Les entreprises de l'industrie agroalimentaire ont accepté de rouvrir des négociations sur les prix avec la grande distribution. Pour en parler, Thierry Cotillard, président du groupement Les mousquetaires - Intermarché, est l'invité de 8h20.
Retrouvez tous les entretiens de 8h20 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien
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00:00 Bonjour Thierry Cotillard, merci d'être avec nous ce matin.
00:03 Vous êtes le président du groupement Les Mousquetaires, connu pour ses enseignes intermarché,
00:08 bricomarché ou encore netto.
00:10 Troisième groupe français de distribution, vous vendez mais vous produisez aussi.
00:15 59 usines et la première flotte de pêche française.
00:19 Vous-même vous dirigez trois magasins en Ile-de-France.
00:22 Sur les questions d'inflation, de pouvoir d'achat, de fabrication des prix ou autres,
00:26 les auditeurs de France Inter pourront dialoguer directement avec vous dans quelques minutes.
00:30 Pour cela, vous nous appelez 01 45 24 7000 ou vous envoyez un message via l'application France Inter.
00:37 Thierry Cotillard, on va parler de la réouverture dans les prochains jours des négociations
00:40 entre industriels et distributeurs.
00:43 Les industriels en ont accepté le principe avant-hier.
00:46 Mais arrêtons-nous sur ce qui va se passer dans les prochaines semaines.
00:49 Plus 15% pour l'inflation alimentaire, ça c'était au mois d'avril.
00:53 Est-ce que les prix vont continuer à grimper dans vos rayons ces prochains jours, ces prochaines semaines ?
00:58 La lecture qu'on en a, c'est qu'à fin juin, fin juillet, il y aura encore deux points d'inflation.
01:04 On sera probablement à 16, 17 et là on sera au pic, on sera au maximum.
01:08 Encore plus de pourcent entre maintenant et la fin du mois de juin.
01:11 Exactement et on a l'espoir, justement en réouvrant les négociations,
01:16 mais aussi parce que les produits de rentrée vont avoir une inflation moindre que l'alimentaire,
01:21 de finir l'année à 15% par rapport à l'année dernière.
01:25 Les produits de la rentrée, vous parlez des produits de la rentrée scolaire par exemple ?
01:28 Exactement, en fait ce sont des produits qu'on a achetés il y a neuf mois,
01:31 avec un cours du papier notamment, puisque c'est le gros de la matière première sur les rentrées scolaires,
01:36 qui était en inflation légère.
01:38 Et donc ce qui est prévu, c'est 3% d'augmentation sur les produits de rentrée scolaire pour cette rentrée en septembre.
01:44 Entre septembre 2022 et septembre 2023, c'est ça ?
01:47 Exactement.
01:48 Par rapport à l'année dernière, +3% ?
01:49 Par rapport à l'année dernière, et donc si on remonte par rapport à il y a 18 mois,
01:53 début vraiment de cette spirale d'inflation, on aura fait une inflation de 10% sur ces produits de rentrée des classes.
01:59 Lors de son interview sur TF1 lundi, Emmanuel Macron a dit espérer que l'inflation sur les produits alimentaires
02:04 soit absorbée d'ici l'automne pour revenir, je le cite, dans des terres plus connues et plus normales.
02:10 Absorber l'inflation alimentaire d'ici l'automne, ça vous paraît possible ?
02:14 Absorber, je n'aurai pas utilisé ces termes, je pense qu'on va stopper la spirale inflationniste.
02:19 Il faut aussi dire aux auditeurs qu'on ne va pas revenir au point de départ,
02:23 ne serait-ce que par le fait que produire coûte aujourd'hui plus cher, les salaires ont augmenté,
02:28 et on ne va pas faire marche arrière.
02:30 Donc oui, il y aura un arrêt de l'inflation, maintenant on ne va pas faire -15 dans les mois qui viennent, si c'est ça la question.
02:36 Même si les prix de l'énergie continuent de baisser fortement,
02:38 si les prix de certaines matières premières continuent de baisser fortement,
02:41 on ne pourra pas revenir à la situation il y a un an.
02:44 C'est toute la discussion qu'on aura avec les industriels, et elle sera acharnée cette discussion.
02:50 Il y aura des baisses qu'on va obtenir, et il y aura des choses qui sont immuables et qui ne pourront pas baisser.
02:56 Pour revenir à l'alimentaire tiré quotidien, une étude du Credoc cette semaine,
03:00 le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie révèle que
03:03 16% des français disent ne pas manger à leur faim, c'est plus 4 points en 5 mois.
03:10 Est-ce que dans vos magasins, vous constatez que les volumes d'achats baissent ?
