• il y a 6 mois

Category

🗞
News
Transcription
00:00Les Matins de France Culture, Guillaume Erner.
00:06Depuis quelques mois, à chaque fois que je rencontre un responsable politique, un maire,
00:12parfois même un maire de petite ville moyenne, celui-ci me fait part de ses inquiétudes
00:18sur le trafic de drogue et c'est aujourd'hui quelque chose de patent.
00:21C'est par exemple la une du Parisien, suite à l'attaque mardi dans l'heure du fourgon
00:28pénitentiaire, on voit que ces narco-tueurs, explique le Parisien, sont sans limite avec
00:36bien sûr des victimes puisque ceux-ci n'ont pas hésité à tuer de sang-froid deux agents.
00:41Pour en parler, je vous ai invité Eric Serfas, bonjour, vous êtes un personnage important
00:47de la lutte contre ces narco-trafiquants, vous êtes procureur adjoint chargé de la
00:51juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée, c'est un terme long mais j'aimerais
00:57que vous l'explicitiez puisqu'il correspond à un organisme mal connu, la Junalco.
01:03Exactement, on dit la Junalco, la Junalco est une entité qui est assez jeune, qui remonte
01:09à 2020, donc sa création remonte à 2020 suite à une évolution législative de 2019
01:14et elle relève de la compétence du tribunal judiciaire de Paris.
01:18Donc elle concerne le parquet de Paris avec un certain nombre de magistrats, elle concerne
01:23également des juges d'instructions spécialisés à Paris et également des chambres correctionnelles
01:27qui sont spécialisées.
01:28Pour ce qui est du parquet, il est important de dire que la Junalco regroupe plusieurs
01:34sections qui sont chargées à la fois de la criminalité organisée, notamment le narco-trafique
01:38dont on reparlera, également de la criminalité organisée financière qui est tout à fait
01:43liée avec la criminalité organisée évidemment, et également la cybercriminalité et la transversalité
01:48de ces sujets est traitée par la Junalco et c'est important de le rappeler.
01:52Mais alors, est-ce que ça veut dire, Éric Serfas, qu'on s'est dit que le narco-trafique
01:56était à ce point hors de contrôle, qu'il fallait un parquet spécialisé ? Je ne sais
02:00pas si vous êtes protégé particulièrement, si on a jugé que vous étiez particulièrement
02:05incorruptible pour lutter contre ce fléau ?
02:08Alors, le narco-trafique fait partie des criminalités organisées, de la criminalité organisée,
02:14c'est sûrement la facette aujourd'hui la plus visible du crime organisé.
02:19Voilà, la protection n'est pas particulière parce que le narco-trafique n'est qu'une
02:25facette de la criminalité organisée, même si aujourd'hui c'est la facette la plus
02:29visible dans notre pays par ses manifestations violentes et par sa puissance économique
02:34et corruptive.
02:35J'ai découvert dans Le Parisien un nouveau néologisme, alors je m'entraîne à le dire
02:40depuis ce matin très tôt, la mafiasisation de la France, qu'est-ce que vous en pensez,
02:45Éric Serfas ?
02:46Alors, je ne me suis pas entraîné pour répéter le terme, donc je m'y abstiendrai.
02:49Je dirais que oui, c'est une tendance, assurément, parce que le narco-trafique concerne tous
02:56les territoires de la République, parce qu'il est très international, parce qu'il a des
03:01manifestations violentes très régulières et parce qu'il a une puissance financière
03:06et de corruption qui aujourd'hui peut mettre en danger l'état de droit.
03:11Et je crois que c'est vraiment les traits qui définissent le risque d'évolution vers
03:17la mafia.
03:18Quel regard vous portez sur l'attaque du fourgon pénitentiaire mardi ?
03:22Alors, je serai très sobre sur cette affaire qui est une affaire dramatique, lourde, sensible
03:29et surtout une affaire judiciaire en cours.
03:31Et donc, il y a une personne qui est aujourd'hui légitime pour s'exprimer sur cette affaire,
03:36c'est la procureure de la République de Paris, madame Bécuot.
03:39Je ne me prononcerai même pas pour interpréter la facette de la criminalité que cela révèle.
03:46Moi, j'allais vous demander de vous exprimer là-dessus, évidemment.
03:49Ce que je peux dire simplement, c'est que nous le savons, des conditions d'intervention
03:54extrêmement violentes, ça signifie que dans la criminalité organisée, la vie n'a pas
04:02de prix pour les attaquants et qu'effectivement, il peut y avoir des manifestations extrêmement
04:09violentes.
04:10Je vais essayer de déplacer un peu ma question, Eric Serfas, vous qui êtes procureur dans
04:14cette lutte contre les narcotrafiquants, pensez-vous qu'il y ait véritablement des
04:20changements de méthode ?
04:21A-t-on affaire à des individus de plus en plus violents, de moins en moins sensibles
04:27à la loi et aux limites ?
04:28La question est de savoir si c'est une approche par l'individu ou par les groupes
04:34criminels organisés.
04:36L'objectif de la Junalco, ce n'est pas simplement d'approcher les individus, c'est
04:42de démanteler le crime organisé.
