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00:00 6h39, les matins de France Culture.
00:05 Guillaume Erner.
00:06 La question du jour.
00:07 Bonjour Marguerite Caton.
00:09 Bonjour Guillaume, bonjour à tous.
00:11 J'aimerais commencer par évoquer Stendhal qui un jour, plus vieux de l'année 1799,
00:16 débarquait à Paris préparer l'école polytechnique dans une mansarde, une chambre économique
00:21 au dernier étage d'un escalier indigne où il manquait mourir de misère et de chagrin.
00:26 Quelques années plus tard, en 2023, une même méchante chambre vaut au minimum 400 euros
00:31 par mois.
00:32 Dans certains quartiers parisiens c'est plutôt 900.
00:34 Et je vous passe les questions de chauffage et d'isolation.
00:37 Bonjour Jean-Benoît Emmehoud.
00:39 Bonjour Marguerite Caton.
00:41 Vous êtes économiste et haut fonctionnaire.
00:43 Vous avez coécrit avec Étienne Wassmer vers une société de mobilité, les jeunes,
00:48 l'emploi et le logement.
00:49 C'était en 2016 aux presses de Sciences Po.
00:51 Dites-nous Jean-Benoît Emmehoud, le marché du logement étudiant s'est-il jamais bien
00:55 porté ?
00:56 Le marché du logement étudiant est en crise depuis très longtemps.
00:59 C'est un vieux serpent de mer.
01:01 On a une situation qui est un peu particulière aujourd'hui parce qu'on a ces raisons
01:05 structurelles qui font qu'on a un nombre d'étudiants qui croient.
01:09 On a 60 000 étudiants chaque année qui arrivent et qui doivent trouver un logement.
01:13 Mais un parc de nouveaux logements étudiants qui eux ne croisent pas.
01:17 C'est quelque chose qui est structurellement là, qui a depuis très longtemps.
01:20 Mais une conjoncture particulière pour les étudiants avec une inflation typiquement
01:25 alimentaire qui est très difficile, qui rajoute du sel sur la plaie et qui font que pour eux
01:31 le verre commence à être vraiment très rempli, la situation commence à devenir vraiment
01:34 très difficile.
01:35 Donc cette année la crise est particulièrement sévère.
01:37 Est-ce qu'on risque de voir des étudiants modestes renoncer aux études supérieures ?
01:41 Alors c'est le cas.
01:42 Et c'est justement la raison pour laquelle il faut penser dès maintenant à des politiques
01:45 publiques qui peuvent nous permettre de leur fournir un logement et de fournir différentes
01:51 pistes pour que chacun puisse s'insérer correctement sur le marché universitaire
01:55 et derrière pour trouver un emploi.
01:57 Trouver des pistes, des solutions.
01:59 Bon écoutez, c'est avec vous qu'on va chercher ça Jean-Benoît Emmehoud.
02:01 Il n'y a pas de recette, miracle.
02:03 Quel est le premier levier à actionner de votre point de vue ?
02:06 Alors déjà quand on pense à la question du logement étudiant, il fut un temps où
02:12 les étudiants pouvaient devenir propriétaires de leur logement.
02:15 Donc acheter un logement et derrière faire leurs études dedans puis rentrer dans la
02:20 vie professionnelle.
02:21 C'était typiquement le cas de la génération de mes parents.
02:23 Lorsqu'on regarde les chiffres, malheureusement, ou heureusement pour les propriétaires, les
02:28 prix de l'immobilier ont été multipliés par plus de 4 ces 25 dernières années dans
02:32 les agglomérations les plus tendues, les plus dynamiques, où on a concentré les universités,
02:37 où les étudiants doivent aller.
02:38 Ce qui est plutôt une bonne nouvelle parce que c'est des aires dynamiques où si les
02:42 étudiants font leurs études, ils auront une opportunité pour trouver du travail.
02:45 Donc on a besoin de s'insérer sur ces zones dynamiques et de trouver un logement.
02:51 Ça ne sera vraisemblablement pas sur l'achat.
02:53 Donc il faut regarder derrière sur le parc locatif.
