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Thierry Breton, ancien commissaire européen au marché intérieur, est l'invité du Grand Entretien de ce jeudi, au lendemain de la victoire de Donald Trump à la présidentielle américaine. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-du-jeudi-07-novembre-2024-8366000

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00:00Et avec Léa Salamé, nous recevons ce matin l'ancien commissaire européen chargé du
00:04marché intérieur, vos questions, vos réactions au 01.45.24.7000 et sur l'application de Radio
00:12France.
00:13Bonjour Thierry Breton.
00:14Bonjour.
00:15Et bienvenue à ce micro, on voulait vous entendre ce matin parce que vous avez été
00:20aux affaires pendant 6 ans à la Commission européenne, que dans le cadre de vos fonctions
00:24vous avez rencontré Donald Trump, mais aussi l'autre homme de cette élection, Elon
00:30Musk.
00:31Musk avec qui vous avez eu des confrontations musclées, on va en parler.
00:36Mais d'abord, première question, votre analyse, analyse de la victoire franche, nette, massive
00:42de Trump, honnêtement avez-vous été surpris, Thierry Breton, par sa victoire et par son
00:49ampleur ?
00:50Oui, c'est l'ampleur je crois qui a surpris tout le monde.
00:54L'ampleur d'abord du nombre de délégués qu'il a obtenus, c'est clair, il a gagné
00:59quand même les swing states, on se souvient que c'était le sujet majeur, mais l'ampleur
01:03aussi du vote populaire.
01:05Alors avec une petite lecture peut-être un peu plus fine sur le vote populaire, c'est
01:09en fait l'effondrement des démocrates et non pas l'augmentation du nombre de votants
01:14donc républicains, il n'en demeure pas moins qu'il y a quand même maintenant entre 5
01:18et 6 millions d'écarts, ce n'était pas arrivé depuis 20 ans, donc ça lui donne
01:22évidemment, pour lui, c'est clair, une légitimité, j'entendais Pierraschi à l'instant
01:28qui disait qu'il n'y aura pas besoin d'avoir d'adultes dans la pièce, non, il fera en
01:31sorte qu'il n'y a pas d'adultes dans la place parce qu'il va considérer que le seul
01:34adulte c'est lui.
01:35Oui, c'est lui, et en plus il a le Sénat, il a la Chambre et il a la Cour suprême.
01:39Il a la Chambre à voir, mais il a la Cour suprême évidemment et la Cour suprême qui
01:42orientée comme on le sait est pour longtemps.
01:44Comment vous l'expliquez cette victoire ? C'est la personne de Trump qui a séduit malgré
01:48les outrances, c'est sa campagne qui l'a réussie, c'est l'économie, c'est l'immigration,
01:53c'est l'échec, paradoxalement, de la campagne de Kamala Harris.
01:56Quelle est votre lecture ?
01:57Bien sûr, après tout ça, chacun il va de son commentaire et c'est un peu facile de
02:03le faire, mais il n'en demeure pas moins que c'est donc un peu tout ça, les hassas
02:08l'a mis évidemment.
02:09Mais moi je retiens quand même une chose des élections américaines, depuis des années
02:15qu'on les suit, une élection américaine c'est aussi, et avant tout on l'oublie un
02:20peu, c'est l'expression d'un leadership.
02:23Les électeurs américains recherchent un general in chief, un général en chef, ils cherchent
02:30du leadership.
02:31Et il avait plus de leadership que Kamala.
02:33Mais c'est une évidence, qu'on l'aime ou pas, c'est une évidence que Donald Trump
02:38c'est le leadership.
02:39Et puis alors derrière vous avez raison, l'inflation a joué terriblement.
02:42Alors d'un côté l'économie est en très bonne santé, en termes de chômage, en termes
02:46de performance économique, mais l'inflation a joué un enjeu majeur, vous l'avez rappelé,
02:50l'immigration.
02:51N'oublions jamais que l'immigration illégale c'est dix fois plus que l'immigration illégale
02:56que nous avons en Europe, aux Etats-Unis, bien qu'il n'ait qu'une frontière, la frontière
03:00mexicaine évidemment.