04:44Par exemple, la Junalco ne considère pas comme prioritaire la course au maximum de
04:51produits de drogue saisie.
04:53L'objectif de la Junalco, c'est de démanteler les groupes criminels organisés, qu'ils
04:58soient dans le narcotrafic, dans la criminalité financière et dans les autres facettes.
05:01Donc oui, il y a des individus de plus en plus violents qui sont les instruments de
05:07ces groupes criminels organisés, qu'ils soient mineurs, majeurs, plus ou moins proches
05:12du crime organisé, mais qui sont utilisés comme des instruments.
05:15Donc il y a des individus qui sont des outils, qui sont complètement instrumentalisés,
05:19mais je pense qu'il faut insister pour dire que ce qui est important, c'est les groupes
05:22criminels organisés, internationaux, puissants et qui ont une puissance de corruption.
05:27Mais alors, est-ce que ça veut dire, Eric Serfas, que ces points de deal, par exemple,
05:31puisque après une enquête extrêmement rapide, dans n'importe quelle ville de France,
05:37on vous dit rapidement où sont les points de deal.
05:39Donc j'imagine que si un kidam peut le savoir, les policiers le savent évidemment.
05:43Est-ce que ça veut dire que vous, le vous est collectif, il ne s'adresse pas seulement
05:48à vous.
05:49Vous ne démantelez pas ces points de deal parce que ce que vous cherchez, c'est le
05:54réseau ou rien ?
05:55Ce n'est pas le réseau ou rien, mais le point de deal est une des manifestations du
06:03narcotrafic.
06:04Et donc nous nous intéressons aux points de deal pour ce qui est de la distribution
06:12de produits, de la drogue, mais ce qui nous intéresse, c'est bien de nous attaquer
06:17aux groupes criminels organisés, c'est-à-dire le plus en amont possible, c'est-à-dire
06:20de remonter, comme on les appelle, au baron de la drogue, à des personnes qui sont à
06:25la tête de groupes criminels organisés internationaux, qui ne sont plus nécessairement en France,
06:32qui peuvent être réfugiés dans d'autres pays.
06:34Et la chronique de tout à l'heure l'a rappelé, ce qui est pour nous un combat tout à fait
06:38important.
06:39Justement, comment vous faites ? Puisqu'on a la sensation qu'on a affaire à des réseaux
06:42criminels, alors on a entendu parler du Maroc, mais il n'y a pas que ce pays bien
06:47sûr où se réfugient des trafiquants, comment faites-vous pour réussir à démanteler des
06:55réseaux qui sont internationaux ?
06:57Nous menons évidemment des enquêtes judiciaires avec des moyens, avec des enquêtes qui sont
07:03pendant la majeure partie de l'enquête secrète, avec des moyens intrusifs par rapport à la
07:11liberté individuelle, pour pouvoir pénétrer les groupes criminels organisés et les identifier
07:17le plus profondément possible, pour pouvoir ensuite, indirectement, mener des opérations
07:21judiciaires qui permettent d'interpeller des personnes qui sont les plus haut placées
07:26dans la hiérarchie des groupes, et surtout, si possible, pouvoir appréhender les avoirs
07:31criminels, puisque c'est bien une économie du crime qui est extrêmement puissante.
07:35Ça veut dire que pratiquement, vous pouvez arrêter quelqu'un avec la police marocaine
07:40?
07:41Effectivement, nous avons beaucoup de coopérations internationales au sein de l'Europe et avec
07:46d'autres pays qui sont en dehors de l'Europe.
07:49Il y a des pays avec lesquels la coopération judiciaire marche très bien, il y a des pays
07:55avec lesquels la coopération judiciaire est plus difficile, notamment pour obtenir des
07:59extraditions et des enquêtes, ça peut être effectivement certains pays du Maghreb, ça
08:04peut être également, vous l'avez cité tout à l'heure, Dubaï, où il y a un certain
08:09nombre de barons de la drogue qui sont aujourd'hui résidents, je ne sais pas s'il faut dire
08:13réfugiés, en tout cas qui, avec leur patrimoine criminel, vivent là-bas d'une manière
08:19inacceptable et que nous voulons appréhender.
08:21Dubaï revient très souvent, là aussi, je ne sais pas dans quelle mesure c'est un
08:27lieu unique, c'est le lieu principal aujourd'hui, Eric Serfas, mais on dit par exemple que pour
08:34blanchir de l'argent, comme il y a quand même eu une lutte contre les paradis fiscaux,
08:40l'un des derniers lieux où l'on peut le faire, c'est Dubaï.
08:44C'est vrai ou c'est faux ?
08:45C'est vrai, le blanchiment concernant le narcotrafic est une question difficile à
08:52appréhender parce que l'argent parvient des points de vente et des points de distribution,
08:58et donc l'argent en liquide parvient des points de distribution dans tous les quartiers
09:03et sur tous les territoires de la République.
09:04Et il arrive à un endroit, ou à plusieurs endroits, et notamment par exemple à Dubaï,
09:08sous forme de sommes extrêmement importantes et de patrimoines très importants.