03:15 Alors nous, c'est un chiffre qu'on ne découvre pas, effectivement on peut être attristé de la situation.
03:20 La consommation en France aujourd'hui, elle est portée par l'inflation.
03:24 Donc on est sur un chiffre qui est positif, on est de l'ordre de 10% de croissance,
03:28 mais essentiellement dû à une inflation qui est, comme on l'a dit, à 12 ou 13%.
03:32 Donc la réalité...
03:33 Ça c'est pour la valeur, pour le montant, mais en quantité vendue ?
03:36 En quantité, on est sur des baisses de volume de l'ordre de 2,5%.
03:40 Et lorsque les gens consomment moins, qu'est-ce qui se passe ?
03:42 Ils achètent moins d'articles, de l'ordre de 2%, et surtout, ils achètent des produits moins valorisés.
03:49 Par exemple, les produits frais traditionnels comme le poisson, la viande,
03:52 connaissent des chutes très impressionnantes qui font que la consommation est en train de baisser en France.
03:57 Je peux dire que bien manger aujourd'hui, ça devient un luxe ?
04:00 Ça devient un luxe et ça remet, si vous voulez, en perspective la mission des distributeurs.
04:04 Depuis des années, chez Intermarché, on se dit que la mission, c'est d'apporter le mieux mangé au plus grand nombre,
04:09 d'où le fait d'avoir nos propres... Vous l'avez souligné, nos propres usines, nos propres bateaux.
04:14 Et ça va devenir effectivement un sujet d'actualité encore plus dans les semaines qui viennent.
04:18 Baisse de consommation en volume, quels sont les consommateurs qui sont les plus concernés ?
04:22 On parle souvent des personnes de plus de 60 ans,
04:25 car ce sont elles qui consacrent la plus grande partie de leur budget aux courses alimentaires.
04:28 Est-ce que c'est ça ?
04:29 Vous avez cette population, la population aux retraites, je dirais, limitée.
04:34 Et puis, vous avez une autre tranche très importante qui vient de chez nous.
04:37 Donc, on les connaît, ce sont les étudiants.
04:40 Je pense que c'est 20% dans l'étude Credoc,
04:43 c'est 20% des étudiants qui ont du mal à joindre les deux bouts et à manger à leur faim.
04:47 Donc ça, ça fait partie de nos problématiques et on doit apporter des réponses à ces consommateurs.
04:53 Et des consommations qui changent ? Plus de riz, plus de pâtes, plus d'œufs ?
04:57 Oui, c'est cela. Donc nous, ce qu'on a fait justement dans le cadre du panier anti-inflation,
05:01 comme on produit notre viande, on a nos abattoirs, comme on a nos bateaux,
05:04 on s'est dit "c'est bien d'avoir 500 produits, mais il faut rendre accessible la viande,
05:08 ces produits frais". Et donc, on a tous les week-ends des produits à des prix incroyables.
05:13 Le saumon sera à 14 euros ce week-end, etc.
05:15 Et ça permet de faire que beaucoup de Français puissent s'alimenter avec quelque chose qui soit sain.
05:21 Vous avez, comme d'autres enseignes, équipé des produits comme la viande et le poisson
05:25 dont ils volent Thierry Cotillard ?
05:27 Alors, c'est arrivé, ce n'est pas une généralité, mais bien évidemment, c'est arrivé avec un phénomène
05:32 finalement nouveau. Le vol dans nos supermarchés portait surtout sur des produits non alimentaires.
05:37 On pense souvent aux lames de rasoir et c'était un trafic organisé.
05:40 C'était volé pour après revendre en parallèle. Aujourd'hui, ce n'est plus ça.
05:44 Ce sont nos propres consommateurs qui, en fin de mois, peuvent oublier un article dans le caddie.
05:50 Et là, il faut faire preuve de tact et de diplomatie pour lutter contre la démarque et ce qu'on appelle le vol.
05:56 C'est impossible de faire autrement que mettre des antivols.
05:58 C'est extrêmement choquant de voir des antivols sur de la viande ou du poisson, sur des produits frais.
06:02 C'est choquant. Maintenant, on sait que si on ne stoppe pas cette spirale-là,
06:06 ce seront les gens qui ne volent pas, qui paieront plus cher leurs produits.
06:09 Donc, ce sont des moyens utilisés. Vous avez aussi des renforts dans certains magasins de vigile.
06:14 C'est triste, mais c'est un sujet qu'on doit traiter. Sinon, les prix vont continuer d'augmenter.
06:18 Il y a eu des dépôts de plaintes de votre côté ?
06:21 En général, on évite les plaintes. Comme je vous le disais, je le décrivais,
06:25 on va le faire sur des trafics qui sont organisés lorsque ce sont des clients.