03:01Donc ça joue aussi, c'est tout ça, mais pour moi vraiment à la fin, c'est je crois
03:07cette expression de leadership, Trump il parle, il dit des choses simples, il a un
03:13programme économique simple.
03:14Et puis quand vous écoutez les électeurs et les électrices, il considère qu'il va
03:22faire ce qu'il dit.
03:23Et je pense que oui, il va faire ce qu'il dit.
03:26Il est différent selon vous du Trump de 2016, le Trump d'aujourd'hui ?
03:31Bien sûr qu'il est différent, parce qu'il est très préparé, qu'il estime qu'il a
03:34l'expérience, qu'il est le seul à avoir cette expérience, y compris dans son entourage.
03:40Encore une fois, Pierre Aschiff faisait référence à juste titre au rôle de la Heritage Foundation,
03:46ce think tank américain très à droite, même certains disent à l'extrême droite, qui
03:50va fournir une liste de personnalités qui pourront l'accompagner immédiatement, donc
03:55il va être opérationnel très vite.
03:57Regardez ce qui va se passer dans les 100 jours.
03:59Dans les 100 jours, il va se passer des choses, il va créer son équipe, mais je le redis,
04:04ce sera lui le seul patron.
04:06Il n'est plus revanchard à votre avis, aujourd'hui, avec ce qui s'est passé ?
04:10On va aussi voir un Donald Trump, rappelez-vous de sa phrase, je serai dictateur pendant les
04:14premières 24 heures, les règlements de comptes vont durer 24 heures et puis ça passera.
04:17Mais souvenez-vous, tout au long de sa campagne, il a aigréné le nom de ceux qui lui faisaient
04:24ou lui avaient fait défaut, en leur prévoyant les foudres, le pire même.
04:29Donc oui, on peut s'attendre à ça, on peut s'attendre à tout, vous savez.
04:33Vous l'avez dit Thierry Breton, peut-être la chambre, le Sénat s'est déjà fait,
04:38donc le Congrès, la Cour suprême, la Maison-Blanche, tous les pouvoirs sont réunis dans les mains
04:45de Donald Trump ou du parti républicain.
04:48Avez-vous confiance dans la robustesse de la démocratie américaine ?
04:51Oui, l'histoire nous apprend que, évidemment, c'est une démocratie très robuste, il n'en
04:58demeure pas moins que ce qui est peut-être plus inquiétant, c'est le schisme que nous
05:04vivons aux Etats-Unis, c'est-à-dire la polarisation à l'extrême.
05:07Alors, on a vraiment deux blocs qui ne se parlent plus, qui ne se comprennent plus,
05:13qui sont totalement à l'opposé, c'est ça qui m'inquiète peut-être un peu plus,
05:18et avec rien pour les réconcilier.
05:19C'est vrai qu'à ce moment-là, il faudrait avoir des langages, un langage peut-être
05:22plus apaisant.
05:23Or, tout nous laisse à penser que ce langage ne viendra pas, parce qu'il va vouloir réaliser,
05:29il a 4 ans, il va vouloir réaliser tout ce qu'il a dit, encore une fois.
05:33Alors, derrière, il y a le rôle aussi des réseaux sociaux, absolument majeur, y compris
05:39pour créer cette polarisation.
05:41Quel a été le rôle d'Elon Musk, à votre avis, dans cette élection ?
05:44Vous savez, pour moi, il y a un rôle, j'ai du reste à indiquer, dans ma qualité de régulateur
05:50que j'étais, alors, les réseaux sociaux, ceux qui sont des très grands réseaux sociaux,
05:55on appelle dans notre jargon des grandes plateformes, sont régulés, sont régulés
05:58en particulier en Europe, grâce maintenant, on est la première démocratie au monde à
06:02l'avoir fait, le DSA, vous vous en souvenez.
06:04Et donc, on ne peut pas, évidemment, utiliser ces plateformes pour amplifier massivement
06:12des fake news, et créer donc de la distorsion, voire de l'impact, notamment sur nos démocraties.