09:11La question est de savoir comment on peut appréhender ces flux qui partent tout près
09:16de chez nous et qui arrivent loin de chez nous.
09:18Et ce sont des flux par des moyens de blanchiment et par des moyens de compensation qui sont
09:24très complexes, et les enjeux pour la police judiciaire, pour la justice pénale, c'est
09:29justement de pouvoir appréhender ces flux avec des moyens aujourd'hui qui sont insuffisants.
09:33Mais alors, pour qu'on comprenne bien Eric Serfas, ça veut dire que cet argent qui est
09:37donc payé par les consommateurs de drogue en France, il n'est jamais déposé sur des
09:42comptes en banque français ?
09:43Non, effectivement, ce ne sont pas sur des comptes bancaires qu'on pourrait appréhender
09:50tout de suite.
09:51Appréhender non, mais est-ce qu'il est déposé sur des comptes bancaires malgré
09:56tout ?
09:57Est-ce qu'il est utilisé dans des lessiveuses françaises, autrement dit des magasins, des
10:03moyens de blanchir cet argent ?
10:04Tout à fait.
10:05C'est-à-dire que c'est de l'argent liquide, puisque le consommateur de drogue va payer
10:08en biais, et donc c'est de l'argent qui est aujourd'hui blanchi dans l'économie légale
10:14d'abord en France, à travers des entreprises qui servent effectivement de vecteur de blanchiment,
10:21qui peuvent être des commerces, qui peuvent être des centres importants.
10:25Aujourd'hui, au tribunal judiciaire de Paris, est rendu le délibéré concernant le SIFA
10:32d'Aubervilliers.
10:33Une affaire qui remonte à quelques années.
10:35Le SIFA ?
10:36Le SIFA, c'est-à-dire le centre international franco-asiatique, je crois.
10:44Donc une entreprise bidon qui était là pour…
10:47C'est un centre, donc ce n'est pas une entreprise bidon, simplement c'est un groupement
10:50de beaucoup de commerces, qui viennent avec des importations qui viennent du sud-est asiatique.
10:58Mais il avait une activité économique autre que le blanchiment ?
11:01Qui a une activité commerciale tout à fait officielle, mais qui est un vecteur de blanchiment.
11:07Pourquoi utiliser ce type de processus alors qu'avec les cryptomonnaies aujourd'hui,
11:13on peut avoir des mécanismes performants, Eric Serfas ?
11:18Ce n'est pas l'un ou l'autre, c'est l'un et l'autre.
11:20C'est-à-dire que le commerce est un vecteur de blanchiment, les cryptoactifs sont également
11:24un vecteur qui permet de dissimuler les avoirs criminels, parce qu'effectivement ça échappe
11:29aux dépôts bancaires, mais il y a aussi une certaine traçabilité des cryptoactifs.
11:34Et c'est pour ça qu'une partie de la journal Co travaille dans la cybercriminalité
11:39et travaille sur les cryptoactifs pour essayer justement de tracer ces flux.
11:43Et donc c'est important de dire que justement, la lutte contre le blanchiment par les cryptoactifs
11:48est consubstantielle à la lutte contre le narcotrafic.
11:51Traçabilité en quelques mots, c'est une traçabilité relative, ils sont traçables
11:55lorsqu'ils sont convertis.
11:56C'est-à-dire que le principe de la blockchain, c'est ce qui permet de suivre ces cryptoactifs.
12:06Il y a une traçabilité et c'est ce qui fait la « crédibilité » des cryptoactifs.
12:12Et donc il y a des systèmes pour pouvoir les suivre, avec une efficacité certes relative
12:17mais qui permet d'appréhender.
12:19Eric Serfas, on se retrouve dans une vingtaine de minutes.
12:21Je rappelle que vous êtes procureur adjoint chargé de la juridiction nationale de lutte
12:25contre la criminalité organisée.
12:27On évoquera la manière dont la France est aujourd'hui gangrénée par cette économie du crime.
12:42Voilà, Jean-Les-Maris vient de l'évoquer, la violence fait irruption dans la campagne
12:45des Européennes.
12:46Cette violence, c'est notamment celle des narcotrafiquants.
12:49On le disait depuis quelques semaines, quelques mois, il y a de plus en plus d'importance
12:56du trafic de drogue et notamment dans les villes, villes moyennes, petites villes françaises.
13:02Le Parisien fait sa une suite à l'attaque mardi dans l'heure du fourgon pénitentiaire
13:07à ces narcotueurs qui seraient désormais sans limite.
13:11Nous sommes en compagnie d'Eric Serfas, procureur adjoint chargé de la juridiction nationale
13:15de lutte contre la criminalité organisée et nous accueillons Clotilde Champérage.
13:20Bonjour.
13:21Bonjour.
13:22Vous êtes économiste spécialiste de l'économie criminelle, maîtresse de conférences au
13:25Conservatoire National des Arts et Métiers.
13:27Votre dernier livre s'intitule « La face cachée de l'économie, néolibéralisme
13:31et criminalité » aux presses universitaires de France.
13:33Une réaction à ce que vient de dire mon camarade Jean-Les-Maris ? La France est-elle
13:38en train de s'en sauvager du fait notamment de cette narco-criminalité ? Ou bien s'agit-il
13:43d'un effet de perspective ?
