• il y a 9 mois

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00:00 6h39, les matins de France Culture, Guillaume Erner.
00:06 Bonjour Marguerite Caton.
00:07 Bonjour Guillaume, bonjour à tous.
00:09 Vous revenez sur la lutte contre les violences sexuelles faites aux enfants.
00:13 Oui, c'était il y a 3 ans, en janvier 2021, l'avocate Camille Kouchner publie la Familia
00:18 Grande.
00:19 Elle accuse son beau-père Olivier Duhamel d'avoir violé son frère lorsqu'il avait
00:22 13 ans.
00:23 D'autres victimes ensuite ont pris la parole sur les réseaux sociaux, dans les médias,
00:27 c'est #MeTooIncest.
00:28 Et quelques semaines plus tard, au mois de mars, toujours en 2021, le président de la
00:32 République institue la CIVIS, la Commission indépendante sur l'inceste et les violences
00:37 sexuelles faites aux enfants.
00:38 Décembre 2023, il y a quelques temps, la CIVIS a pris fin.
00:43 La CIVIS II a elle-même pris sa suite, mais de scandale en démission.
00:47 Elle est à l'arrêt jusqu'à nouvel ordre.
00:49 Alors, pour mesurer le chemin parcouru et celui qui reste à parcourir, nous recevons
00:54 ce matin Anne Claire.
00:55 Bonjour.
00:56 Bonjour.
00:57 Vous êtes la secrétaire générale de l'association Face à l'inceste.
00:59 Merci d'être avec nous ce matin.
01:00 Il y a plusieurs bilans à faire, mais si on se place du point de vue des 5,4 millions
01:05 de victimes de pédocriminalité, quels sont les premiers fruits de la CIVIS ?
01:09 Les témoignages, je pense qu'il y a été majeur au sein de la CIVIS, c'est cette dimension
01:16 massive de témoignages qui ont pu être recueillis, qui ont rendu compte d'un phénomène systémique
01:21 qui nécessite de fait une réponse politique et collective.
01:24 Moi, je tiens à rappeler aussi qu'au sein de l'association Face à l'inceste, depuis
01:29 20 ans, nous donnons des chiffres également avec Ipsos.
01:32 Le dernier en date rappelle qu'il y a 7,4 millions de Français qui ont été victimes
01:37 d'inceste et qu'en moyenne, c'est plus de 90% des enfants qui ne sont pas protégés.
01:42 C'est-à-dire que plus de 90% des enfants ne trouvent aucun adulte en mesure de les
01:48 accompagner et de les protéger du violeur ou de l'agresseur sexuel.
01:53 Dès janvier 2021, comme premier pas, le président de la République a annoncé la mise en place
01:58 de deux rendez-vous de dépistage et de prévention, l'un aux primaires, l'autre au collège.
02:03 Est-ce que vous savez si ça a été réellement mis en place ?
02:05 A ma connaissance, je n'ai pas de retour sur cette mise en œuvre effective sur le
02:11 terrain.
02:12 En tout cas, je n'ai jamais entendu parler de ce dépistage et de sa mise en place par
02:16 les médecines scolaires notamment.
02:17 Il y a eu aussi rapidement des travaux législatifs.
02:21 Au mois d'avril 2021, on a la loi Billon.
02:24 Elle est votée.
02:25 Selon cette loi, jamais aucun mineur de moins de 15 ans ne peut donner son consentement
02:30 à une relation sexuelle.
02:31 Et dans le cadre de la famille, l'alimentage est même fixé à 18 ans.
02:35 Alors ça, c'est quand même un pas important.
02:37 Qu'est-ce que ça a changé dans les faits, Anne-Claire ?
02:39 C'est un pas fondamental.
02:41 Alors nous justement, on voulait évaluer aussi la mise en œuvre de cette loi.
02:46 C'est un pas fondamental parce qu'elle vient bien dire, cette loi, qu'un enfant
02:50 n'est pas consentant et qu'on ne peut pas l'interroger sur ce sujet, notamment
02:55 en cas d'inceste.
02:56 Donc c'est déjà un premier pas déterminant.
02:57 En revanche, c'est tout un arsenal aussi de lois qui doivent être conduites encore
03:03 aujourd'hui pour mieux protéger les enfants.
03:05 L'une d'entre elles, c'est l'ordonnance de sûreté de l'enfant, que l'on défend
03:09 depuis l'année dernière au sein de l'association Face à l'inceste et avec le collectif pour
03:14 l'enfance.
03:15 C'est la préconisation 26 du rapport de la CIVIS.
03:18 C'est une ordonnance fondamentale puisqu'elle vient bien sûr positionner les adultes et
03:23 toute la chaîne judiciaire en mettant l'enfant en priorité et en protection immédiate.
03:29 Il faut bien se dire aujourd'hui, si sur son lieu de travail on est violé, on ne va
03:34 pas nous demander de retourner sur le lieu de travail pour continuer de côtoyer le violeur
03:39 ou l'agresseur sexuel.
03:41 Pourquoi attendons-nous cela d'un enfant ?
03:43 On va développer un peu les lois qui restent à prendre.
03:47 Les mesures qui manquent.
03:48 Mais ce dont on se rend compte, c'est qu'on a eu un véritable élan politique et social
03:54 au début en 2021 et qui s'est essoufflé par la suite en novembre 2023.