06:29 On est en proximité avec notre clientèle, donc on le gère différemment, évidemment.
06:33 Alors Thierry Cotillard, vous êtes donc le président du groupement Les Mousquetaires.
06:38 La situation qu'on vit aujourd'hui est la conséquence des hausses des prix de l'énergie
06:41 et de nombreuses matières premières agricoles il y a plusieurs mois.
06:44 Mais la donne a changé. Les prix du gaz, par exemple, ont baissé.
06:47 Idem pour le blé, l'huile végétale ou encore le café.
06:51 Le gouvernement a donc demandé aux industriels de renégocier avec vous
06:55 pour tenir compte de cette situation nouvelle.
06:57 Ceux qui les ont acceptés il y a deux jours, quand vont reprendre ces négociations ?
07:02 Et qu'en attendez-vous ?
07:03 Elles vont reprendre, je dirais, maintenant.
07:05 Parce qu'on avait envoyé des courriers avec une fin de non recevoir de l'ensemble des industriels.
07:09 Donc, on est très heureux que Bercy soit monté au créneau,
07:13 qu'il y ait un accord de réinviter 75 grandes multinationales.
07:18 Moi, je souligne le fait aujourd'hui que finalement elles reconnaissent implicitement que
07:23 leur tarif, comme on le dénonçait, est totalement inapproprié
07:26 par rapport au contexte macroéconomique et l'attente des Français.
07:29 Donc maintenant, quand on regarde...
07:31 Ils ne répercutent pas les baisses ?
07:32 Ils ne répercutaient pas les baisses.
07:33 C'est-à-dire que vous l'avez dit, il y a des matières premières comme le blé qui font -30%,
07:37 l'électricité coûte moins cher, le fret maritime.
07:39 Et donc, l'année dernière, on avait eu quatre hausses.
07:42 On était allé quatre fois à la négociation pour accepter cinq points de hausse en plus des trois qu'on avait eus en mars
07:47 et ça avait fait huit points d'inflation.
07:48 Donc, on avait dit qu'on veut la réversibilité, c'est-à-dire qu'à partir du moment où ça baisse,
07:52 il n'y a pas de raison que vous ne reveniez pas à la table de négociation.
07:55 Ce n'était pas gagné.
07:56 Merci Bercy d'avoir permis cette renégociation qui va débuter chez Intermarché,
08:01 mais chez Leclerc, chez tout le monde.
08:03 Par contre, on est un peu déçus des critères retenus parce qu'avec les deux critères,
08:07 sur les 75 que vous avez mentionnés, je pense que seule la moitié vont être invitées à revenir à la table des négociations.
08:13 Sans concerner les industriels qui ont connu, je cite, une baisse du coût de l'un de leurs intrants,
08:19 donc ce sont les produits nécessaires à la fabrication,
08:22 affectant le prix de production de plus de 20% depuis le 1er mars 2023
08:27 et qui ont obtenu plus de 10% de hausse de leur tarif lors des dernières négociations.
08:31 Donc, vous nous dites, sur les 75 grandes entreprises concernées, il n'y en a que la moitié ?
08:35 Il n'y en a que la moitié parce qu'en fait, je vais vous prendre un exemple très concret,
08:39 le blé a fortement baissé.
08:40 Donc, tous les fournisseurs de pâtes devraient revenir négocier
08:43 et il se trouve qu'on a un très gros fournisseur de pâtes, je ne vais pas le citer,
08:47 mais qui a eu 30% d'augmentation depuis deux ans,
08:51 sauf que sur les dernières négociations qui se sont finies en mars,
08:54 la hausse de tarif a été de 9%, il ne rentre pas dans le critère.
08:57 Donc, c'est bien dommage parce que s'il y avait bien un produit sur lequel on pouvait appliquer des hausses significatives,
09:02 c'était les pâtes.
09:03 Donc, vous voyez, c'est perfectif, mais on va positiver en se disant que la démarche est initiée.
09:08 Vous avez un exemple de groupe qui ne joue pas le jeu,
09:10 les prix des intrants ont fortement baissé et les prix sont les mêmes ou même ont augmenté ?
09:16 On va prendre les pâtes, on reste sur les pâtes parce qu'en fait,
09:20 si vous prenez la baisse, c'est 50 à 60%,
09:26 le blé représente 20% du prix des pâtes.
09:29 Mais vous ne voulez pas le nommer ?
09:30 On va en nommer plusieurs, comme ça, il n'y aura pas de jaloux.
09:33 C'est Panzani, c'est Barilla, et donc ces grandes multinationales freinaient.
09:37 Pourquoi ? Parce que vous avez bien compris,
09:39 une fois qu'elles avaient négocié, c'était l'aubaine pour restaurer des marges, avoir plus de profit,
09:44 et la priorité n'était pas évidemment le consommateur.
