Retrouvez William Leymergie entouré d’experts, du lundi au vendredi en direct dès 12h30, pour une émission dédiée aux problématiques de notre quotidien.
Category
📺
TVTranscription
00:00 [Musique]
00:04 - Bonjour. - Bonjour.
00:06 - Bonjour, M. Lartow. - Bonjour, William.
00:08 - Alors, vous êtes journaliste sportif, comme je viens de le dire,
00:10 présentateur de l'émission Stade 2 et commentateur des matchs du 15 de France.
00:14 Dès le début du livre, on se rend compte à quel point le sport tient une place,
00:20 mais a tenu une place importante dans votre vie dès le plus jeune âge, il me semble.
00:24 - Oui, j'ai suivi la passion de mon père dans un premier temps sur les terrains de rugby.
00:30 J'étais dans les jupons de ma mère, j'avais 3 ans, j'allais le voir, il jouait 3e ligne L et ça m'a donné le goût de...
00:35 - Il jouait au rugby, 3e ligne ? - Il a joué à la 3e ligne, il était longtemps président du club,
00:40 donc naturellement, moi, j'ai pris une licence assez tôt et effectivement, le sport était le socle de ma vie
00:47 et ça m'a aiguillé vers le magnifique métier de journaliste sportif ensuite.
00:51 - Mais cette passion du sport, bien sûr, vous avez devoir y renoncer.
00:56 Durant l'adolescence, tout commence à vailler. Alors c'est une blessure au cours d'un match,
01:01 une blessure comme il y en a souvent.
01:03 - Oui, c'est banal. Moi, j'ai tendance à dire que le rugby a sauvé ma vie parce qu'effectivement,
01:07 j'ai eu une torsion du genou, on a longtemps cru que c'était une entorse, une banale entorse du genou
01:11 et finalement, les médecins ont un peu tâtonné parce que le synovialosarcome que j'ai eu,
01:17 c'est un nom un peu barbare mais c'est une maladie extrêmement rare, on me l'a diagnostiqué en 97,
01:22 il y avait 15 cas en France à l'époque, donc on a mis du temps à mettre un nom sur cette maladie.
01:27 Il a fallu évidemment arrêter la pratique du rugby, du sport en général et ça a accéléré un petit peu
01:33 mon choix ensuite de vivre tout ça par procuration.
01:36 - Oui mais enfin, il s'agissait d'une tumeur.
01:38 - Oui, un cancer très rare.
01:40 - Alors difficile de faire du sport, vous l'imaginez avec une jambe qui ne répond plus normalement
01:45 mais comme une manière il me semble de conjurer le sort, vous vous êtes dit
01:50 "Puisque je ne peux pas en faire du sport, je vais en parler du sport".
01:53 - Exactement, en fait j'ai vécu dans un tunnel pendant deux ans parce qu'il y a eu le tâtonnement
01:58 pour poser le diagnostic, il y a eu quelques erreurs médicales aussi et j'ai fait une infection nosocomiale,
02:03 je suis resté dans un service de 4 mois à l'IT, donc ça m'a permis de mûrir, de faire un petit travail d'introspection
02:09 pour savoir ce que j'allais faire par la suite et évidemment vivre le sport par procuration
02:13 à travers ce magnifique métier, ça a été une évidence pour moi.
02:17 - Alors vous entrez à France Télévisions, je le connaissais bien, vous étiez en stage dans les années 2000,
02:22 vous êtes toujours là-bas, tant mieux, vous allez faire la rencontre d'un homme qui va énormément compter pour vous.
02:28 - Patrick Knaffe que vous avez connu, qui a été un journaliste du service des sports,
02:34 qui a été amputé depuis l'âge de 14 ans et je le raconte dans le livre, il a semé une petite graine
02:39 qui m'a permis d'accepter peut-être plus facilement l'amputation, puisqu'il n'arrêtait pas de me dire
02:46 pendant tout le début de ma carrière, mais fais-toi couper cette putain de jambe, excusez-moi du terme,
02:50 mais parce qu'il voyait à quel point j'étais handicapé dans ma vie de tous les jours,
02:54 bien plus que lui ne l'était, puisque lui sautait en parachute, il était toujours le record du monde de vitesse
03:00 sur une jambe en ski. - Vous vous rendez compte ?
