• il y a 3 mois
Ce mercredi matin, Nicolas Demorand et ses invités reviennent sur le débat qui a opposé les deux candidats à l'élection présidentielle américaine hier soir, à 21h heure locale, cette nuit heure française.

Retrouvez le débat du 7/10 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-debat-du-7-10

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Transcription
00:00France Inter, Léa Salamé, Nicolas Demorand, le 7-10.
00:06Beaucoup de décibels à ce micro hier matin dans le débat qui opposait frontalement les
00:11deux représentants des partis républicains et démocrates en France.
00:16Le sujet, c'était le duel Trump-Harris à la télévision qui s'est donc déroulé
00:22cette nuit.
00:23Une heure et demie sous tension, une Kamala Harris à l'offensive, un Trump bousculé
00:29au visage de plus en plus fermé au fil du débat.
00:33Alors, analyse de ce temps fort de la présidentielle américaine et de ses effets éventuels avec
00:39Célia Belin, directrice du think-tank ECFR et spécialiste des Etats-Unis.
00:47Thomas Négaroff, historien journaliste, votre podcast « Etats-Unis, anatomie d'une démocratie »
00:56est en ligne.
00:57Il est disponible sur l'application Radio France et votre nouveau livre « Dans l'intimité
01:03des présidents américains » paraîtra le 19 septembre aux éditions Talendier.
01:09Alors, on a pu revivre les temps forts de ce débat entre Kamala Harris et Donald Trump
01:16tout au long de la matinée dans les différents journaux de la rédaction.
01:20Trump, bête médiatique, allait-il bousculer Harris ? C'était l'une des questions
01:25avant le débat.
01:26Harris tiendrait-elle la rampe sur le fond et la forme ? Ça s'en était une autre.
01:31Qui sort vainqueur ce matin ? Je vous pose la question Célia Belin.
01:37De l'avis unanime de tous les commentateurs, c'est Kamala Harris parce qu'on n'en
01:42attendait peut-être pas grand-chose.
01:45C'est-à-dire qu'il fallait qu'elle tienne la barre et notamment en comparaison avec
01:49le débat du mois de juin.
01:51Cela dit, Kamala Harris a eu quand même beaucoup de mal à se chauffer.
01:54La première partie du débat où Donald Trump était focalisé sur les questions économiques,
02:00même à certains titres sur les droits reproductifs, il avait en tout cas préparé certaines
02:05de ses réponses et faisait passer son message.
02:07En revanche, au fur et à mesure du débat, ce qu'on a vu, c'est une Kamala Harris
02:11qui peut-être se chauffait, qui sur les questions de politique étrangère se montrait
02:17plus présente et qui a fait ressortir les travers de la personnalité de Donald Trump
02:27complètement excessives, outrancières, mensongères.
02:32Et puis, il est rentré dans à peu près tous ses pièges.
02:34C'est là où Kamala Harris a réussi à l'emporter quelque part.
02:40Et puis aussi parce qu'elle a réussi à faire ce qui était sa mission numéro un,
02:46c'est-à-dire parler à sa base, parler aux partis démocrates, non pas aux indécis.
02:50Parce que ce qu'il lui fallait, c'est convaincre qu'elle avait été le bon choix.
02:55En passant de Joe Biden à Kamala Harris, les démocrates aujourd'hui sont confiants,
02:59ce serait elle la candidate.
03:00Parler à sa base, c'est un point important, on va y revenir.
03:03Votre lecture de ce débat, Thomas ?
03:06Oui, parce qu'il faut toujours rappeler qu'on a l'impression que quand c'est un débat,
03:09c'est deux personnes qui parlent l'une à l'autre.
03:10En vrai, pas du tout.
03:11Aucune ne parle à l'autre.
03:12On ne parle pas non plus à tous les Américains.
03:14On parle à un électorat en particulier, celui qui est ciblé.
03:17Et quand j'écoutais cette nuit Kamala Harris au petit matin, j'entendais quelqu'un
03:22qui avait des accents de Bill Clinton plutôt que de Barack Obama, quelqu'un qui a d'ailleurs
03:27employé le titre d'un des livres de Clinton avant sa victoire de 92, un livre co-écrit
03:32avec Al Gore, son colistier, « Put people first », « Mettre le peuple en premier »,
03:36et c'était vraiment l'enjeu pour elle.
