Grand entretien consacré au "Super Tuesday", journée décisive dans la campagne présidentielle américaine, avec Célia Belin, directrice du bureau français de l'ECFR, Roger Cohen, chef du bureau du New York Times à Paris, et Nicolas Conquer, porte-parole des Republicans Overseas en France. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-du-mardi-05-mars-2024-6887647
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00:00 Et table ronde ce matin sur la journée la plus attendue de la campagne présidentielle
00:04 américaine tous les 4 ans, le Super Tuesday, ce moment où des dizaines de millions d'électeurs
00:09 de 15 États choisissent le candidat du camp républicain, du camp démocrate pour la confrontation
00:16 finale.
00:17 Pour en parler, au micro d'Inter, Célia Belin, spécialiste des États-Unis, directrice
00:23 du Conseil européen pour les relations internationales, le CFR, c'est un think tank, comme on dit,
00:29 en français, indépendant, Roger Cohen, chef du bureau parisien du New York Times, et Nicolas
00:36 Conquer, porte-parole du parti républicain américain en France, le Grand All Party Overseas.
00:42 Bonjour à tous les trois et bienvenue à ce micro.
00:46 En général, le Super Tuesday, c'est la journée de toutes les surprises, de tous
00:51 les rebondissements, il y a du suspense, de l'incertitude jusqu'au bout de la nuit,
00:56 mais ça c'était valable en général.
00:58 Voilà, c'était avant.
00:59 En 2024, y a-t-il du suspense, des incertitudes ? Demain matin, on sera fixé, ce sera le
01:06 match retour Trump-Biden en novembre prochain, Célia Belin.
01:10 Je crois qu'on est déjà fixé, en fait, il n'y a pas de suspense, on se demande
01:13 même pourquoi en faire une journée spéciale et venir dans les médias pour en parler.
01:17 Ah bah, merci, on va passer un disque.
01:21 Exactement, parce qu'en fait, le sentiment, c'est vraiment que les jeux sont déjà faits,
01:27 et que Nikki Haley, l'ancienne gouverneure de Caroline Dessus, n'a pas de chemin vers
01:32 la nomination, parce que mathématiquement, au regard des premières primaires et des
01:37 premiers caucus, elle ne pourra pas remporter cette nomination.
01:40 Donc, elle parierait peut-être sur un chemin judiciaire, mais là, jusqu'à… on le sait
01:47 déjà un peu d'avance, ce sera un match Trump-Biden.
01:50 Roger Cohen, vous aussi, ça vous demandait pourquoi on vous invitait ?
01:54 Je suis content d'être ici, merci quand même.
01:57 C'est gentil.
01:58 Je ne suis pas entièrement d'accord avec Célia, je pense qu'il y a un peu de suspense,
02:03 dans le sens qu'il y aura une décision importante à prendre pour Nikki Haley, est-ce qu'elle
02:08 va continuer dans la campagne ? Et ça va dépendre de sa performance, il y a des états
02:15 plus libéraux, comme le Minnesota et d'autres, où elle pourrait avoir un résultat assez
02:22 positif, elle a gagné quand même dans le district de Columbia, c'est-à-dire à Washington,
02:28 la première fois qu'une femme gagne une primaire républicaine.
02:32 Et donc, je pense que quand même, la chose qui va compter, c'est, est-ce qu'elle
02:38 va se retirer ? Si elle se retire, est-ce qu'elle va déclarer qu'elle soutient
02:43 Donald Trump ? Ce qui n'est pas clair, elle pourrait se retirer et ne rien dire.
02:47 Ou est-ce qu'elle va continuer, ce qui va compliquer quand même la vie de Donald Trump
02:52 Nicolas Conquer, votre avis ? Vous, est-ce qu'il peut y avoir un peu de suspense ce
02:58 soir dans cette danse au Super Tuesday ? Est-ce qu'il y a des états où vous regarderez
03:01 un peu les performances ? Ce que dit Roger Cohen, est-ce qu'elle va se retirer ou pas ?