13:44La violence attire les regards, les regards médiatiques en particulier, donc c'est vrai
13:50qu'il y a des réactions qui sont suscitées, y compris de la population, quand elle est
13:54ciblée elle-même ou quand ce sont des agents de l'État qui sont ciblés, le discours
13:58change par rapport à des règlements de comptes où on se dit qu'ils se tuent entre eux
14:00et finalement c'est leur problème.
14:03Après je pense que la peur n'est pas une façon de gérer sur le long terme les problématiques.
14:09La sanction existe, elle a un double rôle, elle doit punir ceux qui ont enfreint la loi
14:15mais elle doit aussi dissuader.
14:16Et pour dissuader, il faut aussi s'appuyer sur une légitimité.
14:20Et la question de la légitimité de la loi, de la légitimité des institutions, c'est
14:25ça qui me pose véritablement problème.
14:27Légitimité, qu'est-ce que vous voulez dire ?
14:28Le fait qu'il y ait une banalisation du non-respect de la loi, indépendamment d'une
14:35violence insensible, moi ça me pose problème.
14:37Il y a ce fait qu'on consomme de plus en plus de stupéfiants alors que c'est interdit.
14:41On a aussi, c'est dans un autre registre, mais les refus d'eau de tempérer qui augmentent,
14:46ça aussi c'est considéré…
14:47Comment vous l'expliquez-vous ?
14:48J'ai l'impression qu'on est dans une société où les barrières morales, éthiques
14:53ne sont plus intériorisées.
14:55Et il y a un discours économique aussi qui est porteur de ces dérives où c'est la
14:59maximisation de l'utilité personnelle, je fais ce que je veux quand je veux.
15:02Et il y a une problématique de restauration de ce que c'est qu'un État, de ce que
15:07c'est qu'une autorité, mais une autorité légitime et pas une autorité par la peur.
15:11Eric Serfas, je rappelle que vous êtes procureur.
15:13Mon camarade Jean Lemary donnait à entendre les mots de Jordane Bardella, le candidat
15:19du Rassemblement National, qui disait « la justice ne fait plus peur ». Avez-vous l'impression
15:23que la justice ne fait plus peur ?
15:26Je dirais que, pour reprendre plus globalement ce sujet de la violence et de l'apparition
15:32de la violence et de ces manifestations, que c'est évidemment des questions qui interrogent
15:37toute la société, c'est-à-dire de l'individu au politique en passant par les familles,
15:44par l'éducation et aussi par la justice et par la justice pénale.
15:49Mais soyons clairs, la justice pénale ne peut pas être l'unique réponse aux manifestations
15:55de violence, parce qu'il y a aussi des racines et que la justice pénale est là pour une
16:01certaine partie, c'est le rôle du parquet de prévenir, mais essentiellement c'est
16:05le rôle que la loi lui attribue pour réprimer.
16:08La répression fut-elle beaucoup plus sévère, ne peut pas être la seule réponse à ces
16:13manifestations de violence, quand bien même elle est tout à fait nécessaire.
16:17Il y a par exemple un anthropologue, Howard Baker, qui parlait de carrière de délinquant
16:23et au travers d'un certain nombre de reportages, on a l'impression que de plus en plus d'individus
16:31se construisent une carrière de délinquant, c'est-à-dire que finalement la peine pénale
16:35n'est plus quelque chose qui les dissuade.
16:38Dans votre exercice quotidien, vous rencontrez de plus en plus des gens comme ça ?
16:43Il y a une professionnalisation des délinquants dans les groupes criminels organisés.
16:49Après, la question aussi en termes de sociologie et de psychologie, c'est de savoir quand
16:56est-ce qu'un individu s'arrête dans une carrière de délinquant.
16:59J'ai été par le passé juge de l'application des peines, et donc c'était très intéressant
17:02d'observer, de savoir si à 25-30 ans, un individu s'arrête parce qu'il a des conditions
17:08professionnelles ou familiales qui vont constituer des facteurs.
17:11Certains oui, certains non.
17:13Mais est-ce que de plus en plus, certains non ?
17:16Je n'ai jamais trouvé la réponse de savoir quel était le facteur essentiel qui pouvait
17:22arrêter cette carrière.
17:23En tout cas, ce qui est clair, c'est qu'aujourd'hui, même la peine d'emprisonnement, même le
17:28risque de peine lourde, n'arrête pas certains individus dans les manifestations de violence
17:32et dans la carrière de délinquant.
17:33Parce que c'est une vraie question, Clotilde Champérage, vous êtes économiste, il y
17:39a de plus en plus de travaux dans ce domaine-là.
17:41Par exemple, des travaux américains, sous dire Venkatesh, qui avait suivi des vendeurs
17:45de crack et qui disaient, finalement, les jeunes vendeurs de crack, ils ne gagnent pas
17:50plus qu'au McDo.
17:52Évidemment, les risques sont différents, plus importants qu'au McDo.
17:57Mais finalement, on a affaire à une économie qui est stratifiée avec de très fortes inégalités.
18:04Qu'est-ce que vous observez en France ?
