Retrouvez William Leymergie entouré d’experts, du lundi au vendredi en direct dès 12h30, pour une émission dédiée aux problématiques de notre quotidien.
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00:00 -Bonjour William, bonjour tous.
00:02 Ça me fait vraiment plaisir de venir vous voir.
00:04 -On est ravis.
00:06 -On a des souvenirs quand même.
00:08 -Ah bah oui, quelques-uns.
00:10 -Je lui avais donné avec Michel Legrand le jingle de sa musique.
00:12 -Oui, absolument.
00:14 -C'est une musique gagnante.
00:16 Elle est dans plein d'émissions américaines,
00:18 de pubs, etc.
00:20 Donc, t'avais eu du nez.
00:22 -Non, mais grâce à vous d'ailleurs,
00:24 on a pu obtenir ça assez facilement.
00:26 Parce qu'il y avait des droits d'autochtone,
00:28 on s'est fait un petit bruit.
00:30 -Vous nous avez simplifié les choses.
00:32 Alors, vous publiez un roman
00:34 intitulé "La grille du Palazetto".
00:36 Alors, ça se passe sur un tournage.
00:38 Qui sont les principaux personnages ?
00:40 Et qu'est-ce qu'ils font à Venise ?
00:42 -Alors, c'est un tournage à Venise
00:44 en 1970. C'est important de le dire
00:46 parce que c'est l'époque où moi je commençais ma carrière
00:48 de cinéma. Et ça a complètement
00:50 changé depuis. C'est-à-dire, c'est avant
00:52 le téléphone portable et avant les réseaux sociaux.
00:54 Et à l'époque, il y avait des stars.
00:56 Une star, c'était quelqu'un
00:58 qui...
01:00 Sur qui on misait de l'argent.
01:02 Et donc, c'était un peu une victime.
01:04 Moi, je plains les stars, je vous assure.
01:06 Parce qu'ils ont pas la vie facile, hommes et femmes.
01:08 Parce qu'à partir du moment où ils font
01:10 gagner de l'argent, tout le monde les cajole,
01:12 on les flatte, on les entoure.
01:14 Et puis, si un jour c'est le flop,
01:16 tout le monde leur tourne le dos.
01:18 Alors, c'est une histoire comme ça,
01:20 mais c'est aussi ce qui m'a beaucoup amusée.
01:22 Je suis à un moment de ma vie où
01:24 je vois ma vie en perspective et je vois surtout
01:26 le cinéma en perspective. Et quand
01:28 des gens qui connaissent pas le cinéma voient un tournage,
01:30 ils se demandent qu'est-ce que font
01:32 60, 70 personnes sur un tournage.
01:34 Et en réalité,
01:36 chacun est indispensable.
01:38 Chacun fait partie de cette espèce d'aventure.
01:40 Il faut que le film soit bon.
01:42 Parce que c'est pour le CV de chacun.
01:44 Leur cote monte ou descend selon
01:46 la qualité du film. Alors, je me suis
01:48 amusée à raconter tous les métiers du cinéma.
01:50 Alors, quel personnage ? Il y a bien sûr
01:52 mon actrice principale qui est
01:54 la star, le metteur en scène,
01:56 mais il y a aussi l'attaché de presse,
01:58 les machinaux, le
02:00 technicien du son, les producteurs,
02:02 le contre-producteur,
02:04 l'assistant qui est un espèce
02:06 d'espion. Et tout ça,
02:08 c'est un monde formidable.
02:10 C'est comme une petite ville.
02:12 - Oui, c'est une petite ville. Et quand vous vous quittez,
02:14 d'ailleurs, Truffaut avait très bien fait ça.
02:16 C'est un déchirement parce que vous avez
02:18 vécu ensemble pendant parfois deux mois.
02:20 - Exactement. Et on se connaît bien parce qu'on est très...
02:22 - C'est matin et soir.
02:24 - Et puis, on vit une espèce de trance quand même
02:26 parce que c'est quand même... Le temps est compte,
02:28 time is money. Et puis, tout d'un coup,
02:30 à la fin du film, on se sépare.
02:32 Comme ce sont des gens qui sont de niveaux
02:34 sociaux complètement différents, alors les uns
02:36 retournent dans leur campagne
02:38 et d'autres, on ne se voit plus.
02:40 Et je pense que c'est une vie très dure.