03:07 Est-ce qu'elle va soutenir Trump ou pas ?
03:09 Alors, il y a plusieurs questions.
03:10 La première, c'est qu'effectivement, elle sort remonter un petit peu dans son estime,
03:14 parce qu'après avoir enchaîné plusieurs défaites dans l'ensemble des états, à
03:17 commencer par l'Iowa, où non seulement elle est arrivée troisième derrière Ron DeSantis,
03:21 mais là, elle remporte une petite victoire dans le district de Columbia, ce qui est assez
03:25 révélateur.
03:26 D'ailleurs, même pour Trump, elle est soutenue par toute la caste de l'establishment de
03:30 Washington D.C.
03:31 Maintenant, dans le Super Tuesday, ces états, il y a à peu près un tiers des délégués
03:36 à ramasser à la fin de cette soirée-là.
03:38 La majorité de ces états sont dans une logique winner-take-all, c'est-à-dire que c'est
03:42 le vainqueur qui va ramasser tous les délégués.
03:43 Et je peux vous assurer qu'elle va sortir avec quasiment pas de délégués.
03:48 Et à la suite de ça, elle n'aura pas forcément le choix, elle n'aura plus les ressources
03:51 pour se maintenir dans la course.
03:53 Donc pour vous, elle se retire ce soir ?
03:54 C'est derrière.
03:55 Est-ce que les investisseurs, les donateurs suivent dans une course qui est vouée à
03:59 l'échec, dans laquelle elle n'a aucune chance de l'emporter ? Est-ce qu'elle
04:02 même va faire le choix d'assurer un avenir politique en se préparant pour les prochaines
04:06 échéances ? Ou est-ce qu'elle va elle-même continuer cette lutte et ses cœurs à l'intestine
04:10 en empêchant de se préparer à le combat final contre Biden ?
04:13 Elle n'a pas planifié des pubs ou des événements pour après mardi.
04:18 Donc ce qui indique qu'il pense quand même à se retirer.
04:23 Vous parlez des investisseurs.
04:24 Pourquoi les investisseurs ont continué de mettre de l'argent sur la campagne de Nikki
04:29 Haley ? Pourquoi ? Parce qu'il y a une forme de résistance quand même au parti républicain
04:35 de l'ancienne garde qui n'a pas envie de se donner complètement corps et âme à
04:39 Donald Trump ?
04:40 Je pense qu'il y avait surtout une forme d'incertitude, notamment judiciaire.
04:45 On est face à un futur candidat du parti républicain qui est face à 91 chefs d'accusation
04:52 dans 4 procès différents.
04:54 Et jusqu'à il y a assez peu, on pouvait quand même légitimement s'interroger de
04:58 savoir s'il allait être en mesure de se présenter, si les républicains et le public
05:04 en général allaient se détourner de lui en cas d'une condamnation, voir s'il pouvait
05:09 être à un moment vraiment pas en capacité d'être là puisque en prison.
05:15 Alors maintenant, on a vu étant donné le déroulement de ces procès qu'il est très
05:20 peu probable en fait que Donald Trump soit condamné d'ici au mois de novembre.
05:24 Il y a une décision très importante de la Cour suprême, expliquez-la, qui est en gros
05:28 une forme de blanc-ceintre.
05:29 Non, il y a deux décisions.
05:30 Il y en a une qui a eu lieu hier.
05:32 Hier, sur le Colorado.
05:33 Voilà, où le Colorado et le Maine également, plusieurs états avaient potentiellement invoqué
05:39 le 14e amendement de la Constitution pour déclarer Donald Trump inéligible au vu de
05:46 son action en marge des émeutes du 6 janvier en disant qu'il s'était rendu coupable
05:52 d'insurrection.
05:53 Et donc à ce titre, il ne pouvait pas se présenter.
05:56 La Cour suprême a cassé cette décision.
05:59 En estimant que c'est au Congrès de prendre ce type de décision.