18:06Puisque la plupart de ces enquêtes, elles ont été faites aux Etats-Unis.
18:10Oui, en France, en réalité, il y a très peu de travaux.
18:12Déjà, les économistes n'abordent pas le sujet.
18:14On fait un cursus en économie licence master sans jamais entendre parler d'économie
18:19criminelle.
18:20Donc, il y a quand même un angle mort monumental, ce qui se traduit aussi en termes de recherche.
18:24Pas de travaux.
18:25Donc, sur les carrières criminelles, en plus, les économistes ne sont pas forcément les
18:28plus adaptés.
18:29Le modèle économique, c'est celui de la rationalité du comportement criminel.
18:33C'est-à-dire qu'on a un individu maximisateur qui fasse à deux options qui sont mises exactement
18:38sur le même plan.
18:39Je parlais des barrières éthiques non intériorisées.
18:42Le discours économique est porteur de ça.
18:45Vous avez le choix entre enfreindre la loi, respecter la loi, vous faites un calcul maximisation
18:49d'utilité.
18:50Et ça, c'est considéré par…
18:51Plus les arrêts de travail.
18:52Oui, mais c'est comptabilisé, c'est un des coûts.
18:56Et puis, il y a les bénéfices et il y a un arbitrage qui fait que l'individu est
19:01complètement isolé de son milieu et il résonne au coup par coup.
19:05Donc, on n'est pas sur la durée et sur ses carrières alors que la réalité, quand
19:09on lit des autobiographies de truands, ils expliquent que c'est un peu un engrenage.
19:14Ils ne réfléchissent pas au premier coup.
19:15Ils se disent qu'une fois qu'ils gagnent, ils y vont.
19:18Après, ils sont en prison.
19:19Ils se disent que finalement, ils n'avaient pas bien anticipé les conséquences.
19:22En grande masse, est-ce qu'on est capable au moins de quantifier les sommes qui sont
19:28aujourd'hui mobilisées par ce trafic ?
19:31Pour les stupéfiants en particulier, on a des estimations mais rien que la fourchette
19:35montre qu'on ne sait pas trop, on navigue à vue, c'est entre 3,5 et 6 milliards d'euros
19:40pour la France.
19:41Des sommes énormes mais une fourchette très large qui montre qu'on a du mal à appréhender
19:47le sujet.
19:48La fourchette est large mais ça concernerait aussi combien de personnes ?
19:51Il y a des chiffres aussi mais on dit qu'en France, il y aurait 240 000 personnes qui
19:58vivraient autour de ces trafics.
20:00Qu'est-ce qu'on appelle vivre de ces trafics ?
20:01Encore une fois, je pense qu'il y a des valeurs criminelles qui sont véhiculées,
20:07y compris dans la sphère de la culture, avec des séries qui exaltent un peu ces personnages
20:12criminels.
20:13D'ailleurs, il y a des organisations criminelles qui vivent aussi de ces mythes, je pense aux
20:17mafias.
20:18Et ça donne l'impression qu'il y a de l'argent facile à faire quand on voit les
20:23petits dealers, les jobbers qui vendent aux consommateurs final, ils ne vivent pas bien
20:29du tout.
20:30C'est ceux-là qui avaient suivi Sudhir Venkatesh et qui effectivement, à Chicago,
20:35vendaient du crack.
20:36Mais peut-être que là aussi, il y a effectivement un bénéfice symbolique qui est plus important
20:43pour eux que le seul bénéfice financier ?
20:46Je pense qu'il y a l'espoir de monter en grade et de faire une carrière un peu à
20:50la Scarface.
20:51Mais combien arrivent là ? Et puis quand s'arrête leur vie aussi ?
20:54Scarface, ça ne se terminait pas bien dans mes souvenirs.
20:58Éric, Scarface, on entend dire que vous, magistrat, policier chargé de la lutte contre
21:04la criminalité, vous avez l'impression de vider la mer à la cuillère.
21:08Soyons francs, on ne va pas résoudre le problème ni de la délinquance ni du narcotrafic.
21:16C'est une question de la délinquance qui intéresse toute la société.
21:22Il est clair que notre but, c'est de lutter plus efficacement contre les groupes criminels
21:27organisés qui mènent le narcotrafic.
21:30Vous mettiez le doigt tout à l'heure sur l'angle d'attaque important qui est l'économie
21:36du crime et la nécessité de pouvoir attaquer le narcotrafic par ses profits qui sont aujourd'hui
21:45très importants et qui constituent des puissances financières très importantes.
21:49Donc, on ne résoudra pas du jour au lendemain la question du narcotrafic.
21:55La question est de savoir comment on peut être beaucoup plus efficace et de quels moyens
21:59il faut disposer pour pouvoir lutter plus efficacement.
22:01Mais alors, est-ce que vous ne vous dites pas certains jours, si déjà on légalisait
22:08la vente de cannabis, au moins au lieu d'utiliser des lessiveuses et des cryptodevices, ces
22:13gens-là rempliraient un serfa et une déclaration d'impôt ?
22:17Le rapport qu'a rendu le Sénat montre très bien qu'aujourd'hui, les stupéfiants concernent
22:23beaucoup de produits, le cannabis, mais aussi en croissance très forte ces dernières années,
22:28la cocaïne.