09:47 Donc, on est très heureux de pouvoir renégocier avec eux.
09:49 Vous espérez qu'elles baissent ?
09:51 C'est quoi l'objectif pour vous ?
09:52 Sur un dossier comme celui-là, lorsque le blé représente 20% du prix de revient des pâtes,
09:58 quand ça baisse de 60%, c'est très simple, on attend 12% de baisse.
10:02 60% / 12% ? Pourquoi pas plus ?
10:05 Parce qu'en fait, on est dans une analytique, c'est-à-dire que le blé qui baisse de 60%
10:10 représente 20% du prix total du produit.
10:13 Donc, on applique 20% sur 60%, ça fait 12. Voilà l'explication.
10:16 À quelle échéance ? Cela peut-il se traduire sur nos achats ?
10:19 Vous savez, la négociation, on n'obtient jamais ce qu'on a objectivé en un rendez-vous.
10:24 Donc, il va se passer 2-3 rendez-vous.
10:26 Les équipes vont commencer dès la semaine prochaine.
10:29 On va espérer qu'à mi-juin, dans un mois, les négociations aient donné des conclusions.
10:35 Et donc, puisque la question, c'est pour nos auditeurs,
10:37 ce sera visible en rayon début juillet pour les premiers dossiers
10:40 qui ont permis des négociations et donc des baisses.
10:42 Vous ne renégocierez qu'avec les grands groupes, pas avec les PME.
10:46 C'est une bonne chose, selon vous ?
10:48 Oui, c'est une bonne chose.
10:49 Je pense que c'est une bonne chose.
10:51 Et précisons, puisque c'est un échange qu'on a eu avec Bruno Le Maire.
10:54 On a été, nous-mêmes les distributeurs, force de proposition
10:59 pour écarter du spectre des renégociations
11:02 les industriels qui travaillent fortement avec le monde agricole.
11:06 Donc, on a exclu, par exemple, les produits laitiers.
11:09 Des très grands groupes comme Lactalis,
11:12 Saventia, des gens qui font du lait, du fromage,
11:14 ne seront pas renégociés.
11:16 Simplement parce qu'on a la crainte que ce soit,
11:19 finalement, après, une pression sur le monde agricole
11:21 et une baisse pour le prix du lait. Donc, on a évité ça.
11:24 Vous évoquez le lait Thierry Cotillard.
11:27 Jacques, précisément, veut parler de ce sujet.
11:30 Il nous a appelé au Standard de France Inter, d'Arras.
11:32 Bonjour Jacques.
11:33 Oui, bonjour France Inter. Merci de prendre ma question.
11:36 Bonjour à votre interlocuteur.
11:38 Donc, depuis février 2022, le litre de lait que j'achète
11:42 toujours dans mon supermarché habituel a augmenté de 30 centimes.
11:47 Soit une hausse en pourcentage de 35%.
11:50 Et dans ma famille, j'ai mon neveu qui est paysan
11:53 et qui vend toujours son litre de lait au même prix
11:56 depuis plus d'un an.
11:58 Donc, en fait, les pigeons de l'affaire,
12:01 ce sont les consommateurs qui se font plumer et les producteurs.
12:05 Donc, je voudrais savoir où passent ces 30 centimes de hausse,
12:11 qui sont les profiteurs de guerre ou qui sont les profiteurs de crise ?
12:15 Merci.
12:15 Merci à vous, Jacques, pour cette question.
12:18 Thierry Cotillard vous répond.
12:19 Alors, nous, en fait, je vais vous répondre.
12:22 Je ne connais pas à préciser.
12:23 Sur le constat, vous êtes raccord avec Jacques ?
12:25 Non, parce que, alors non, sur le constat,
12:27 j'entends que s'il nous le dit, ça doit être une réalité.
12:30 Par contre, en fait...
12:31 Producteur qui vend son litre le même temps ?
12:34 Non, il a augmenté, en fait.
12:35 Vous nous dites, les producteurs de lait, ils touchent plus d'argent aujourd'hui ?
12:38 En fait, ça dépend des...
12:39 Je suis allé au sein de l'agriculture, donc j'ai rencontré le syndicat du lait.
12:42 Il m'a confirmé que depuis un an, les prix avaient augmenté à juste titre
12:45 chez le producteur parce que le SMIC coûte plus cher,
12:49 parce qu'évidemment, le fourrage coûte plus cher, l'électricité.
12:52 Donc, ça a augmenté.
12:53 Donc, je ne sais pas à qui...
12:53 Peut-être pas de 35% comme a constaté Jacques sur son litre ?
12:55 Dans cette proportion, c'est sûr que non.
