Lundi 29 janvier 2024, SMART BOURSE reçoit Ouissem Barbouchi (Président Fondateur, Obafrica AM)
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00:10 Le dernier quart d'heure de Smart Bourgeois chaque soir, c'est le quart d'heure thématique et c'est un point de rendez-vous régulier avec le président fondateur d'Aubafrica Asset Management pour parler des marchés boursiers africains.
00:21 Wissem Barbouchi est à mes côtés ce soir. Bonsoir Wissem.
00:24 Bonsoir Grégoire.
00:25 Merci beaucoup d'être là et de venir partager votre expertise sur ces marchés boursiers africains.
00:31 Toujours compliqué de regarder ces marchés boursiers de manière globale parce que l'Afrique est effectivement un territoire vaste avec différents enjeux, différentes zones économiques bien sûr.
00:46 Mais s'il faut résumer 2023 sur le plan boursier pour l'Afrique, Wissem, qu'est-ce qu'on peut dire ?
00:52 Alors effectivement c'est toujours difficile de résumer en quelques mots un continent aussi vaste et aussi hétérogène que le continent africain.
00:59 Disons que déjà sur le plan économique, l'Afrique a connu une année de croissance.
01:04 Alors c'est toujours une année de croissance disparate puisque si on prend la croissance moyenne, alors selon le FMI, elle tourne entre 3 et 3,5% avec des pays comme toujours la Côte d'Ivoire et le Sénégal à plus de 6%
01:16 et puis d'autres pays plus matures comme le Maroc ou l'Afrique du Sud qui vont tourner à 1 ou 2%.
01:21 Ce qu'il faut avoir en tête c'est que 2023 ça a été une année comme dans la plupart des pays dans le monde où le ralentissement de la croissance de l'économie mondiale a pesé sur les croissances des économies africaines.
01:33 Ça c'est un élément important puisqu'on a revu à la baisse au moins deux ou trois fois les taux de croissance du continent africain.
01:40 L'autre élément important c'est qu'on est face aussi à beaucoup d'inflation.
01:44 Donc on a des taux d'inflation qui restent élevés dans la plupart des économies africaines et face à ça des banques centrales qui ont dû plusieurs fois augmenter les taux pour essayer de contenir cette inflation.
01:53 Et puis l'élément qu'on connaît mais qui a été moins important en 2023 c'est celui des taux de change avec des pressions disparates sur les monnaies.
02:01 Des monnaies qui ont bien tenu, qui historiquement tiennent bien, je pense notamment au Dirham ou la roue pimentricienne.
02:07 Et puis des monnaies qui ont un peu moins bien tenu, je pense notamment au Nera qui a fortement dévalué en début d'année.
02:12 Ce jeu des devises sur le continent africain, c'est un impondérable quand on est investisseur sur ces marchés-là.
02:22 Comment est-ce que la situation macroéconomique que vous avez décrite, Wissem, comment est-ce qu'elle s'est traduite sur le plan boursier pour les marchés africains ?
02:30 C'est vrai que c'était en plus votre première question.
02:32 Les deux vont ensemble.
02:33 J'ai fait une digression.
02:34 Mais disons que sur le plan boursier c'est une année relativement positive pour les bourses africaines.
02:38 On va dire que sur la quinzaine de bourses que nous suivons, il y en a trois qui sont en territoire négatif et toutes les autres sont en territoire positif.
02:46 Avec certaines qui affichent des performances extraordinaires.
02:49 Je pense notamment à la bourse égyptienne qui a plus de 70% en devises locales.
02:53 La bourse nigerienne qui a environ 50% en devises locales.
02:56 Ou celle du Ghana qui est autour de 30%.
02:58 Et puis d'autres bourses comme le Maroc notamment ou la Tunisie qui tourne autour de 10% en devises locales.
03:04 Quelles sont les perspectives qu'on peut avoir ?
03:07 En tout cas, quels sont les éléments de réflexion, d'analyse qui nourrissent justement les perspectives 2024 aujourd'hui ?
03:15 Alors 2024, ça va être une année importante sur le plan géopolitique.