06:02 Que ce n'est pas aux états à l'unanimité.
06:04 Donc là, c'est très clair.
06:05 En revanche, il y a une deuxième procédure, il y en a de nombreuses, mais il y a une deuxième
06:10 qui sera devant la Cour suprême, qui est de savoir si Donald Trump a une immunité
06:14 totale en tant que président.
06:16 Si ce dont il se serait peut-être rendu coupable le 6 janvier, il est en fait face à une immunité
06:21 totale.
06:22 Ça, la décision, ce sera finalement fin avril.
06:25 Et donc le fait d'avoir repoussé à fin avril repousse le temps.
06:28 Il a gagné du temps.
06:29 Le procès.
06:30 Il a très peu de chances qu'il soit condamné d'ici novembre.
06:32 Et du coup, ça rend la possibilité de trouver une alternative à Trump inutile à ce stade.
06:38 Aujourd'hui, la justice peut-elle l'empêcher encore d'être candidat ?
06:41 Ou quoi qu'il arrive, il le sera Roger Cohen.
06:43 Non, je crois qu'il sera candidat.
06:45 Le premier procès criminel commence le 25 mars.
06:50 Donc d'ici peu.
06:51 C'est la première fois qu'un ex-président des Etats-Unis confronte une telle chose.
06:56 Ceci est le cas concernant Stormy Daniels et de l'argent qu'il aurait payé pour
07:03 cacher le fait qu'il avait eu une histoire sexuelle avec cette femme et comme il a manipulé
07:09 sa comptabilité pour cacher ce paiement.
07:13 Donc, ça peut peser sur…
07:17 Il y a quand même pas mal d'Américains qui pensent qu'un homme qui est confronté
07:22 par tant d'accusations, enfin 91 quand même, n'est pas digne d'être le président
07:28 des Etats-Unis.
07:29 Mais ceci dit, je crois qu'il y a un écart d'enthousiasme important.
07:34 Les gens qui soutiennent Trump le soutiennent passionnément.
07:37 Les gens qui soutiennent Joe Biden le soutiennent faute de mieux en général.
07:43 Il y en a qui sont enthousiastes, mais pas énormément.
07:46 C'est ce qu'on lisait dans votre journal.
07:47 Il y a quelques jours, on lisait le manque de mobilisation côté Biden des troupes par
07:53 rapport à la folie Trump.
07:56 Oui, on a fait un sondage il y a deux jours dans le New York Times qui montrait Trump
08:02 gagnant avec 48% contre 43%.
08:05 Bon, on est à huit mois quand même de l'élection, mais ça c'est un écart assez important.
08:10 Et une des ironies de cette situation, c'est que Nikki Haley contre Biden dans les sondages,
08:16 gagne, mais très largement.
08:18 Je pense qu'au fond, les Américains avaient l'impression sous Trump qu'ils vivaient
08:23 mieux.
08:24 Ils avaient plus d'argent et ils ne mettent pas dans leur tête le fait que Biden a dû
08:30 confronter la guerre en Ukraine, l'inflation, une crise globale économique et que l'économie
08:36 américaine a résisté.
08:38 Et que l'économie américaine va bien.
08:40 Elle n'a pas eu la performance qu'elle a eue sous Trump, mais c'est pas mal.
08:45 Mais ils ont l'impression de vivre moins bien.
08:47 On va revenir à l'aspect économique, mais Nicolas Conquer, expliquez-nous ce qui se
08:50 passe dans votre parti, le parti républicain.
08:52 Il y a aujourd'hui une domination totale de Trump sur votre parti.
08:58 Il est le candidat.
08:59 Il y a une fascination, il y a un désir de Trump.
09:03 Déjà, c'est important de remarquer qu'il y a une unification du GOP.
09:06 Le parti républicain est unifié et arrive à mobiliser toutes ses ressources en vue
09:11 de mettre un républicain à la Maison Blanche à l'horizon de novembre prochain.