12:56 Alors, où va l'argent ?
12:57 C'est sûr que non.
12:58 L'argent, c'est ce qu'on a mis en avant.
13:00 C'est-à-dire, on pense qu'il y a eu un effet d'aubaine de certains industriels
13:03 qui ont profité, je dirais, de l'inflation pour restaurer leurs marges.
13:06 Là, je ne sais pas à quel coopérative agricole ou à quel industriel...
13:10 Va le lait du neveu, Jacques ?
13:11 Va le lait du neveu.
13:12 Mais la réalité, c'est que nous, on a notre laiterie.
13:15 Donc, on a une OP de producteurs de lait avec lequel on a des négociations.
13:20 Vous, vous achetez du lait en direct ?
13:21 On achète du lait en direct.
13:22 Et bien évidemment, par rapport à il y a 18 mois, on n'achète pas du tout au même prix.
13:25 Ça a augmenté.
13:26 Dans une proportion où nous, on croit dans un modèle qu'on a copié,
13:31 puisqu'il y a eu Séquille Parton qui a été le premier à le faire.
13:34 On montre la transparence en disant, l'agriculteur, il a 40 ou 50 centimes du lait.
13:40 L'industriel, il attend.
13:41 Et le distributeur a le complément de marge.
13:44 Et donc, on a lancé, les agriculteurs vous disent merci,
13:48 qui est une gamme où on a cette transparence et qui permet de répondre à ce type d'interrogation.
13:53 Je reviens aux négociations Thierry Cotillard.
13:56 Est-ce qu'à la lumière de cet épisode, on n'a que trois mois en France pour négocier chaque année.
14:02 Là, il y a une exception qui est faite cette année.
14:04 Est-ce que vous vous dites, il faudrait pouvoir négocier toute l'année cette réglementation française,
14:08 qui est, je crois, unique en Europe ?
14:09 Il faut la revoir.
14:10 Oui, il faut la revoir.
14:11 Là, on est au bout d'un système.
14:13 C'est une exception franco-française.
14:16 On peut renégocier sur les marques de distributeurs tout au long de l'année.
14:20 Et nous, on demande, d'autres distributeurs l'ont dit également,
14:23 on demande à ce que ces négociations puissent avoir lieu au long cours, tout au long de l'année.
14:27 A la fois à la hausse, si c'est nécessaire pour les producteurs,
14:30 et à la fois à la baisse, comme c'est le cas aujourd'hui, pour que ça profite aux consommateurs.
14:33 Nous parlions des produits frais.
14:34 Il y a un instant, Geneviève nous appelle de Haute-Savoie.
14:37 Bonjour Geneviève.
14:38 Oui, bonjour.
14:39 Bonjour à vous.
14:40 En fait, je suis vraiment surprise, et je pose la question à monsieur,
14:47 qu'Intermarché, une enseigne aussi importante, ne participe pas à l'effort écologique.
14:53 Et je veux notamment parler des sacs en plastique qui sont à disposition à Tire Larigo,
15:00 pour une banane, pour une pomme, pour le fromage à la coupe, etc.
15:06 Donc c'est très très difficile de repartir avec un morceau de fromage à la main comme ça,
15:10 bien sûr, emballé dans du papier, sans qu'on y rajoute un sac en plastique.
15:17 Et voilà, et donc moi je les signalais très très souvent,
15:21 et on me répond que la direction ne veut pas parce que c'est trop cher.
15:25 Voilà, donc je voudrais savoir pourquoi.
15:28 Eh bien Thierry Cotillard vous répond, moins de plastique dans vos magasins.
15:32 Alors c'est une trajectoire qu'on a prise,
15:34 c'est-à-dire qu'on a cette conscience écologique en tant que distributeur de faire bouger les lignes,
15:40 notamment par exemple sur nos produits fabriqués en usine,
15:43 on consomme moins de plastique que par le passé.
15:45 Après il y a une praticité qu'il est difficile aussi d'ôter,
15:48 c'est-à-dire Madame est sensible à l'écologie,
15:50 et elle souhaite évidemment qu'on aille vers du vrac,
15:53 c'est des familles de produits qu'on est en train de développer.
15:56 Mais vous avez aussi des consommateurs qui ne sont pas encore totalement mûrs sur le sujet,
15:59 donc c'est un juste équilibre entre les attentes de certains versus les attentes des autres.
16:05 Et vous ne pouvez pas aller un tout petit peu plus vite ?
16:06 Vous connaissez le ton, vous avez raison.
16:07 Évangéliser si je puis dire, je ne sais pas si c'est le bon mot, mais les consommateurs.
16:12 Sur le plastique, sur le fromage par exemple, il y a sans doute des solutions alternatives.