03:20 Puisque nous avons sur le continent africain neuf pays qui vont faire face à des élections présidentielles.
03:24 C'est l'ensemble du monde qui vote cette année.
03:27 Et en Afrique, ce sont neuf pays qui sont appelés aux jurons pour cette année.
03:31 Pas que les Russes et les Iraniens qui votent.
03:34 60% du PIB mondial.
03:36 Plusieurs pays vont faire face à des élections en Afrique.
03:40 Même si en 2023, on a vu passer les élections du Nigeria et celle de l'Egypte qui se sont relativement bien passées.
03:47 Nous en 2024, on va surveiller celle du Sénégal et de la Tunisie qui pourraient avoir un impact sur notre gestion.
03:55 Un élément important, celui de la géopolitique qu'on va surveiller, qu'on continue de surveiller et qu'on a toujours surveillé sur le continent africain.
04:02 2024, on attend toujours de la croissance.
04:05 Le FMI attend un taux de croissance qu'on prie entre 3,5 et 4%.
04:08 Avec toujours des disparités selon les pays.
04:11 Et toujours des économies matures qui vont tourner autour de 2-3% et puis d'autres à plus de 5%.
04:16 Je pense encore une fois au Sénégal et à la Côte d'Ivoire, deux pays dans lesquels nous sommes investis.
04:20 Une année aussi où il va falloir prendre un peu plus de risques de notre côté.
04:27 On espère, comme dans toutes les autres places boursières, que les banques centrales vont baisser les taux.
04:34 En voyant les taux d'inflation se stabiliser ou baisser.
04:38 Cela va nous donner des opportunités.
04:40 D'une part, pour revoir nos modèles d'évaluation et avoir un peu plus d'upside sur les sociétés qui nous intéressent.
04:47 Et d'autre part, avoir la possibilité d'investir un peu plus dans des entreprises qui ont des bilans endettés.
04:54 Historiquement, on a plutôt acheté des entreprises avec des bilans de qualité.
04:58 Avec un leverage relativement faible.
05:01 La baisse des taux pourrait être un élément positif pour qu'on puisse s'intéresser de nouveau à cette catégorie de société.
05:06 Une forme de soulagement attendu de ce point de vue-là pour un certain nombre de secteurs d'activité, d'entreprises aussi.
05:11 Qui étaient sous pression du fait des taux et de l'inflation jusqu'à présent.
05:15 Exactement.
05:17 Sur ce sujet des taux, on va voir la Banque Centrale Égyptienne se réunir ce jeudi.
05:22 Il y a un vrai sujet aussi pour que les taux réels restent sur un territoire positif.
05:28 Un sujet qu'on observe pas que sur le continent africain.
05:31 Mais qu'on observe un peu sur toutes les marchés qui font face à des taux d'inflation élevés.
05:37 Oui, dans les émergents, on sait ce que c'est que l'inflation.
05:40 Nous, dans les pays développés, on avait oublié ce que c'était que l'inflation.
05:43 C'est très intéressant, je trouve, dans ce contexte inflationniste, dans les économies développées,
05:49 de suivre comment les émergents, eux, traitent cette question de l'inflation.
05:53 Une fois qu'on a dit ça, un mot quand même du portefeuille.
05:57 C'est Africa Picking Fund.
06:00 Comment ça s'est passé pour votre portefeuille, la stratégie en 2023 ?
06:05 Même HMG, Africa Picking Fund, vous savez que le fonds est désormais dans le giron de HMG.
06:10 C'est un fonds qui est géré par HMG depuis mai dernier, depuis mai 2023, donc bientôt un an chez HMG.
06:18 C'est vrai que l'année 2023 a été une année de changement pour le fonds,
06:22 mais aussi une année exceptionnelle en termes de performance.
06:24 On est très content de voir que l'année 2023 a terminé à +36,7% en euros.
06:31 On n'avait jamais vu ça depuis le lancement du fonds en 2014.
06:34 C'est vrai que cette performance a été soutenue par plusieurs éléments.
06:37 D'une part, notre exposition au marché égyptien.
