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Article Reporterre "Seules 10 % des propositions ont été reprises par le gouvernement" : https://reporterre.net/Convention-pour-le-climat-seules-10-des-propositions-ont-ete-reprises-par-le-gouvernement
Découvrir la convention citoyenne de co-décision portée par les Décarbonautes : https://www.youtube.com/watch?v=aqJwJHCnp3Y

Pour changer le système :
Réclamer le RIC constituant : https://petitions.assemblee-nationale.fr/initiatives/i-2082
Changer de banque: https://www.lanef.com/ https://change-de-banque.org/particulier/
Passer à l'action militante: https://extinctionrebellion.fr/ https://derniererenovation.fr/
Changer de travail : https://jobs.makesense.org/fr

Source
Dion et Jancovici https://www.youtube.com/watch?v=I9tR6AAOcWo
Macron discours CCC https://www.youtube.com/watch?v=m0F-uslFshA
Musique https://www.youtube.com/watch?v=UJdogwBtZvw

Réponses au quiz de fin :

/!\ Description à ne pas lire avant d'avoir vu la vidéo entièrement
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Quel est le record de mobilisation en ligne en france ?
2,3 millions.

Quels pays utilisent régulièrement des conventions citoyennes ?
Irlande et Islande.

Quelle proportion des 150 propositions de loi ont été reprises sans filtre dans le projet de loi climat ?
10%.

#dion #jancovici #écologie #convention #citoyenne #pourleclimat #ccc #macron #promesse #cyrildion #démocratie #giletjaune #politique #élu #interview #extrait #ethiqueettac
Transcription
00:00 Je vous avais dit, toutes les propositions qui seront abouties et précises seront transmises sans filtre,
00:07 soit au gouvernement pour ce qui relève du domaine réglementaire,
00:11 soit pour ce qui relève de la loi au Parlement ou directement au peuple français.
00:16 Et donc notre échange d'aujourd'hui n'est pas un grand discours,
00:21 sur des principes abstraits, c'est la réponse à laquelle je m'étais engagé
00:26 et le lancement d'un nouveau processus.
00:29 [Musique]
00:37 Alors bien que je sois de très loin le plus âgé des deux,
00:40 on va commencer cet échange par grand-père racontant une histoire,
00:43 le grand-père étant toi, et en l'occurrence, l'idée c'était de faire un retour d'expérience
00:49 sur la Convention citoyenne pour le climat,
00:53 et de voir quels enseignements on peut en tirer sur ce qui marche et marche moins bien
00:59 dans notre système démocratique, on va dire,
01:02 quand il s'agit de prendre en considération des enjeux de long terme.
01:05 Ça fait longtemps qu'il y a des gens qui se grattent la tête,
01:07 les un disent il faudrait faire une chambre haute spécialisé du long terme,
01:10 les autres un vice-premier ministre si j'en étais, etc.
01:12 Bref, en fait on sent bien qu'on tâtonne autour de cette idée,
01:15 qui est d'essayer de s'y prendre un peu autrement.
01:17 Alors la première question que j'aurais, et toute bête, c'est quoi la jeunesse du projet ?
01:21 Comment ce truc-là est né ? À qui il a fallu en parler pour que ça marche ?
01:25 Et j'ai une question incidente qui est, qu'est-ce qui fait que Macron a accepté ?
01:29 Et à ton avis, qu'est-ce que lui pensait que ça allait lui amener comme bénéfice,
01:35 puisque ce genre d'animal accepte rarement quelque chose sans penser que ça va lui amener un bénéfice ?
01:40 – Bonsoir Jean-Marc, bonsoir tout le monde, très content d'être là.
01:46 Écoute, ce truc est né dans la continuité des mobilisations pour le climat
01:51 qui ont commencé en août 2018, quand Nicolas Hulot a démissionné.
01:55 Il y a eu une sorte de succession d'acteurs qui ont commencé à se rejoindre.
02:02 Donc ça a commencé par les Marches pour le climat en septembre.
02:06 Ensuite, il y a eu les jeunes autour de Greta Thunberg, etc.,
02:12 qui ont commencé leur grève pour le climat.