09:14 Ça se fédère autour de Donald Trump, mais au-delà d'une personnalité, c'est surtout
09:19 la ligne qu'il incarne, la ligne America First, dans laquelle il y a différents candidats
09:23 qui étaient à la primaire et qui naviguaient dans cette même voie.
09:26 On a vu des Ron DeSantis, on a vu des Vivek Ramaswamy.
09:29 C'est un courant assez majoritaire.
09:31 Derrière, ça n'empêche pas qu'il y a différentes voix qui se sont exprimées
09:34 au cours de cette course à la primaire.
09:36 Même Nikki Haley, on voit qu'elle arrive à solliciter quelques votes.
09:40 Mais on dit que, comme c'est des voix qui s'expriment en faveur d'autres candidats,
09:44 ils vont revenir à la maison au moment de l'élection présidentielle.
09:47 Ils vont se reporter sur le premier ras-de-bière.
09:48 Et vous, c'est votre candidat ?
09:49 Absolument.
09:50 J'ai pu me porter sur d'autres candidats parce qu'on le donnait pour mort il y a
09:53 deux ans Donald Trump.
09:54 Politiquement, personne ne lui donnait la moindre chance.
09:57 Aujourd'hui, vous êtes un vrai de vrai Trumpiste.
09:58 Il marque le plus grand comeback historique en politique.
10:00 Personne ne le voyait à la fin.
10:03 C'est une exagération.
10:04 C'est absolument véridique.
10:05 On n'avait jamais vu ça.
10:06 Il n'était jamais totalement hors de combat.
10:08 Tout le monde l'a vu.
10:09 C'est pour ça qu'il est tellement…
10:10 Maintenant, il n'était pas relevant, il n'était pas pertinent.
10:14 Tellement il devenait favorable, on est venu instruire toutes sortes de persécutions
10:19 politiques, judiciaires, en vue de l'évincer de manière politique, plutôt que de laisser
10:23 la voix des urnes s'exprimer.
10:24 Donald Trump est le grand favori pour la prochaine élection.
10:26 Et de fait, ce n'est pas ni Biden, ni le fait de le critiquer qui va…
10:32 Célia Bellin, vous disiez à notre micro, Trump a une sorte d'emprise sur l'électorat
10:38 américain qui est absolument fascinée.
10:40 Il y a une sorte de culte de la personnalité qui se poursuit, qui s'est ancrée.
10:45 Quel est le ressort de cette fascination ?
10:47 On a aux Etats-Unis un premier phénomène qui est que Donald Trump, depuis 40 ans, 50
10:57 ans, est une célébrité absolue.
10:59 La personnalité qui a été élue en 2016 face à une Hillary Clinton extrêmement décriée,
11:06 c'est avant tout une célébrité qui s'est présentée, qui a été très fortement moquée
11:11 par les médias à l'époque en disant « ce n'est pas sérieux, voyons ». Et une célébrité
11:14 qui est mue par une idéologie nouvelle, qui vient d'une droite radicale populiste, qui
11:21 a à un moment parlé aux Américains dans le contexte d'une élection en 2016 où
11:25 on avait une candidate tout à fait ancrée, présente depuis plus de 30 ans, dont les
11:32 gens étaient fatigués également et on a préféré la célébrité à la candidate.
11:36 Et bien c'est exactement le même cas.
11:39 Ce qu'on voit depuis trois élections, c'est ce phénomène des « double haters », c'est-à-dire
11:45 de la double haine pour les deux candidats.
11:47 C'est des électeurs américains, et là ils seraient à hauteur de 19% d'entre eux,
11:51 qui disent « mais moi je n'aime ni Donald Trump ni Joe Biden ». C'était le cas en
11:55 2016.
11:56 Hillary Clinton, Donald Trump, et ça a profité à Donald Trump.
12:00 En 2020, c'était le cas également, puisqu'il faut se souvenir que même si Joe Biden avait
12:04 gagné ses primaires, il y avait eu cette vague progressiste qu'il n'incarnait pas.