03:03 - C'était un casse-couille. - Record du monde de vitesse sur une jambe en ski.
03:05 - 188 km/h. Et donc il n'a pas arrêté de me dire ça et je crois que, et je lui rends hommage dans le livre
03:11 parce que je crois qu'il m'a aidé à cheminer comme ça et à prendre finalement cette décision 26 ans plus tard.
03:17 - Alors en 2023, c'est il n'y a pas longtemps, vous annoncez que votre cancer est récidive et que votre seule solution,
03:22 c'est enfin de vous amputer une partie de la jambe. Enfin, je dis enfin, vous n'étiez pas très chaud à l'époque,
03:28 mais là, oui. Et cette décision, c'est une sorte de soulagement ou pas tant que ça ?
03:33 - C'est une libération. Je raconte cette scène où le matin à 6 heures, tous ceux qui se sont fait amputer connaîtront ça.
03:41 Je me douche avec la bétadine et je dis adieu à cette jambe finalement.
03:45 - Oui, c'est la bête alien. - C'est une forme de libération.
03:47 Parce qu'à ce moment-là, moi, j'ai quand même un alien qui est revenu, qui fait 10 cm, qui se propage à vitesse grand V.
03:53 Et donc couper cette jambe, c'est me débarrasser de cet alien dans un premier temps.
03:56 Et puis, accessoirement, au niveau de ma mobilité, je sais que quelque part, je retrouverai peut-être des capacités que je n'avais plus depuis très très longtemps.
04:06 Une simple balade en vélo m'a été longtemps impossible avec mes enfants, des activités basiques, quoi.
04:12 Et je sais qu'avec l'aide d'une prothèse et la technologie d'aujourd'hui, je pourrais sans doute le faire.
04:19 - Oui. Et vous l'avez fait. - Et je l'ai fait. Et ça fait du bien.
04:24 - Tu as fait la balade en vélo ? Avec tes enfants ? - Oui.
04:28 J'ai même fait une sortie dans le désert il y a peu, parce que j'ai vécu mes premières vacances depuis un an avec mes enfants.
04:33 - Non, mais essayez de vous rendre compte, quand même. Non seulement, ça fait... Il n'a jamais fait de vélo, quasiment, Mathieu.
04:37 - Non. Non, non, je ne faisais plus d'activités. - Plus de vélo.
04:40 Là, il fait du vélo, puis avec des enfants qui n'ont jamais vu faire ça. Alors...
04:44 - Je vais vous défier au golf bientôt, non ? - Ah oui. Mais j'ai peur que vous jouiez mieux que moi.
04:48 - Non, je ne crois pas. Je ne crois pas. Non, mais voilà, ça fait partie peut-être des activités que je pourrais faire dans les mois qui vont venir.
04:55 Mais effectivement, bon, alors ça intervient un peu tard pour mes enfants. J'ai un... Mon aîné a 19 ans maintenant. Il ne m'attend plus pour des activités physiques.
05:02 - Oui, mais quel bonheur de voir papa qui sait faire ça. - Mais voilà. Je peux partager des choses avec eux que je ne partageais pas, que je n'ai jamais partagé.
05:08 - Alors, c'est intéressant, parce que vous dites aussi que... Vous évitez de parler de courage, parce que tout le monde vous dit "Oh, Mathieu, tu as eu du courage, c'est formidable".
05:14 Mais ne vous dites pas ça. Vous vous dites "J'ai de la détermination".
05:18 - Oui, parce que pour moi, le courage, c'est ce que la volonté vous dit, ce n'est pas ce que le destin vous impose.