02:15 Puis, à peu près de façon concomitante, il y a eu le démarrage de Extinction Rebellion à Londres,
02:22 et quasiment le même week-end, le démarrage des Gilets jaunes en France.
02:27 Et moi, j'ai fait partie des personnes qui ont essayé de faire se rejoindre ces différentes marches,
02:35 ces différents mouvements de contestation.
02:37 Donc, j'avais écrit une tribune dans l'Ibé au début décembre 2018
02:42 pour rappeler que les Gilets jaunes marchaient avec nous,
02:44 en disant que finalement, le problème qui était la source à la fois du déséquilibre climatique et des inégalités
02:51 se trouvait certainement dans un modèle économique qui considérait que le monde était un vaste gisement de ressources
02:58 et que les humains étaient des variables d'ajustement et pas du vivant avec lequel on a des égards à ajuster,
03:06 comme dirait Baptiste Morisot.
03:10 Et petit à petit, à force, tout ça a fini par construire un rapport de force.
03:15 Le mouvement des Gilets jaunes ayant une composante assez musclée d'action directe
03:21 qui s'est mise à mettre le feu aux flouquettes, ça a commencé à devenir assez tendu.
03:26 Et par-dessus tout ça est arrivé l'affaire du siècle.
03:30 Donc, l'idée d'attaquer l'État en justice pour ne pas avoir fait assez
03:36 pour protéger la population française face aux dangers du changement climatique.
03:40 Et il se trouve que pour l'affaire du siècle, on avait réuni énormément d'acteurs,
03:44 que ce soit des ONG, des personnalités publiques, acteurs, chanteurs, des influenceurs ou youtubeurs,
03:51 je ne sais pas comment il faut les appeler, des mouvements citoyens.
03:55 Et on avait raconté une histoire qui, à mon sens, avait toutes les chances de plaire aux Français,
04:02 puisqu'il s'agissait d'attaquer l'État en justice, de faire la bagarre.
04:08 Et il se trouve qu'on ne s'est pas trompé parce qu'en quelques jours,
04:12 on a atteint un million de signatures pour attaquer l'État en justice,
04:15 et en un mois on était à 2,3 millions, ce qui est toujours le record de mobilisation en ligne en France.
04:23 Du coup, on a invité sur France Inter pour en parler, et on y va, Marion Cotillard et moi,
04:30 puisqu'on était deux figures publiques du truc, on critique la politique d'Emmanuel Macron.
04:35 Quelques jours plus tard, Marion m'appelle et me dit "Est-ce que tu as reçu le texto de Macron ?"
04:40 Je dis non, parce que moi je ne reçois pas tellement de textos de Macron en général dans ma vie,
04:44 mais "Et toi, qu'est-ce que c'est ?"
04:46 Elle me dit "Je ne sais pas, j'ai reçu un texto signé Macron, mais je ne sais pas si c'est le vrai."
04:49 Je dis "T'as quand même plein de copains qui t'écrivent en signant Macron."
04:52 Elle me dit "Détrompe-toi, je pourrais avoir des copains qui peuvent faire ça."
04:56 Donc elle m'envoie le texto, et je lui dis "Non, a priori, je pense que c'est le vrai Macron."
05:00 Donc je lui rédige une petite réponse qu'elle lui envoie.
05:03 Quelques semaines plus tard, il lui propose de venir à l'Élysée pour lui expliquer qu'elle n'a pas bien compris
05:09 que la politique française pour le climat, c'est formidable,
05:12 et qu'il se ferait un plaisir de lui décrire toutes les mesures qui sont prises.
05:16 Donc elle dit "Moi, je ne veux pas y aller toute seule, donc on y va tous les deux."
05:19 Et moi, je m'étais dit "À quoi ça sert ?"
05:22 Ça m'intéressait d'un point de vue anthropologique, on va dire, de rencontrer la bête.
05:28 Ça vous rappelle des souvenirs ?
05:32 Mais au-delà de ça, je me disais "Si c'est juste pour que, voilà, il y ait des photos,
05:38 un singe de main et qu'il se serve de nous pour faire croire qu'il fait quelque chose, ça ne sert à rien."
05:42 Donc on a exigé que la rencontre soit privée.
05:45 Ils ont essayé de nous faire l'envers juste avant, et puis on a menacé de ne pas venir.