16:15 Il y a des solutions alternatives sur beaucoup de nos lignes de produits,
16:18 on est en train de passer en carton, on est en train de passer sur du papier,
16:21 mais c'est pareil, ça consomme de la matière première.
16:25 En tout cas les équipes qui produisent nos marques propres sont sur ce sujet,
16:28 et je peux vous assurer que dans les mois et les années qui viennent,
16:32 on sera beaucoup moins consommateurs de tous ces plastiques.
16:35 La question de Geneviève est la protection de l'environnement.
16:38 Est-ce qu'à plus long terme, il faut craindre les conséquences du réchauffement climatique sur les prix ?
16:42 On a eu beaucoup d'exemples ces derniers mois.
16:44 Dôme de chaleur sur le Canada, flambée des cours du blé dur,
16:48 des épisodes de mousson en Inde et au Pakistan, le cours du riz qui s'envole,
16:51 la sécheresse en Espagne, le prix de l'huile d'olive,
16:55 l'Italie du Nord touchée, qui est également en grande productrice en ce moment,
16:58 touchée par des inondations.
16:59 Est-ce que vous anticipez une inflation forte à long terme sur les prix des produits alimentaires ?
17:05 Alors ça met en avant deux choses.
17:07 On l'a un peu découvert, mais le plus bel exemple, ça a été la pénurie de moutarde.
17:10 Ou du jour au lendemain, par une sécheresse qu'il y a eu au Canada,
17:13 on n'a plus de graines et on n'a donc plus de moutarde.
17:15 Il faut s'habituer bien évidemment à ce sujet climatique qui va avoir deux impacts.
17:20 C'est la raréfaction de certaines matières premières et donc la disparition dans les rayons de certains produits.
17:26 Et vous le dites, oui, lorsque à un moment le marché se trouve asséché d'une partie de la quantité,
17:31 c'est un marché d'offres et de demandes.
17:33 Donc lorsque l'Espagne va produire moins,
17:36 ce sont des prix qui vont être plus importants à l'achat et donc à la vente
17:39 et les étiquettes vont encore augmenter.
17:40 Donc c'est un vrai sujet important qui aura des conséquences sur la consommation.
17:45 Donc voilà, au-delà même des négociations actuelles,
17:48 dans les prochaines années, si on regarde un petit peu plus loin,
17:50 le réchauffement de la planète, il va avoir un impact sur nos portefeuilles ?
17:54 Il va avoir un impact sur le portefeuille.
17:56 C'est pour ça qu'on est aussi tous en mouvement pour, je dirais,
18:00 lutter ou améliorer nos conditions d'exploitation pour moins consommer.
18:03 Il y a eu le plan de sobriété énergétique, vous le savez,
18:05 où on consomme 20% de moins sur les trois prochaines années d'électricité.
18:11 Et puis, bien évidemment, on a cette conscience que l'écologie sera au cœur de la consommation demain.
18:18 On a parlé tout à l'heure avec notre auditeur des marges sur le lait.
18:22 J'ai une question à vous poser sur les marges des fruits et légumes.
18:26 Fin avril, la Fédération professionnelle des producteurs français de légumes
18:29 dénonçait l'application de marges, les cites abusives par les distributeurs,
18:32 particulièrement sur les tomates, les concombres et les fraises,
18:35 sur les tomates en grappe française.
18:37 Deuxième semaine d'avril, la marge brute 1,64 euros,
18:41 c'est un taux de marge de 73% contre une moyenne de 55% sur les trois dernières années.
18:46 C'est beaucoup Thierry Cotillard ?
18:48 C'est beaucoup et ce n'est pas la réalité.
18:51 Vous l'avez sur certaines lignes de produits.
18:53 Et lorsqu'on arrive à ces montants-là...
18:55 Sur les relevés de France Agrimaire.
18:57 Quand on arrive à ces niveaux-là, c'est parce que souvent,
18:59 vous savez, notre métier, c'est un métier de péréquation.
19:01 C'est-à-dire, en fait, on s'est mis à la bulle, on s'est mis à zéro sur beaucoup de produits.
19:06 Notre enseigne l'a fait tous les week-ends.
19:08 Des concurrents l'ont aussi pratiqué.
19:10 Et lorsque vous mettez à zéro de marge sur certains produits,
19:13 vous n'avez pas le choix que d'augmenter la marge sur d'autres produits.
19:16 La moyenne d'un rayon en supermarché, c'est 25% de marge.
19:19 Et bien évidemment, ça n'est pas le résultat,
19:21 puisqu'après, vous avez les salaires à payer, vous avez l'électricité.
19:25 Et le résultat au global, c'est 2 à 3%.