05:23 C'est la formule que j'utilise dans le livre, et c'est exactement ça. En fait, quand on vous annonce que vous avez un cancer, il n'est pas question de courage.
05:29 Il est juste question de faire face à une saloperie qui touche beaucoup trop de monde en France. Et donc, il n'y a pas de choix.
05:34 Et le courage implique un choix, selon moi. Alors on pourrait débattre longtemps de tout ça, mais je ne m'estime pas plus courageux que les autres.
05:41 Et puis ça voudrait surtout dire que ceux qui, malheureusement, sont emportés par la maladie ont fait preuve de moins de courage que ceux qui sont là pour en parler.
05:48 - Et puis un mot aussi pour les injustices dont vous parlez dans votre livre. Les personnes qui sont comme vous handicapées, en tout cas d'une jambe, et des deux, n'en parlons pas,
06:00 doivent faire face à de nombreuses personnes, parce que, par exemple, pour les prothèses, c'est extrêmement difficile. Expliquez pourquoi.
06:08 - En fait, il y a une iniquité que j'ai découverte, moi, évidemment, à travers toute cette expérience. Alors pour que les gens comprennent bien, je prends un exemple d'un adolescent de 15 ans
06:17 qui se ferait renverser dans un accident de la route et qui devrait subir une amputation. Cet adolescent, et heureusement pour lui, il va bénéficier toute sa vie de l'accompagnement d'une assurance.
06:26 Il y a un tiers dans l'accident. Il va pouvoir bénéficier des meilleures prothèses. Il faut savoir qu'une prothèse, aujourd'hui, la plus sophistiquée du marché, elle coûte 100 000 euros.
06:34 Ce sont des prothèses qu'il faut changer tous les 6 ans. Donc imaginez, à l'échelle d'une vie, c'est une somme d'un million d'euros. Donc c'est difficile de pouvoir assumer ça seul quand il n'y a pas d'assurance.
06:42 Et le même adolescent de 15 ans qui aurait un sarcome comme j'ai eu et qui se ferait amputer, lui, c'est la double peine. Alors il va bénéficier d'une prothèse, somme toute, très bonne.
06:52 C'est la mienne aujourd'hui. Elle est remboursée par la Sécurité sociale, sauf qu'elle est 6 fois moins performante que la prothèse qui coûte 100 000 euros.
06:59 Donc je suis en train de créer une association, Debout en bout, qui essaiera de...
07:03 - Debout... - Plus loin en bout.
07:06 - En bout. - Pour essayer d'aider justement les jeunes à être équipés de la meilleure des manières. Parce que finalement, avoir la meilleure prothèse, aujourd'hui, ce n'est pas un luxe.
07:15 Et malheureusement, c'est perçu comme ça encore dans notre pays.
07:19 - Il y a un fonds d'analysation des accidents, voilà, thérapeutiques, ou des...
07:23 - Oui, toutes les idées sont les bienvenues.
07:25 - Le fonds d'analysation existe déjà en matière de responsabilité médicale. Il faudrait qu'il soit créé également pour...
07:31 - Vous savez que la première cause d'amputation en France, c'est le diabète. Les personnes qui sont touchées par une amputation liée au diabète, elles n'ont pas accès aux meilleures prothèses non plus.
07:40 - Mathieu, consultez l'avocat. Demandez-lui gratos.
07:45 - Je suis d'autant plus sensible à cette cause pour des raisons qui sont...
07:48 - Et puis, gratos pour vous.
07:51 - Maniche, j'ai bien fait de venir.
07:53 - Et M.M.Briam prend tout en charge. Vous avez compris aussi.
07:56 - Je m'en occupe. Je m'en occupe personnellement.
07:59 - Merci, Mathieu, de votre visite.
08:01 - Merci à vous.
08:02 - Alors, ça s'appelle "On n'ampute pas le cœur". C'est publié aux éditions Robert Laffont. Et à bientôt sur les terrains.
08:08 [Musique]