05:50 Et finalement, donc c'est resté privé.
05:52 Et j'avais constaté…
05:53 Pardon, juste un élément de compréhension, privé, ça veut dire sans communiquer de presse, sans conseiller ?
05:57 Non, ça veut dire que ce n'est pas inscrit à l'agenda officiel,
06:03 et donc qu'il n'y a pas de photo, et donc qu'il n'y a pas de communication publique
06:07 qui fait le tour de la rencontre.
06:09 C'est totalement officieux.
06:11 Et pendant la rencontre, il démarre comme il fait, c'est-à-dire, bon, il serre la main,
06:19 avec le sourire jusqu'aux dents, il fait de petites références,
06:23 de petites allusions à quand on s'était vus la fois d'avant au Salon du Livre,
06:27 pour créer un truc de familiarité.
06:30 Il commence par dire, j'ai quelques idées sur les territoires, et tout ça.
06:34 Et je dis, si ça ne vous ennuie pas, est-ce qu'on peut prendre 5-10 minutes
06:39 pour faire une sorte de point de la situation, pour qu'on dise où on en est,
06:43 et qu'on essaie de parler sur un terrain commun ?
06:45 Parce que là, si c'est juste pour parler des quelques idées qu'on a sur les territoires,
06:48 je crois que c'est… Enfin, on n'est pas du tout à la hauteur du sujet.
06:51 Et il me dit, oui, bien sûr, très bien.
06:54 Et finalement, j'ai parlé 45 minutes sans m'arrêter, quasiment.
07:00 Et j'avais préparé toute une sorte d'argumentaire.
07:03 D'abord, je lui avais apporté les dernières études qui montraient l'accélération du processus
07:09 et le fait qu'on allait vers une trajectoire de au moins 3-4.
07:14 Je lui avais apporté des rapports qui avaient été produits,
07:17 notamment l'ONU qui, dans son rapport soutenabilité, avait commandé un rapport
07:22 à un cabinet finlandais pour demander si le capitalisme était en mesure
07:26 de nous sortir de là ou pas.
07:28 Et le cabinet finlandais avait dit non, a priori pas dans les temps impartis,
07:31 parce que d'ici 2030, les impératifs de rentabilité financière sont trop à court terme
07:36 et ce n'est pas compatible avec les activités qu'on aurait besoin de développer
07:40 qui, elles, ne sont pas forcément directement rémunératrices,
07:44 en tout cas pas à ce point-là.
07:46 Je lui avais apporté le rapport de BL Évolution, là, qui avait essayé de traduire
07:51 l'objectif de 1,5 degré pour voir ce que ça donnerait dans des mesures
07:56 prises par le gouvernement français.
07:58 Évidemment, il y avait des trucs du style réduire de 50% le nombre de voitures
08:01 en circulation, faire une tombola pour savoir qui peut prendre l'avion,
08:05 passer de 90 kilos de viande à 25.
08:08 Et donc, après avoir empilé ça, je lui ai dit, on est bien d'accord
08:12 que ça, vous ne le ferez jamais.
08:14 Je lui ai dit, je ne le ferai pas, c'était sûr.
08:16 Et puis, vous ne le ferez pas en plus parce que, ça se trouve,
08:18 vous auriez la moitié de la France dans la rue.
08:20 Si vous dites demain, il faut qu'on ait deux fois moins de voitures.
08:22 Et il me dit, oui, on est d'accord, je ne le ferai pas.
08:25 Je lui ai dit, donc, je pense que la seule solution pour y arriver,
08:28 puisque vous ne le ferez pas, que vous avez des forces économiques
08:31 qui, en plus, font pression sur vous, que vous avez l'inertie
08:34 de votre administration, c'est de remettre la chose entre les mains
08:38 des Français, c'est-à-dire de tirer les gens au sort,
08:41 de leur proposer de se saisir du sujet, d'être alimenté par des experts
08:44 qui leur expliquent tous les tenants et les aboutissants,
08:47 de les faire délibérer à ciel ouvert pour que tout le monde puisse
08:50 suivre l'état de leur réflexion et qu'ensuite, le fruit de leur délibération
08:55 et de leur proposition soit soumise à référendum.