06:18Oui, mais aux Etats-Unis.
06:19Aux Etats-Unis, quand on a 203 millions de followers, c'est le cas d'Elon Musk, qui
06:28a 203 millions d'abonnés sur le réseau X, qui en compte à peu près 300-320 millions,
06:33ça veut dire qu'il a deux tiers de personnes sur X, sur Twitter, beaucoup de nos auditeurs
06:39l'utilisent, qui suivent Elon Musk, et peut-être même, et c'est des choses qu'il faudra évidemment
06:45regarder, peut-être même, dont les messages sont amplifiés, sont accélérés, y compris
06:50par des algorithmes.
06:51Qu'est-ce que ça crée ? Ça crée, évidemment, aujourd'hui, un impact très fort parmi tous
06:58ceux qui le suivent, et donc, on peut dire de façon très claire que oui, ceux qui maîtrisent
07:03aujourd'hui les réseaux sociaux, ou en tout cas qui les utilisent, je dirais, pour eux,
07:10peuvent avoir un pouvoir supplémentaire, c'est la raison pour laquelle, en Europe, nous avons
07:13mis cette régulation pour que ça ne se passe pas.
07:15Et avec, oui, un Trump surpuissant, et un Elon Musk conseillé, ou dans l'orbite du pouvoir,
07:23vous pensez que les régulations européennes ne vont pas être durement attaquées ?
07:27Mais la régulation, elle est la même pour tout le monde, donc moi j'ai aucun doute,
07:30aucun doute que c'est notre loi à nous, elle a été votée par le Parlement européen,
07:35c'est-à-dire par le peuple européen, par nos concitoyens européens, elle a été votée
07:38par le Conseil européen, ce n'est pas la régulation de la Commission, encore moins
07:42celle de Thierry Breton, même si c'est avec mes équipes que nous avons contribué
07:45à écrire les textes, ils ont été ensuite amendés, ils ont été appropriés par nos deux chambres.
07:50Aujourd'hui, c'est la loi européenne, elle s'applique pour X, bien sûr, mais elle s'applique
07:55aussi pour Meta, elle s'applique aussi pour TikTok, elle s'applique pour Tm, elle s'applique
07:59pour tout le monde, et je n'ai aucun doute, elle sera appliquée.
08:02Bien sûr qu'il faudra veiller à ce qu'il n'y ait pas d'interférences politiques,
08:06mais on y veille, vous savez, on y veillait déjà sur TikTok, où il était dit par certains
08:12qu'il pouvait y avoir des interférences chinoises, et bien voilà, il faudra que ceux
08:16qui me succèdent n'aient pas la main qui tremble pour que cette loi, qui est la loi,
08:21encore une fois, notre loi, soit appliquée, si celle-ci doit l'être, je n'ai aucun doute qu'elle le sera.
08:26Avoir la main qui tremble ou pas en Europe, c'est la grande question aujourd'hui avec
08:30l'arrivée et le retour de Donald Trump aux Etats-Unis, on entend depuis hier des voix
08:34européennes un peu partout dire « il est temps maintenant d'assumer notre destin »,
08:37le Premier ministre polonais Donald Tusk disait il y a quelques jours « l'Europe doit grandir
08:41enfin et croire dans sa propre force ». Très bien, mais ça, ce sont des phrases qu'on
08:46entend depuis des années, même on s'en a retrouvé avec Nicolas, Angela Merkel en
08:512017 disait la même chose, disait « maintenant il est temps de grandir, de ne plus être
08:55les vassaux de l'Amérique, etc. etc. », mais qu'est-ce qu'on a fait depuis ?
08:58Ça a été mon moto aussi, on peut dire, durant les cinq années de mon mandat à la Commission,
09:03puisque c'est exactement ce que j'ai dit moi-même en essayant de le décliner précisément,
09:07cette fameuse autonomie stratégique dans des secteurs comme les vaccins, dans des secteurs
09:11comme les semi-conducteurs, dans des secteurs également comme la défense.
