah mais si, je crois encore en la puissance du roman pour justement fluer sur le comportement politique,
12:01 et j'espère que d'ailleurs dans les trois ouvrages sur la lutte contre les trafics de drogue, j'en ai parlé,
12:08 mais il y a une question de temps, c'est-à-dire que si je devais écrire un roman sur ces questions,
12:14 je l'ai fait un peu sur la frontière, dans le roman que je fais de la frontière.
12:18 C'est le 3ème de la trilogie "Griffe du chien".
12:21 En effet, il me faudrait quoi, deux ou trois ans pour écrire un roman qui m'en valait la peine,
12:30 ensuite il y a encore un an à prévoir pour tout le processus de diffusion, mais là, on arriverait après la bataille.
12:37 Alors je ne veux pas écrire l'élogie funèbre de la démocratie américaine.
12:43 Vous pensez que le pays en est là, Don Winslow ?
12:46 Vous ne voulez pas écrire l'oraison funèbre de la démocratie américaine ?
12:51 Mais oui, on en est arrivé là. La menace est très grave, et ça ne me fait pas plaisir de vous le dire,
12:58 et je ne voudrais pas que les faits me donnent raison, mais pour moi,
13:02 moi j'ai qualifié Donald Trump de facho en 2015, on m'a dit "mais exagère, tu rêves là, tu..."
13:10 Eh bien, regardez ce qui s'est passé le 6 janvier quand même, et là, c'est là qu'on a vu ce qu'était une tentative de coup d'État,
13:17 un putsch violent contre le gouvernement des États-Unis.
13:22 Alors oui, effectivement, nous arrivons ici à un moment très crucial,
13:28 et l'élection qui s'annonce est probablement la plus importante depuis la guerre de sécession aux États-Unis,
13:35 donc je n'ai pas le temps d'écrire un roman de fiction, il faut ici un combat quotidien, au jour le jour.
13:43 Et vous avez choisi un autre moyen, Don Winslow, pour lutter contre Donald Trump,
13:50 ce sont ces vidéos que vous postez notamment sur les réseaux sociaux,
13:56 des vidéos politique choc dans lesquelles vous attaquez les républicains,
14:00 l'ancien président, des vidéos qui atteignent des millions de vues, l'une d'entre elles a été vue 250 millions de fois.
14:09 C'est ça le champ de bataille aujourd'hui ? Les réseaux sociaux ?
14:16 Oui, et les strategistes disaient qu'il faut choisir son terrain de bataille.
14:28 Alors évidemment, M. Clausius, vous avez peut-être raison, à condition d'avoir cette possibilité, à condition d'avoir ce choix.
14:36 Moi, je crois au contraire qu'il faut livrer la bataille là où elle a lieu, en l'occurrence,
14:41 elle se déroule sur les réseaux sociaux.
14:44 Mais ces vidéos que vous avez évoquées, il y a eu quoi, quelques 300 millions de vues ?
14:51 Je n'ai pas vendu 300 millions d'exemplaires de mes bouquins.
14:54 395, on n'y est pas tout à fait.
14:56 Mais ne me blaguez pas, c'est là le terrain de bataille, c'est là qu'on va pouvoir parler aux gens en langage très clair, mais également bien sûr.
15:07 C'est violureux, ça, vous l'avez dit, c'est tough, vous y allez, hein ?
15:13 Mais oui, et je ne m'en excuse pas.
15:17 Ces trampistes d'extrême droite, de Maghab, ce sont des brutes, et ils adorent s'en prendre à ceux qui ne peuvent pas se défendre, qui ne peuvent pas riposter.
15:29 Et moi, je ne suis pas là-dedans.
15:32 Moi, au contraire, je riposte volontiers, moi, ça ne me gêne pas de donner un coup de poing à la brute du coin.
15:45 Alors si ça devient une bagarre, disons, une risse dans la rue, moi j'irais, je descendrais dans la rue pour me battre, métaphoriquement.
15:55 Mais ce qu'il ne faut pas, c'est arriver à éviter d'écuire dans une risse où on se bat au couteau.
