Retrouvez William Leymergie entouré d’experts, du lundi au vendredi en direct dès 12h30, pour une émission dédiée aux problématiques de notre quotidien.
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00:00 [Musique]
00:04 - Bonjour Clara, Robert Mota, vous êtes journaliste.
00:07 Pour commencer, est-ce que vous pouvez nous expliquer simplement
00:10 ce qu'est le plasma et puis à quoi ça sert ?
00:13 - Bien sûr.
00:14 Le plasma, c'est ce liquide un peu jaunâtre qu'on trouve dans le sang
00:17 qui compose 55% du sang
00:20 et dans lequel on va trouver des protéines qui sont essentielles
00:23 et une fois isolées, qui peuvent fabriquer des...
00:25 enfin qui peuvent faire des médicaments
00:27 qui sont essentiels pour plein de personnes, pour des hémophiles,
00:31 pour des personnes immunodéprimées.
00:33 Et en fait aujourd'hui, c'est un gros marché,
00:36 c'est un marché à 31 milliards d'euros dans le monde.
00:39 - Mais dans le monde entier, on utilise le plasma.
00:41 Évidemment pas.
00:43 Tous les humains ont du sang.
00:44 Mais vous, personnellement, qu'est-ce qui vous a poussé
00:46 à enquêter sur ce sujet-là, sur le plasma ?
00:50 - Alors moi, je donne mon sang et il se trouve qu'une fois
00:54 que j'étais en train de donner mon sang à l'Établissement français du sang,
00:58 j'ai vu sur un fascicule que 90% du plasma collecté
01:02 était utilisé pour faire des médicaments
01:04 et je n'en avais absolument aucune idée.
01:06 Moi, je pensais que c'était vraiment pour des transfusions directes
01:09 ou ce genre de choses.
01:10 Et donc ça m'a un peu interrogée.
01:13 C'était vraiment la porte de départ.
01:15 - Alors comment ça fonctionnait exactement, le don du plasma ?
01:18 Il faut savoir dès le départ qu'en France, c'est un don,
01:21 le don du plasma.
01:22 C'est encadré, c'est précis, il y a des règles ?
01:26 - Oui, en France, comme dans le reste du monde,
01:29 on peut donner son plasma de deux façons,
01:31 c'est-à-dire soit par le don de sang total,
01:33 on donne tout son sang et le plasma sera isolé à postériori,
01:37 ou alors on fait un don par aphérèse, par plasmaphérèse.
01:41 - Qu'est-ce que c'est que ça ?
01:43 - On va vous prendre le sang, on va le mettre dans une machine
01:45 qui centrifuge, on va garder le plasma et on va vous renvoyer
01:48 tout ce qui est cellules, donc globules rouges, globules blancs,
01:51 plaquettes et vous allez être moins anémiés,
01:54 vous allez être moins fatigués.
01:56 - Quand on donne son sang, vous le savez,
01:58 puisque vous êtes donneuse vous aussi,
02:00 est-ce qu'on est assez donneurs en France ou pas tant que ça ?
02:03 - Alors on est assez juste en termes de donneurs en France,
02:07 mais sur le plasma spécifiquement, on est à 800 000 litres par an,
02:12 à peu près, et les capacités, les besoins en plasma
02:17 vont vraiment doubler dans les années à venir
02:19 parce qu'on est en train de construire une usine en France
02:23 pour fabriquer plus de médicaments
02:25 et là on va avoir besoin de 1,4 million de litres de plasma,
02:29 sachant que pour l'instant on en collecte 800 000.
02:33 - Alors justement, pour faire face à la demande dont vous venez de parler,
02:37 on peut se tourner vers l'étranger,
02:39 et essentiellement, on va voir, vers les Etats-Unis.
02:41 Alors d'abord, comment ça se passe là-bas ?
02:44 - Alors aux Etats-Unis, contrairement en France,
02:47 le don de plasma peut être rémunéré,
02:49 c'est-à-dire qu'on va pouvoir aller vendre son plasma.
02:53 Ils n'utilisent pas le terme "vendre", ils n'aiment pas trop ce terme,
02:56 donc ils disent "compenser", mais ça motive bien sûr.
03:00 Et donc voilà, deux fois par semaine, c'est assez énorme,
03:03 deux fois par semaine on peut aller vendre son plasma
03:06 contre une soixantaine de dollars,
03:08 sachant qu'on peut donner jusqu'à 104 fois par an aux Etats-Unis.
03:13 - 104 fois aux Etats-Unis. Notez bien ça.
03:15 - Voilà, en France, c'est 24.
03:16 - Mais vous disiez déjà qu'en France,
03:18 que ça servait pour des médicaments,
03:20 donc c'est les laboratoires qui achètent ce plasma,
03:22 donc ils le payent déjà à l'établissement français ?
03:24 - Oui, mais alors en France, on a un système un peu particulier,
03:27 on fonctionne avec deux entités,
03:29 qui sont l'établissement français du sang,
03:31 qui collecte, il y a le monopole de la collecte en France,
03:33 que personne ne peut collecter.
03:34 - Là, c'est gratuit quand on le donne ?
03:35 - C'est gratuit, bien sûr.