08:58 – Tu avais déjà participé à une conférence de citoyens, jamais ?
09:02 – En fait, j'avais été filmer ce qui s'était passé en Islande
09:07 au moment où il y avait eu le krach en 2009-2010
09:10 et où ils avaient réécrit la constitution, ils avaient élu
09:13 un petit panel de citoyens.
09:15 Tout ce processus avait été d'ailleurs jusqu'au bout,
09:20 le seul problème étant qu'il y avait un référendum consultatif
09:23 pour valider la nouvelle constitution qui n'était que consultatif
09:26 et les conservateurs qui étaient au pouvoir ont décidé de le laisser
09:29 consultatif et puis je connaissais bien l'exemple irlandais
09:32 qui avait utilisé des conventions citoyennes pour travailler
09:36 sur le droit à l'avortement et le mariage pour tous,
09:38 qui étaient deux points durs dans la société irlandaise très catholique
09:42 et qui avaient réussi à faire évoluer ces deux points
09:45 grâce à des conventions citoyennes qui avaient été suivies de référendum.
09:49 Et puis j'avais beaucoup échangé avec David van Rijsbroek
09:52 qui a écrit un livre passionnant qui s'appelle "Contre les élections"
09:55 où il fait une sorte de voyage pour regarder quelles sont
09:58 les innovations démocratiques les plus intéressantes
10:01 un peu partout dans le monde.
10:03 Et donc cette idée-là que je lui proposais,
10:06 on l'avait déjà mise dans la presse avec un collectif
10:08 qui s'appelle les Gilets citoyens le 30 janvier en disant
10:11 "le grand débat ça nous paraît pas être l'innovation démocratique du siècle"
10:14 parce que c'est Emmanuel Macron qui va parler pendant des heures
10:18 à des gens dans les villes.
10:20 Je connais un peu parce que j'ai participé à ce genre d'exercice
10:23 donc je vois très bien les limites.
10:25 Oui, d'accord.
10:26 Donc là l'idée c'était vraiment de lui dire,
10:28 et j'ai été très insistant et il m'a fait reformuler,
10:31 il m'a dit "ce que vous me dites c'est que les citoyens
10:34 produisent des choses et directement je les passe au référendum
10:38 sans les modifier".
10:40 Je lui dis "oui c'est ça".
10:42 Je lui dis "d'accord, ok j'ai pigé".
10:44 Et ensuite il nous a dit "donnez-moi huit jours pour voir si on y arrive".
10:50 En fait les dix jours sont devenus deux mois.
10:52 Et puis finalement c'est lui qui a remis le truc sur le tapis
10:55 a priori contre l'avis de son administration
10:57 et qui a décidé de le faire.
10:59 Je pense que le bénéfice qu'il pensait en tirer
11:02 c'était, et c'est un peu ce que j'avais aussi demandé,
11:05 c'est-à-dire que je lui avais fait miroiter le fait
11:08 qu'il avait eu une occasion historique d'être un vrai leader
11:10 qui rentre dans l'histoire,
11:12 qui fait quelque chose à la fois sur le plan climatique
11:14 et démocratique qui n'a jamais été fait
11:16 dans aucun endroit du monde.
11:18 Et donc ce genre de personnage aime bien aussi
11:21 ce type de perspective,
11:24 de faire quelque chose qui rentre dans l'histoire.
11:26 Mais je crois aussi qu'il n'avait pas mesuré
11:28 à quel point les citoyens allaient pousser loin l'exercice,
11:32 à quel point leur proposition serait ambitieuse,
11:34 à quel point ça ferait réagir dans la société,
11:36 et à quel point il allait se retrouver tenu,
11:41 même si au final il a fait ce qu'il a voulu,
11:43 mais tenu un peu par sa parole, en tout cas dans les médias,
11:46 c'est-à-dire qu'on lui en demanderait des comptes.
11:49 Et c'est d'ailleurs pour ça qu'on a,
11:51 et que c'était un de mes rôles de garant
11:53 d'être extrêmement tenace sur cette idée du sans-filtre,
11:59 parce que comme c'est un processus
12:01 qui n'est pas institutionnalisé,
12:03 ultimement c'est vraiment le président de la République
12:05 qui a le dernier mot,
12:06 donc il n'y a que lui qui pouvait nous assurer
12:09 qu'on irait jusqu'au bout.