02:55 Derrière sur le parc locatif, on a deux solutions.
02:57 Ou le parc locatif classique ou le parc locatif social.
03:01 Lorsqu'on regarde le parc locatif classique, ici on a une situation qui est en effet très
03:05 difficile pour les étudiants.
03:06 On a des propriétaires bailleurs qui sur-sélectionnent, qui font face à une armée d'étudiants
03:10 qui arrivent tous au même moment, avec les mêmes besoins, dans les mêmes quartiers.
03:14 Exactement.
03:15 Donc on a une concurrence sur les garants, sur sa situation personnelle, qui fait qu'on
03:20 peut avoir même une question d'équité qui se pose avec des étudiants qui n'ont
03:23 pas nécessairement de bons garants, qui ont difficilement accès à ces logements.
03:28 Pour rester sur ce marché privé, est-ce qu'une régulation est possible ? Limiter
03:32 les AirBnB, plafonner les loyers, ce sont de bonnes solutions ?
03:34 Bien sûr.
03:35 On a des plateformes type AirBnB qui ont récupéré une partie de l'offre locative.
03:41 On a derrière une partie de l'offre qui a disparu, ce qui fait que pour les étudiants
03:45 c'est problématique.
03:46 Ici on a déjà des régulations qui sont en place, qui sont utilisées dans certaines
03:51 agglomérations, typiquement Paris.
03:52 Les maires ne se sont pas tous entrepris de la législation pour réussir justement à
03:58 mettre en place cette régulation, mais c'est un sujet sur lequel il faut travailler.
04:01 Et alors le second marché dont vous nous parlez, c'est celui du logement social.
04:05 Alors là qu'est-ce qu'on peut faire ?
04:06 Alors pour le coup, la situation est encore plus difficile, j'ai envie de dire.
04:10 Lorsqu'on regarde les chiffres, c'est absolument alarmant.
04:11 En 1984, typiquement à Paris, on avait une personne sur quatre dans le logement social
04:18 qui avait moins de 30 ans.
04:19 Aujourd'hui, c'est une personne sur 20.
04:22 Donc on a vraiment un logement social qui n'accueille plus les jeunes, qui les accueille
04:27 vraiment très difficilement.
04:28 On a des files d'attente à Paris qui sont de l'ordre de 30 mois, ce qui fait que c'est
04:32 une solution qui n'est pas viable pour trouver un logement.
04:34 Alors que le logement social aurait vocation à fournir un pied à l'étrier pour ces
04:39 jeunes.
04:40 Donc là on doit repenser, je pense, le logement social pour les aider.
04:44 Une des mesures, ce serait par exemple de ne plus penser un bail de logement social
04:49 comme un bail à durée indéterminée, comme celle qu'il y a aujourd'hui.
04:51 Vous rentrez dans votre logement social et vous pouvez le garder toute votre vie, en
04:55 payant des surloyers, mais toute votre vie.
04:56 Mais en disant on rentre dans le logement social, dans cinq ans on fait un point, si
05:00 votre situation s'est améliorée, on vous donne des incitations financières pour que
05:04 vous puissiez partir sur l'achat ou sur le locatif privé classique pour que vous
05:08 libériez votre place et que des étudiants puissent récupérer ce logement.
05:12 On a quand même 2 400 000 Français qui attendent une place en logement social.
05:15 Du coup, comment garantir que ce soit les jeunes qui aient accès ?
05:17 Alors là, on a besoin de travailler sur davantage de mobilité sur le parc du logement
05:22 social.
05:23 On a une mobilité qui est deux fois plus faible dans le parc social que dans le parc
05:25 locatif privé.
05:26 Donc on a besoin d'augmenter cette mobilité.
05:28 On a aussi des besoins qui ne correspondent pas nécessairement à la situation des individus.
05:32 Ici, les bailleurs sociaux travaillent sur cette situation-là.
05:35 Le problème c'est qu'ils sont très éclatés.
05:37 On aurait besoin de réapparier les logements avec les familles, c'est-à-dire d'avoir
05:42 des logements qui correspondent aux caractéristiques réelles des individus.