12:08 Et donc beaucoup de gens ont dit « mais moi je n'aime aucun des deux ». Mais ça a profité
12:11 à Joe Biden.
12:12 Là, cette année, pour le moment, Joe Biden remporte un tout petit peu les « double haters
12:17 » de quelques points, mais on le voit dans les derniers sondages, ce n'est pas encore
12:21 vraiment suffisant.
12:22 Et en tout cas, il y a cette espèce de dégoût fluctuant.
12:26 Donc la question qui va se poser pour les démocrates, c'est comment remobiliser ces
12:32 « double haters », ces gens qui disent ne pas aimer aucun des deux.
12:35 Et peut-être c'est en faisant monter les enjeux, en disant finalement avec Donald Trump
12:40 ce sera tellement pire, vous avez beau ne pas aimer Joe Biden, Joe Biden c'est le choix
12:43 rassurant, vous ne l'aimez pas trop, mais faute de mieux, prenez-le.
12:48 En revanche, il faut rejeter Donald Trump.
12:50 - Roderick Cohen, comment remobiliser l'électorat démocrate ?
12:53 - Je pense que ça va être difficile.
12:57 Il faut dire que Donald Trump, c'est quand même quelqu'un qui a essayé de renverser
13:02 la démocratie américaine en 2020 et qui n'accepte toujours pas les résultats de cette
13:06 élection et qu'il y a eu cet assaut au Capitole qu'on a tous vu.
13:12 Et je pense qu'ils vont essayer de dire est-ce que vraiment à la fin, vous voulez un tel
13:18 président ?
13:19 Le problème pour une mobilisation, c'est que Joe Biden a 81 ans, il faut le dire très
13:25 directement, c'est son âge.
13:26 À part son âge, il n'a pas eu une mauvaise présidence, on ne peut pas le dire.
13:31 - Mais oui, c'est s'il demande sur la piste.
13:33 - Pour les jeunes, pour les Noirs américains, pour les gens sans éducation universitaire,
13:40 il y a une perte constante de soutien à Biden.
13:45 Maintenant, Donald Trump est aussi capable de faire, je ne sais pas, d'autres gaffes,
13:51 mais en général, il se compare à Navalny, il a fait toutes les choses que je viens de
13:56 dire, mais le soutien pour lui reste très fort, y compris parmi ceux qui sont autour
14:02 de cette table.
14:03 - Oui, Nicolas Conquer, on a donc tout fait.
14:06 - Ils ne sont pas gênés par un candidat qui se compare à Navalny.
14:10 - Vous n'êtes pas gêné par un candidat qui se compare à Navalny ou qui a voulu détruire
14:14 la démocratie américaine ?
14:15 - Je reprends les termes de Roger Cohen en face de vous.
14:17 - Effectivement, est-ce qu'il y a eu une instrumentalisation de la politique par l'exécutif ?
14:21 Je ne vais pas rentrer plus dans la comparaison.
14:24 - Il s'est comparé à Navalny.
14:25 La semaine dernière, il n'a pas condamné Poutine pour la mort de Navalny.
14:31 - Il y a différents opposants politiques qui ont été tués en Russie, je pense que
14:34 c'est la chose qu'il a pu condamner dans le passé.
14:35 En ce qui lui concerne, Donald Trump fait l'objet de persécutions politiques en raison
14:40 d'une instrumentalisation de la justice et du ministère de la justice américain de
14:43 Merck-Garland par l'administration Biden.
14:45 Ce sont des procureurs qui ont été élus sur des plateformes pour faire tomber Trump.
14:48 Ce n'est pas tant le crime, c'est qu'il faut abattre politiquement Trump.
14:52 - Pardon, j'essaie de comprendre parce que c'est intéressant.
14:54 Il y a peut-être ce que vous dites, c'est-à-dire une persécution judiciaire, c'est ce que
15:02 vous essayez de dire.
15:03 Mais enfin, il parle Trump, il dit que Poutine fait du bon travail, qu'il continue, c'est
15:07 notre allié par exemple.