09:15Oui, Donald Tusk, dont je rappelle qu'il est bien entendu le Premier ministre polonais
09:20mais qu'il a été aussi pendant cinq ans le président du Conseil européen, donc il
09:24a cette expérience européenne, il a aussi cette légitimité, n'oublions jamais que
09:28la Pologne va être le pays avec la première armée européenne, 340 000 hommes en armes,
09:33il dépense 4,1% de son produit intérieur brut pour sa défense, donc Donald Tusk aujourd'hui
09:39fait partie de ceux qui sont écoutés, de ceux qui vont être écoutés.
09:42Et il nous dit « il faut arrêter maintenant de se comporter comme si nous intermédions
09:49notre sécurité ». Et il a raison, on ne peut plus intermédier notre sécurité, et
09:54il pense évidemment en le disant, aux Etats-Unis.
09:56Mais je vais aller un tout petit peu plus loin, notre sécurité c'est tout le sujet
10:00qui va être maintenant débattu pendant sans doute des semaines, des mois, peut-être
10:05des années, en tout cas les années Trump.
10:07Oui, bien sûr, il faut qu'on augmente, et je me suis battu pour ça, vous le savez,
10:11pour augmenter nos capacités de production, de défense en Europe, c'est absolument
10:15majeur, et pour ça il faut le faire ensemble.
10:18Mais reste évidemment le sujet de l'Alliance Atlantique, et l'Alliance Atlantique c'est
10:23quoi, Léa Salamé ? L'Alliance Atlantique c'est évidemment, au-delà de son article
10:285, ou à travers son article 5 également, c'est le fait que la quasi-totalité des
10:33Etats-membres aujourd'hui dépendent pour leur protection ultime, je pense à celle
10:38dissuasive de l'arme nucléaire, dépendent uniquement de l'OTAN, donc des Etats-Unis.
10:44Et donc, vous voyez… Oui, avec un Donald Trump qui a expliqué que si… Pardon, on
10:49rappelle quand même, il a expliqué que si tous les Etats de l'OTAN ne montaient pas
10:52à 2% de dépenses militaires… Et bien il retirait le soutien, il retirait le soutien,
10:58et lorsque vous avez en face un Vladimir Poutine qui vous dit qu'une puissance dotée
11:04ne peut perdre une guerre qu'elle engage, ça veut dire que pour nous Européens, il
11:08va falloir qu'on se pose des questions fondamentales, évidemment d'un côté, et Donald Tusk
11:12a raison, augmenter massivement ensemble nos capacités de production de défense pour
11:17nous défendre seuls, mais ça veut dire aussi discuter, discuter aussi, des sujets aussi
11:23fondamentaux que je suis en train de lever avec vous, parce que c'est l'éléphant
11:29dans la pièce.
11:30Ça fait 3 ans qu'on dit ça ! Oui, mais ça c'est beaucoup plus fondamental,
11:34et ce qui est peut-être important Léa Salamé, c'est qu'aujourd'hui, en tout cas moi
11:38je l'espère, cet électrochoc, parce qu'il faut appeler un chat un chat, on a vraiment
11:42l'impression, en vous écoutant tous depuis maintenant 24 heures, qu'il y a une espèce
11:48de sidération, comme si on découvre qu'effectivement, voilà, Donald Trump arrive, et il y a un
11:57monde nouveau qui s'ouvre devant nous.
11:58On a raison, on ne s'y est pas préparé, et croyez-moi en Europe, on ne s'y est pas
12:02préparé.
12:03Mais moi mon espoir, c'est qu'on se prépare précisément à poser les vraies questions,
12:07celles qui sont liées à notre sécurité, dans toutes ses dimensions, y compris sur
12:11l'Ukraine.
12:12Qui va avoir le leadership en Europe ? Vous savez bien que le nouvel homme fort c'est
12:16Victor Orban, les relations sont étroites avec Donald Trump, pour l'Amérique le numéro
12:22de téléphone de l'Europe c'est celui d'Orban, ça va être ça la nouvelle réalité
12:25pendant quatre ans ?