16:00 Don Winslow, vu d'Europe tout de même, on a du mal à comprendre, après 4 ans d'une présidence qui a été tout de même chaotique,
16:08 après l'assaut contre le Capitole, avec des affaires judiciaires si nombreuses, Trump a écrasé les primaires républicaines,
16:19 et il a tout de même encore de très sérieuses chances de remporter l'élection.
16:24 Comment l'expliquez-vous ? Ça c'est un fait politique, comment l'expliquez-vous ?
16:29 Je réespérerais que vous puissiez me l'expliquer à moi.
16:34 Non, effectivement, c'est inexplicable, mais qu'est-ce qu'on peut dire ?
16:40 On ne peut pas expliquer 400 ans d'histoire américaine en quelques mots.
16:47 Disons que déjà, Trump a puisé dans, disons, un cœur profond de la politique américaine, l'isolationnisme, et il faut bien le dire, le racisme.
17:06 Et ça c'est quelque chose qui existe depuis longtemps quand même.
17:09 Ça c'est la première chose, et deuxièmement, Trump, comme tous les démagogues, a un certain talent,
17:17 et ceux qui ne se sentent pas importants dans la société, tout d'un coup, se trouvent importants.
17:25 Des gens qui, et quelques fois, à juste titre, se sentent un petit peu laissés pour compte dans la nouvelle économie,
17:34 ils se sentent que, à ma foi, les démocrates, la gauche américaine, l'intelligentsia,
17:40 ils regardent un petit peu de haut, ils ne regardent pas en face, ils ont le droit dans les yeux.
17:48 Et c'est un sentiment, bon, compréhensible peut-être.
17:53 Et puis ensuite, il y a le rôle de la toxe, la désinformation.
17:59 Les partisans de Trump tirent leurs informations d'une seule source, qui est Fox News,
18:05 et qui ment au quotidien, et d'ailleurs qui a été condamné devant les tribunaux pour justement raconter des salades.
18:15 Et donc, quand vous combinez ces trois facteurs, vous avez des anciennes habitudes, la démagogie, la désinformation,
18:23 ça explique déjà une grande partie de ce que l'on voit. Et puis, cela explique également,
18:28 et toutes mes excuses pour cette réponse un peu longue, il faut voir que le public américain,
18:33 et c'est quelque chose qui est vrai dans le monde entier, il y a une certaine lassitude.
18:38 Vous avez évoqué quatre ans d'administration chaotique. Il y a eu le Covid, il y a eu une élection extrêmement difficile.
18:49 Et les tentatives de renverser les résultats de l'élection. Et puis la guerre en Ukraine, puis tout ce qui en a suivi.
19:02 Je crois qu'on cherche une façon d'échapper à tout cela, sans vraiment s'occuper de ce qui se passe vraiment.
19:08 Et comment voyez-vous, à l'inverse, Don Winslow, le bilan de la présidence Biden ?
19:18 Écoutez, je pense que son bilan n'est pas si mauvais, et on ne le reconnaît pas, je trouve.
19:24 Pourquoi ?
19:26 Parce que c'est Trump qui prend le devant de la scène, qui monopolise le terrain.
19:32 Je vérifie la presse tous les matins, chaque jour, chaque jour, et on ne parle que de Trump.
19:38 Il monopolise le débat. Et puis, de quoi on parle, de ces affaires judiciaires ?
19:44 Pour autant, l'espace, disons, est monopolisé par Trump.
19:49 Mais si on regarde de manière, disons, objective, les chiffres, le chômage est à bas niveau historique, extrêmement bas,
20:01 l'inflation, finalement, se réduit, on a un atterrissage en douceur après la pandémie.
20:09 Enfin, sur ce plan-là, il s'en est bien sorti.
20:12 Est-il pas crédité de ce bilan ?
20:16 Vous savez, quand on cherche dans les sondages, les niveaux d'approbation des présidents, ils sont toujours très médiocres.
20:28 Il faut les comparer à d'autres cotes, si vous voulez, chez d'autres personnages politiques,
20:37 mais effectivement, on aurait pu faire mieux, en tout cas, faire quand même savoir,
20:44 si ce sont des résultats de Biden qui ne sont pas si mauvais, loin s'en faut.