05:45 Oui, aujourd'hui on a des personnes âgées qui avaient un logement social pour une famille
05:48 nombreuse et qui se retrouvent seules parce que les enfants sont partis, c'est ça ?
05:51 Absolument.
05:52 Donc on pourrait dans ce cas-là donner un logement qui permettrait de faire une colocation,
05:56 typiquement pour les étudiants, ce qui est de plus en plus le cas aujourd'hui.
05:58 Est-ce que le levier le plus direct, celui de la construction de résidences universitaires,
06:06 serait actionnable ? Est-ce qu'on peut faire quelque chose de ce côté-là ?
06:09 On peut toujours travailler sur la construction.
06:11 Après, ce qu'il faut savoir c'est qu'on a des aires urbaines qui sont déjà très
06:13 denses.
06:14 Typiquement, à Paris, il ne faut pas oublier qu'on a une densité qui est une des densités
06:17 les plus élevées du monde.
06:18 Donc, arriver à construire à Paris, c'est déjà une challenge en soi.
06:21 Ce qu'on peut faire, c'est augmenter la densité dans les villes périphériques de
06:25 Paris.
06:26 Mais ici encore, on a des contraintes réglementaires.
06:29 On ne peut pas faire ce qu'on veut.
06:30 On a aussi une zéro artificialisation nette, c'est très difficile à prononcer, qui vient
06:37 un peu contraindre la construction.
06:39 Ce qui fait que la situation sur la construction est également très difficile.
06:42 Oui, vous parliez de Paris, mais d'ailleurs, le responsable du CRUS de Toulouse disait
06:47 "Nous sommes toujours à la recherche de foncier pour construire des résidences où
06:50 nous pourrions proposer des loyers bas".
06:52 Mais bon, c'est assez compliqué dans toutes les métropoles.
06:54 Une dernière question, Jean-Benoît Emmehoud.
06:56 Est-ce que les pouvoirs publics sont conscients de la gravité du problème ?
07:00 Ah oui, pour le coup, les pouvoirs publics sont conscients de la gravité du problème.
07:03 On a beaucoup d'aides différentes qui sont mises en place pour aider les jeunes.
07:08 On a typiquement une première aide qui a été mise en place, qui a été la revalorisation
07:12 des APL.
07:13 Oui, mais ça, ça va engraisser généralement le propriétaire du marché locatif.
07:16 Oui, mais ça permet déjà pour les jeunes qui les touchent dans le parc locatif privé,
07:20 qui les touchent directement, d'avoir une revalorisation qui a été plus rapide que
07:23 prévue.
07:24 Pour le coup, elle aurait dû...
07:25 La régulation des APL a lieu en avril.
07:29 Elle a eu lieu exceptionnellement en juillet pour atteindre le niveau de l'inflation et
07:34 donc pour leur donner un petit coup de pouce.
07:35 Et qu'est-ce qui est prévu du coup par le nouveau ministre du Logement, Patrice Vergritte ?
07:40 Est-ce qu'il a un calendrier avec le ministre de l'Enseignement supérieur ?
07:43 Alors, pour le coup, ici, on attend des mesures qui, derrière, vont pouvoir aider les étudiants.
07:50 On a une dernière mesure, je pense qu'il faut citer aussi, qui est quand même assez
07:52 importante.
07:53 C'est le fait que, dans les zones tendues, il faut savoir que les loyers sont bloqués.
07:58 On a en fait une contrainte réglementaire qui fait qu'on ne peut pas augmenter son
08:02 loyer plus que l'indice de réévaluation des loyers, qui est défini chaque année
08:06 par l'INSEE, et qui cette année a été plafonnée par le gouvernement à 3,5% pour
08:11 qu'il ne dépasse pas l'inflation.
08:13 Donc on a des loyers qui ont cru moins vite que l'inflation.
08:16 Ce qui a fait que, pour les étudiants, le poids du logement dans leur budget a quand
08:20 même été contrôlé.
08:21 Merci, Jean-Benoît Aimeaou, d'économiste et haut fonctionnaire.
08:25 Merci, Marguerite Caton.
08:27 7h23 sur France Culture.

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