03:59 Il y a quelques mois, la CIVIS a rendu son rapport final.
04:01 82 recommandations, vous en avez cité une.
04:04 Et là, on n'a pas vu le moindre empressement de la part des dirigeants de ces préconisations.
04:09 Bien au contraire, on a changé les dirigeants de la CIVIS.
04:13 On a dilué la mission dans une nouvelle commission.
04:16 Est-ce que vous comprenez ce changement de pied, Anne-Claire ?
04:19 C'est la question de toute une volonté politique, bien sûr, qui est à questionner.
04:23 Les retours que l'on a, nous, en tant qu'association de lutte contre l'inceste et de protection
04:29 de l'enfance, c'est qu'actuellement, ces préconisations, une partie, sont mises
04:33 en œuvre.
04:34 On attend aussi de savoir lesquelles et de quelle façon, et surtout avec quel budget,
04:38 quel moyen humain.
04:39 Ça, c'est déterminant.
04:40 Une vingtaine sont étudiées par une inspection interministérielle.
04:45 Là aussi, on nous fera des retours en cours d'année.
04:48 Mais bien sûr, ce n'est pas à la hauteur de cet enjeu, il me semble, par rapport au
04:52 lancement de la CIVIS en 2021.
04:55 Et maintenant, il me semble, dans toute l'opinion publique, c'est l'ensemble des citoyens
05:00 qui ont besoin de réponses pour lutter contre l'inceste.
05:02 Nous, on le voit au sein de l'association.
05:04 Je suis sollicitée à se mobiliser, mais quotidiennement, par des personnes qui me disent « mais moi,
05:09 concrètement, je fais comment dans mon métier ? Je suis enseignant, je fais comment ? Comment
05:15 garantir à un enfant que je vais pouvoir le protéger ? ».
05:17 Je crois qu'il y a une volonté politique, et bien sûr, au-delà du maintien de la CIVIS,
05:21 des moyens, de la formation en direction des professionnels, et puis des outils adaptés,
05:27 des ressources de terrain pour mettre en œuvre ces préconisations.
05:29 Ces préconisations, elles feront sens avec une mise en œuvre effective sur le terrain
05:34 de formation de moyens, de budget alloué à la lutte contre l'inceste et les violences
05:38 sexuelles.
05:39 Il semblerait qu'il y ait quand même des points de blocage importants.
05:41 L'imprescriptibilité, elle fait vraiment débat.
05:44 La question de la levée du secret médical aussi, c'est un point très important.
05:50 Un autre point qui fait débat actuellement, au sein des deux assemblées, à l'Assemblée
05:55 nationale et au Sénat, c'est la suspension automatique de l'autorité parentale pour
05:59 un parent poursuivi, mis en examen ou condamné, même non définitivement pour une agression
06:03 sexuelle.
06:04 Il s'agirait de lever son autorité parentale sur l'enfant.
06:08 Pourquoi ça bloque ça ?
06:09 Pourquoi ça bloque ? Parce que je pense qu'il y a encore aujourd'hui une difficulté
06:15 à faire primer, c'est toujours le même enjeu fondamental, à faire primer la protection
06:20 de l'enfant en regard de l'autorité parentale.
06:23 Ça fait plusieurs mois, depuis l'année dernière, on mène une campagne en regard
06:31 d'une proposition de loi d'Isabelle Santiago, dont nous saluons bien sûr les avancées
06:35 puisqu'elle permettra, notamment au moment des poursuites pénales, de pouvoir mieux protéger
06:40 l'enfant.
06:41 Mais nous, quotidiennement, la réalité de terrain, c'est qu'on est sollicité par
06:46 des parents protecteurs qui nous disent que durant tout le temps de l'enquête, ils
06:50 sont contraints de remettre l'enfant au présumé agresseur.
06:53 Donc on revient, nous, à cette demande qui nous semble prioritaire et majeure pour lutter
06:58 contre l'inceste, à la possibilité de mettre en place l'ordonnance de sûreté
07:02 de l'enfant et donc de le protéger durant tout le temps de l'enquête, sans remettre
07:06 en question l'autorité parentale par la suite.
07:09 Ça c'est fondamental parce que ça vient bien dire que la priorité, c'est l'intérêt
07:14 de l'enfant qui doit primer avant toute chose.
07:17 L'idée c'est un peu de faire primer un principe de précaution sur une présomption
07:22 d'innocence.
07:23 Exactement, et on voit bien, Émilie Chandler aussi en parallèle, une députée également
07:29 qui fait une proposition sur la question d'une ordonnance de protection dans le cadre
07:32 de violences conjugales.
07:33 Nous, de manière très effective, on va aller la rencontrer pour lui dire "mais pourquoi
07:37 est-ce qu'on ne peut pas étendre ce principe à la question des enfants qui sont victimes
07:42 de violences sexuelles ?" Un autre député, parce que ça bouge aussi quand même politiquement,
07:46 c'est Philippe Fayt également, qui s'empare de ce sujet et qui va également proposer
07:52 une loi en ce sens qui permet d'aller plus loin et d'envisager une protection des enfants.
07:56 Parce que la réalité aujourd'hui, c'est que l'inceste c'est un crime, c'est un
08:00 crime de lien.
08:01 Merci beaucoup Anne Clare, je rappelle que vous êtes déléguée générale de l'association
08:05 face à l'inceste.

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