12:11 Donc cette idée du sans-filtre servait à ça,
12:14 elle servait à ce que les mesures
12:16 qui allaient être élaborées par les citoyens
12:18 ne repassent pas par la moulinette
12:20 et de l'administration et des lobbies,
12:22 en réalité ça s'est quand même fait,
12:24 mais on a réussi à ce que ça existe,
12:30 on a réussi à le faire à peu près comme on voulait le faire,
12:33 c'est-à-dire qu'on a réussi à faire travailler les citoyens
12:36 vraiment dans de très bonnes conditions,
12:38 et pour moi on a réussi à faire la démonstration
12:41 que quand on propose à des citoyens
12:44 qui n'ont pas d'intérêt particulier au premier chef,
12:49 c'est-à-dire qu'ils n'ont pas d'intérêt électoral,
12:51 ils n'ont pas d'intérêt économique dans cette affaire,
12:54 qu'on leur donne vraiment les éléments
12:56 pour se faire une idée,
12:58 qu'on leur propose de se mettre au service de l'intérêt général,
13:00 non seulement ils font du bon travail,
13:02 vraiment un travail de bonne qualité,
13:04 mais en plus un travail et des propositions
13:07 qui vont beaucoup plus loin que ce que les élus
13:09 ont fait ces 20 ou ces 30 dernières années.
13:12 J'en ai parlé longuement,
13:14 puisque j'ai interviewé pour un autre truc
13:16 que je fais pour Arte,
13:17 une femme qui s'appelle Hélène Landemore
13:19 qui est professeure à Yale aux États-Unis,
13:21 qui est professeure de sciences politiques
13:23 et donc particulièrement spécialiste de la démocratie
13:26 et des innovations démocratiques,
13:27 qui a suivi la Convention citoyenne de A à Z,
13:30 qui a même organisé ensuite un congrès
13:32 avec des spécialistes du monde entier sur la question,
13:34 parce qu'elle, elle trouve que c'est effectivement
13:36 une innovation démocratique majeure,
13:39 enfin passionnante,
13:40 qui évidemment n'a pas pu aller à son terme,
13:42 mais qui en tout cas porte en lui les germes
13:44 de quelque chose qui mériterait d'être reproduit.
13:47 Et elle me disait, vraiment,
13:50 pour moi, c'est une des voies
13:53 qui nous permettrait d'être véritablement en démocratie.
13:57 C'est-à-dire que ce qu'elle disait,
13:59 et j'insiste bien sur le fait
14:01 qu'elle enseigne à Yale,
14:02 qu'elle enseigne des sciences politiques,
14:03 que ce n'est pas du tout une radicale,
14:05 que c'est quelqu'un qui est même dans un milieu
14:07 relativement bourgeois, etc.,
14:08 mais qui s'appuie sur les recherches
14:10 les plus récentes,
14:11 notamment cette fameuse étude de Martin Engels,
14:14 de 2014,
14:15 qui a été publiée chez Oxford, Princeton, etc.,
14:18 qui montre bien que dans nos sociétés occidentales,
14:21 en réalité, on est plutôt dans des formes
14:25 d'oligarchie ou de plutocratie,
14:27 c'est-à-dire dans des systèmes
14:29 où les 10 % les plus riches
14:32 ont une influence démesurée
14:34 sur les décisions publiques.
14:36 Et donc, cette fameuse étude de Martin Engels,
14:39 en fait, ils ont étudié plus de 2000 décisions publiques
14:42 sur 15 ou 20 ans aux États-Unis,
14:44 en essayant justement de se faire une idée
14:47 des éléments moteurs
14:50 qui avaient le plus d'influence dans la société.
14:53 Et pour eux, c'était absolument sans équivoque,
14:55 c'est-à-dire que pour 80 % des décisions publiques,
14:58 c'était majoritairement l'élite économique,
15:01 les plus grandes entreprises
15:03 ou les personnes qui ont la surface financière
15:06 la plus importante
15:07 qui ont influencé ces décisions-là.
