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00:00 6h39, les matins de France Culture, Guillaume Erner.
00:06 Marguerite Caton, bonjour.
00:08 Et bonjour Guillaume, bonjour à tous.
00:10 Ce matin, vous vous lancez donc dans le théâtre.
00:13 Disons que j'essaye d'imaginer la conversation qui a dû avoir lieu avant le remaniement
00:18 entre Emmanuel Macron ou bien Alexis Colère et Didier Migaud,
00:21 le patron de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.
00:24 Bonjour Monsieur le Président, 5 nouveaux ministres, je note.
00:28 Rachida Dati, Monsieur le Président, mais elle est mise en examen pour corruption passive,
00:32 trafic d'influence passive et recel d'abus de pouvoir.
00:35 Ah bon, compris, bien sûr. Au revoir Monsieur le Président.
00:39 Comment l'autorité indépendante chargée de promouvoir la probité et l'exemplarité
00:43 des responsables publics exerce-t-elle sa mission ?
00:47 C'est ce que nous allons voir en compagnie d'Elsa Foucault. Bonjour.
00:49 Bonjour.
00:50 Vous êtes enseignante à Sciences Po Paris et formatrice spécialisée dans la transparence
00:53 de la vie publique et la lutte contre la corruption.
00:56 Alors quel rôle joue la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique
00:59 lors d'un changement de gouvernement ?
01:01 C'est vrai qu'à partir de depuis quelques années on a maintenant une actualité HATVP,
01:06 enfin voilà pour reprendre le sigle de cette Haute Autorité, la HATVP,
01:10 à chaque remaniement puisqu'elle va effectivement faire quelques petits contrôles
01:14 à la demande du Président de la République.
01:16 Alors elle n'a que 48 heures pour le faire et en fait elle va du coup donner
01:20 à la demande du Président de la République les éléments qu'elle a à sa disposition.
01:24 Donc voilà, y a-t-il des conflits d'intérêts majeurs,
01:29 voilà, des éléments d'ordre de situation fiscale,
01:33 d'un casier judiciaire, ce type d'informations.
01:35 Mais alors dans le cas de Rachida Dati, si vous voulez,
01:39 j'ai envie de dire on n'a pas besoin de Haute Autorité pour la transparence de la vie publique
01:43 pour savoir qu'elle est mise en examen.
01:45 C'est de notoriété publique, c'est également de notoriété publique
01:49 qu'elle risque très fortement d'être renvoyée en correctionnelle.
01:53 Simplement, justement, le cas de Rachida Dati vient vraiment illustrer
01:57 le rôle de la HATVP, ce qu'on peut en attendre
02:00 et ce qui va en fait relever de la responsabilité politique.
02:03 Ce qu'on peut en attendre, c'est vraiment un encadrement de la partie
02:06 conflits d'intérêts, donc on va dire la prévention de la corruption,
02:09 l'aspect déontologie, l'aspect contrôle aussi des patrimoines,
02:15 donc c'est-à-dire vérifier qu'il n'y a pas eu d'enrichissement indû,
02:19 visible on va dire, sans enquête, il y a une enquête bien sûr,
02:23 mais sans phénomène forcément d'opacité ou de sophistiqués visant à cacher une situation.
02:31 Donc la Haute Autorité, elle va faire tout ça.
02:34 Simplement, la Haute Autorité ne se substitue pas au pouvoir politique
02:37 qui reste quand même responsable, dans le cas d'Emmanuel Macron
02:41 et de Gabriel Attal, de nommer en toute connaissance de cause
02:43 et ça c'est vraiment un changement de doctrine,
02:45 quelque chose qui quand même interpelle,
02:47 qui a créé quand même une sorte de sidération dans les milieux anticorruption,
02:50 de nommer Rachida Dati, sachant qu'elle est mise en examen.
02:56 - Donc on comprend que la Haute Autorité pour la transparence des avis publics
02:58 ne se substitue pas au pouvoir politique,
03:00 ne se substitue pas non plus au parquet,
03:02 qu'elle est avant dans la prévention, sur les nominations
03:05 comme aussi sur la reconversion dans le privé des anciens ministres.
03:10 Est-ce qu'elle a, bon en fait elle n'a pas de droit de veto sur les nominations,
03:13 vous l'avez dit, est-ce qu'on sait si des avis négatifs
03:15 ont pu empêcher certaines candidatures ?
03:17 - Non, là ça va rentrer dans le jeu un petit peu des rumeurs,
03:20 donc voilà, ce sera la rumeur de la même manière qu'on entend
03:22 ces personnes qui ont été approchées mais finalement ont refusé un poste.
03:25 Non, évidemment la nomination ministérielle ça reste une prérogative politique.
03:29 - Et est-ce qu'on sait, enfin plutôt ça on le sait,
03:31 certains ont dû démissionner après une nomination,
03:34 on a tous en tête l'exemple de Thomas Thévenoud
03:36 qui avait été nommé au commerce extérieur en 2014
03:39 et puis sa phobie administrative l'a rattrapé,
03:42 il y a eu un contrôle fiscal déclenché par l'enquête de la Haute Autorité
03:45 pour la transparence de la vie publique.
03:47 - Alors le contrôle fiscal il est automatique pour tous les ministres
03:50 et les parlementaires qui sont nommés.