12:26Bien sûr que ça va être ça, je suis allé, moi du reste je le voyais depuis lorsque j'étais
12:30commissaire, je voyais l'ensemble des chefs d'État et de gouvernement systématiquement,
12:33c'était mon travail, donc j'ai eu beaucoup d'entretiens avec Victor Orban, y compris
12:36encore il y a quelques semaines, et donc j'ai parlé de ces questions avec lui, même si
12:41évidemment je ne partage pas du tout, vous le savez, ses opinions en tout cas, sa façon
12:45de faire dans bien des domaines, il n'en demeure pas moins que c'est un chef d'État
12:48et de gouvernement, et que oui, c'est aujourd'hui le principal interlocuteur européen de Donald
12:55Trump, il me l'a dit comme je vous le dis à l'instant, et effectivement, lorsqu'il
12:59a une question, vous savez Donald Trump, il travaille avec peu d'hommes en qui il a confiance,
13:04des très grands chefs d'entreprise, parmi les plus grands, on vient de parler évidemment
13:07d'Elon Musk, et puis aussi les autocrates, il aime bien les autocrates, il les respecte
13:14du reste, on l'a déjà vu lors de son premier mandat, il faut s'attendre à le voir au
13:18cours du second, ça ne veut pas dire qu'il partage leurs thèses évidemment, mais il
13:21les respecte, et évidemment il respecte profondément, il a confiance en lui, Victor Orban.
13:27C'est intéressant parce que Victor Orban a une façon de voir les choses évidemment
13:31qu'on connaît, mais aujourd'hui là, à l'heure où nous parlons, il reçoit tous
13:37les chefs d'État et de gouvernement des 27 États membres, il y a 26, c'est la Hongrie
13:42qui reçoit, puisqu'il préside aujourd'hui, comme vous le savez, pour 6 mois l'Union,
13:49et donc ils y vont tous, alors qu'ils ne devaient pas y aller tous.
13:54Vous vous souvenez, il a assez aimé qu'ils avaient boudé, il faut reconnaître qu'il
13:59était un peu fort à son habitude du reste, parce que Victor Orban, donc ils l'ont boudé,
14:04ils l'ont boudé de façon très ostentatoire, et bien là il n'y en a pas un qui va rater
14:09le rendez-vous, peut-être à part Pedro Sanchez, l'Espagnol qui évidemment reste
14:13pour les raisons qu'on connaît en Espagne, mais tous vont y aller, et j'ai cru savoir
14:18que sur leur table ce soir, il y aurait un verre de champagne, parce qu'il a dit qu'il
14:23allait sabler le champagne.
14:24Ça va être très intéressant de voir ce qui va sortir de cette réunion.
14:27Vous voulez dire que les 27 qu'Emmanuel Macron, Olaf Scholz vont sabrer le champagne
14:30pour célébrer la victoire de Donald Trump ?
14:32Je sais, le connaissant, je peux parfaitement imaginer comment il va se comporter.
14:40Ça veut dire évidemment que l'Europe va être divisée, parce que derrière Orban,
14:45il n'est pas seul, il y a aussi…
14:48Georgia Meloni ?
14:49Oui, et puis il y a aussi le Slovaque Fico, et puis il y a aussi les Suédois, et puis
14:56il y a aussi les Néerlandais, bien sûr, et puis il y aura bientôt peut-être les Slovènes,
15:01et puis il y aura peut-être bientôt les Tchèques, c'est ça l'Europe qui est devant
15:04nous.
15:05Et vous voyez, pour tout ça, il va falloir un leadership extrême, il va falloir vraiment
15:10avoir dans nos institutions, donc des personnalités qui vont devoir tenir tout ça d'une main
15:16de maître.
15:17Emmanuel Macron ?