15:10 La population elle-même est relativement réduite
15:13 à voter tous les 5 ans,
15:16 tous les 6 ans, tous les 4 ans aux États-Unis,
15:19 et dans l'intervalle, à relativement peu de poids,
15:22 à relativement peu d'initiatives
15:25 pour pouvoir ou proposer des lois
15:28 ou des avancées,
15:30 ou s'opposer à un certain nombre de dispositions.
15:33 Aller dans la rue, faire des pétitions,
15:36 mais tout ça, on voit bien que ça a de moins en moins d'impact.
15:39 Et donc là, quand je parlais avec elle,
15:41 et je finirai avec ça, ce qui était très intéressant,
15:43 c'est que je lui posais la question,
15:44 en tant que spécialiste de la démocratie,
15:46 pour toi, qu'est-ce qui pose problème
15:49 par rapport à la question climatique ?
15:51 Pourquoi nos démocraties n'arrivent pas
15:53 à gérer la question climatique
15:55 de façon beaucoup plus puissante ?
15:57 Et elle me dit, le problème,
15:59 c'est que nous ne vivons pas vraiment dans des démocraties.
16:02 Le pouvoir du peuple par le peuple pour le peuple,
16:05 ce n'est pas vraiment ça pour le moment.
16:07 Et donc, on se heurte effectivement
16:09 à des intérêts économiques qui n'ont pas forcément,
16:12 à court terme en tout cas,
16:14 envie que des modifications aussi radicales aient lieu.
16:18 Et c'est clairement ce qui nous est arrivé
16:20 avec la Convention citoyenne.
16:21 Le lien avec le projet de loi, il a existé.
16:24 C'est-à-dire, les citoyens ont directement discuté
16:27 avec des gens qui ont fait le projet de loi,
16:29 ou bien il n'y a pas eu de contact direct.
16:32 Et donc, le projet de loi s'est inspiré de la copie
16:34 rendue par les citoyens, mais sans discussion.
16:37 Si, il y a un certain nombre de citoyens
16:39 qui ont été conviés par le ministère
16:41 de la Transition écologique particulièrement
16:43 à faire des débats avec les entreprises concernées, etc.
16:48 Et puis, ils ont été auditionnés par le Sénat et l'Assemblée,
16:52 certains d'entre eux.
16:53 Mais ça, j'ai envie de te dire,
16:55 ce n'était pas dans le contrat.
16:57 C'est-à-dire que théoriquement,
17:00 non mais c'était même un problème.
17:02 C'est-à-dire que théoriquement,
17:04 les citoyens avaient déjà discuté avec tous ces gens,
17:08 ou en tout cas, une partie d'entre eux.
17:10 À partir de ces discussions, avaient fait des propositions
17:13 et ces propositions étaient suffisamment bien formulées
17:16 pour pouvoir aller directement à l'Assemblée ou au référendum.
17:20 Donc, être tranché en gros par la représentation populaire
17:24 ou par le peuple français directement.
17:26 Faire ce qui a été fait, c'est-à-dire,
17:29 les remettre dans le chaudron.
17:30 Et très souvent, ils se sont retrouvés en minorité
17:33 face à un certain nombre de patrons d'entreprises
17:36 qui leur disaient non mais c'est n'importe quoi votre truc,
17:39 c'est inapplicable, ça va créer tant de chômeurs.
17:41 Ça les a mis dans une position extrêmement inconfortable.
17:44 En plus, souvent, ils étaient un petit groupe séparé
17:47 du reste des 150.
17:48 Or, les décisions avaient été prises par les 150.
17:50 Donc, de toute façon, ils ne pouvaient pas revenir dessus.
17:53 Je veux dire, le vote avait déjà été fait
17:55 et ils n'avaient pas de légitimité pour revenir dessus.
17:57 Et donc, ça a été une façon de leur faire un peu avaler la pilule
18:01 du détricotage d'un certain nombre de leurs propositions
18:04 par l'influence des intérêts privés et arriver à ce projet de loi
18:10 qui est effectivement inspiré de leurs 149 propositions,
18:14 mais qui en a écarté une bonne partie,
18:17 qui en a minimisé la plus grande partie
18:20 et qui, du coup, a un impact infiniment moindre
18:23 que ce qui était leur travail initial.
18:26 J'ai deux questions.
