Retrouvez William Leymergie entouré d’experts, du lundi au vendredi en direct dès 12h30, pour une émission dédiée aux problématiques de notre quotidien.
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00:00Bonjour Marina Bello, vous êtes journaliste et vous collaborez notamment à Retro News,
00:10c'est un site d'archives de presse lancé par la Bibliothèque Nationale de France
00:15et votre livre est dédié aux arnaqueuses des années folles.
00:18Comment vous avez découvert ce sujet-là ?
00:20Justement en faisant des recherches sur Retro News, je suis tombée sur ma première rencontre,
00:25ça a été avec Martano, donc celle qu'on a appelée la banquière des années folles.
00:29Et la banquière, c'est celle dont on a fait un film ?
00:30Oui exactement, avec Romy Schneider, inspirée de sa vie mais pas tout à fait fidèle à son existence.
00:37Et ça a été une surprise de découvrir justement la vie de cette femme hors norme
00:41qui a monté un empire de la finance en total autodidacte,
00:45qui a défrayé la chronique, qui a compté dans l'histoire de notre pays
00:49et qui est pourtant totalement tombée dans l'oubli.
00:51Elle était très connue à l'époque ?
00:54Elle était très très connue, extrêmement connue.
00:56Mais elle a fait de la prison ou pas ?
00:57Comment ?
00:58Elle a fait de la prison ?
00:59Elle a fait de la prison, elle s'est même suicidée en prison.
01:01Ah bon ?
01:01Et ça a été une vraie saga judiciaire en fait.
01:04Pendant des années, la presse parle d'elle et c'est ça qui est d'autant plus frappant,
01:07c'est de se dire qu'aujourd'hui on l'a oubliée.
01:09Et comment vous avez procédé pour enquêter sur des femmes comme ça ?
01:12Parce que c'était quand même il y a assez longtemps.
01:15Oui, j'ai déterré toutes les archives possibles, les dossiers de police,
01:20les minutes de procès aux archives nationales, dans les archives locales.
01:23Et puis surtout aussi, j'ai épluché la presse de l'époque, des années 20 et 30,
01:29et je me suis rendu compte qu'il y en avait eu beaucoup, des femmes arnaqueuses.
01:33Il y en a plus qu'aujourd'hui ?
01:35Alors ça, je ne pourrais pas vous dire, on ne les connaît pas toutes.
01:38Mais en tout cas, celles qui ont...
01:40Celles qui ont...
01:43Non mais c'est curieux parce qu'on a l'impression que c'est l'époque qui voulait ça.
01:46Il y avait plus de femmes qui étaient comme ça, des arnaqueuses.
01:51Elles ont toutes sévi pendant un contexte quand même très particulier,
01:55un contexte historique, il faut peut-être rappeler.
01:57Oui, les années folles, on est après guerre,
02:00c'est une période d'essor économique, de bouillonnement,
02:02il y a une sorte de soif de liberté,
02:06une envie de vivre et de faire la fête qui s'empare de la société.
02:10Et les femmes, précisément, veulent participer à cette fête des années folles,
02:14d'autant plus que la Première Guerre mondiale les avait propulsées en première ligne,
02:18qu'elles avaient pris des responsabilités du pouvoir,
02:20qu'elles avaient goûté à tout ça et quand la guerre s'achève...
02:23C'était quoi, on dit, les arnaqueuses ?
02:24Mais qu'est-ce qu'elles faisaient ? Elles arnaquaient qui ?
02:27Est-ce que pour autant, elles ont gagné beaucoup d'argent ou pas tant que ça ?
02:31Il y a tout type d'arnaqueuses.
02:32Il y a des petites arnaqueuses qui font des petites choses avec les moyens du bord
02:37et il y a des grandes arnaqueuses dont Martano
02:40qui, elle, montre vraiment un empire de la finance, comme je le disais.
02:43C'est ça qui est incompréhensible, un empire de la finance et ça a marché.
02:47Ça a marché, oui, tout à fait, jusqu'au moment où ça s'est écoulé,
02:50où elle est devenue la femme à abattre.
02:51Bon, je ne vais pas rentrer dans les détails, il faut lire le livre,
02:53mais oui, oui, tout à fait, ça a marché, oui.
02:56– On peut tracer le profil de ces arnaqueuses de ces années 20-là.
02:59Qu'est-ce qui les différencie, si jamais on peut les différencier, des hommes arnaqueurs ?
03:05– Alors, déjà, il faut rappeler qu'à l'époque, dans les années 20,
03:08elles n'ont pas le droit d'ouvrir un compte en banque sans l'autorisation de leur mari.