15:09 Ça, vous êtes d'accord ?
15:10 - Je ne pense pas qu'il dise qu'il fait du bon travail.
15:11 Il incite les membres de l'OTAN à payer leurs contributions dans leur budget de défense,
15:18 de manière à ce que ça ne pèse pas uniquement sur le contribuable américain de devoir financer
15:22 l'effort de défense des autres membres de l'OTAN.
15:24 Et il obtient des résultats en se faisant.
15:25 - Question de Daniel sur l'application, toujours pour essayer de comprendre le vote Trump,
15:31 Célia Belin.
15:32 Pourquoi donc une partie de la population vote Trump ? Motivation précise, raison,
15:37 quel profil ?
15:38 - Enorme question, désolé !
15:42 - En une minute, on a une population américaine dont on voit que vote en priorité pour Donald
15:53 Trump une répartition géographique du cœur de l'Amérique et de la Bible Belt, de la
16:00 ceinture biblique, dont on dit donc cette Amérique conservatrice qui a toujours voté
16:06 républicain.
16:07 Mais ce que Donald Trump a réussi à faire, c'est aussi à mobiliser la classe ouvrière
16:12 blanche américaine, mais également maintenant on le voit la classe ouvrière noire et la
16:16 classe ouvrière latino, les Américains qui n'ont pas d'éducation universitaire et qui
16:23 retrouvent chez Donald Trump un récit pour l'Amérique, ce récit qui est "America First",
16:32 l'Amérique en premier, l'Amérique d'abord, mais aussi le récit de "Make America Great
16:38 Again", redonner sa grandeur à l'Amérique.
16:41 Et donc c'est un candidat qui joue sur la nostalgie, qui joue sur l'opposition, une
16:46 forme de lutte des classes en disant "ils ne vous écoutent pas", qui joue sur les guerres
16:50 culturelles, "vous êtes des vrais conservateurs" et de l'autre côté il y a une dérive progressiste
16:57 qui ne correspond pas à l'Amérique.
16:59 Donc c'est ces ressorts nostalgiques, ces ressorts conservateurs qui se réexpriment,
17:05 mais c'est parce que c'est Donald Trump également, c'est-à-dire que c'est aussi
17:09 une personnalité qui est sans tabou, qui est une célébrité et qui a une forme d'emprise
17:18 sur sa base électorale, qui est mobilisée derrière lui.
17:23 Un gourou, dit Samuel, notre auditeur, il faut le voir comme un dirigeant de secte.
17:27 Qu'est-ce que vous en pensez Nicolas Conquer ?
17:30 Je pense que c'est un véritable showman.
17:31 On a parlé de sa carrière en tant d'améliorateur, de businessman à succès, et qui arrive à
17:36 galvaliser les foules.
17:37 Il fait des spectacles, des meetings où il régnit des dizaines de milliers d'heures.
17:41 C'est la politique, je ne vais pas vous faire de l'or, c'est vraiment la société
17:45 du spectacle.
17:46 Il incarne ça à merveille.
17:47 On tremble, on pleure, on rit lorsqu'on va à des rallies.
17:52 Il mobilise des gens qui attendent dans le froid des heures durant et il est capable
17:56 de prononcer des discours qui tapent sur les différents problèmes auxquels Joe Biden
18:00 est en échec.
18:01 Joe Biden serait incapable de prononcer un discours de plus de 90 secondes avec un prompteur.
18:07 Donald Trump, lui, arrive à mobiliser ces gens-là.
18:11 Et c'est lui avec qui ils ont été tarifiés.
18:13 Qu'est-ce que vous répondez Roger Cohen ? Nicolas Conquer défend une position…
18:17 Je pense qu'il faut reconnaître qu'on vit dans un monde où le phénomène de Trump
18:23 n'est pas un phénomène isolé, on vit dans un monde post-idéologique où la politique
18:28 de l'émotion, la politique de la distraction, la politique justement du spectacle est très
18:36 forte et où il y a une montée de soutien pour le nationalisme, contre l'immigration
18:45 et pour des leaders forts.