02:42 Et je pense que ça touche hommes et femmes.
02:44 Regardez Patrick Devers, il n'a pas tenu le coup.
02:46 James Dean, alors Nathalie Wood,
02:48 Marilyn Monroe, elles sont innombrables,
02:50 les femmes qui n'ont pas tenu le coup.
02:52 - Alors, ce n'est pas le paradis, et on va y revenir,
02:54 ce n'est pas le paradis un tournage, comme on pourrait...
02:56 - Non, non, non. - Juste un mot pour la...
02:58 L'héroïne principale, là, elle s'appelle
03:00 Mélusine. Elle est un peu
03:02 capricieuse, non ? - Alors...
03:04 - Elle est jeune jeune ou pas tant que ça ? - Elle est née d'un milieu très populaire
03:06 et elle n'est pas du tout équipée pour ce genre de vie.
03:08 Mais comme elle est très intelligente et très
03:10 fine... Et puis, vous savez, il y a un mystère.
03:12 C'est la faute au génie.
03:14 Il y a des filles qui ne sont pas très jolies à l'œil
03:16 et qui sont incroyables à l'écran.
03:18 - C'est vrai. - Et vice-versa, des filles qui sont
03:20 très belles et qui, à l'écran,
03:22 ne te font ni chaud ni froid. - Ça ne passe pas.
03:24 - Alors, ça, c'est un truc quand même difficile à supporter.
03:26 - Et elle, elle est... - Elle, elle est dans la catégorie
03:28 des très très faute au génie et des mystérieuses.
03:30 Parce que la faute au génie,
03:32 c'est quelque chose qu'on ne comprend pas.
03:34 Pourquoi est-ce que tout d'un coup, un visage te bouleverse
03:36 et un autre ne te bouleverse pas ?
03:38 Et donc, cette injustice-là, il faut la...
03:40 - Oui, c'est une injustice. - C'est une injustice.
03:42 Regardez comme vous êtes faute au génie que vous.
03:44 - Oh, mon Dieu. - Et puis qui...
03:46 - Alors que dans la vie... - Franchement...
03:48 Franchement, Masha, j'allais vous le dire.
03:50 Je me disais, est-ce qu'on peut prendre un bon exemple ?
03:52 - Parfait.
03:54 - Je suis bête, bien sûr.
03:56 Bon, mais alors moi, ce qui m'intéresse aussi,
03:58 c'est que c'est un mélange
04:00 d'actrices que vous avez côtoyées,
04:02 peut-être, ou alors c'est un personnage
04:04 totalement de fiction ?
04:06 - Non, j'ai fait un cocktail. J'ai mélangé
04:08 des choses que je savais de beaucoup d'actrices
04:10 et surtout une principalement, qui est Martine Carole.
04:12 - Ah oui ? - L'histoire, en fait,
04:14 que j'ai racontée, c'est arrivé.
04:16 J'avais un copain, assistant,
04:18 qu'on avait chargé de surveiller Martine
04:20 à la fin du tournage, parce qu'elle était
04:22 à la fin de sa vie
04:24 dans un état un peu difficile.
04:26 Elle était alcoolique et
04:28 un peu nymphomane. Elle allait se faire sauter
04:30 par des routiers sur les autoroutes.
04:32 Non, non, c'est vrai, hein.
04:34 Elle se faisait passer... À l'époque, il y avait des prostituées
04:36 sur les autoroutes. - Un chat, quand même.
04:38 - C'est vrai, c'est vrai. Je peux le dire,
04:40 parce que je crois que c'est connu.
04:42 Et donc, ce pauvre garçon, qui était
04:44 un jeune assistant, qui avait 20 balais,
04:46 il est obligé de la suivre partout. Et quelques fois,
04:48 elle le semait. Elle se débrouillait pour le semer.
04:50 - Le pauvre, il avait un rôle de boulot.
04:52 - Donc, j'ai trouvé que c'était une trame extraordinaire,
04:54 d'abord, de raconter ce divorce
04:56 entre la splendeur d'une actrice
04:58 pendant le tournage et quand il la voit,
05:00 lui, qui est un peu profane,
05:02 et qu'il la voit sur l'écran,
05:04 elle est intéressante. Et puis, la vraie personne
05:06 dans la vie, qui est insupportable, capricieuse...
05:08 Capricieuse, parce qu'on les gâte !
