TDAH : comment vivre avec des troubles de l’attention ?

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00:00 6h39, les matins de France Culture, Guillaume Erner.
00:07 Bonjour Marguerite Caton.
00:08 Bonjour Guillaume et bonjour à tous.
00:10 Et ce matin, on évoque les troubles de l'attention.
00:12 Oui, TDAH, 4 lettres pour désigner des troubles de l'attention qui peuvent être accompagnés
00:17 ou non d'hyperactivité.
00:19 Cela concerne à l'heure actuelle 5% des Français et ce 12 juin est spécialement
00:24 dédié à la connaissance de ces désordres.
00:26 Bonjour Olivier Bonneau.
00:27 Bonjour.
00:28 Vous êtes professeur de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent à l'université Paris-Saclay,
00:32 chef de service à l'hôpital Barthélémy-Durand et co-auteur avec l'orthophoniste Laurence
00:37 Olivier du livre "Et si c'était un TDAH ? Déficit de l'attention, hyperactivité, impulsivité,
00:43 les outils pour faciliter le quotidien".
00:45 C'est paru aux éditions Marabout en mars 2024.
00:47 Alors pourquoi parle-t-on de troubles et non de maladies Olivier Bonneau ? Est-ce un euphémisme ?
00:52 L'idée c'est de le faire rentrer comme c'est le cas dans les catégorisations,
00:58 c'est-à-dire les troubles du neurodéveloppement.
00:59 Et le TDAH, donc le trouble déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité, c'est un trouble
01:04 du développement, c'est-à-dire le développement ne se fait pas convenablement.
01:08 Et c'est le développement de quoi ? C'est le développement de l'attention.
01:11 La capacité à se concentrer, à être attentif, à vous écouter et à essayer de maintenir
01:15 mon attention sur ce que vous me dites.
01:17 C'est quelque chose qui se développe avec le temps, qui est très faible, quelques minutes
01:22 quand on est tout petit, puis qui à un moment donné devient plus important.
01:25 Et cette attention soutenue, chez les enfants TDAH, elle ne se développe pas convenablement
01:29 et donc ils sont moins attentifs.
01:31 Un trouble, ça ne se guérit pas ?
01:33 Ça ne se guérit pas mais ça s'adapte.
01:35 On peut tout à fait l'adapter.
01:37 Le cerveau humain et l'être humain en général a une capacité d'adaptation extraordinaire.
01:42 Et avec quelques outils, avec quelques accompagnements, avec quelques aides, on peut très bien vivre,
01:50 voire même très très bien vivre avec un TDAH.
01:52 Donc on vit avec et la première étape est celle du diagnostic.
01:56 Qu'est-ce qui doit alerter tous les enfants, sont agités, motifs peu obéissants ?
02:00 Comment faire la part d'un mauvais caractère, d'un problème d'éducation et d'un trouble
02:04 neurodéveloppemental ?
02:05 Alors, comme toujours en psychiatrie, en règle générale, on ne va pas dans la rue attraper
02:10 des gens en leur disant qu'ils ne vont pas bien et qu'ils doivent venir nous voir.
02:14 C'est les gens qui viennent à nous, directement ou indirectement, parce qu'ils ont un retentissement,
02:18 en fait ils souffrent de leur situation.
02:20 Ils n'arrivent pas bien à s'adapter.
02:21 Donc c'est ça le premier signe, c'est-à-dire c'est quelqu'un qui ne va pas bien et qui,
02:25 dans ses relations avec les autres, dans son travail à l'école ou même d'ailleurs
02:30 son travail tout court, parce que ça touche aussi 3% des adultes, ne va pas bien.
02:34 Et qu'est-ce qu'il présente ?
02:35 Donc évidemment un trouble de l'attention, une difficulté à se concentrer, ça on peut
02:38 s'en rendre compte ou on peut s'en rendre compte autour de lui.
02:40 Une distractibilité qui va avec, c'est-à-dire si un stylo tombe ou un oiseau passe par la
02:46 fenêtre, il a du mal encore plus à se concentrer.
02:49 Une forme d'impulsivité, c'est-à-dire au fond, à répondre à une question avant
02:54 même qu'elle ait été complètement formulée, ce qui est toujours un petit peu embêtant
02:57 parce qu'on en rate une partie.
02:58 Et puis cette hyperactivité qui peut être ou non présente, avant on appelait ça l'hyperactivité
03:03 parce qu'on pensait qu'il n'y avait que ça, c'est ce qui se voit le plus, mais en fait
03:06 ce n'est pas le principal.
03:07 Et après il y a d'autres signes comme notamment une sorte de labilité ou dysrégulation émotionnelle,
03:14 une difficulté à gérer ses propres émotions.
03:16 - Il existe probablement des prédispositions génétiques, je crois ?
03:20 - Alors très clairement, comme beaucoup de troubles du neurodéveloppement et comme beaucoup
03:25 de troubles en règle générale, il y a ce qu'on appelle une héritabilité importante.
03:28 C'est-à-dire que oui, il y a des prédispositions génétiques.
03:31 Aujourd'hui, il n'y a pas un gène du TDAH, mais probablement plusieurs qui font une sorte
03:36 de vulnérabilité.
03:37 Parfois on parle de score polygénique.
03:39 Et donc c'est une...
03:41 Voilà, il y a effectivement cet aspect-là qui est très important.
03:44 Il y a d'autres aspects qui viennent.
03:46 Le développement, ce n'est pas que la génétique.
03:47 Enfin, c'est quand même une part importante.
03:49 - Après le diagnostic, vient la question de la prise en charge médicale, médicamenteuse
03:54 même.
03:55 On prescrit du méthylphénidate, plus connu sous son nom commercial, la ritaline.
03:59 Il s'agit d'un stimulant.