19:27 - Donc ce que vous me dites, c'est qu'il est possible qu'il y ait eu cette marge de 73%
19:29 sur des fraises, des concombres et des tomates,
19:31 parce qu'il y avait une marge moindre sur d'autres fruits et légumes ?
19:33 - Parce que l'asperge était peut-être à zéro.
19:34 C'est en tout cas la politique qu'Intermarché a fait.
19:36 On a tendu la main au monde agricole.
19:38 On a eu des problèmes, rappelez-vous, il n'y a pas très longtemps sur la pomme.
19:41 Donc tous les week-ends, on s'inquiète de savoir quelle surproduction on a en France.
19:47 On la met en pratiquant une politique à zéro pour dégager un maximum de volume,
19:51 en payant le juste prix au producteur.
19:53 Et la conséquence de ça, c'est qu'évidemment,
19:55 il y a quelques produits qui augmentent en marge en parallèle.
19:58 - Pour éviter les hausses de prix, Emmanuel Macron a confirmé lundi
20:01 la prolongation du bouclier anti-inflation.
20:04 Après le 15 juin, les supermarchés s'engagent à vendre une sélection de produits
20:07 au prix le plus bas possible.
20:09 Ça, c'est la formule, ça vous laisse quand même une certaine marge de manœuvre.
20:12 Est-ce que ça fonctionne ?
20:14 - Ça a vraiment marché, puisque nous, on avait fait le choix d'avoir un panier très large,
20:17 500 produits.
20:19 On avait pris l'engagement d'être le moins cher et c'est le cas.
20:21 Sur ces produits, on a fait 33% de volume en plus.
20:25 Et c'est 70% des clients qui achètent des produits issus du panier anti-inflation.
20:30 Et lorsqu'ils en achètent, c'est un produit sur cinq.
20:32 Donc c'est un vrai succès.
20:33 On a aussi nos collègues du bricolage, de la mobilité,
20:35 qui ont mis en place des plans d'action commerciales dans cette logique.
20:39 Et c'est un succès.
20:40 En tout cas, ça répond à l'attente des Français.
20:42 C'est pour ça qu'on a recruté 300.000 nouveaux consommateurs.
20:44 - Julien nous appelle de Versailles.
20:46 Précisément, Julien, je crois, a une question sur ce panier anti-inflation.
20:49 Bonjour Julien.
20:50 - Oui, bonjour.
20:52 En particulier, je suis très interpellé, parce qu'il y a des grosses affiches sur les magasins,
20:57 comme quoi il y a 500 produits anti-inflation.
21:00 Et en l'occurrence, moi, je travaille à Kissy.
21:02 Et dans l'intermarché de Kissy, il y a environ 50 produits maximum qui sont présents.
21:08 Et en plus, la plupart du temps, ils sont très vite en rupture de stock,
21:12 puisque effectivement, tout le monde les prend.
21:14 Donc il y a une grosse différence entre l'effet d'annonce de l'affiche de 500 produits
21:18 et ce qu'il y a réellement en magasin.
21:19 - Merci Julien pour cette question.
21:21 J'ajoute l'interpellation de Christine sur franceinter.fr.
21:24 Je la cite.
21:24 "Nous constatons que les produits anti-inflation sont régulièrement absents de vos rayons.
21:28 Les étiquettes présentent, mais les produits sont absents."
21:31 - Alors, la réponse, je remets ma casquette d'exploitant.
21:33 Vous l'avez dit.
21:34 - Parce que là, c'est pas très loin de chez vous, je crois, dans les Yvelines en plus.
21:36 - C'est pas très très loin.
21:37 J'ai trois points de vente.
21:38 Je peux vous assurer, en fait, que les 500 produits,
21:41 ils sont bien sûr commandés par les points de vente.
21:44 Et alors là, le défaut à Clichy, c'est certainement de ne pas les baliser.
21:47 Mais en tout cas, dans...
21:48 - Ça veut dire quoi, pas les baliser ?
21:49 - De ne pas avoir mis la petite étiquette qui indique que le produit est anti-inflation.
21:53 Mais je peux vous assurer, on a une telle pression du gouvernement
21:55 qui va nous mettre des amendes s'il y a un écart entre la publicité et la réalité,
21:58 qu'on jouerait pas à ce jeu-là.
21:59 Donc peut-être que Clichy a oublié de mettre les étiquettes,
22:02 mais allez dans les deux autres mille points de vente en France,
22:05 je peux vous assurer que vous les verrez, ces 500 produits.
22:07 - Il y en a 500 en permanence dans tous les magasins intermarchés de France.
22:11 - La réalité, c'est que vous allez peut-être en avoir 470 ou 460 à un instant T.
22:16 Pourquoi ?