03:11Elles sont tenues très loin du monde économique, du monde des affaires,
03:14donc elles doivent forcer beaucoup plus de portes et, en l'occurrence,
03:17Marthano, par exemple, pour rentrer dans la bourse,
03:20qui est interdite aux femmes jusque dans les années 60,
03:22elle se grime en homme, elle met une fausse barbe, voilà.
03:25Donc, il faut y aller par effraction, presque.
03:27Donc, voilà, il faut une audace hors du commun.
03:29– Alors, il y a une autre femme qui est très oubliée aussi,
03:31qui est pourtant à l'origine d'une arnaque assez célèbre, par ailleurs, c'est quoi ?
03:34– Oui, Adèle Spitzeder, effectivement, elle a créé le premier système de Ponzi,
03:39donc elle est prussienne, c'est dans les années 1860.
03:42Elle arnaque énormément de gens, elle se fait beaucoup d'argent
03:46et l'histoire ne la retient pas, c'est-à-dire que 50 ans plus tard,
03:50Charles Ponzi, un homme, entrepreneur, monte exactement le même système,
03:54plus tard, ce sera le système à la Madoff,
03:56et l'histoire retient son nom au point de donner…
03:58– C'est quoi le système ? C'est « investissez chez moi » ?
04:02– Voilà, et en fait, on rembourse l'argent,
04:06enfin, on rembourse les nouveaux investisseurs avec l'argent des anciens.
04:10Donc, en fait, c'est une sorte de système sans frein, voilà, ça n'arrête pas
04:13et forcément, au bout d'un moment, c'est voué à s'écrouler, quoi.
04:16– Ça s'arrête, la pyramide s'écroule.
04:17– Voilà, c'est la pire, la fameuse pyramide de Ponzi.
04:19– Et Madoff, il faisait ça, il les fait régulier à un étage
04:22et au-dessus, les tricheurs.
04:23– Exactement.
04:23– Mais c'était la même…
04:24– C'est la même baise.
04:25– Exactement, il finançait les intérêts avec les nouveaux entrants.
04:28– Exactement.
04:28– Sinon, il n'y a plus de nouveaux entrants, ça s'écroule.
04:29– Ça s'écroule forcément.
04:31– D'accord, dans votre livre, on retrouve aussi l'histoire de René Saffrois.
04:35Alors, c'est la bourgeoise, une bourgeoise qui voulait devenir noble à tout prix.
04:39Vous nous racontez, c'est quoi, cette bourgeoise ?
04:41– Alors oui, René, elle est issue du lieu de la bourgeoisie
04:43mais elle a la folie des grandeurs, le goût du faste.
04:46Voilà, elle a envie de peser, de compter.
04:49Et pour ce faire, elle va dénicher un vieux marquis d'origine polonaise dans un hospice.
04:56Elle lui force un peu la main pour se marier avec elle
04:59et elle acquiert du coup un titre de noblesse, le titre de marquise.
05:02Et parée de ce titre, elle arrive dans des châteaux dont elle sait qu'ils sont à vendre
05:06et elle débarque et elle dit, je suis madame la marquise,
05:08c'est moi la nouvelle propriétaire, je vais m'installer,
05:10on va faire des grands dîners, on va commander des tapisseries.
05:14Voilà, et ça passe, elle est noble, donc on la croit.
05:17Le notaire a un chèque, elle dit juste, il ne faut pas l'encaisser tout de suite,
05:21j'attends un héritage, etc.
05:22Et quand on commence à la soupçonner que ça commence à être compliqué,
05:25elle s'enfuit et elle répète exactement la même opération ailleurs
05:27et elle fait un tour de France des châteaux.
05:29– Je me suis demandé s'ils étaient de grandes amoureuses ou pas du tout,
05:32c'était pas leur problème, ça ?
05:34– Alors, Marthe était bisexuelle, elle a eu plusieurs amours, femmes, hommes,
05:39en tout cas, ce qui est sûr, c'est que globalement, elles ne font pas d'enfants,
05:42enfin, en tout cas, elles se soustraient aux injonctions de la société
05:46qui veulent qu'elle soit mère avant tout, femme au foyer, ça, c'est pas pour elle.
05:50– Elles étaient très à part.
05:52– Très à part.
05:52– Bon, alors, ça s'appelle, si vous voulez en savoir plus sur ces femmes-là,
05:56les arnaqueuses, ça peut faire des scénarios de films, ça, hein ?
05:59– Tout à fait, de séries même.
06:00– Oui, oui, une série, tiens, vous y avez pensé, peut-être ?
06:03– Oui, tout à fait.
06:04– Oui, très bien, merci beaucoup Marina Bello.
06:07Donc, c'est publié aux éditions Taillandier.
06:10– Merci.
06:11– Merci de votre visite.