06:40 C'est vrai que début 2023, on avait souffert de la dévaluation de la livre égyptienne,
06:43 mais cette dévaluation a largement été compensée par les performances opérationnelles des entreprises dans lesquelles on a été investi.
06:49 Je pense notamment au secteur de la consommation, qui est un secteur qui nous intéresse toujours.
06:53 Des sociétés comme Cairo Poultry, dont j'ai déjà parlé ici, ou MM Group, dont j'ai également déjà parlé ici, qui ont très bien performé.
07:00 Je pense également à une société portugaise, dont j'ai déjà parlé ici, qui s'appelle Mountain Guild,
07:04 dont le cours de bourse a plus que triplé en 2023.
07:07 On est dans le PTP, c'est ça ?
07:09 Exactement, dans le PTP, qui historiquement a été présente en Angola et en Mozambique,
07:12 et qui de plus en plus est présente en Afrique subsaharienne, notamment au Nigeria.
07:16 C'est une société qui a également beaucoup soutenu la performance du portefeuille.
07:20 Et puis plus marginalement, des sociétés au Maroc, comme Risma dans le secteur de l'hôtellerie,
07:24 Marsa Maroc, société portuaire, ou dans la BRVM, Bourse Régionale des Valeurs Mobilières,
07:30 avec des entreprises comme la Sonatel, qu'on possède dans le fonds depuis de nombreuses années,
07:35 qui a également bien soutenu la performance du portefeuille.
07:37 Vous disiez tout à l'heure, avec le changement peut-être du réglage des politiques monétaires dans certains pays,
07:45 avec une inflation qui pourrait commencer à s'atténuer un petit peu, on va peut-être réfléchir à prendre plus de risques.
07:52 Comment vous dessinez la stratégie 2024, effectivement, aujourd'hui ?
07:57 Quels vont être les contours de cette stratégie, et là où l'est, l'igne directrice auquel vous vous tenez aujourd'hui ?
08:04 Disons qu'il y a une ligne directrice qui ne change pas, c'est celle du début, on va dire.
08:09 C'est-à-dire qu'on s'intéresse toujours aux entreprises du secteur de la consommation, majoritairement,
08:14 parce que l'idée c'est de bénéficier de l'émergence de la classe moyenne africaine,
08:17 et donc de bénéficier localement de cette classe moyenne.
08:21 Il y a certains secteurs qui, historiquement, ne sont pas dans le portefeuille, qui n'ont pas vocation à l'être.
08:25 Je pense notamment au secteur minier, qui est plutôt un proxy de la croissance chinoise que de la croissance locale africaine.
08:30 On va également toujours avoir plutôt une démarche small mid-cap.
08:34 C'est vrai que le small mid-cap en Afrique, ce n'est pas la même chose que le small mid-cap en Europe,
08:37 mais disons qu'on va continuer de regarder des entreprises qui ont des capitalisations boursières,
08:41 comprises entre 100 millions et 500 millions de dollars, avec des équipes dirigeantes de qualité,
08:45 des positions concurrentielles intéressantes, et une capacité à créer de la valeur sur le long terme.
08:50 Pour nous, créer de la valeur sur le long terme, c'est être en mesure de générer un retour sur capitaux employé,
08:54 supérieur au coût moyen pondéré du capital.
08:56 C'est un indicateur qu'on regarde très régulièrement.
08:58 Le rocher !
08:59 Voilà, le rocher, exactement.
09:00 En Afrique, malgré les taux qui sont très élevés, on a quand même des entreprises qui sont capables de créer de la valeur,
09:06 compte tenu de leur performance opérationnelle et des niveaux de croissance de leurs résultats.
09:10 Ensuite, dans la stratégie, c'est vrai que sur le plan sectoriel, on va continuer de s'intéresser au secteur que nous apprécions en Afrique.
09:17 On aime bien la consommation, mais on aime bien aussi la santé, on aime bien aussi l'éducation, on aime bien aussi le BTP.
09:22 Donc, essayer de composer avec tous ces secteurs, avec une diversification géographique qui va rester.
09:29 Et c'est vrai que ces dernières années, on a concentré le portefeuille.
09:32 C'est un portefeuille qui contient aujourd'hui 20 sociétés.