15:18Emmanuel Macron s'est positionné à juste titre hier, on l'a vu, il a été je crois
15:21le premier à s'exprimer sur l'élection de Donald Trump, mais vous savez, juste pour
15:28revenir sur Orbán, je ne vais pas dévoiler un secret, mais il me disait « oui, Donald
15:35Trump, quand il va avoir des questions, il m'appelle d'abord, et puis il m'a dit
15:40« et qui je dois appeler après ? » Et je lui ai répondu, me dit-il, « non pas la
15:45tête des institutions, mais tu appelles les deux chefs d'État des deux premiers pays
15:49et puis ça ira comme ça ». Voilà, c'est ça contre quoi il va falloir lutter pour
15:54maintenir notre cohésion, parce qu'il n'y aura pas de réponses pour le vœu de
16:01Donald Trump.
16:02Mais il n'y a pas que Ursula von der Leyen, l'Europe, les institutions, c'est la présidente
16:09du Parlement européen, Roberta Metzla, c'est le président du Conseil qui va jouer un rôle
16:13extrêmement important, c'était Jean-Michel, ce sera Antonio Costa, l'ancien premier
16:17ministre portugais, il y a la présidente de la Commission européenne, c'est à eux
16:21trois qu'il va incomber cette tâche extrêmement, j'allais dire existentielle, de tenir, de
16:27maintenir l'Europe ensemble, ça ne va pas être facile.
16:30Alors une question sur l'application Radio France qui vous est posée par Alexandre,
16:35bonjour M. Breton, avec votre départ de la Commission, l'Allemagne et ses intérêts
16:40n'ont-ils plus aucun obstacle dans les institutions européennes pour dérouler leur propre feuille
16:47de route ?
16:48L'Europe, ce n'est pas un pays, l'Europe, c'est 27 pays et c'est ce qui fait la singularité
16:53de notre projet, mais aussi sa force, je le dis moi-même, il faut en permanence veiller
16:59à ce qui est de cet équilibre et sur l'Allemagne, dont on voit évidemment tous les jours qu'elle
17:03est dans une situation très difficile, et d'un point de vue politique, on a donc les
17:09deux principaux pays, ce n'est pas injure que de leur faire, de le dire qu'effectivement,
17:16ils sont aujourd'hui tous les deux dans une situation difficile et donc il faut en
17:21permanence...
17:22Ils sont en crise politique ouverte.
17:23Bien sûr, et il faut maintenir en permanence du reste sur des raisons à peu près similaires,
17:26problèmes de coalition, problèmes de budget, il n'en demeure pas moins qu'il est absolument
17:31essentiel de maintenir cet équilibre franco-allemand, je le dis, c'était le rôle que je jouais
17:35moi-même, bien sûr, je ne défendais pas les intérêts de tel ou tel pays, mais j'essayais
17:40en permanence de maintenir une balance, y compris contre ces velléités, je constate
17:45qu'aujourd'hui, je ne sais pas si ce sera le cas, mais j'ai lu ici ou là, que dans
17:52la prochaine commission, il y aurait entre 7 et 10 directeurs de cabinet des commissaires
17:58qui seront allemands, et bien c'est peut-être un signe sur lequel il faut s'interroger,
18:04ça veut dire jusqu'à présent, vous étiez commissaire, vous veniez avec un directeur
18:08de cabinet qui était de votre nationalité, si jamais on en a 7 ou 10 allemands, ça voudra
18:12dire quelque chose, il faudra s'interroger ce que ça veut dire, et il faudra évidemment
18:16éviter, s'organiser, pour qu'il n'y ait pas de dérive telle que celle que vous décrivez,
18:21c'est absolument...
18:22Des dérives de l'Allemagne qui gouvernerait seule l'Union Européenne, c'est ce que vous
18:25dites, parlez, parlez franchement.
18:26En tout état de cause, il faudra éviter précisément qu'il n'y ait qu'un seul pays qui puisse
18:32porter les politiques pour, et encore une fois, l'Allemagne est un très grand pays,
18:38c'est notre premier partenaire, mais elle est en situation difficile, ce n'est pas
18:42pour autant que toutes les politiques de l'Union doivent aujourd'hui servir à l'Allemagne
18:46de se sortir de la situation difficile dans laquelle elle est née, il faut que chacun
18:50puisse y contribuer, et c'est tous ces petits signaux qu'il faudra regarder attentivement.