18:28 La première, c'est est-ce que sur les 149 propositions,
18:31 ils étaient convaincus que c'était la chose à faire
18:34 ou ils étaient convaincus que c'était une proposition à discuter ?
18:37 Je ne pense pas qu'ils étaient convaincus que c'était la seule chose à faire.
18:43 En revanche, ils ont vraiment essayé de construire un projet qui se tenait.
18:48 C'est-à-dire qu'ils avaient six groupes de travail
18:51 qui étaient sur les sujets majeurs des différents tenants
18:56 et aboutissants du problème climatique.
18:59 Ils ont vraiment réfléchi les choses de façon transversale
19:01 pour qu'elles se répondent et ils ont voulu faire en sorte
19:04 que tout ça fasse un ensemble cohérent,
19:06 qui était vraiment pensé pour être une transformation de société.
19:10 Donc, ils étaient tout à fait prêts à soumettre ça,
19:15 c'est-à-dire qu'ils étaient tout à fait prêts à ce que les députés
19:18 fassent des amendements, à ce qu'il y ait un référendum
19:23 et éventuellement un choix multiple et que les Français puissent décider.
19:26 Ils n'avaient pas l'impression d'avoir écrit le texte sacré.
19:30 Mais en revanche, ils avaient l'impression que tout ça se tenait
19:33 et que ce n'était pas non plus le supermarché.
19:36 Ce n'était pas à la classe.
19:37 Parce qu'une des questions que je me suis posée,
19:40 c'est de savoir si Macron ne s'est pas mis dans un corner
19:42 avec son idée de reprendre sans filtre.
19:44 Dit autrement, quand des gens travaillent,
19:46 il me semble que le minimum qu'on leur doit,
19:48 c'est d'avoir en face des gens qui suivent,
19:51 qui suivent l'évolution des travaux sans nécessairement intervenir,
19:55 mais qui sont capables de comprendre ce qui est en train de se passer,
19:58 qui ne découvrent pas le truc juste à la fin avec soit un mouvement
20:01 d'effroi, soit un applaudissement des quatre mains,
20:05 et qui aient justement une capacité de discussion derrière,
20:08 mais dans un esprit constructif.
20:11 Or là, j'imagine que lui, il n'a absolument pas suivi les travaux
20:14 pendant les travaux.
20:15 Je ne sais pas s'il avait un émissaire qui était chargé de le faire,
20:18 ou plutôt une bande d'émissaires, parce que pour tout suivre,
20:20 il faut plutôt une bande qui était chargée de le suivre en temps réel,
20:23 de telle sorte qu'à la fin, j'ai l'impression qu'il s'est retrouvé
20:25 un peu comme une poule devant un couteau,
20:27 qu'il avait un objet qu'il n'avait pas bien vu arriver,
20:30 et donc qu'il ne savait pas trop quoi faire.
20:32 Ça, c'est sûr.
20:33 Et d'ailleurs, une partie de ses conseillers
20:35 était assez affolée de cette promesse du sans filtre,
20:39 qu'ils trouvaient être une promesse exorbitante,
20:41 qui de toute façon ne pouvait pas être tenue.
20:43 Et c'est un problème, d'ailleurs.
20:45 Nous-mêmes, on a quand même beaucoup œuvré
20:47 pour qu'ils prennent cet engagement-là encore une fois,
20:49 parce qu'on n'avait rien d'autre dans la main,
20:52 c'était notre seul levier.
20:54 Mais pour autant, le fait d'avoir promis quelque chose
20:57 qu'ils ne pouvaient pas tenir, et a priori,
20:59 si Di Paio le savait dès le départ,
21:01 c'est encore un coup de couteau dans le contrat démocratique
21:04 avec les Français.
21:06 C'est encore une fois de plus où on se dit,
21:09 bon ben voilà, leur parole ne vaut rien.
21:11 Donc ça, c'est quand même un sujet.
21:13 Et quant à savoir s'il y avait des gens qui suivaient,
21:15 oui, particulièrement au ministère de la Transition écologique,
21:18 mais pour autant, une fois, d'ailleurs,
21:23 il y avait une, Ophélie, qui était membre du comité de gouvernance,
21:28 qui était dans le…
21:29 – Que je connais, oui.