22:16 Parce qu'il y a un tel succès sur ces produits-là qu'on a un problème d'approvisionnement
22:20 et que même nos usines ont du mal à produire les volumes.
22:23 Donc les ruptures sont liées au succès commercial.
22:25 Mais en tout cas, je peux vous assurer,
22:27 allez dans vos intermarchés et vous verrez bien qu'on a 500 produits anti-inflation
22:30 toutes les semaines et tous les week-ends.
22:32 - En tout cas, on a beaucoup de messages qui vont dans ce sens-là.
22:36 Sur les chiffres, il y a eu une bataille de chiffres ces derniers jours
22:39 sur la baisse des prix ou pas.
22:40 Le gouvernement nous dit que le prix des produits du trimestre anti-inflation
22:44 a baissé de 13%.
22:46 L'UFC Que Choisir de son côté a fait un relevé entre le 23 mars et le 10 mai
22:50 pour 5 enseignes dont la vôtre.
22:52 Là, c'est +1,5% pour les prix en moyenne.
22:55 1,5% précisément dans vos magasins, Thierry Cotillard, qui a raison.
22:59 - Alors, écoutez, c'est très simple, c'est une polémique qui n'avait pas lieu d'être
23:02 puisque la méthode, elle est tronquée.
23:04 Et j'assume totalement, la méthode est tronquée, les chiffres sont faux,
23:07 puisque le relevé...
23:08 - Lesquels ? Ceux du gouvernement ou ceux de Que Choisir ?
23:10 - Non, non, non, de Que Choisir.
23:11 Le relevé de prix a été effectué le 23 mars.
23:15 Or, la campagne a été lancée le 15 mars.
23:17 Ça veut donc dire qu'effectivement, lorsqu'on a fait les baisses,
23:21 on les a faits avant le relevé, donc c'est normal qu'ils constatent
23:24 que les prix n'ont plutôt pas bougé.
23:27 - Donc entre le 23 mars et le 10 mai, les prix ont légèrement augmenté ?
23:30 - Ont légèrement augmenté, mais ils avaient été baissés de 10% avant.
23:34 Donc en fait, ils restent évidemment en gommage de l'inflation qui était de 9%.
23:40 Donc en fait, le problème c'est un problème de méthode de Que Choisir.
23:44 Le gouvernement d'ailleurs a répondu, et nous la réalité,
23:47 on sait que sur l'ensemble de ces 500 produits, on a baissé de 8%.
23:51 Et donc c'est l'engagement qu'on a pris et qu'on a respecté.
23:53 - Je l'ai dit, Thierry Cotillard, le groupement Les Mousquetaires,
23:55 c'est aussi la première flotte de pêche française sur ce sujet.
23:59 Question de Pierre de Senon. Bonjour à vous Pierre.
24:02 - Bonjour. Voilà, comme a dit M. Cotillard,
24:07 l'intermarché a la plus grande flotte de pêche française,
24:13 qui malheureusement est pour une très grande partie
24:19 une pêche en grand fond,
24:23 avec des destructions de la faune
24:26 dans des endroits où elle est très longue à se reconstituer.
24:31 Est-ce qu'intermarché compte évoluer dans les pratiques de pêche ?
24:39 - Merci à vous Pierre pour cette question. Thierry Cotillard vous répond.
24:43 - Pierre n'a peut-être pas l'information, mais en fait le problème a été soulevé il y a maintenant 5 ans.
24:48 On avait été montré du doigt, à juste titre,
24:51 je l'assume par une association, notamment l'association Blum.
24:55 Et depuis, il y a eu un travail incroyable avec les scientifiques.
24:59 On a été le premier à annoncer, il y a 4 ans et demi,
25:01 qu'on arrêtait les pêches en grand fond. Donc en fait ce sujet a été traité.
25:05 J'invite Pierre à se renseigner et à vérifier que
25:08 aujourd'hui la pratique d'intermarché est une pratique de pêche beaucoup plus responsable
25:11 que la plupart des acteurs du secteur, qui nous ont d'ailleurs à l'époque...
25:14 - Et l'engagement il tient à partir de quelle année Thierry Cotillard ?
25:16 - Il remonte à il y a 4 ans, c'était en 2018.
25:18 - C'est déjà effectif ? - Bien sûr, c'est effectif.
25:20 Donc je pense que Pierre a loupé un épisode puisque
25:22 à l'époque on a même été décrié par la profession en disant
25:25 "si Intermarché le fait, on va tous être obligés de le faire".
25:27 Et ça nous embête et aujourd'hui les pratiques sont beaucoup plus responsables qu'il y a 5 ans.
25:31 - Merci à vous Thierry Cotillard, président du groupement Les Mousquetaires,
25:34 invité du grand entretien de France Inter ce matin. Excellente journée à vous.