18:54Thierry Breton, rapidement sur l'Ukraine, pour le dire simplement, les Etats-Unis de
18:57Joe Biden ont trois mois avant la passation de pouvoir pour livrer un maximum d'armes
19:01aux Ukrainiens.
19:02Moi je pense que dans ces trois mois qui viennent, on peut s'attendre, mais c'est un avis personnel,
19:07à ce que Donald Trump prenne déjà des initiatives, y compris avec Vladimir Poutine
19:16et avec Volodymyr Zelensky, je pense que vous allez entendre beaucoup parler de paix dans
19:22les 100 jours qui viennent.
19:23Est-ce que vous pensez que Donald Trump a déjà « dealé la paix », comme vous dites,
19:28la paix « avec Vladimir Poutine » via Viktor Orban ?
19:32Je n'ai pas du tout d'informations à ce sujet, mais encore une fois, il faut écouter
19:37ce qu'il dit parce que c'est très instructif.
19:39Alors bien sûr, il a dit qu'il allait régler le problème en 24 heures, on le sait, on
19:44verra comment ça se fait, mais en tout cas, ce qui est certain, c'est qu'il dit à
19:47tous ses interlocuteurs que lui, il est un homme de paix, et que donc il va maintenant
19:51trouver les conditions pour que cette paix ait lieu.
19:54Il ne faudrait pas que ça se passe, évidemment, au détriment de l'Ukraine et aussi de l'Europe,
19:59donc là aussi, il va falloir être extraordinairement vigilant, l'Europe est au pied du mur.
20:03Sur les conséquences sur l'économie européenne de la victoire de Donald Trump, on sait que
20:09le président américain entend mener une guerre commerciale à la Chine, mais l'Europe
20:14aussi est visée, l'Europe dont ils parlent, comme d'une mini-Chine.
20:17Nous aussi, nous allons souffrir, Thierry Breton, et je pense là, par exemple, aux
20:24producteurs de vin, de champagne, qui ont peut-être de bonnes raisons de s'inquiéter
20:28ce matin ?
20:29Bien sûr, Donald Trump, on le dit implicitement tout au cours de notre entretien, il est transactionnel.
20:36C'est quelqu'un qui fait des deals, il le dit, the art of the deal, l'art du deal, voilà,
20:41il est transactionnel, donc c'est du donnant-donnant, qu'est-ce que je te donne, qu'est-ce que
20:45ça me rapporte ? Et donc, il va être comme ça, y compris avec l'Europe, dont il considère,
20:50il l'a dit du reste, largement durant sa campagne, qu'elle n'apportait pas assez
20:54aux Etats-Unis et qu'elle bénéficiait trop de l'aide américaine sans retour.
20:59Donc oui, bien sûr, il l'a dit, alors il a annoncé des augmentations de droits de
21:03douane, tariff en anglais, tariff dont il dit que c'est le plus beau mot de la langue
21:06anglaise.
21:07Donc il a annoncé qu'il voulait les augmenter de 10 à 20%, à charge pour nous de nous
21:12préparer, et c'est vrai que, je le dis, moi j'ai le sentiment, mais bien entendu, parce
21:17que les discussions commerciales, c'est précisément des rapports de force, c'est ce que je peux
21:23faire, si jamais tu me fais ça, voilà ce que je te fais, c'est ces logiques transactionnelles
21:27dans lesquelles il faut qu'on rentre, encore faut-il pour ça que nous soyons conscients
21:30de nos forces, et que nous réalisions cette force, que nous l'incarnions par notre solidarité,
21:37on en revient à ce qu'on disait tout à l'heure.
21:38Ça va être vraiment un moment, là aussi, existentiel pour l'Europe, sans ça vous
21:41avez raison, on sait très bien qui vont être les victimes, ça va être évidemment les
21:45produits agricoles, vous avez rappelé le vin, et autres produits qui vont être eux-mêmes
21:52taxés, avec des conséquences aussi, je le dis, pour nous évidemment, en ce qui concerne
21:57le chômage et l'emploi en Europe.
21:59Merci Thierry Breton d'avoir été au micro d'Inter ce matin.

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