18:46 Ça c'est l'époque où on vit et Trump incarne cette époque.
18:50 Ça donne une force plus large dans un sens à son mouvement.
18:54 On passe au standard d'inter, on nous attend Tulipe, qui nous appelle d'Occitanie.
18:59 Bonjour et bienvenue.
19:00 Bonjour.
19:01 On vous écoute.
19:02 Eh bien moi j'ai une question, je suis désolée c'est peut-être un peu idiot,
19:06 mais en fait je ne comprends pas pourquoi on ne parle jamais de Kamala Harris, cette
19:10 femme qui donnait tellement d'espoir.
19:12 Je ne sais pas si elle a fait quelque chose qui fait qu'on ne la voit plus, elle a disparu
19:18 sur les radars, mais comment ça se fait que cette femme qui avait l'air tellement
19:21 incroyable au moment de la présidentielle disparaît ? Pourquoi ne peut-elle pas être
19:25 la nouvelle présidente des Etats-Unis à la place de Joe Biden qui a deux millions d'années ?
19:30 La vice-présidente.
19:31 La vice-présidente.
19:32 Merci Tulipe pour cette question.
19:36 Roger Cohen.
19:37 Qui s'est déclarée il y a trois jours.
19:38 Elle s'est déclarée il y a trois jours prête.
19:40 Justement Tulipe, elle vient de réapparaître comme ça en déclarant qu'il devrait y
19:45 avoir un cessez-le-feu immédiat à Gaza.
19:49 Je pense justement que Joe Biden a choisi de dire à Kamala Harris de dire ceci parce
19:58 qu'elle est restée tellement invisible.
20:01 On lui a donné une question un peu empoisonnée pendant les quatre dernières années, c'est-à-dire
20:07 l'immigration, qui ni les républicains ni les démocrates ont pu résoudre les problèmes
20:13 à la frontière avec la Mexique.
20:15 Et puis quand même, il y a une certaine humanité parfois qui semble manquer à Kamala Harris.
20:21 Elle semble un peu froide, elle ne convainc pas les gens.
20:24 Mais là, elle est réapparue.
20:26 Et peut-être, parce que si on vote pour Biden, il a 81 ans, il y a une possibilité réelle
20:35 s'il est élu qu'en fait Kamala Harris deviendra présidente des Etats-Unis.
20:40 Et donc, si elle reste sur le ticket, elle sera présidente.
20:43 La seule personne qui est moins populaire encore que Joe Biden, qui a vraiment autour
20:48 de 40% de Joe Biden, ce qui est extrêmement faible, personne n'est réélu sur cette
20:52 base de popularité-là.
20:53 Et la seule personnalité qui est moins populaire que lui, c'est Kamala Harris.
20:55 Parce qu'elle a montré qu'elle a fait complètement de l'inaction sur la gestion
20:59 de la crise migratoire et que dans ses différentes prises de parole à l'international lors
21:04 de l'invasion en Ukraine, ses propositions se sont avérées tout à fait une stratégie
21:09 qui a été complètement fallacieuse, couverte d'échecs.
21:12 Et qu'elle n'a pas la stature pour endosser le rôle de président des Etats-Unis.
21:17 C'est diabolant.
21:18 Et ça a été la déception quand même, cette femme.
21:21 Elle n'a pas réussi à émerger.
21:23 C'est vrai que ce que disait Tulip, notre auditrice, c'est vrai qu'il y a eu une
21:29 envie de Kamala Harris il y a 4 ans.
21:30 Ce n'est pas entièrement vrai.
21:32 Kamala Harris était sur le ticket gagnant il y a 4 ans.
21:34 Elle est devenue la vice-présidente.
21:35 C'est-à-dire qu'elle a servi l'objectif qui était le sien de mobiliser une base
21:41 progressiste, féminine, noire américaine, diverse.
21:45 Elle représentait tout ça.