03:53 Finalement ce qui s'était passé avec Thomas Thévenoud
03:55 c'est quelque chose qui aujourd'hui ne pourrait plus trop se passer
03:58 et qui va plutôt, enfin qui avait vraiment altéré la confiance des citoyens
04:01 dans le sens où on avait un ministre, il n'était pas en règle avec
04:05 comment dire, sa situation fiscale mais c'était quelque chose
04:08 qui aurait pu être su si justement on avait fait ce petit contrôle
04:11 de situation, voyez 48 heures à l'avance.
04:14 Mais il faut bien distinguer deux temporalités, c'est-à-dire qu'on peut faire
04:16 un contrôle de situation, donc en gros est-ce qu'une personne
04:19 a un conflit, enfin un litige déjà ouvert, connu avec le fisc,
04:25 est-ce qu'elle a un casier judiciaire, voilà, ça on peut le savoir à l'avance
04:29 en 48 heures, en revanche ce qu'on ne peut pas faire c'est un contrôle fiscal
04:32 complet en 48 heures. Donc là il y a vraiment deux temporalités.
04:36 Donc ces petits échanges informels en amont de la nomination
04:40 effectivement qui sont nouveaux. Et puis ensuite à partir de maintenant
04:44 on va avoir, donc les ministres ont deux mois pour remplir une déclaration
04:48 d'intérêt, c'est long deux mois, on pourrait vraiment discuter
04:51 de raccourcir ce délai. Et à partir du moment où les déclarations
04:55 d'intérêt sont remises à la HATVP, là elle va pouvoir faire
04:59 un contrôle plus approfondi, donc visant à s'assurer que la déclaration
05:04 d'intérêt et de patrimoine est exhaustive, sincère, complète.
05:09 - Oui, on comprend un peu ce qu'est une déclaration de patrimoine,
05:12 ça ressemble plus ou moins à une déclaration fiscale. Est-ce que vous pouvez
05:14 nous en dire plus sur la déclaration d'intérêt ?
05:16 - Oui, alors la déclaration d'intérêt, si vous voulez, ça va être en gros
05:20 tous les liens d'intérêt que la personne a. C'est un lien d'intérêt,
05:23 c'est-à-dire voilà, elle a tel mandat à côté, tel lien avec une entreprise,
05:28 telle ancienne activité, on va regarder aussi ce qu'elle a fait cette personne
05:32 les cinq dernières années, ce que fait son conjoint, ce type d'informations
05:35 qui en fait en soi ne sont pas des problématiques, mais peuvent se transformer
05:42 en conflit d'intérêt. Un conflit d'intérêt c'est quoi ?
05:44 C'est une situation où à un moment, votre mandat va entrer en conflit
05:50 avec un lien d'intérêt que vous avez. Donc par exemple, votre conjoint
05:55 travaille dans une entreprise, à un moment dans votre mandat,
05:57 vous devez prendre une décision sur cette entreprise, conflit d'intérêt.
06:01 Là, on gère ce conflit d'intérêt par un déport, on transfère le dossier
06:05 à quelqu'un d'autre. C'est vraiment ça ce à quoi va servir une déclaration
06:09 d'intérêt. Et donc l'une des conséquences des déclarations d'intérêt
06:13 déposées à la HATVP, c'est qu'elles permettent ensuite de faire des arrêtés
06:18 de déport. Donc par exemple, un ministre en conflit d'intérêt sur un dossier,
06:22 la décision va être prise dans ce dossier par le Premier ministre, par exemple.
06:28 - Ça n'avait pas eu lieu pour Éric Dupond-Moretti ?
06:31 - Pour Éric Dupond-Moretti, on est dans un cas encore pénal.
06:35 Donc ce qu'il faut bien voir, c'est que la HATVP est vraiment sur le volet
06:38 préventif. Et votre question me permet de vraiment souligner la différence
06:42 entre tout l'aspect détection et puis sanction, qui va être un volet pénal.
06:47 Là, c'est des choses sur lesquelles il y a eu un renforcement continu
06:51 depuis les années 80-90, autour du renforcement des règles sur les marchés
06:56 publiques, sur le financement politique, sur en général tout ce qui a contribué
07:00 à assainir la vie publique et politique, les liens entre le secteur privé
07:04 et public. Et puis l'aspect préventif qu'on a ajouté à ce mouvement-là,
07:09 on va dire en gros au tournant des années 2010, en réaction à des affaires
07:13 un peu emblématiques comme l'affaire Wörth-Bettencourt, Cahuzac, etc.
07:16 Et c'est vraiment ce volet préventif qu'on va voir. Donc finalement,
07:19 la HATVP s'applique assez peu au cas de Rachida Dati.
07:24 Et puis du volet pénal d'Eric Dupont-Moretti. L'aspect conflit d'intérêt,
07:27 en revanche, Dupont-Moretti, ça rentre dans son champ.
07:30 - Voilà, Maman nous avait expliqué toutes les grandes missions de la Haute Autorité
07:33 pour la transparence dans la vie publique. Merci beaucoup. On retient les patrimoines
07:36 des personnels politiques, le travail de prévention des conflits d'intérêt.
07:39 Il faudrait mentionner, mon infelton, on en reparlera une prochaine fois,
07:42 l'encadrement du dobbing. Merci beaucoup Elsa Foucault. Je rappelle que vous êtes
07:45 enseignante à Sciences Po Paris et formatrice spécialisée dans la transparence
07:49 de la vie publique et la lutte contre la corruption. Merci.
07:51 - Merci.