04:00 Mais quelle est son action sur le système nerveux ?
04:02 Pourquoi donne-t-on des stimulants à des gens parfois hyperactifs ?
04:05 - C'est vrai que ça pourrait être un peu contre-intuitif dans une première idée.
04:08 On se dit déjà, il est un petit peu agité.
04:09 Ce n'est pas la peine que j'aille en plus essayer de le stimuler plus.
04:12 En fait, c'est surtout un médicament qui augmente la vigilance et donc l'attention.
04:17 C'est-à-dire qu'en fond, il va permettre aux gens de mieux se concentrer.
04:19 Ça marche très bien et ça marche très bien sur les gens qui ont un TDAH.
04:22 Ça marcherait d'ailleurs sur d'autres gens.
04:24 C'est un médicament qui est uniquement symptomatique et il permet aux gens de mieux se concentrer.
04:28 Et donc du coup, se concentrant mieux, tous les signes, la distractibilité, d'une certaine
04:34 manière l'impulsivité et très souvent l'hyperactivité, diminuent.
04:38 Et c'est pour ça que malgré le fait stimulant pour quelqu'un qui a l'air déjà très
04:41 stimulé, en fait c'est un traitement qui marche plutôt bien.
04:44 Je rappelle au passage que le traitement c'est une partie de la prise en charge, mais c'est
04:50 loin d'être l'essentiel.
04:53 Il n'y a qu'un enfant sur cinq qui aujourd'hui a un TDAH et qui a un traitement médicamenteux.
04:58 Les autres ont des mesures d'accompagnement.
05:00 Pourtant, beaucoup s'alarment de la hausse très importante des prescriptions de méthylphénidate.
05:05 La consommation a doublé en 10 ans.
05:07 En France, on craint que cela se fasse au détriment d'un suivi psychologique régulier
05:11 et la Haute Autorité de Santé le recommande en dernier recours.
05:14 Est-ce que c'est toujours le cas à votre avis ?
05:16 Je pense qu'il faut toujours se méfier.
05:19 Il y a un certain nombre de raccourcis.
05:21 Les traitements médicamenteux ne sont pas mauvais par nature.
05:24 C'est sûr qu'on est dans un contexte en psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent
05:27 qui est celui d'un trouble de la démographie médicale et on est très peu nombreux.
05:33 Et l'accès aux soins est quand même très compliqué.
05:35 Donc, bien entendu, on sait que quand il y a moins d'accès aux soins et quand les
05:41 gens ont des moyens réduits, il y a très souvent une augmentation des prescriptions.
05:46 Donc, il faut regarder ça avec attention.
05:48 Dans le cadre du méthylphénidate, on est quand même dans un cadre totalement différent.
05:52 Certes, les prescriptions ont doublé en 10 ans, comme vous le rappeliez, mais très
05:57 clairement, on partait d'un chiffre extrêmement faible.
05:59 Encore une fois, c'est un enfant sur cinq qui a un traitement, ce n'est quand même
06:02 pas tant que ça pour un trouble qui est quand même extrêmement fréquent.
06:05 Et puis, on est plutôt en France dans une forme de rattrapage.
06:09 On reste parmi les pays européens et dans le monde un des pays qui prescrit le moins.
06:12 - Alors, vous l'avez dit, au-delà des psychotropes, il y a des manières d'accompagner le trouble,
06:18 d'adapter l'environnement.
06:20 Vous dites dans votre ouvrage qu'il faut réorganiser le cadre éducatif.
06:24 Alors, on ne parlera pas de l'école puisque c'est un sujet un peu trop vaste pour aujourd'hui,
06:27 mais à la maison, que peut-on faire, Olivier Bonneau ?
06:30 - En fait, on peut faire beaucoup de choses parce qu'en fait, une fois qu'on a compris
06:33 à peu près comment fonctionnait le trouble et qu'on l'a aussi expliqué à l'enfant
06:36 et aux parents, viennent ensuite les conseils qui découlent directement de ce qu'on comprend
06:40 du trouble.
06:41 C'est les enfants qui, en règle générale, parce que leur comportement n'est pas toujours
06:45 très facile, ont très souvent des remarques un peu négatives de leur entourage et ils
06:50 ont donc souvent une forme de baisse de l'estime d'eux-mêmes.
06:53 Donc, il faut essayer d'être plutôt positif.
06:55 Et s'ils ont fait quelque chose à moitié, plutôt leur faire remarquer la bonne moitié,
06:59 c'est très bien, tu as déjà fait ça, c'est formidable ce que tu as fait aujourd'hui,
07:03 plutôt que de leur dire tu n'as pas fait une partie.
07:05 Ça, c'est déjà une première chose.
07:06 La deuxième chose, c'est que puisqu'ils sont distractibles et qu'ils ont des troubles
07:09 de l'attention, il faut quand même essayer de trouver un moyen et un environnement autour
07:13 d'eux relativement calme, ne pas avoir des tonnes de distracteurs tout autour, des écrans
07:16 qui marchent, de la musique ou autre à côté.
07:20 Donc ça, c'est déjà un aspect.
07:21 Et puis, ils ont souvent, pour le dire vite, des troubles de la planification et de l'organisation.
07:27 Donc il faut les aider à s'organiser, probablement en mettant un cadre relativement rigoureux
07:32 autour d'eux.
07:33 Et par exemple, pour donner un exemple simple, peut-être leur faire préparer leurs affaires
07:38 le soir plutôt que le matin dans la précipitation.
07:40 Bon, ça c'est aussi valable un peu chez tous les enfants.
07:43 - Merci beaucoup Olivier Bonneau.
07:44 Je rappelle le titre de votre livre, et si c'était un TDAH, chose édition Marabout,
07:49 mars 2024.
07:50 Merci.

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