21:47 Ensuite, elle a eu énormément de mal en tant que vice-présidente.
21:49 C'est un poste maudit.
21:50 On le sait, les vice-présidents n'arrivent pas à sortir du lot.
21:53 Très rarement, ils deviennent en réalité président s'il n'y a pas le décès ou
21:58 la disparition du président en exercice.
22:00 Mais elle a fait un peu son retour avec la problématique de l'avortement.
22:04 Depuis le rejet par la Cour suprême d'Euro V-Wade et la remise en cause de l'accès
22:09 à l'avortement sur l'ensemble du territoire américain et cette incapacité du Congrès
22:15 de passer une loi fédérale pour protéger ce recours à l'IVG, on a Kamala Harris
22:22 qui a repris de l'ampleur.
22:24 Là, de nouveau, comme l'a rappelé Roger Cohen, elle essaie de se positionner aussi
22:29 sur des questions de politique étrangères.
22:31 Je pense qu'en particulier la question de l'avortement va lui permettre de mobiliser
22:37 ses marges qui sont absolument nécessaires.
22:39 Si Joe Biden doit l'emporter en novembre, ce sera sur cette question de l'avortement
22:46 et du retour en arrière qu'a représenté la présidence Trump en disant qu'on ne
22:51 peut pas le laisser retourner au pouvoir parce que ce phénomène va continuer.
22:56 Les Américains perdent des droits, ce droit-là en particulier, mais la campagne Biden-Harris
23:03 essaie de faire le point de dire qu'il y a d'autres droits qui seront menacés si
23:08 Donald Trump revient au pouvoir.
23:09 Elle n'est pas une excellente femme politique, on le sait, elle a des chiffres d'approbation
23:18 très bas, plus bas que ceux de Joe Biden.
23:23 Mais sur certains thèmes, elle a fait porter sa voix et ça depuis 2022.
23:29 Roger Cohen, il y a quelques semaines vous étiez à ce micro, vous nous avez dit "je
23:32 ne crois pas que Trump sera réélu président", vous le pensez toujours aujourd'hui ?
23:36 J'hésite plus qu'il y a quelques semaines, hélas, en lisant les derniers sondages.
23:42 Et il y a une vraie possibilité que Donald Trump sera élu au mois de novembre.
23:50 Tout le monde sait que je pense que ça serait quelque chose de très négatif pour le pays
23:56 et pour le monde.
23:57 Le monde est beaucoup plus dangereux maintenant qu'en 2016 avec deux guerres en Europe, au
24:02 Moyen-Orient.
24:03 Et c'est un homme sans centre moral qui voit tout à travers son ego.
24:13 Et c'est dangereux, c'est dangereux.
24:15 Mais la possibilité est réelle.
24:17 Et vous Nicolas Conquer, votre pronostic ?
24:20 Bien sûr, nous on est très confiants, mais je pense qu'il ne faut pas uniquement prendre
24:23 ces sondages comme étant les vrais bulletins.
24:25 Il va falloir mobiliser tout un appareil politique pour aller ramasser l'ensemble des bulletins
24:31 là où les règles le permettent.
24:32 Les démocrates l'ont bien fait en 2020, ils ont obéi par les règles, donc c'est
24:35 à nous et le parti républicain va être très présent sur le terrain pour aller chercher
24:40 chacune des voies là où il le faut pour qu'on puisse porter Donald Trump à la présidence.
24:44 Votre intime conviction Célia Belin sur l'issue de cette élection ?
24:47 La campagne n'est juste pas encore faite.
24:49 Les Américains sont en rejet des deux candidats en réalité, malgré une base plus enthousiaste
24:54 du côté de Donald Trump.
24:55 Et donc les démocrates peuvent encore essayer de convaincre qu'il faut rejeter Donald Trump
25:01 une nouvelle fois.
25:02 Merci à tous les trois, Célia Belin, Roger Cohen, Nicolas Conquer d'avoir été à notre
25:08 micro ce matin.