03:38Avant le débat, j'avais vu un sondage intéressant, une enquête qui racontait que 7% des Américains
03:42savent qui est Trump, ne veulent pas en savoir plus.
03:4428% des Américains voulaient en savoir plus sur Harris pour se déterminer.
03:47Et c'est à mon avis à cette zone-là qu'on doit savoir si elle a ou pas réussi sa mission.
03:51Elle a beaucoup parlé d'elle-même, d'où elle venait, de la classe moyenne et de ce
03:56qu'elle voulait faire.
03:57Et je pense que si elle a réussi à faire ça, on n'en sait rien encore, elle aura
04:00au moins amené autour d'elle des gens qui ne l'avaient pas vu.
04:02Voilà, parce que la question était de savoir qui est-elle, qui est-elle vraiment, que veut-elle.
04:08Et la stratégie du côté Trump était d'empêcher justement ce dévoilement.
04:15Est-ce qu'elle est parvenue selon vous, Celia Belin, est-ce qu'elle est parvenue
04:20tout de même à mieux se décrire auprès, alors là pour le coup, au-delà des démocrates,
04:26auprès du peuple américain ?
04:27Je ne sais pas si elle s'est particulièrement bien définie elle-même.
04:31En tout cas, Donald Trump cherchait à lui faire un procès en incompétence.
04:35C'était ça le message.
04:37Joe Biden était incompétent elle-même, il était faible elle-même également.
04:41Et continuer à lui coller cette image d'échec, il n'a pas particulièrement bien réussi.
04:47Et en revanche, elle, elle devait coller à Donald Trump l'image de le candidat du chaos.
04:53Et ça, c'est réussi quand il est parti dans ces saillies complètement excessives
04:59sur, par exemple, les migrants qui mangent des animaux domestiques dans l'Ohio.
05:05Basé sur des théories du complot qui circulent sur internet.
05:09Mais aussi le candidat du passé, quelqu'un qui a fait son temps et qui ne comprend pas
05:14l'Amérique telle qu'elle est et surtout qui ressasse toujours les mêmes histoires.
05:19Ça, je pense qu'elle a réussi.
05:20Quant à se présenter au grand public, ça reste encore un enjeu et je pense que malgré
05:26le débat, il y aura encore beaucoup d'interrogations.
05:29Et donc ce qu'il fallait réellement, c'est parler à sa base pour que ce soit sa base
05:32qui aille faire du porte-à-porte et sorte un par un tous ses électeurs et ça, je
05:37pense qu'elle a réussi.
05:38Thomas Négaroff.
05:39Pour moi, la faiblesse des deux, et ça m'a sauté aux yeux cette nuit, c'est l'un,
05:43ce qui devait être la force des deux, c'est-à-dire que la faiblesse de Trump, c'est de raconter
05:46un passé mythifié.
05:47Quand il était en 2016 et qu'il dit « Make America Great Again », moi j'avais demandé
05:51aux Américains dans la rue, à Washington, c'est quand est-ce que c'était grand l'Amérique ?
05:54Personne ne pouvait répondre.
05:55C'était quelque chose de complètement mythifié.
05:57Aujourd'hui, quand il dit ça, on pense à son mandat.
06:00Et donc, il a beaucoup plus de mal à penser à un passé qui est formidable et donc on
06:03lui balance son bilan.
06:04Et donc là, c'est de sa difficulté.
06:06Or, c'est une campagne nostalgique pour lui, c'était mieux avant, on va essayer
06:09de le refaire demain.
06:10Et du côté de Harris, elle, son truc, c'est demain et on a du mal à voir c'est quoi
06:15demain avec elle.
06:16Parce qu'elle est aussi enquistée par son présent qui est vice-président des États-Unis.
06:20Et donc, c'est super intéressant que chacun veut voir un avenir lointain extraordinaire
06:24et un passé lointain extraordinaire et chacun est enquisté dans son présent.
06:27Et ça sera un des enjeux de la campagne, à mon avis, c'est de dresser un avenir
06:31souhaitable ou un passé mythifié.
06:34Comment vous parliez de cette fake news sur les migrants qui mangent des chiens et des
06:38chats dans une ville de l'Ohio ?