22:29Donc, la question de la légalisation ou de la dépénalisation, je ne me prononcerai pas
22:35fondamentalement.
22:36J'observe simplement que les pays qui font des expériences n'ont pas résolu la question
22:42du narcotrafic.
22:43J'observe aussi qu'en France, il y a effectivement une certaine répression de la consommation,
22:51dans les textes, parce qu'en réalité, il y a des alternatives aux poursuites qui se
22:56traduisent par des soins obligatoires la plupart du temps, voire quelques amendes.
23:01En France, ça n'a pas non plus résolu le problème.
23:03Pour moi, la question de la légalisation ou de la dépénalisation n'est pas une question
23:10essentielle par rapport à la question de la lutte contre les groupes criminels organisés.
23:15Nous avons des pays producteurs de drogue, nous avons des consommateurs et des deux côtés
23:22quelque chose de massif et en croissance.
23:24Au milieu, nous avons les trafiquants.
23:26Nous, notre rôle, c'est de s'attaquer aux trafiquants, mais nous voyons bien que cette
23:31question concerne, en aval et en amont des trafiquants, des questions essentielles.
23:36Clotilde Champérage, qu'est-ce que vous en pensez ?
23:38Sur la légalisation, elle ne résoudra pas le problème.
23:42Légaliser, ce n'est pas libéraliser et rendre le produit vendable par n'importe
23:47quel producteur.
23:48C'est encadrer par l'État la vente en limitant par exemple l'accès aux majeurs
23:55ou une consommation purement thérapeutique, etc.
23:58Et puis en arrachant, en tout cas en théorie, en arrachant cette vente, ces commerces-là
24:05à la narco-criminalité ?
24:06Non, parce que justement, à partir du moment où il y a encadrement, il y a aussi contournement
24:11de l'encadrement.
24:12C'est-à-dire le mineur qui voudra fumer, celui qui n'en a pas besoin pour des raisons
24:17thérapeutiques, il voudra quand même le produit.
24:19Donc il y aura un circuit parallèle malgré tout.
24:21Et puis légaliser, éventuellement on peut en parler pour le cannabis, ceci étant le
24:26cannabis n'est plus du tout une drogue légère, la teneur en THC a flambé, et ça c'est
24:31une volonté des narcotrafiquants, d'augmenter cette teneur en THC.
24:34Et puis il y a la cocaïne, légaliser la cocaïne, est-ce qu'on en parle sérieusement ?
24:40Les nouveaux produits de synthèse qui sont extrêmement violents, le fentanyl qui tue
24:43massivement aux Etats-Unis.
24:45Donc on reste quand même sur des produits pour lesquels il y a une raison de les avoir
24:49interdits.
24:50Ce n'est pas une entrave à la liberté personnelle que d'interdire ces produits, c'est une
24:53protection des citoyens en disant que ces produits-là sont dangereux pour la santé,
24:58pour soi-même le consommateur, pour les autres aussi, parce que conduire sous l'emprise
25:02de stupéfiants, ça a des conséquences sur les autres qui n'ont pas demandé à être
25:07des victimes.
25:08Vous avez l'addiction aussi qui est une véritable problématique.
25:13Donc légaliser ne résoudra pas le problème.
25:15Et en plus, on a affaire à des organisations criminelles qui sont de plus en plus multi-activités.
25:19C'est-à-dire qu'on leur retire le cannabis, ils ont encore la cocaïne, ils vont développer
25:23les nouveaux produits de synthèse, mais il y en a de nouveaux quasiment tous les jours.
25:26Et puis ils sont aussi sur le trafic d'êtres humains, le trafic d'armes, etc.
25:30Donc ça ne les atteindra pas.
25:32Et là aussi, le fait que les consommateurs puissent s'approvisionner de différentes
25:38manières, puisqu'on peut aller faire ses courses au pied d'un immeuble, on peut aussi
25:43le faire via Internet, Clotilde Champé-Rache, alors là, je vais vous demander à nouveau
25:49qu'est-ce que l'on sait sur ces différents modes d'achat de produits stupéfiants ?
25:55Les organisations criminelles sont extrêmement résilientes.
25:58C'est vrai qu'elles n'ont pas l'entrave du respect de la loi, donc elles peuvent faire
26:03un peu tout ce qu'elles veulent.
26:04Elles ont énormément appris du Covid, ce qui explique aussi qu'on ne pouvait plus
26:09dealer parce que là, on devenait extrêmement visible, donc il fallait approvisionner le
26:13client qui, encore une fois, est un client addict, donc qui a besoin de ces doses.
26:18Donc, il va falloir lui procurer la marchandise.
26:21Et vous avez les réseaux sociaux, vous avez le Darknet, vous pouvez commander en ligne
26:27vos produits.
26:28On ne peut pas contrôler tous les produits, tous les colis postaux.
26:32Vous avez une idée des différents circuits de distribution de la drogue ?
26:38Les réseaux sociaux, il y a des réseaux.
26:40En termes de pourcentage ?