09:36 Il va rester concentré, ce portefeuille.
09:37 L'objectif, c'est de ne pas aller au-delà de 25.
09:39 Mais c'est vrai qu'on pourrait aller regarder des marchés comme l'Île-Maurice,
09:42 qui est un marché qui, historiquement, n'a pas fait partie de l'univers d'investissement.
09:48 Et puis peut-être, à terme, revenir aussi sur le Nigeria,
09:50 un marché qui nous a coûté très cher historiquement,
09:52 mais qui est en train d'évoluer dans le bon sens,
09:55 avec un nouveau président qui a mis en place des réformes qui laissent augurer, a priori, de choses positives,
10:01 notamment la libéralisation du NERA et la fin des subventions dans l'hydrocarbure.
10:04 Quel a été le problème du Nigeria jusqu'à présent ?
10:07 Pourquoi est-ce que ça a été une source de contre-performance ?
10:10 On parle du Nigeria comme étant un espèce de paquebot,
10:14 avec une population, une démographie très dynamique, très puissante.
10:18 Il y a des avantages et des inconvénients à tout ça, j'imagine.
10:21 Mais pourquoi ça a été un détracteur ?
10:23 C'est vrai que le Nigeria, c'est aujourd'hui la première puissance économique africaine,
10:26 première démographie africaine.
10:28 Et c'est vrai que pour l'investisseur qui s'intéresse à l'Afrique,
10:30 si vous lui donnez un bout de papier et une page blanche,
10:32 il va se dire que c'est impossible d'investir en Afrique si on n'est pas investi au Nigeria.
10:35 Malheureusement, quand on regarde dans le rétroviseur,
10:37 on voit que d'une part, sur le plan politique, ça a été très compliqué.
10:42 La gestion des affaires publiques au Nigeria est un sujet très compliqué,
10:46 avec toujours des affaires de corruption qui gangrènent beaucoup d'entreprises
10:50 qui peuvent nous intéresser, aussi bien cotées que non cotées.
10:53 On a eu un énorme sujet aussi sur le NERA,
10:55 qui est une devise qui a historiquement beaucoup souffert
10:58 par rapport aux autres devises internationales,
11:01 et qui donc, à un moment donné, se retrouvait avec un taux de change officiel
11:05 et un taux de change parallèle qui affichait un spread énorme,
11:08 plus de 60% à un moment donné.
11:10 La libéralisation de début d'année a permis de réduire ce gap
11:13 et de faire en sorte que les devises reviennent
11:16 et que les investisseurs étrangers se réintéressent au marché nigérien.
11:19 Ensuite, on a vu des entreprises qui, sur le plan opérationnel,
11:23 n'étaient pas toujours à la hauteur de ce qu'on pouvait espérer,
11:25 mais on sent que la dynamique est en train d'évoluer,
11:28 et encore une fois, plutôt dans le bon sens.
11:29 Donc, un marché qu'on va surveiller,
11:31 même si, quand on regarde dans le rétroviseur,
11:33 c'est vrai qu'on a envie de se dire "il faut faire attention".
11:36 Donc, avec prudence, le Nigéria.
11:38 - Oui, c'est tout le paradoxe.
11:40 Comme vous dites, à la fois, c'est le plus gros pourvoyeur de croissance
11:44 et de démographie aujourd'hui en Afrique,
11:46 et en même temps, il y a encore ces sujets-là
11:48 qui font que le standard d'investissement
11:51 n'est peut-être pas encore atteint parfaitement
11:53 pour des investisseurs comme vous aujourd'hui.
11:55 Merci beaucoup, Wissem.
11:56 Merci d'être venu nous éclairer rapidement, brièvement,
11:59 sur ce territoire, ce continent africain.
12:02 Sur le plan économique et sur le plan boursier, surtout,
12:05 puisque vous êtes le président fondateur d'Aubafrica Asset Management
12:09 et ce fonds Africa Picking Fund,
12:11 qui est opéré aujourd'hui par HMG Finance.
12:13 Wissem Barbouchi était l'invité du quart d'heure thématique de Smartport ce soir.
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