06:40Et puis les gouverneurs démocrates qui peuvent faire exécuter des nourrissons, donc ça
06:47c'est l'avortement après neuf mois, donc l'enfant est né et peut-être exécuté.
06:53Comment est-ce reçu par le public américain ce genre de choses selon vous ?
06:58Sur ces sujets-là, Donald Trump également parle à sa base.
07:01Il y a quand même une partie des Américains qui est nourrie de ces fake news, qui y croient
07:07et qui du coup, et non pas besoin qu'elles soient entièrement vraies, c'est une impression,
07:11c'est une sensation.
07:12C'est l'impression qu'en effet, il y a des abus sur ces lois tout à fait permissives
07:19en faveur de l'avortement dans certains États américains.
07:22Et comme il n'y a pas de grandes lois fédérales, ils peuvent s'y accrocher.
07:25Ou alors cette peur des migrants qui traversent la frontière.
07:29Et je pense que ça, on l'a retrouvé par exemple sur les questions de politique étrangère.
07:32Quand Donald Trump dit finalement ce sont un président faible et une vice-présidente
07:39faible parce qu'il y a ces deux guerres et qu'ils ont laissé faire n'importe quoi.
07:42Ou que les Européens, et ça je pense que les Européens, il fallait qu'ils l'entendent,
07:48nous volent et on doit les forcer à contribuer davantage.
07:51Ça n'a pas besoin d'être basé sur des faits, parce qu'en réalité les chiffres
07:55qu'il a avancés sont faux.
07:56Mais ce sont des impressions et ce renforcement de ces impressions, c'est là où Donald
08:02Trump n'a pas totalement échoué.
08:04Il a parlé à sa base et sa base ressent les mêmes émotions négatives que lui.
08:08Un mot sur le sujet, Thomas Snégarov, et ensuite on passe au lourd.
08:12Oui, un peu de léger encore, mais ce qui est frappant, et même dans la forme, c'est
08:16que les micros étaient coupés, ils ne pouvaient pas réagir l'un l'autre.
08:18Et ça renforçait, je trouve, cette impression de réalité parallèle.
08:21Chacun était dans sa réalité, ne pouvant pas, voilà, coincer dans son demi-écran.
08:27Et d'ailleurs, Trump n'a jamais regardé Kamala Harris, il est dans sa réalité.
08:32Et les gens qui le suivent sont dans leur réalité.
08:34Et l'un des enjeux, c'est dans quelle réalité les Américains peuvent vivre.
08:38Alors le lourd, c'est Taylor Swift qui a annoncé après le débat, je ne m'y attendais
08:42pas là, qu'elle voterait pour Kamala Harris.
08:44Je ne sais pas ce que disent l'histoire et les sciences politiques d'un soutien
08:49de ce type.
08:50Est-ce que ça peut être déterminant ? En tout cas, les démocrates l'attendaient,
08:55ce soutien Célia Belin.
08:56Oui, en tout cas, mes amis américains, ce matin, disaient « ça y est, c'est plié ! ».
09:00L'élection est finie ! Vos amis démocrates !
09:03Exactement ! Donc, ça n'est pas vrai, en réalité, ça ne suffira pas, ça n'a
09:08jamais suffi le soutien d'une célébrité.
09:12En revanche, ça vient à points nommés, c'est-à-dire que c'est une manière de
09:17valider l'idée que Kamala Harris a réussi son débat, ou en tout cas, ne l'a pas raté,
09:23comme Joe Biden avait pu le rater en juin.
09:24C'est ça qui est important, parce qu'encore une fois, c'est une élection qui se joue,
09:29qui est très très serrée, qui va se jouer à la mobilisation, et la mobilisation des
09:33troupes sur le terrain qui vont aller chercher chacun des électeurs dans ces fameux états
09:38bascules où il faut convaincre au minimum d'aller voter.
09:41Dans une Amérique dont on sait qu'il y a 20% des Américains qui détestent les deux
09:47candidats, alors ça, c'était à l'époque de Joe Biden, ça a un petit peu changé,
09:51mais il continue d'être écœuré par la politique.
09:53Ces gens-là, il faut aller les chercher, il faut les convaincre d'aller voter.