26:41En pourcentage, non, on ne sait pas parce qu'on reste beaucoup aussi sur les anciens
26:46systèmes.
26:47Enfin, quand le Clofast dit qu'il cartographie les points de deal, je ne sais pas si c'est
26:51encore si pertinent que ça.
26:53Pourquoi ?
26:54Parce que justement, on a cette distribution à domicile.
26:56Pourquoi les campagnes commencent à consommer aussi de plus en plus massivement ?
27:00C'est que dans les campagnes, le point de deal, ce n'était pas possible.
27:04Il y a une visibilité interpersonnelle qui limitait l'expansion du phénomène.
27:09Il fallait aller en ville pour s'approvisionner.
27:11Certaines personnes ont peur de la stigmatisation aussi.
27:14Être vu sur un point de deal, ça peut être un problème par rapport aux relations humaines
27:20que l'on a par ailleurs.
27:21Si on est livré à domicile, tout est extrêmement plus simple.
27:24Éric Serfas ?
27:25L'économie de la drogue est un marché.
27:28Et donc, s'il y avait un mouvement vers la dépénalisation, la légalisation, il y
27:35aurait des phénomènes concurrentiels qui feraient que des trafiquants seraient sur
27:39la teneur psychoactive, sur les prix, peut-être plus concurrentiels ou sur la distribution.
27:46Sur la distribution cachée, plus concurrentielle que l'économie légale.
27:50Et puis, les organisations criminelles sont agiles.
27:54C'est quelque chose de très important.
27:56Et donc, elles s'adaptent au marché, y compris au marché de distribution, par la
28:01poste, par la livraison au domicile, par les réseaux sociaux où quelqu'un, avec
28:05son téléphone, va voir qu'il y a des points de vente qui sont à 50 mètres, 100 mètres,
28:112 kilomètres de chez lui, et qu'il peut adapter son choix selon ce qu'il veut.
28:16Vous êtes procureur Éric Serfas, je vais quand même vous poser une question de psychologie.
28:21Vous avez comme clients, disons, les criminels que vous poursuivez.
28:27Ils sont aujourd'hui des criminels, mais des criminels dotés d'un certain nombre
28:32de compétences en termes de business, pour certains d'entre eux en tout cas, puisqu'ils
28:36réussissent des opérations de plus en plus complexes, des opérations de blanchiment
28:40d'argent, de rapatriement d'argent.
28:41On voit bien qu'ils ont une certaine inventivité en termes de finance ou de paracomptabilité.
28:48Est-ce qu'on ne pourrait pas en faire un jour de bons commerciaux ?
28:52Peut-être, s'ils manifestaient le souhait de vouloir s'inscrire dans une place normale
29:02dans la société qui obéit à une certaine discipline.
29:05Une place normale peut-être pas, mais si le produit qu'ils vendaient était légal
29:11et donc s'ils pouvaient poursuivre les mêmes bénéfices, mais en déclarant leurs impôts
29:15et en évitant de tuer leurs prochains, est-ce que ça, c'était envisageable ?
29:19La question, c'est les mêmes bénéfices.
29:20C'est-à-dire qu'aujourd'hui, dans l'économie légale, il y a un certain nombre d'obligations
29:25et concrètement, par exemple, de cotisations sociales, de prélèvements obligatoires dont
29:29on sait qu'en France, ils sont d'environ une bonne moitié.
29:33Or, les bénéfices procurés par la drogue sont des bénéfices non pas nets parce qu'il
29:39y a le coût du produit, même si par exemple la cocaïne, quand elle part d'Amérique
29:44du Sud, coûte peu, c'est le transport et puis ensuite, c'est la rareté et le risque
29:48qui va faire le prix.
29:50Et donc ensuite, quand on vend la cocaïne à 50 euros ou 60 euros le gramme et le cannabis
29:58à peu près 7-8 euros le gramme, ça fait des profits énormes et qui ne pénètrent
30:04pas directement dans l'économie légale, fiscale et sociale.
30:09Justement, Clotilde Champerach, est-ce qu'on connaît les marges de ces trafiquants lorsqu'on
30:16parle de ces différents produits ? Vous avez dit que le taux en THC du cannabis était
30:22en nette croissance, est-ce que ça coûte plus cher à produire un cannabis à fort
30:27taux de THC ? Est-ce que ces marges sur les nouveaux produits, le fentanyl, les différentes
30:34drogues de synthèse sont des marges en augmentation ?
30:38Sur le cannabis avec un taux de THC plus important, là où il y a eu des dépenses,
30:45c'est pour justement modifier génétiquement les plants.
30:48Donc là, il y a eu un investissement sur lequel on n'a aucune information, on ne sait
30:52pas combien ça a coûté.
30:53Après, ça reste de la culture traditionnelle.
30:57Par contre, ce qui pose problème, c'est que ces plants modifiés demandent une irrégation
31:02beaucoup plus importante.
31:04Quand on a un pays producteur qui est le Maroc, qui est régulièrement touché par
31:08la sécheresse, on va aggraver des difficultés économiques, environnementales majeures.
31:14Donc le coût pour nos sociétés, il est plus lourd aussi.
31:17Les trafiquants s'enrichissent, mais la société dans son ensemble y perd.