21:31 – Pour autant, quand ils ont vu arriver les 149 propositions,
21:36 oui, ça a été un sacré test.
21:38 – Si c'était à refaire aujourd'hui,
21:40 qu'est-ce que tu dirais, notre cher président,
21:43 en termes de moyens que l'État aurait dû mettre
21:46 pour que la courroie de transmission se passe mieux ?
21:49 Est-ce que tu lui aurais dit, je veux voir trois personnes de Bercy,
21:51 trois personnes du ministère de l'Agriculture, etc.
21:54 et je veux qu'ils soient dans les bicycles tous les jours,
21:56 à suivre les discussions ?
21:57 Qu'est-ce que tu demanderais que tu n'as pas pensé à demander à l'époque ?
22:00 Lecture faite.
22:02 – En fait, une chose qu'on aurait pu faire,
22:04 qui a été faite en Irlande pour la première des conventions citoyennes,
22:09 c'est une sorte de mix.
22:11 Il y avait 100 personnes, dont 33 députés, 66 citoyens,
22:19 et un chairman, un président.
22:23 Et comme nous le disait Hélène Landemore,
22:27 cette spécialiste de la démocratie à Yale,
22:30 je fais comme à la radio, c'est pour les gens qui sont arrivés en cours,
22:32 je le redis.
22:33 [Rires]
22:37 Ce n'est pas idéal en termes de processus démocratique,
22:39 c'est mieux que ça ne soit que des citoyens,
22:41 mais dans un premier temps,
22:43 quand c'est un processus qui n'existe pas,
22:46 ça crée de la confiance,
22:48 et ça crée quelque chose qui, justement,
22:51 n'a pas hyper bien fonctionné là,
22:53 c'est-à-dire qu'il y a plein de députés qui se sont sentis,
22:57 en gros, un peu agressés, en disant "non mais attends, c'est notre rôle,
23:00 c'est à nous de faire la loi,
23:01 ces citoyens n'ont aucune légitimité,
23:03 qu'est-ce que c'est que ça, le tirage au sort, blablabla".
23:05 Donc là, le fait de les faire travailler ensemble,
23:07 ça prépare le terrain,
23:08 et ça veut dire qu'une fois que les propositions sont faites,
23:11 il y a déjà des députés qui les ont,
23:13 et donc potentiellement ça va directement au Parlement,
23:16 sans, encore une fois, repasser par ce filtre.
23:18 Je pense que c'est une chose qui mériterait d'être essayée,
23:22 et qui créerait du lien.
23:24 Une autre chose, c'est,
23:26 je pense que si je devais reparler au Président,
23:30 je lui dirais "ne faites pas de promesses que vous ne pouvez pas tenir".
23:33 C'est pire.
23:35 C'est vraiment...
23:38 Ça n'a pas un petit côté Rochers-de-Silves, ça ?
23:42 Non, c'est un côté.
23:45 Je sais que vous n'y arriverez jamais,
23:47 mais quand même, il faut essayer.
23:49 C'est vrai, c'est-à-dire que, d'une certaine manière,
23:52 il vaut mieux avoir un engagement un tout petit peu moins important,
23:55 mais le tenir,
23:57 et que tout le monde puisse se rendre compte qu'il a été tenu.
24:00 Parce que ça, en fait, ça crée un socle de confiance
24:03 qui permet, dans un système démocratique,
24:06 éventuellement, d'avancer et de faire une étape, ensuite,
24:09 avec quelque chose de plus ambitieux.
24:11 Là, c'est mi-figue, mi-raisin,
24:13 parce qu'encore une fois, on a fait la démonstration
24:15 de quelque chose de vraiment super.
24:17 Mais pour toute une partie des gens, en fait,
24:19 c'est juste la manifestation de plus que...
24:22 que les politiques sont des escrocs,
24:24 qu'ils ne tiennent jamais leur parole,
24:26 que de toute façon, on le savait bien.
24:28 Et ce n'est pas génial.
24:30 Dans un monde où le populisme a tendance à exploser,
24:34 où la démocratie est de plus en plus faible,
24:36 ce n'est pas super.
24:38 (Musique)
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24:56 (Musique)
25:02 (Musique)
25:08 (Musique)
25:15 [Bruit de tambour]

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