05:10 On les entoure
05:12 de davantage, de flatteries.
05:14 Elles n'ont que des flatteurs autour d'elles.
05:16 Donc, c'est très difficile. Et j'ai entendu,
05:18 moi, Maria Callas dire
05:20 "Ne crois que ceux qui t'aiment."
05:22 (rires)
05:24 Et donc, ça prouve
05:26 à quel point la solitude de ces grandes stars.
05:28 Alors, bon, il n'y a personne, mieux que moi,
05:30 qui peut raconter le cinéma, parce que
05:32 j'ai la distance et j'ai la connaissance.
05:34 J'ai tourné beaucoup, dans beaucoup de pays.
05:36 Il y a quelque chose de commun. D'ailleurs, on a
05:38 tous cette espèce de monde qui se ressemble.
05:40 - Les équipes peuvent se rendre, même si les pays...
05:42 - Tout le monde se ressemble, et même physiquement.
05:44 Les directeurs de la photo ont un peu le même look.
05:46 Les assistants ont le même look. C'est très intéressant.
05:48 - Et donc, votre histoire, c'est un cocktail
05:50 de plusieurs tournages que vous avez vécus. Vous êtes inspirée de...
05:52 - Plusieurs histoires, plusieurs actrices.
05:54 Parce que, bon, le tournage, c'est le tournage.
05:56 Je pense que je le raconte d'une façon qui est intéressante
05:58 pour les gens qui ne connaissent pas le cinéma.
06:00 Mais surtout, le destin de cette femme.
06:02 C'est-à-dire, comment elle s'en sort.
06:04 Alors, je ne vais pas tout vous raconter, mais
06:06 elle s'en sort, elle. Mais elle s'en sort tout juste.
06:08 - Mais il y a un peu d'amour, quand même, aussi.
06:10 - Beaucoup. Parce que ce jeune homme
06:12 que j'ai choisi,
06:14 quelqu'un qui vient d'un pays de l'Est
06:16 et qui, donc, ne connaît pas du tout le cinéma,
06:18 et qui découvre ce monde
06:20 et l'Occident en même temps,
06:22 aussi loin que possible du cinéma,
06:26 il est complètement séduit.
06:28 Et il comprend petit à petit
06:30 combien c'est important,
06:32 une actrice.
06:34 Parce que vous avez, avec un écran,
06:36 un visage sur un écran,
06:38 plus d'intimité qu'avec la personne qui est assise à côté de vous.
06:40 Parce que la personne
06:42 à qui vous vous amenez au cinéma,
06:44 vous lui dites pas la vérité, tandis que l'autre,
06:46 elle vous dit la vérité. C'est ça qui est très
06:48 envoûtant avec le cinéma.
06:50 - Pour autant, avec tout ça, ça ne veut pas dire que le cinéma,
06:52 vous n'avez qu'un souvenir déçu.
06:54 Non, ce n'est pas le cas.
06:56 - Mais ce n'est pas le paradis.
06:58 - Ce n'est pas le paradis.
07:00 Moi, j'ai trouvé une solution.
07:02 Je ne suis pas une star, et c'est ma chance.
07:04 - Monsieur...
07:06 - Je ne suis pas Banneke Bell,
07:08 et tant mieux, parce que c'est pour ça que je suis là,
07:10 à vous parler d'un livre,
07:12 d'autres choses que je fais, de Michel Legrand,
07:14 et de toutes les choses qui m'occupent.
07:16 - Mais si vous êtes une star.
07:18 - Parce que vous m'aimez.
07:20 - Mais oui. Vous êtes ma star.
07:24 - Ça s'appelle "La grille du Palazetto".
07:26 Vous avez compris que ça se passe à Venise,
07:28 et c'est un roman, bien sûr,
07:30 mais c'est publié à l'Archipel.
07:32 Merci de votre visite.
07:34 Ça fera peut-être un film, on ne sait jamais.
07:36 Ça serait une bonne revanche, ça.
07:38 - C'est écrit comme un scénario.
07:40 - C'est pas mal.
07:42 - Ça, ce serait pas mal.
07:44 - Vous vous en occupez ?
07:46 - Je ne m'en occupe pas tout de suite,
07:48 parce que j'ai deux, trois trucs à faire.
07:50 Merci de votre visite.
07:52 - Merci, William. À bientôt.
07:54 - À bientôt.
07:56 [Musique]