31:23Sur les nouveaux produits de synthèse, il y a des produits qui ne sont pas très difficiles
31:27à produire.
31:28Vous fournissez en précurseur chimique, vous avez des entreprises légales chinoises
31:34qui vous les fournissent.
31:36Et après, vous pouvez synthétiser la drogue, mais dans votre garage.
31:40Donc ce ne sont pas des productions hyper complexes.
31:43Et donc, effectivement, si vous arrivez à les vendre relativement cher par rapport
31:47à l'investissement de départ, les marges peuvent être importantes.
31:50C'est une bonne affaire et c'est quelque chose qui n'est pas contrebalancé par ce
31:55que l'on évoquait tout à l'heure, c'est-à-dire les arrêts de travail, les différents aléas
31:59qu'il peut y avoir dans ce métier qui, du point de vue des rubriques de faits divers,
32:05sont quand même des freins importants à ce métier.
32:08Oui, mais là aussi, c'est vrai que les organisations criminelles aiment l'argent,
32:15mais je pense que certaines d'entre elles, les plus dangereuses, aiment aussi le pouvoir.
32:19Et le pouvoir, ça implique parfois de dépenser à perte pour contrôler une population, contrôler
32:25un territoire.
32:26Et là, on bascule dans quelque chose d'extrêmement dangereux qui est la dissidence criminelle
32:31sur certains territoires, c'est-à-dire une population qui va se dire qu'il vaut
32:36mieux faire allégeance au criminel qu'à l'État, parce que le criminel, il est présent
32:41sur le territoire, il crée des emplois, alors dans la sphère légale ou dans la sphère
32:45illégale, mais c'est lui qui va permettre cette économie de subsistance.
32:49Et là, on rejoint les 240 000 personnes qui vivraient de ces trafics.
32:53Ça crée une légitimité sociale, ça crée une adhésion, une défense du système.
32:58Eric Serfas ?
32:59Pour situer la marge, on peut dire que lorsqu'on saisit une tonne, deux tonnes, dix tonnes
33:05de cannabis, une tonne, deux tonnes, dix tonnes de cocaïne, une tonne de cocaïne, c'est
33:10donc 1000 x 1000 x 50 euros, 50 millions, une tonne.
33:15Et bien même quand on saisit autant, ça ne dissuade pas les trafiquants.
33:20Ça signifie que ça peut être passé en perte et qu'il y a quand même un profit
33:24énorme qui motive les organisations criminelles pour continuer.
33:27Donc ça donne quand même une idée de la marge, du fait que quand d'énormes quantités
33:33sont saisies et détruites, ça ne détruit pas cette économie-là.
33:37Donc ça signifie aussi que le produit, on peut le saisir, et il faut le saisir bien
33:41évidemment, mais c'est aussi cette économie qu'il faut pouvoir appréhender de façon
33:45plus efficace.
33:46On a eu des saisies massives notamment de cocaïne et ça n'a eu aucun effet sur le
33:51prix de la cocaïne qui a même eu tendance à baisser, ce qui prouve bien encore une
33:54fois que l'impact...
33:55Comment vous expliquez ça ? Est-ce qu'il peut y avoir des économies d'échelle sur
33:59ce genre de choses ?
34:00Alors la production de coca, de la matière basse, a fortement augmenté et là aussi
34:03il y a eu un effet Covid.
34:04Nous on a vécu un confinement, l'Amérique latine a vécu des déplacements de population,
34:09des populations extrêmement paupérisées qui ont quitté les terres agricoles, des
34:13narcotrafiquants qui s'emparent de ces terres et puis aussi une population qui s'est dit
34:18que le revenu qu'elle pourrait tirer de ces plantations est important.
34:22En conclusion, Eric Serfas, est-ce que vous avez l'impression en tout cas d'être entendu
34:26en tant que professionnel de la lutte contre le narcotrafic ? A-t-on pris la mesure aujourd'hui
34:34de ce fléau ?
34:35Nous ne cessons effectivement de sensibiliser nos autorités pour développer non seulement
34:42les moyens de lutte, et c'est une chaîne, ça va de l'enquête policière jusqu'à
34:46la fin de l'exécution de les peines en passant par le parquet, par les juges d'instruction,
34:49par les chambres correctionnelles.
34:50Ça signifie aussi pouvoir faire évoluer le droit pour que nous soyons aussi à la
34:55pointe que les trafiquants sur les moyens d'enquête et sur les possibilités techniques
35:00d'enquête.
35:01Un dernier mot Clotilde Champé-Rache ?
35:03Pareil, oui, il faut s'armer pour lutter correctement, il faut comprendre qui on a
35:09en face de nous, et je pense qu'il faut développer une approche par le crime organisé et non
35:12pas par le marché.
35:13Cibler que les stupéfiants, c'est passer à côté du problème.
35:17Merci à vous deux, Eric Serfas, procureur adjoint chargé de la juridiction nationale
35:22de lutte contre la criminalité organisée, Clotilde Champé-Rache, la face cachée de
35:27l'économie, néolibéralisme et criminalité, c'est aux presses universitaires de France.

Recommandations