20:49 Le problème en Amérique, c'est qu'il n'y a pas assez, il y a plus d'offres d'emplois que de demandeurs d'emplois.
20:56 On se trouve dans cette situation où on fait attirer une main-d'œuvre immigrée qui, à son tour, peut interpeller.
21:03 Don Winslow, comment voyez-vous la question de l'âge de Joe Biden,
21:08 qui est une question qui est posée y compris par les démocrates, et de manière plus virulente, évidemment, par les républicains ?
21:18 Évidemment, est-ce que je souhaiterais que Joe Biden soit plus jeune ? Bien sûr.
21:24 Est-ce que lui-même aimerait être plus jeune ? Je n'en doute pas non plus.
21:28 Mais bon, le fait est là, il a l'âge qu'il a, mais je vais vous dire quelque chose.
21:33 Autour de lui, je connais un peu son entourage, on dit qu'il a gardé tout son esprit, toute sa vivacité,
21:40 et si vous souhaitez le comparer, enfin, l'intellect de Joe Biden à celui de Donald Trump, allez-y, je vous en prie,
21:49 et je serai ravi de faire la comparaison.
21:52 Cela étant, il faut quand même bien voir qu'on compare ici à quelqu'un qui est essentiellement quelqu'un de bon,
22:03 de décent, et puis de l'autre côté, quelqu'un qu'il n'est pas.
22:06 Si Trump l'emporte en novembre prochain, que ferez-vous, Don Winslow ?
22:12 Peut-être m'installer ici ?
22:14 Non, je plaisante. Si je devais quitter le pays, oui, là, je viendrais en France.
22:20 Pour autant, dans mon éducation, on ne s'enfuit pas devant la difficulté, on ne quitte pas le terrain.
22:34 Mais il ne faut pas sauter du pont avant d'y arriver.
22:39 Maintenant que votre vie d'écrivain est derrière vous, comment regardez-vous, c'est ma dernière question, votre parcours,
22:46 vous qui vouliez être écrivain dès l'âge de 6 ans, vous qui n'avez commencé à écrire qu'à 30, qui avez connu le succès à 50.
22:55 Ce parcours-là, il n'est pas académique, c'est le moins qu'on puisse dire.
23:00 En effet, non. Pour autant, je vais vous dire quelque chose là encore,
23:05 c'est maintenant seulement que j'ai le loisir de pouvoir me retourner sur ce parcours,
23:10 et ma propre appréciation a pu évoluer.
23:13 Ce que je peux dire, c'est que j'ai une immense gratitude pour tout ce que j'ai connu.
23:18 J'ai pu faire des choses très intéressantes dans ma vie.
23:21 J'ai été guide de safari, photographe en Afrique, en Chine, j'ai été détective privé, figurez-vous,
23:30 j'ai pu mettre en scène des productions de Shakespeare à l'université.
23:36 Quand je regarde tout cela, et ces années, quelquefois un peu difficiles, de galères, on peut dire,
23:41 j'étais un peu fauché, j'ai pourtant une forte gratitude par rapport à tout ça.
23:45 Et d'un mot, quel conseil à un jeune écrivain ? Ne lâche rien.
23:51 Ne lâche rien, c'est ça. Ne jamais rien lâcher.
23:55 Vous l'avez dit vous-même, moi j'ai eu un succès instantané,
24:00 mais il a fallu que j'attende d'avoir la cinquantaine, c'était une longue nuit, si je puis dire.
24:06 Pour autant, il ne faut jamais rien lâcher.
24:09 - Merci infiniment Don Winslow.
24:12 « La Cité sous les cendres », votre tout dernier livre à tous les sens du terme,
24:17 paraît donc chez Harper Collins.
24:20 Merci également à Robert Wolfenstein pour la traduction simultanée de vos propos.
24:25 Et merci pour vos livres, que j'ai eu un bonheur à lire ces longues dernières années.
24:32 Merci beaucoup.
24:33 8h48.