09:56Et Taylor Swift peut-être un motif pour s'inscrire sur les listes électorales.
10:01Au minimum, auprès des jeunes, c'est un motif pour dire « mobilisez-vous ».
10:05Thomas Snigrof ?
10:06Et Taylor Swift, contrairement à Lebron James, par exemple, qui avait appuyé la campagne
10:10de Hillary Clinton, qui disait « ça y est, ça va tout changer », elle parle à un électorat
10:13blanc, Taylor Swift, ce qu'on appelle le « petit peuple blanc », je n'aime pas
10:17le dire, ça peut être un peu péjoratif, mais c'est comme Tim Walz, il y a un choix
10:22clair, je crois, dans la campagne de Kamala Harris, en allant chercher son colistier,
10:28en allant chercher ses partisans, ses soutiens, d'aller parler à une Amérique auxquelles
10:31les démocrates avaient cessé de parler, auquel Clinton parlait dans les années 90,
10:37et cette Amérique, sur des questions sociétales, avait privilégié ces questions-là, et elle
10:42revient sur des questions plus sociales, elle a énormément parlé de l'inflation, du
10:46prix, et elle a même dit des choses que les démocrates ne disaient plus, « je suis
10:50pour la fracturation hydraulique », c'est-à-dire, c'est des choses, chez les démocrates,
10:54on n'ose pas le dire, mais elle dit « si, parce que c'est important pour le pouvoir
10:56d'achat des Américains ». Elle revient à un discours plus social du côté du Parti
10:59démocrate.
11:00Double question, il ne faut jamais faire ça à la radio, Kamala Harris a-t-elle des
11:04réserves de voix ? Et deuxième question, êtes-vous étonnée par la solidité du socle
11:10électoral de Donald Trump ? Célia Belin.
11:12Elle a des réserves de voix dans ces démocrates qui ne votent pas, donc à la fois les jeunes,
11:18souvent les minorités, tous ces gens qui étaient finalement désengagés et qui peuvent
11:24revenir, et du coup j'ai oublié la deuxième question.
11:26Voilà, c'est pour ça qu'il ne faut pas le faire ! La solidité du socle électoral
11:31de Donald Trump ? Extrêmement solide, totalement, impossible à fracasser, simplement il est
11:40minoritaire, donc il est à 44% d'intention, il a peut-être 30% d'absolu solide et puis
11:46il monte jusqu'à 44% de gens qui vont voter pour lui, simplement il lui manque ces quelques
11:51points un peu partout, c'est ça qu'il doit aller chercher, c'est ça qu'il devait
11:55mobiliser, pour le moment il n'est pas en train de faire la… Enfin, ils sont au coude
11:58à coude, je ne dirais pas qu'elle a pris la tête, mais là, elle est dans le jeu,
12:02ils sont au coude à coude.
12:03Thomas Snégar, mais il faut toujours rappeler qu'entre 2016 et 2020, il a gagné 8 millions
12:09d'électeurs, alors qu'on disait en 2016 « il est au max », etc.
12:11Non, il y a quand même une capacité à aller chercher des gens qui ont peur, qui quand
12:15il dit « marxiste », l'autre répond « fasciste », voilà l'état de la démocratie
12:19américaine aujourd'hui, et ça, ça bien sûr polarise les camps, et ça peut amener
12:23des gens qui ont peur d'être inquiets par cette élection d'une marxiste à la Maison-Blanche
12:28qui veut prendre vos armes et tuer vos bébés à 9 mois, c'est un discours qui semble
12:32chez nous, peuple rationnel complètement délirant, mais qui aux Etats-Unis a une assise
12:37très profonde.
12:38Oui, mais elle a eu un discours très centriste pour le coup, pour justement contredire cette
12:42idée qu'elle serait une marxiste.
12:44Ça sera l'enjeu.
12:45Merci à tous les deux, Thomas Snegaroff, votre podcast en ligne aujourd'hui, « Etats-Unis,
12:51anatomie d'une démocratie », dans l'intimité des présidents américains le 19 septembre
12:56aux éditions Talendiers, merci Célia Belin du Think Tank ECFR que vous dirigez, spécialiste
13:04des Etats-Unis, on l'a entendu évidemment.

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