03:36 Et ensuite, ils cèdent, donc effectivement, ils vendent ce plasma,
03:39 mais à une entreprise publique nationale
03:42 qui s'appelle le Laboratoire français de fractionnement et de biotechnologie,
03:45 qui est national.
03:46 - Tout ça pour dire que c'est contrôlé par l'État et observé de près.
03:50 Bien, mais vous avez compris qu'aux Etats-Unis, pas du tout.
03:52 Donc les gens les plus modestes, ils n'hésitent pas à vendre leur plasma,
03:55 sans compter, elle le raconte très bien dans son lit d'ailleurs,
03:58 à la frontière mexicaine.
04:00 Alors vous avez pu interroger plusieurs donneurs aux Etats-Unis.
04:03 Alors comment ils prennent ça, eux ?
04:06 - Ça dépend vraiment des donneurs,
04:09 parce que d'un côté, on fait quelque chose de bien,
04:12 parce que c'est vrai, on a besoin de ce plasma
04:14 pour fabriquer des médicaments, évidemment.
04:16 Mais de l'autre côté, il y en a certains qui se sentent un peu utilisés
04:20 par l'industrie, qui effectivement gagnent beaucoup d'argent avec ça,
04:24 en comparaison des 160 dollars qui se font tout le temps.
04:28 Et il y en a parfois qui ont un peu peur pour leur santé à donner autant.
04:32 Après, ils ne donnent pas 104 fois par an.
04:35 - Non, bien sûr. Mais enfin, ils donnent souvent.
04:37 Pour ceux qui n'ont pas assez d'argent, ils disent que c'est un bon complément.
04:40 - Bien sûr, bien sûr. C'est une façon de joindre les deux bouts.
04:42 Et c'est pour ça qu'il y a pas mal de centres de collecte
04:45 qui sont situés aux abords des universités, dans des quartiers pauvres,
04:48 ou à la frontière mexicaine, où là, les Mexicains traversent la frontière,
04:54 parce qu'ils n'ont pas le droit de vendre le plasma dans leur pays.
04:58 Ils le peuvent aux Etats-Unis.
05:00 - Ils ne traversent que pour ça.
05:02 Et d'autre côté, je caricature, il y a une petite cabane,
05:06 pof, pof, pof, on n'en prend pas ça, et ils retournent chez toi.
05:09 C'est insensé, quand vous affrontez ça.
05:11 - C'est-à-dire que 60 dollars ou 50 dollars, comme ça a pu l'être,
05:15 c'est beaucoup pour une personne au Mexique qui n'a pas la même monnaie.
05:21 - Alors nous, on se rappelle, on revient en France,
05:23 on se rappelle le scandale du sang contaminé.
05:25 Vous savez, c'était dans les années 80, 90.
05:28 Ici, en France, tout est sécurisé.
05:30 - Oui, alors il faut dire que vraiment, le scandale du sang contaminé,
05:34 ça a été un énorme choc, à la fois pour l'industrie, pour le public
05:38 et pour les malades, évidemment, pour les patients.
05:41 Donc aujourd'hui, on a des normes qui sont très strictes
05:44 en termes de sécurité virale dans le monde entier.
05:48 - Bon, mais si à un moment, ici en France,
05:51 on n'a plus accès au plasma américain,
05:55 est-ce qu'il faut craindre une pénurie de certains médicaments,
05:59 puisque l'industrie pharmaceutique n'aura pas assez de sang,
06:02 pas assez de plasma ? Oui ou non ?
06:04 - Oui, complètement.
06:06 Aujourd'hui, les patients qui ont besoin de ces médicaments
06:09 subissent des pénuries, on peut le dire même en France,
06:13 parce que c'est un marché qui est extrêmement tendu.
06:16 Entre l'offre et la demande, on est très limite.
06:19 Et si un jour, les Etats-Unis décident de ne plus exporter leur plasma,
06:25 c'est toute l'Europe qui va être en difficulté.
06:28 C'est un sujet, c'est pour ça qu'on construit l'usine d'Arras en France,
06:31 c'est pour ça qu'on en parle au niveau européen.
06:34 - Est-ce que c'est vrai ? C'est une dernière question.
06:37 Plus on donne son sang, plus on arrive à donner un sang
06:43 qui est de moins bonne qualité. Est-ce que c'est vrai, ça ?
06:46 - Alors, c'est ce que suggèrent quelques études,
06:49 notamment aux Etats-Unis, quand la fréquence des dons de plasma,
06:52 spécifiquement, est importante.
06:54 C'est-à-dire que si vous donnez deux fois par semaine,
06:57 les protéines n'ont pas forcément le temps de se régénérer.
07:00 Et donc, effectivement, ces protéines dont on a besoin
07:03 pour fabriquer les médicaments, elles vont manquer
07:06 et on va devoir collecter plus de plasma.
07:08 - Donc, en gros, il vaut mieux pas abuser de ça ?
07:11 - Non, je... - Pour sa propre santé aussi.
07:13 - Pour la propre santé aussi, oui.
07:15 - Parfait. Ça s'appelle "De l'or dans le sang,
07:17 enquête sur le commerce mondial du plasma".
07:19 C'est chez Jean-Claude Lattès. Clara, Robert, Mota,
07:21 merci de votre visite.
07:23 - C'est vrai.
07:24 [Musique]